Ouvrage collectif analysant les processus de gentrification à l’oeuvre dans différents quartiers en Europe. L’ouvrage mélange des analyses sociologiques et géographiques, pour défendre la thèse qu’on peut difficilement parler de LA gentrification : le processus, même s’il garde sa caractéristique centrale de l’installation dans un quartier de population avec un capital (financier, culturel) plus important que les populations déjà en place, est très divers.
Il peut être initié par des politiques publiques (qui le voient comme un instrument de renouvellement urbain), par différents acteurs privés (cadres sup, artistes, agents immobiliers), être encouragé ou rejeté par les populations déjà présente, aller jusqu’à son terme ou s’arrêter en chemin… Il touche différemment les îlots d’un même quartier, les immeubles d’un îlot selon leur position, les appartements d’un immeuble selon leur hauteur.
Un peu frustrant dans la diversité qu’il propose et l’exposition de situations locales par rapport à un ouvrage qui proposerait des lois générales applicables partout, mais c’est précisément sa thèse…
Archives de catégorie : Arbres morts ou encre électronique
Bastard Battle, de Céline Minard
Un court roman écrit en français moyenâgeux (ou pseudo-moyenâgeux ? Je saurai pas dire) qui raconte comment en 1437, un seigneur (le Bastard du titre) terrorise la Lorraine et la Champagne en pillant le pays. Établi à Chaumont, il s’en fait chasser par une bande improbable de sept héros dont deux débarqués on ne sait comment d’Asie, une bande de sept samouraïs qui vont organiser la défense de la ville en autogestion.
Ça se lit vite, c’est intéressant mais je ne suis pas tombé à la renverse non plus.
Chew, de John Layman et Rob Guillory
Série de comics en 12 tomes. Suite à une pandémie de grippe aviaire, le poulet a été déclaré illégal, et la FDA est devenu l’agence fédérale la plus puissante des USA. Elle enquête sur tout les crimes liés à la nourriture, qui sont légions dans un monde où certaines personnes, comme le héros de la série, ont des super-pouvoirs liés à la nourriture. Tony Chu, le héros, est cibopathe : il peut voir le passé de ce qu’il consomme, faculté relativement utile quand on est enquêteur – si vos collègues acceptent de vous voir mordre à belles dents dans les cadavres.
La série est assez barrée, avec des questions d’influence extraterrestres, des sectes millénaristes, un marché noir du poulet, un coq de combat surpuissant, des superpouvoirs absurdes… Le dessin est sympa aussi, assez cartoonesque par moment, on sent que les auteurs se sont faits plaisir avec cette série (notamment toutes les doubles pages « Poyo vs… » sont géniales). Ca ne renouvelle pas profondément le genre, mais j’ai passé un bon moment en lisant les 12 tomes (même si pas totalement convaincu par la fin).
Sovok, de Cédric Ferrand
Uchronie qui se passe dans une Russie post-URSS alternative. On suit la vie quotidienne de trois urgentistes travaillant pour Blijnni, une compagnie d’ambulances sous contrat avec le secteur public. Tout fonctionne au backchich, la rumeur dit que le Président du pays s’est enfui à l’étranger, les coupures d’électricité sont quotidiennes à Moscou, la police politique est partout. Et une nouvelle compagnie, européenne, profite de l’ouverture du pays pour concurrencer Blijnni sur sa mission.
C’est assez cool. Le livre n’expose pas de grands concepts, c’est juste la vie des trois urgentistes lors de leur service, avec une société déliquescente et de petites touches d’uchronies – pas trop mises en avant, juste en toile de fond – comme contexte.
Bâtir aussi, des Ateliers de l’Antémonde
Uchronie anarchiste. En 2011, le mouvement des printemps arabes gagne de l’ampleur et gagne l’Europe. Après une période de révolution assez dure et une transition subséquente assez violente en raison de l’effondrement brutal des circuits d’approvisionnements mondialisés et de la société capitaliste, l’Europe reprend le cours de sa vie. On découvre à travers 6 nouvelles la vie et les opinions d’habitant.e.s de cette nouvelle société, où la vie ne va pas de soi : la gestion de l’héritage de l’Antémonde (villes, pollutions, ressources, schémas mentaux) est délicate, et les questions d’organisation et d’articulation des collectifs omniprésentes. Le livre est parfois un peu didactique (surtout la première nouvelle, où certains extraits de dialogue font vraiment exposés de positions politiques décalquées d’un tract), mais globalement il est intéressant dans le fait qu’il montre le débat permanent qu’un tel monde demanderait, les différentes personnes et collectifs ayant des visions et des envies différentes, qu’il s’agit d’arbitrer sans autorité centrale. Ça parle réparation de lave-linge, manufacture de bicyclette, collectivisation des tâches pénibles, lutte contre le sexisme, collectifs lesbiens en non-mixité…
Je recommande.
Sorcières, la puissance invaincue des femmes, de Mona Chollet.
Essai qui parle des chasses aux sorcières de la Renaissance, de la figure de la sorcière dans la culture générale, et partant de là explore les questions de la place des femmes âgées dans la société et des médias, des femmes indépendantes, du mariage et de la maternité comme institution, et globalement de la place laissée aux femmes dans la société et de la pression mise sur elles pour qu’elles soient dépendantes de pouvoirs extérieurs plutôt que de pouvoir décider de leurs vies par elles-mêmes.
Comme toujours chez Mona Chollet c’est fort intéressant même si parfois j’aimerai une structure d’essai plus classique avec des thèses bien énoncées et des petites conclusions partielles, c’est mon côté scolaire.
Gun Machine, de Warren Ellis
Un roman policier se déroulant à NY. En répondant à un appel, un détective voit son partenaire tué et découvre un appartement rempli d’armes à feu. S’ensuit une enquête pour découvrir d’où viennent les armes, les premiers résultats ramenant beaucoup plus de questions que de réponses.
C’est un roman policier moderne relativement classique. J’ai bien aimé l’écriture et les personnages, ça se lit bien et c’est bien executé, après c’est pas un roman qui apporte quelque chose d’inédit pour autant.
Pax Germanica, de Nicolas Le Breton
Uchronie steampunk en deux tomes. Sous le règne de Napoléon III, les prototypes d’aérostat d’Henri Giffard sont soutenus par le pouvoir. La technologie se développe et prend de l’ampleur dans l’ensemble de l’Occident et même au-delà, bouleversant le développement technique et notamment des transports.
Dans cet univers, l’histoire commence en 1912. L’introduction d’éléments surnaturels permettant à la fois de réanimer des cadavres et d’alimenter des dirigeables avec une puissance supérieure à tout ce qui était possible jusqu’alors pousse l’ancien préfet de Paris Louis Lépine à se lancer dans une aventure rocambolesque autour du monde…
Globalement, j’ai bien aimé l’univers technologique du livre. Le côté « Empire coloniaux sous stéroïde steampunk » donne un univers intéressant, des extraits de divers documents en début de chapitre permettent d’avoir une vue plus large du monde (c’est un procédé que je trouve toujours intéressant dans les uchronies) et l’auteur trippe avec et décrit bien tous les différents aérostats qu’il met en scène et le monde qui en découle, avec des classes supérieures qui ne se déplacent que par les airs, un abandon des bateaux, des enjeux politiques de contrôle des sources d’énergie et des gaz de remplissage des ballons…
Mais par contre le premier tome se concentre sur une intrigue surnaturelle qui m’a laissé un peu froid : énergie mystique, cité de Shangri-La, exotisme un peu de pacotille avec l’Himalaya… et les enjeux géopolitiques sont un peu simplistes avec une gentille France universaliste qui rassemble des savants dans une société futuriste et une Allemagne très méchante et belliciste, appuyée sur une société de Thulé qui exploite à fond les Arts Occultes… Ça se lit bien, hein, mais c’est quand même assez réducteur. Les personnages principaux sont intéressants, même si le héros principal, Louis Lépine, est un peu trop gimmickesque (mais les personnages autour de lui sont intéressants et variés, les méchants par contre sont assez unidimensionnels).
Le début du deuxième tome par contre est beaucoup mieux : on a lâché l’histoire un peu brouillonne du premier pour se concentrer beaucoup plus sur le côté uchronique intéressant ; suite aux événements du premier tome, la Triplice a gagné la Première Guerre Mondiale et dispose d’une supériorité technologique incontestable. L’aérostatisme a été décrétée réservée à la noblesse, un roi de France fantoche a été rétabli, républicains et bonapartistes forment une alliance malaisée pour se lancer dans la Résistance. La Révolution Russe a échoué au profit des Romanovs, les communistes sont donc aussi dans la Résistance à l’échelle mondiale, qui s’appuie notamment beaucoup sur les colonies des anciennes métropoles vassalisées… Mais l’auteur en revient à son surnaturel à la moitié du tome, et nous rajoute une intrigue amoureuse et sexuelle dont on n’a pas grand chose à faire.
Bref, l’uchronie, les intrigues géopolitiques, le monde et ses descriptions sont sympa, le surnaturel et l’histoire proprement dite étaient un peu relous. C’est le genre de livre où je vois assez nettement ce que j’aurais modifié pour en faire un livre vraiment très sympa, du coup c’est un peu frustrant de voir qu’il ne réalise pas son plein potentiel.
Boulots de merde !, d’Olivier Cyran et Julien Brygo
La thèse du livre est une extension du concept de bullshit jobs de David Graeber. Pour les auteurs, d’une part Graeber se focalise trop sur la catégorie des emplois de bureau, et d’autre part, à l’importation de sa pensée en France, ce qui a été mis en avant c’est le côté « boulot vide de sens au quotidien dans lequel son porteur se fait chier ». Du coup on parle d’employé.e.s de bureau avec rien à faire de leurs journées : certes c’est triste pour elleux, mais s’els le font avec un salaire décent et dans des conditions qui n’attente pas à leur santé, y’a pire, c’est limite un problème de riches. Boulots de merde ! recentre donc la réflexion sur deux points différents : les boulots merdiques à vivre parce qu’ils se font dans des conditions atroces (femmes de ménage, hotesse d’accueil…) et les boulots avec une utilité sociale nulle voire négative (expert en optimisation fiscale), voire les deux (sous-traitants privés chargés de chasser les migrants à la frontière franco-anglaise). Ils détaillent le précariat, les joies de l’auto-entreprenariat, la dégradation des conditions via les sous-traitances en cascade, le délabrement progressif de certains secteurs (les postiers notamment) avec l’imposition du lean management.
Les témoignages sont intéressants et globalement je suis content d’avoir lu le livre, mais une approche un peu plus sociologique aurait été bienvenue. Et je suis pas ultra fan du style d’écriture des auteurs, mais ça c’est assez disjoint du propos.
Three Moments of an Explosion, de China Miéville
Recueil de nouvelles de China Miéville. Toutes sont plaisantes à lire, mais elles ne sont pas toutes aussi percutantes (y’en a dans lesquelles il ne se passe pas grand chose). J’ai beaucoup aimé The Dowager of bees (les possibilités de fanfictions sont infinies !), Design et Polynia, ainsi que plusieurs autres dont je n’ai pas retenu le titre. Globalement j’aime toujours autant les œuvres de Miéville.