Archives de catégorie : Des livres et nous

Mes Cahiers Rouges, de Maxime Vuillaume

Le récit partiel par un des participants de la Commune de ce qu’il a vu et connu pendant la fin de la Commune et la Semaine Sanglante, puis l’exil subséquent. Un gros travail de reconstitution des événements, avec des entretiens avec de nombreux autres protagonistes côté Communard.

C’est assez étonnant comme document, notamment parce que personnellement je n’avait pas idée que Paris était déjà si proche de sa configuration actuelle (mais c’est logique, c’est post-Haussmann et il y a 150 ans seulement). Notamment tout le premier cahier est le récit de comment l’auteur échappe à la Semaine Sanglante, et se déroule dans les quartiers où j’ai fait mes études. Le début est très intéressant, la fin se perd un peu dans des détails ou précisions sur telle ou telle personne. Après ce n’est pas une histoire de la Commune, du coup sans avoir une idée de ce qui s’est passé ça reste un peu obscur, ça vaut le coup d’aller lire la page wikipédia de la Commune avant. Et y’a aussi des trucs et personnes de la Commune qu’il n’évoque pas du tout, je pense parce qu’effectivement il n’a pas interagi avec, notamment Louise Michel.

Le Bâtard de Kosigan, de Fabien Cerutti

Tome 1 : L’Ombre du Pouvoir.

Roman de fantasy historique française. Mes sentiments dessus sont mitigés. Commençons par le positif : C’est de la fantasy avec un univers original, mélangeant histoire européenne médiévale réelle et éléments fantastiques. Il existe différentes races (et l’Église mène des Croisades racistes visant à éliminer de concert croyances païennes et races autre qu’Homo sapiens), de la magie, différents artefacts et pouvoirs spécifiques, le tout fort bien mené, et avec un auteur qui connaît l’Europe médiévale et n’en fait pas une caricature. J’ai très envie d’en savoir plus sur l’univers. De plus c’est globalement bien écrit et fluide.

Cependant, 3 défauts, par ordre d’importance croissante :
1/ des passages situés 500 ans plus tard, le descendant du héros qui mène l’enquête sur son ancêtre et envoie des lettres à son pote pour rendre compte de ses progrès. C’est très elliptique et ça apporte pas grand chose.
2/ Toutes les femmes sont attirées par le héros, et il leur rend bien. C’est pas crédible et c’est bien chiant. Tu réussis à rendre crédible de la magie et des Elfes, vient pas tout ruiner avec un héros queutard sans rime ni raison.
3/ Généralement le défaut 2 est un des trucs que je vais le plus reprocher à une œuvre. Mais là, on a pire : le héros en totale maîtrise de toute la situation. Il sait tout, manipule tout le monde, à trois coups d’avance sur tous, est juste avec ses hommes, charmeur avec les femmes, plein d’esprit avec ses ennemis… Raaaah. On veut lui mettre des claques. Et en plus il est cheaté de façon perrave (il a littéralement des facultés de régénérations à nulles autres pareilles , dans un monde pourtant magique). Ce défaut et l’érotomanie se retrouvent d’ailleurs chez son descendant-décalque, pour ne rien arranger.

Donc bon. C’est un tome 1/3 (même si visiblement ils peuvent se lire indépendamment), je ne pense pas que j’achèterai les suivants mais je les emprunterai en bibliothèque pour l’univers.

Tome 2 : Le Fou prend le Roi.

Je l’ai effectivement emprunté en bibliothèque. La composante « le héros a absolument tout maîtrisé » est moins présente, il se retrouve davantage dépassé par les événements et avec des adversaires à sa hauteur. Moins de coucheries aussi, il n’a pas trop le temps vu qu’il passe la majorité du livre à tenter de sauver sa peau in extremis. Les scènes 500 plus tard ne servent par contre toujours à rien, et il y a un peu trop de créatures « que l’on croyait éteintes depuis 200/500/1000 ans » qui refont des apparitions pour que ça reste crédible. Moins de développement de l’univers, mais en même temps une intrigue plus resserrée, win some, lose some.

Marx, Marx, pourquoi m’as-tu abandonné ?, de Bernard Maris

J’ai pas aimé. C’est un court bouquin sorti en 2012 qui est supposé exposer en quoi Marx avait très bien compris certains phénomènes économiques et en quoi il s’est trompé. Sauf que c’est écrit dans un style vraiment pas fou, faussement profond, résultat tu comprends pas où l’auteur veut en venir à part dire que la théorie communiste est un « christianisme athée » parce qu’elle suppose les hommes bons, alors que lui l’auteur, te dit qu’ils sont mauvais. Eh bah super.

Son second point c’est « oui Marx avait raison sur les mécanismes du capitalisme mais regardez le capitalisme ne s’est pas effondré ! La fin de l’histoire n’est pas arrivée ! » Déjà, ouais merci on avait remarqué pour le capitalisme, ensuite on est d’accord que le concept de sens « inévitable » de l’Histoire de Marx ça fait un peu douillesque et que le capitalisme pourrait se maintenir ou basculer vers le fascisme (probablement plus facilement que donner lieu à une Révolution, même), mais ça veut pas spécialement dire que cette Révolution n’arrivera inévitablement pas. Le capitalisme il a été aidé en Europe à se maintenir en place par les mécanismes de redistribution sociale qui sont en train d’être supprimés et qui facilitait l’existence d’une classe moyenne. Franchement ça me surprendrait pas qu’on soit pas très loin de la disparition du tandem {démocratie;capitalisme} en Europe (1/ d’aucun⋅e⋅s diront qu’on l’a déjà dépassé et que l’on n’est plus que dans une démocratie de façade. C’est pas faux mais ça pourrait être largement pire, je vais rester optimiste pour le moment. 2/reste à savoir lequel des deux terme du doublet passera à la baille).

Bref, le bouquin était un exercice de style sans grand intérêt et qui ne disait rien de neuf.

Quinze Promenades Sociologiques, des Pinçon-Charlot

Un livre décrivant 15 itinéraires pédestres dans les quartiers parisiens, en analysant avec un angle sociologique l’espace, le bâti, l’histoire des lieux, les populations, les activités. C’est intéressant mais je suis assez dubitatif surle fait que le texte imprimé était la bonne forme pour cet exercice. Les photos d’illustration sont petites et en noir et plan, on a parfois du mal à comprendre le sens de la marche sur la carte au début de chaque chapitre. Je pense qu’un hypertexte aurait été plus adapté.

The Last Days of New Paris, de China Miéville

Une novella se déroulant dans un Paris alternatif en 1950. Un Paris isolé du reste du monde par les forces d’Occupation nazies, qui veulent à tout prix éviter que les manifestations incarnés des œuvres surréalistes qui ont envahi Paris en 41 ne contaminent le reste du monde… C’est court mais c’est dense à lire en anglais parce que la prose de Miéville n’est pas aisée et que c’est bourré de références surréalistes. C’est sympa et carrément original.

Soonish, de Zach et Kelly Weinersmith

Un livre de vulgarisation scientifique. Qui parle de domaines (médecine, exploration spatiale, construction) où des technologies pas encore là pourraient changer pas mal de choses à notre mode de vie. C’est intéressant et plutôt bien vulgarisé, avec la bonne dose d’humour. J’ai quand même trouvé les chapitre un peu inégaux (ce qui peut être dû au fait que les technologies futures présentées, quoi que toutes réalistes, n’en soient pas aux même stades de développement). Et à mon grand dam, je n’ai pas trouvé que les illustrations de Zach Weinersmith apportent beaucoup au livre, les blagues insérées dans le texte (ou en note de bas de page) fonctionnant mieux.

The Rise and Fall of D.O.D.O, de Neal Stephenson et Nicole Galland

Un bouquin de SF avec de la magie, du voyage dans le temps, des départements militaires secrets et des linguistes obstinées. Ça pouvait être très réussi, mais malheureusement l’exécution est loin d’être à la hauteur de ses ambitions. C’est compliqué de faire quelque chose de bien avec du voyage dans le temps, et que clairement là les auteurices ont mis le problème sous le tapis en disant juste très vite « physique quantique ».

Et en fait c’est un peu significatif du problème de tout le bouquin. Y’a plein de trucs où tu sens de façon grossière que ça se passe comme ça, que les personnages se comportent comme ça, n’envisagent pas telle possibilité, uniquement parce que ça permet de raconter l’histoire. Et, well, meh.

Un des types de récit de science fiction que j’apprécie énormément, c’est ceux où l’auteurice imagine une technologie, un artefact, un point de départ quelconque, et regarde toutes les façons dont il pourrait être utilisé/modifier la société. C’est Lumière des Jours Enfuis d’Arthur C. Clarke, c’est The Power de Naomi Alderan, c’est certains morceaux de Spin de Robert C. Wilson. Quand c’est bien fait c’est génial, et raconter une histoire dans un univers comme ça, même si l’histoire n’est pas incroyable en soi, marche souvent très bien tant que ça permet de montrer différentes facettes de l’univers. C’est aussi ce mécanisme que j’apprécie fortement dans les uchronies.

Ici on a le contraire. Les auteurices veulent raconter une histoire donnée qu’ils ont fixé, et ils adaptent l’univers pour que l’histoire soit racontable. Si c’est fait sans que les coutures soient visibles et proprement rétroingéniéré ok, mais là c’est pas le cas du tout.

 

Pastorale américaine, de Philip Roth

Philip Roth retrace la vie de Seymour « Le Suédois » Levov, un des compagnons de classe de son alter ego romancier Zuckerman. Comme souvent chez Roth, ça parle de la vie d’un enfant qui a grandi dans une communauté juive de l’État de New York. Mais le parcours de Levov est différent en ce qu’il a incarné et voulu vivre pleinement le rêve américain. Ça parle de la fabrication de gants, de l’entreprenariat américain entre les années 20 et 80, de l’Histoire de l’Amérique. C’est dense mais fort bien. J’aime beaucoup le style de Philip Roth, la façon dont il déroule l’histoire de façon non linéaire, en faisant des retours dans le temps, en évoquant des souvenirs, des comparaisons entre époques, des digressions, des changements de personnages suivi tout en restant très fluide dans la narration.

Le Sommeil de la Raison, de Juan-Miguel Aguilera

Un roman espagnol qui se passe dans l’Europe du début du XVIIe. Une Europe où une forme de sorcellerie existe, qui permet de visiter un monde des esprits et d’influencer le monde physique. On suit dans cette Europe le voyage de Juan Vives (personnage historique réel) et d’une sorcière, qui dévoilent progressivement une conspiration impliquant les Grandes Cours d’Europe pour réaliser une prophétie…

C’est bien écrit et intéressant, ça colle à la réalité historique tout en proposant une histoire cachée, qui se déroule à une période différente des classiques ressassés du genre. Le roman ouvre pas mal de portes sur sa toute fin en faisant des allusions discrètes mais qui permettent de supposer une histoire secrète qui s’est continuée bien après et qui existait depuis bien avant. C’est pas une révélation incroyable en terme de fantasy, mais c’était très bien à lire et c’est sympa de lire une autre tradition de fantasy que les française et anglo-saxonne.