Archives de catégorie : Culture/Procrastination

Le Discours, de Fabrice Caro

Court roman français. Adrien participe à un dîner de famille chez ses parents. Il a envoyé avant d’arriver un texto sans réponse à sa copine avec qui ils sont « en pause », et au début du repas, le copain de sa sœur lui demande de faire un discours pour le mariage. On suit le discours intérieur d’Adrien tout au long du repas, alors que l’absence de réponse de Sonia et l’absurdité de la vie humaine le dépriment de plus en plus, qu’il se remémore sa relation, et qu’il imagine différentes amorces de discours tout en tentant de suivre la conversation autour de la table.

Ça se lit très vite et c’est exactement dans la même veine que toutes les BDs de Fabcaro, avec la tendance des personnages à prendre tout sur le mauvais niveau de lecture et à faire de grands non-sequitur.

Éloge de la Plante, de Francis Hallé

Essai de botanique. Francis Hallé détaille les grandes lignes du fonctionnement des plantes, et surtout les différences entre les fonctionnements animaux et végétaux. Il déplore que la botanique et la biologie plus largement souffrent d’un certain zoocentrisme de la part des chercheurs, conduisant à vouloir calquer certains mécanismes végétaux sur ce qui a été étudié plus en détail chez les animaux, et à considérer que les animaux font mieux/sont plus évolués/plus adaptés.

Au contraire, pour lui la vie végétale montre une inventivité et une variabilité incroyable pour s’adapter aux conditions environnementales, là où les animaux se contentent de se déplacer. De façon générale, il base son livre sur plusieurs dichotomies fondamentales entre animaux et végétaux :

  • La vie fixée vs la vie mobile. La plante reste sur place, se déploie dans l’espace pour exploiter une énergie ubiquiste mais faible (le rayonnement solaire), les animaux se déplacent et vont acquérir d’un seul coup de l’énergie concentrée.
  • Le niveau auquel on définit un individu. Pour lui considérer l’arbre comme un individu est un zoocentrisme : l’arbre est potentiellement immortel, son génome n’est pas unitaire, il y a potentielle compétition interne, différentes lignées de méristèmes assurent une réitération et une reproduction : Les plantes peuvent être considérées comme des êtres coloniaires que comme des individus. Il fait d’ailleurs des comparaisons intéressantes avec les coraux (formes de vies animales coloniaires et fixées), les insectes sociaux et les cristaux (pour la réitération de la structure à partir d’unités simples au vu de certaines contraintes extérieures)

C’était fort intéressant (et très bien vulgarisé, c’est lisible sans bases en biologie, tout est réexpliqué), je ne suis pas toujours fan de son style d’écriture, mais les idées développées sont super intéressantes.

They Live, de John Carpenter

Film de science-fiction de 1988. Un ouvrier acquiert par hasard des lunettes lui permettant de voir la propagande dissimulée dans la publicité et les extraterrestres dissimulés parmi la classe dominante.

C’était un film emblématique des années 80s que je voulais voir depuis longtemps. Superbe intro, super musique. Une scène de bagarre incroyable. Un sous-texte (enfin un surtexte, il est très peu subtil) de lutte des classes. Un personnage féminin intéressant. Par contre clairement trop de flingues et de tentatives de régler les problèmes avec.

Je recommande, c’est un truc à avoir vu.

The Dispossessed, d’Ursula K. Le Guin

Roman de science-fiction de 1974. L’autrice expose le fonctionnement d’une société anarchiste via le point de vue d’un de ses membres, Shevek, un physicien frustré par certain des immobilismes de son monde. Il rentre en contact avec le monde jumeau et capitaliste pour des échanges scientifiques, et les contrastes entre les deux mondes permettent de mettre en lumière ce qui fonctionne ou non dans le monde anar. C’est essentiellement de la socio-fiction. Le fonctionnement du monde est très intéressant. Le Guin montre aussi qu’il ne suffit pas de décréter qu’un monde est anarchiste et d’avoir fait la Révolution à un moment dans le passé pour que tout ce passe bien : les organisations et hiérarchie, même informelles, ont tendance à se réétablir si on ne continue pas à les combattre. La révolution est un mouvement, pas un événement.

Très bon roman, super original, il est cependant dommage d’avoir uniquement le point de vue de Shevek, qui se révèle excellent penseur de l’anarchisme en plus de physicien de génie : ça fait quand même retour en force du Grand Homme ; alors que tout le livre dénonce ça par ailleurs.

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La Terre et le Sang, de Julien Leclercq

Film d’action sorti par Netflix ce mois-ci. Le butin en cocaïne du braquage d’une gendarmerie est confié par un des braqueurs à son frère réticent, qui le planque dans la scierie où il est en réinsertion. Le commanditaire du braquage débarque avec son gang à la scierie pour récupérer la drogue.

Le film dure 1h20, c’est bien, je trouve qu’on fait trop peu de films concis ces temps-ci. J’ai trouvé les images très belles. La scène d’ouverture dans la voiture sous la pluie est très réussie. Les plans sur le travail à la scierie avant que l’action ne débarque sont super aussi. De façon générale le lieu est très bien filmé, c’est cool d’avoir ce genre d’endroits rarement filmés à l’écran.
Par contre je trouve que ce n’est pas très bien joué, surtout au début ; une fois que la tension prend il n’y a plus trop de dialogue, et c’est surtout ça qui péchait. Le seul rôle féminin ne sert pas à grand chose, ça c’est dommage. Un point scénaristiquement intéressant c’est que les dealeurs tentent par deux fois de négocier la situation, c’est le patron de la scierie qui choisit de régler la situation par la violence. Mais à part ce point, les personnages de dealeurs sont assez clichés.

Globalement, plein d’éléments intéressants, mais il manque un truc pour que le film prenne vraiment.

Frostpunk, de 11 bit studios

Jeu de gestion de ressources à l’échelle d’une ville. Le monde connaît un âge glaciaire imprévu à l’époque victorienne. L’Angleterre décide d’établir des cités colonies au pôle Nord, ou les écosystèmes sont a priori déjà adaptés, dans l’espoir de réussir à préserver la civilisation. On joue une de ces colonies, qui doit s’organiser pour maintenir à tout prix le générateur au charbon en son centre en état de fonctionner, alors que les températures baissent de plus en plus. On développe un arbre des technologies, on peut explorer le monde autour de nous, accueillir des réfugiés, étendre la ville, exploiter le charbon et le bois autour de nous, construire des bâtiments spécifiques permettant de débloquer de nouvelles capacités…

Ce qui est intéressant c’est que c’est du développement dans un contexte où on sait que ça va mal se passer, l’objectif est que ça se passe le moins mal. La façon dont les créateurs ont développé leurs scénarios (parce que c’est pas comme SimCity un truc paisible, on a des événements qui se passent qui influent sur notre ville et nos capacités) est assez intéressante (Cet article en parle bien, avec logiquement des spoilers), et l’idée de devoir naviguer un chemin étroit entre faire des sacrifices pour survivre et devenir des connards égoïstes. Et sans surprise j’aime beaucoup l’esthétique steampunk du jeu.

Je recommande, si la gestion de ressource c’est votre truc de base.

Little Inferno, de Tomorrow Corporation

Un jeu par le même studio indépendant que World of Goo, 7 Billion Humans et Human Resources Machine. C’est assez court – je l’ai fait en 4h – et basique : on est devant une cheminée, on peut brûler des objets pour récolter des pièces et acheter plus d’objets. Si on fait des combos prédéfinis, on peut récolter des timbres, accélérant la livraison des objets. Ce qui est intéressant c’est l’histoire autour :

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Under the Skin, de Jonathan Glazer

Assez contemplatif. C’est un film de science-fiction mais assez low-key. Une créature qui à l’apparence d’une femme parcourt les rues de Glasgow et les routes d’Écosse dans un van, drague des hommes et les capture. Au bout d’un moment elle dévie de son pattern. C’est filmé avec lenteur, c’est assez joli, par contre je trouve la symbolique de la femme à la fois prédatrice et sans agency propre assez nulle.

Le Profil de Jean Melville, de Robin Cousin

Bande dessinée lisible en ligne le temps du confinement. Une agence de détective se voit confier par une multinationale style GAFA une enquête sur des sabotages de câbles sous-marins. Le privé sur l’enquête creuse les pistes et trouve une affaire bien plus complexe que ce dont elle avait l’air à la base. Assez intéressant dans ce que ça raconte : ça parle bien sûr de la mainmise des multinationales des données sur nos vies, de ce que facilite la collecte de données mais aussi de ce qu’on y perd, de l’intérêt des logiciels ouverts par rapport aux logiciels privatifs, du rapport à la mémoire. Je recommande.