Archives par mot-clé : uchronie

Underground Airlines, de Ben Winters

Ben Winters imagine une histoire alternative où la guerre de Sécession américaine n’a pas eu lieu — suite à l’assassinat d’Abraham Lincoln et à la mise en place d’un compromis entre les positions nordistes et sudistes. En conséquence, au début du XXIe siècle, il y a encore 4 États américains qui autorisent l’esclavage.

Underground Airlines, couverture L’idée est intéressante, et je trouve que Winters traite plutôt bien le sujet en ce sens qu’il ne tombe pas dans le sensationnalisme ou voyeurisme, sans non plus rendre l’esclavage (appuyé sur un système raciste) anodin, comme s’il en faisait juste une toile de fond pour faire de l’uchronie (comme ce qu’on voit souvent dans les uchronies « et si les nazis avaient gagné la Guerre ? »).

Néanmoins, je n’ai pas été enthousiasmé par le livre, j’ai trouvé que trop de choses sonnaient fausses (à commencer par le héros totalement surdoué, ses incitatifs à rester dans ce système et ses états d’âme pas très crédibles). Et tant qu’à faire, je pense qu’il aurait été plus intéressant de montrer un système d’exploitation des noirs américains plus proche de celui qui est actuellement en place avec les prisons privées et le travail sous-payé des prisonniers  (éventuellement plus assumé) que de montrer un esclavage « du passé » actualisé juste en technologies, dans le sens où là (quand on est blanc) c’est facile de dire « Ah la la c’est vraiment horrible, heureusement qu’on vit pas dans ce monde ». Sur ce thème et avec ce genre de traitement, je recommande plutôt The Underground Railroad.

En bonus, la couverture, parce qu’elle est fort jolie.

Last Year, de Robert Charles Wilson

En 1877, des visiteurs d’un futur parallèle ont construit une ville dans les plaines de l’Illinois, pour proposer des visites touristiques dans l’Amérique de 77 aux visiteurs du Futur, et un aperçu – expurgé – du futur aux originaires de 1877.

Le roman explore les conséquence de cette interaction entre les deux mondes, depuis le point de vue de 1877. Forcément ça parle de colonisation, d’éthique et de droit civiques et sociaux. C’est bien mené, comme la plupart du temps avec RCW. J’espère qu’il a prévu une suite parce que y’a de quoi faire, que ce soit voir comment évolue 1877 ou comment se passent les choses dans le Futur ou dans d’autres mondes contactés.

La présidente et Totalitaire, de François Durpaire et Fabrice Boudjellal

De la politique fiction imaginant l’arrivée du FN au pouvoir. Le premier tome est assez glaçant par la justesse des prédictions (plusieurs trucs, notamment l’application d’un État d’urgence permanent, ayant été faits sous le mandat de Hollande), la deuxième paraît plus irréaliste mais bon, j’aurais dit ça de la première il y a quelques années…

Il y a un troisième tome qui est sorti depuis (La Vague, je crois) qui parle des relations de la France de cet univers avec la Russie de Poutine et les USA de Trump. Pas encore lu.

Écrire l’histoire avec des « si », sous la direction de Florian Besson et Jan Synowiecki.

Recueil de contributions du séminaire du même nom, sur l’intérêt de l’uchronie et de l’histoire contre-factuelle pour les historiens. Parle de l’intérêt politique de l’uchronie et des différentes formes d’uchronies littéraires. Toutes les contributions ne se valent pas mais c’est court et globalement intéressant.

Burning Paradise, de Robert Charles Wilson

En 2014, le monde s’apprête à fêter 100 ans de paix, la Grande Guerre de 14 ayant été le dernier conflit majeur. Le monde est prospère, le travail de la Ligue des Nations salué. Mais certain-e-s savent que cette paix et cette prospérité ne sont pas dues à l’action humaine : quelque chose manipule l’Humanité pour parvenir à ses fins. Brillant roman de RCW, qui présente une espèce extraterrestre vraiment originale, qui développe en toile de fond une belle uchronie et qui nous présente une histoire absolument pas manichéenne : à la fin, les personnages ont fait des choix, mais je serai bien incapable de dire si c’étaient les bons ou non. Il parle tranquillement de manipulation par les médias, de recherche académique, il subvertit quelques tropes au passage (le leader de la Résistance Mondiale notamment). Cool roman. Il rappelle pas mal Darwinia du même auteur, mais en plus satisfaisant. On peut juste regretter que la « condition de victoire » soit un peu ad hoc pour que les protagonistes humains puissent intervenir sur l’histoire.

Avril et le Monde Truqué de Franck Ekinci et Christian Desmares

Dans un monde uchronique ou l’Humanité n’a jamais découvert l’électricité et où les Napoléons règnent toujours sur la France en 1941, une fille cherche à recréer le sérum que ses parents chimistes avaient créés juste avant leur mystérieuse disparition. Un dessin animé dans le style de Tardi avec de l’uchronie, du steampunk, de l’écologie, j’ai bien aimé même s’il y a quelques longueurs.

Gloriana ou la Reine Inassouvie de Michael Moorcock

Intriguant. Un peu uchronique, un peu fantastique, principalement un conte avec une reine intranquille, une cour rythmée par les saisons, un chancelier qui intrigue dans l’ombre. J’aime bien Moorcock en général. Problème, le roman se finit sur un viol gratuit (enfin, non pas qu’il existe des viols justifiés ou justifiables, mais là ça arrive de nul part dans le schéma narratif, et ses conséquences dans l’histoire sont hautement problématiques puisqu’il résout des problèmes??? Like ???), qui visiblement a été enlevé dans les éditions ultérieures du livre quand l’auteur a réalisé que c’était carrément problématique.

Livres

Pour tout résoudre, cliquez ici d’Evegeny Morozov. Essai sur le penchant à considérer le web comme exemple devant servir à remodeler la société, et les différentes questions politiques et sociales comme des problèmes indépendants admettant une solution unique de nature technique. Je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit Morozov (notamment il est un peu trop libéral pour moi), mais le livre est globalement très intéressant et met en lumière des problèmes cruciaux dans la façon dont sont pensées les sociétés actuellement.

Souriez, vous êtes gérés, anthologie de la Volte. J’avais été un peu été déçu par la dernière anthologie voltée que j’avais lu, celle là est très bien. J’avais déjà lu la nouvelle de Damasio (Anna à travers la harpe, qui a été republiée dans Aucun souvenir assez solide) mais ce fut un plaisir de la relire. Celle d’Ayerdhal n’est (malheureusement) pas du tout de la SF mais est incroyablement percutante. Et toutes les autres sont très cools aussi.

Radicaliser la démocratie de Dominique Rousseau. Essai sur des modifications possibles du système de gouvernement français pour éviter sa confiscation par la classe politique. L’auteur est constitutionnaliste et a un peu une mystique de la Justice, mais à part ça les propositions sont intéressantes : conventions de citoyens, Assemblée Sociale, suppression totale du cumul des mandats et limitation dans le temps, premier ministre approuvé par le Parlement, lois contestables devant le juge en tant que principe de construction de la loi…

Harry Potter and the Methods of Rationality, fanfiction rationaliste d’Harry Potter. J’en avais déjà parlé sur ce blog mais je l’avais lu alors qu’elle était encore en cours d’écriture. Elle s’est finie en mars et je l’ai relu là tout d’une traite. 1600 pages qui sont vraiment très bien. Une réflexion sur l’univers d’Harry Potter, les failles dans sa construction et les horreurs de la société des sorciers (qui sont clairement de gros connards élitistes), des complots élaborés, des dialogues philosophiques, une famille adoptive aimante, plusieurs héros aux agendas opposés, une résolution satisfaisante et une conclusion qui donne un vrai sentiment de fin… Le personnage principal peut souvent être insupportable, l’exposé sentir un peu parfois Atlas enchaîné (même si l’auteur s’en défend), mais globalement je recommande fortement cette œuvre.

Les Banksters de Marc Roche. Un livre sur les excès de la finance, qui ne m’a pas enthousiasmé. Si l’auteur dénonce certaines pratiques, je n’ai pas l’impression que le livre apporte grand chose de neuf. De plus il reste assez myope sur les causes de la crise en disant « alala il y a eu des excès mais la finance peut servir le bien ». Ok, le fait d’avoir les concepts d’emprunt, de système bancaire et d’assurance c’est bien mais ça ne justifie en rien les Credit Default Swaps et autres titrisations exotiques. Voire les innovations financières comme un tout homogène c’est assez absurde.

Là où croit le péril… croît aussi ce qui sauve d’Hubert Reeves. Essai sur l’évolution de l’univers du Big Bang à l’apparition de la conscience et sur les menaces que l’espèce humaine fait peser sur les écosystèmes planétaires. Court, clair, mais ne raconte pas grand chose de neuf pour qui a fait des études en biologie.

CosmoZ de Claro. Les personnages du Magicien d’Oz sont projetés dans le XXe siècle. Il vont le traverser dans toutes ses facettes. Guerre, Show business, eugénisme… Bien écrit, explorant les différentes interprétations que l’on peut avoir du conte de Frank Lloyd Baum, fresque hallucinée sur le XXe siècle, un très bon roman, très riche.