Archives de catégorie : Des livres et nous

Démocratie Antique et Démocratie Moderne

Le texte d’une conférence de Moses Finley parlant des différences entre les deux systèmes que l’on met derrière le même mot. Parce que la démocratie athénienne, notre modèle applaudi, se passe au sein d’une plus petite société, dont le système économique repose sur l’esclavage, ou seul les hommes votent, ou les mandats sont tirés au sort, ou la justice est rendue par les mêmes personnes que l’assemblée législative et où tous les procès sont intentés par des citoyens privés en leur nom propre. Pas tant un modèle que quelque chose de complètement différent, donc.

Corniche Kennedy, de Maylis de Kerangal

Marseille, années indéterminées. Des gamins des quartiers pauvres squattent un bout de falaise à pic sur la mer. Une plate-forme, trois plongeoirs, ils font leur vie. Mais voilà, ça fait désordre, ces jeunes qui crient fort et font leurs petits trafics. Le maire décrète la tolérance zéro, un chat et souris s’installe entre jeunes et policiers. Les portraits des jeunes sont intéressants et réalistes, le commisaire de police est plus cliché et moins crédible. C’est bien écrit et intéressant, mais par contre ça se termine en queue de poisson, c’est un peu dommage.

Le Club, de Michel Pagel.

Quatre adultes (le chien est mort depuis longtemps) se retrouvent pour passer Noël ensemble, afin d’essayer de retrouver la magie de leur enfance pleine d’aventures. Mais les choses vont rapidement prendre un tour sinistre… Franchement je suis déçu. Le Club des Cinq a pas mal bercé mon enfance et alimenté mon imaginaire qui veut toujours habiter une maison pleine de passages secrets et construire des cabanes. On sent que Pagel a un attachement à la série lui aussi, il connaît bien les détails des histoires, mais 1/il sort un côté surnaturel un peu chelou qui n’apporte pas grand chose à l’histoire en définitive, et 2/ il fout des détails glauques randoms. Du coup le résultat est pas satisfaisant du tout. Dommage dommage.

Pratchett’s

Divers romans de l’Univers du Disque-Monde que j’ai lu dans le désordre sur ma liseuse : 

Going Postal, de Terry Pratchett. Un escroc est forcé par le Praticien d’Ankh-Morkoph à reprendre en main le service postal décrépit de la ville. Il utilise toutes les techniques de son ancienne vie pour remettre sur pied l’institution à coup de bagout, malgré la concurrence acharnée du trust privé des communications par sémaphore. C’est bien écrit, de la bonne fantasy, et ça parle de manière assez transparente de l’intérêt d’avoir des services publics.

Making Money, de Terry Pratchett. La suite de Going Postal, que j’ai trouvé un peu moins réussi, parce que l’intrigue est plus confuse, on comprend pas trop où Pratchett veut en venir, les trucs arrivent un peu les uns après les autres sans enchaînements (enfin ça reste bien, c’est juste par comparaison au précédent).

The Truth, de Terry Pratchett. L’invention du journalisme dans l’univers du Disque-Monde. Très bon volume.

The Fifth Elephant, de Terry Pratchett. Ça parle de diplomatie, traditions religieuses, évolutions sociétales et coutumes étrangères. Excellent volume (bon, je crois que j’aime juste Pratchett en fait)

Legationville, de China Miéville

Une planète aux confins du monde connu humain, où se trouve une race d’extraterrestres pour qui la langue ne peut que décrire le réel, le mensonge étant inconcevable. Des manœuvres politiques humaines vont venir créer le chaos dans la délégation humaine sur la planète. Comme toujours chez Miéville, bien écrit, ça parle de structures de pouvoir, de mondes étranges, quelques allusions à des récits maritimes transposés dans l’espace (assez clairement, le bouquin pourrait se passer à l’échelle d’une planète, avec des océans et des continents.)

Révolution, d’Emmanuel Macron

Je le lis pour me faire une idée sur ses positions, même si je me doute qu’il est bien trop à droite pour moi.

Globalement c’est juste décevant en fait. C’est pas original, y’a de grosses ficelles rhétoriques, et c’est très largement à quelques mesures près un programme de droite, favorisant celles et ceux avec du pouvoir et du capital. Beaucoup de lyrisme, de références littéraires, de storytelling, mais peu de chiffres, zéro budgétisation. C’est sûr que c’est plus facile de présenter une « vision » qu’un projet détaillé. Pas mal des trucs présentés ne dépendent pas du tout du président ou du gouvernement (mais plutôt de l’UE, de la société civile, des élus locaux…). Malgré le titre, rien de révolutionnaire. Que des propositions vues ailleurs, même le positionnement politique est préexistant (chez NKM notamment). Grosse déception sur l’écologie, que du greenwashing. Déception sur le revenu de base aussi, totalement évacué comme opposé à l’idée même de travail. Sur entreprise/emploi, sans surprise en faveur de dérégulations massives. Ça va profiter aux patrons, peu de chances que bénéficie à l’emploi et aux employé⋅e⋅s par contre. Sur le sécuritaire, moins pire que d’autres, il est notamment pour la fin de l’État d’urgence [EDIT 07/2017 on voit ce que ça a donné].Ça reste pas folichon, pas de compréhension des causes du terrorisme.

Sur l’éducation et la politique de la ville/des territoires, des propositions intéressantes, mais seront-elles vraiment appliquées ? Globalement, beaucoup de communication et peu de fond. Somme toute, un candidat de centre-droit classique, clamant être atypique pour des raisons purement marketing.

Post agrégé : Snicket

J’ai rassemblé ici mes recensions des différents textes (j’ai laissé l’adaptation sérielle de côté) de – ou affiliés à l’œuvre de – Lemony Snicket, pour être plus cohérent. Voir aussi le post de MNL référencé dans le paragraphe suivant. Voir aussi  : désespoir et littérature jeunesse.

Ouragan sur le lac, de Lemony Snicket. Troisième tome des désastreuses aventures des Orphelins Baudelaire. Ça se lit plus vite que dans mes souvenirs d’enfance, mais c’est cool à lire. Toujours aussi peu joyeux par contre. MNL a raison, je ne sais pas comment Snicket a réussi à faire passer ça pour une série pour enfants.

The Vile Village, The Hostile Hospital et ainsi de suite jusqu’à The End, de Lemony Snicket. Je relis la série en VO. C’est bien plus sombre que dans mon souvenir et c’est vachement bien. J’ai relu jusqu’à The End (qu’il me semble ne jamais avoir lu enfant).  Y’a des incohérences dans la description des conséquences du schisme (enfin on a l’impression que le côté lumineux pensait pas que leurs ennemis retiendrait la localisation de leurs bases et qu’ils ont rien prévu pour les protéger, c’est un peu absurde), mais globalement c’est vachement bien, notamment dans la vision nuancée du monde que ça file aux lecteurices.

All the Wrong Questions, de Lemony Snicket, commencé sur les conseils de M.N.L. Sympa, méta, plein plein de références à d’autres livres, do recommend.

[REDACTED], by M. Je ne peux pas vous dire grand chose sur cette œuvre, même pas son titre, sinon je serai obligé de vous tuer. Je peux vous dire que ça dérive de l’œuvre de Lemony Snicket, que ça a été écrit dans le cadre d’une série d’énigmes, de mystères et de dissimulations et que si vous cherchez un scénario manichéen, je vous conseille de chercher une autre fanfiction. Excellente lecture, difficilement séparable de son contexte et paratexte néanmoins. Si jamais vous en trouvez une version manuscrite annotée dans une bibliothèque désaffectée et à moitié ravagée par le feu, dans une boîte hermétique arborant discrètement la marque d’une organisation aussi légendaire qu’inconnue, je ne peux que vous recommander de lire quelque chose de plus recommandable et moins fouillis, le Da Vinci Code par exemple.

La Septième Fonction du Langage, de Laurent Binet

Un polar qui imagine que derrière la mort de Roland Barthes en 80 se cachait une conspiration. Un flic bien de droite et un prof de sémiologie de l’Université de Vincennes font équipe pour aller au fond de l’affaire, en rencontrant Todorov, BHL, Giscard, Genette, Foucault, Derrida et bien d’autres. C’est très rigolo, surtout quand on connaît un peu le milieu universitaire, le côté années 80 est très bien rendu, c’est méta, BHL et Sollers en prennent comme il se doit pour leur grade, bref, c’est merveilleux, et c’est par l’auteur qui a aussi écrit HHhH, que j’avais beaucoup aimé aussi.

Classe ouvrière et Révolution, de F. Bon et M.-A. Burnier

Livre écrit en 71 autour des questions : le prolétariat est-il toujours une classe révolutionnaire ? Y a-t-il des classes révolutionnaires par nature ? En revenant au texte de Marx et en citant aussi Lénine et Jerry Rubin, les auteurs répondent par la négative aux deux questions : pour eux, le côté révolutionnaire d’une classe vient de sa position dans la société et de circonstances extérieures, pas simplement du fait d’être la classe opprimée dans une configuration donnée. Accessible et assez intéressant, je le trouve étonnamment d’actualité pour un livre écrit en 71.

Trouvé dans la rue.