Archives de catégorie : Des livres et nous

Quinze Promenades Sociologiques, des Pinçon-Charlot

Un livre décrivant 15 itinéraires pédestres dans les quartiers parisiens, en analysant avec un angle sociologique l’espace, le bâti, l’histoire des lieux, les populations, les activités. C’est intéressant mais je suis assez dubitatif surle fait que le texte imprimé était la bonne forme pour cet exercice. Les photos d’illustration sont petites et en noir et plan, on a parfois du mal à comprendre le sens de la marche sur la carte au début de chaque chapitre. Je pense qu’un hypertexte aurait été plus adapté.

The Last Days of New Paris, de China Miéville

Une novella se déroulant dans un Paris alternatif en 1950. Un Paris isolé du reste du monde par les forces d’Occupation nazies, qui veulent à tout prix éviter que les manifestations incarnés des œuvres surréalistes qui ont envahi Paris en 41 ne contaminent le reste du monde… C’est court mais c’est dense à lire en anglais parce que la prose de Miéville n’est pas aisée et que c’est bourré de références surréalistes. C’est sympa et carrément original.

Soonish, de Zach et Kelly Weinersmith

Un livre de vulgarisation scientifique. Qui parle de domaines (médecine, exploration spatiale, construction) où des technologies pas encore là pourraient changer pas mal de choses à notre mode de vie. C’est intéressant et plutôt bien vulgarisé, avec la bonne dose d’humour. J’ai quand même trouvé les chapitre un peu inégaux (ce qui peut être dû au fait que les technologies futures présentées, quoi que toutes réalistes, n’en soient pas aux même stades de développement). Et à mon grand dam, je n’ai pas trouvé que les illustrations de Zach Weinersmith apportent beaucoup au livre, les blagues insérées dans le texte (ou en note de bas de page) fonctionnant mieux.

The Rise and Fall of D.O.D.O, de Neal Stephenson et Nicole Galland

Un bouquin de SF avec de la magie, du voyage dans le temps, des départements militaires secrets et des linguistes obstinées. Ça pouvait être très réussi, mais malheureusement l’exécution est loin d’être à la hauteur de ses ambitions. C’est compliqué de faire quelque chose de bien avec du voyage dans le temps, et que clairement là les auteurices ont mis le problème sous le tapis en disant juste très vite « physique quantique ».

Et en fait c’est un peu significatif du problème de tout le bouquin. Y’a plein de trucs où tu sens de façon grossière que ça se passe comme ça, que les personnages se comportent comme ça, n’envisagent pas telle possibilité, uniquement parce que ça permet de raconter l’histoire. Et, well, meh.

Un des types de récit de science fiction que j’apprécie énormément, c’est ceux où l’auteurice imagine une technologie, un artefact, un point de départ quelconque, et regarde toutes les façons dont il pourrait être utilisé/modifier la société. C’est Lumière des Jours Enfuis d’Arthur C. Clarke, c’est The Power de Naomi Alderan, c’est certains morceaux de Spin de Robert C. Wilson. Quand c’est bien fait c’est génial, et raconter une histoire dans un univers comme ça, même si l’histoire n’est pas incroyable en soi, marche souvent très bien tant que ça permet de montrer différentes facettes de l’univers. C’est aussi ce mécanisme que j’apprécie fortement dans les uchronies.

Ici on a le contraire. Les auteurices veulent raconter une histoire donnée qu’ils ont fixé, et ils adaptent l’univers pour que l’histoire soit racontable. Si c’est fait sans que les coutures soient visibles et proprement rétroingéniéré ok, mais là c’est pas le cas du tout.

 

Pastorale américaine, de Philip Roth

Philip Roth retrace la vie de Seymour « Le Suédois » Levov, un des compagnons de classe de son alter ego romancier Zuckerman. Comme souvent chez Roth, ça parle de la vie d’un enfant qui a grandi dans une communauté juive de l’État de New York. Mais le parcours de Levov est différent en ce qu’il a incarné et voulu vivre pleinement le rêve américain. Ça parle de la fabrication de gants, de l’entreprenariat américain entre les années 20 et 80, de l’Histoire de l’Amérique. C’est dense mais fort bien. J’aime beaucoup le style de Philip Roth, la façon dont il déroule l’histoire de façon non linéaire, en faisant des retours dans le temps, en évoquant des souvenirs, des comparaisons entre époques, des digressions, des changements de personnages suivi tout en restant très fluide dans la narration.

Le Sommeil de la Raison, de Juan-Miguel Aguilera

Un roman espagnol qui se passe dans l’Europe du début du XVIIe. Une Europe où une forme de sorcellerie existe, qui permet de visiter un monde des esprits et d’influencer le monde physique. On suit dans cette Europe le voyage de Juan Vives (personnage historique réel) et d’une sorcière, qui dévoilent progressivement une conspiration impliquant les Grandes Cours d’Europe pour réaliser une prophétie…

C’est bien écrit et intéressant, ça colle à la réalité historique tout en proposant une histoire cachée, qui se déroule à une période différente des classiques ressassés du genre. Le roman ouvre pas mal de portes sur sa toute fin en faisant des allusions discrètes mais qui permettent de supposer une histoire secrète qui s’est continuée bien après et qui existait depuis bien avant. C’est pas une révélation incroyable en terme de fantasy, mais c’était très bien à lire et c’est sympa de lire une autre tradition de fantasy que les française et anglo-saxonne.

Underground Airlines, de Ben Winters

Ben Winters imagine une histoire alternative où la guerre de Sécession américaine n’a pas eu lieu — suite à l’assassinat d’Abraham Lincoln et à la mise en place d’un compromis entre les positions nordistes et sudistes. En conséquence, au début du XXIe siècle, il y a encore 4 États américains qui autorisent l’esclavage.

Underground Airlines, couverture L’idée est intéressante, et je trouve que Winters traite plutôt bien le sujet en ce sens qu’il ne tombe pas dans le sensationnalisme ou voyeurisme, sans non plus rendre l’esclavage (appuyé sur un système raciste) anodin, comme s’il en faisait juste une toile de fond pour faire de l’uchronie (comme ce qu’on voit souvent dans les uchronies « et si les nazis avaient gagné la Guerre ? »).

Néanmoins, je n’ai pas été enthousiasmé par le livre, j’ai trouvé que trop de choses sonnaient fausses (à commencer par le héros totalement surdoué, ses incitatifs à rester dans ce système et ses états d’âme pas très crédibles). Et tant qu’à faire, je pense qu’il aurait été plus intéressant de montrer un système d’exploitation des noirs américains plus proche de celui qui est actuellement en place avec les prisons privées et le travail sous-payé des prisonniers  (éventuellement plus assumé) que de montrer un esclavage « du passé » actualisé juste en technologies, dans le sens où là (quand on est blanc) c’est facile de dire « Ah la la c’est vraiment horrible, heureusement qu’on vit pas dans ce monde ». Sur ce thème et avec ce genre de traitement, je recommande plutôt The Underground Railroad.

En bonus, la couverture, parce qu’elle est fort jolie.

La cache, de Christophe Boltanski

Un roman typiquement français, où l’auteur/narrateur revient sur le passé de sa famille. J’étais un peu dubitatif au début, mais en fait ça se lit bien, la narration qui fait des allers-retours dans le temps fait que l’on comprend au fur et à mesure les tenants et les aboutissants de l’histoire. Accessoirement les travaux de son père sont pas du tout évoqués dans le bouquin (contrairement à ceux de ses oncles), mais c’est le fils du sociologue Luc Boltanski.