Archives par mot-clé : recommandé

Sleuth, de Joseph Mankiewicz

Film anglais de 1972, adapté d’une pièce de théâtre. Andrew Wyke, cèlèbre auteur de romans policiers, invite son voisin Milo Tindle a passer chez lui. Il veut lui proposer de mettre en scène le vol des bijoux de sa femme pour toucher l’assurance. Il sait que Milo est son amant et a besoin d’argent pour l’entretenir, et affirme souhaiter lui-même un divorce qui serait facilité par la nouvelle fortune de Milo. Mais derrière ce plan partagé, les deux hommes cachent des motivations et des plans secrets…

J’ai beaucoup aimé. Le film ne comporte que les deux acteurs qui jouent Wyke et Tindle, reprenant le dispositif théâtral, mais ils sont excellents. Le côté mystère en chambre close subverti par le fait qu’on est du côté de ceux qui commettent les crimes fonctionne bien. Le personnage de l’auteur de romans policiers à l’ancienne qui passe son temps à y faire référence et qui a une haine farouche des nouveaux riches (en tant que représentant de l’old money, pas en tant que révolutionnaire) fonctionne très bien.

Je recommande.

Triste Tigre, de Neige Sinno

Autofiction française publiée en 2023. L’autrice raconte les viols que son beau-père lui a fait subir pendant plusieurs années durant son enfance, sa décision de le dénoncer, la tenue du procès, et son ressenti par rapport à tous ces événements et sa vie désormais. Logiquement ce n’est pas vraiment une lecture facile, mais c’est à la fois un témoignage fort, une réflexion sur la possibilité de dépasser sur certains points ces événements et de savoir sur d’autres que ce ne sera jamais du passé, et une étude sur ce que d’autres œuvres littéraires disent de l’inceste ou du traumatisme, et ce que peut la littérature par rapport à l’inceste (pas grand chose).

Je recommande.

STOMP

Spectacle de cirque/percussion/claquettes. Ca m’a un peu fait penser à Ramkoers. Une troupe de 8 artistes fait des percussions avec plein d’objets différents, dans un spectacle très chorégraphié. C’était assez impressionnant dans la variabilité, avec des objets assez attendus (barils, poubelles, casseroles) et d’autres beaucoup moins (briquets, journaux, boite d’allumettes). Beaucoup d’inventivité, une mise en scène qui tourne autour de nettoyeurs (le spectacle commence avec du passage de balai sur la scène qui crée peu à peu un rythme) et avec des rôles de cirque traditionnels un peu revisités (M. Loyal, deux clowns…)

Je recommande si vous n’avez rien contre les percus.

Le Garçon et le Héron, de Hayao Miyazaki

Film d’animation japonais de 2023. Mahito, jeune adolescent, débarque à la campagne avec son père. Sa mère est morte dans un bombardement américain, son père va se remarier avec la sœur de sa femme et superviser l’usine de production d’avion installée en pleine campagne. Laissé à lui-même dans l’immense domaine familial, Mahito va suivre un héron qui le provoque jusque dans une tour en ruine ou il va découvrir un univers parallèle onirique.

J’ai beaucoup aimé. C’est moins linéaire que les précédents Miyazaki, on retrouve des éléments de plein de ses autres films (ou de d’autres, d’ailleurs : le début fait penser au Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro et à Mon voisin Totoro, la météorite alien ça pourrait être du Lovecraft avec un autre traitement, l’interaction avec sa propre mère jeune ça pourrait être Petite Maman). Le dessin est très beau, moins classique que dans les autres Miyazaki que j’ai vu. L’histoire est dense dans les rebondissements qui se suivent selon une dream logic où l’on passe d’un événement à l’autre, et à la fois assez simple dans son cœur : Mahito fait le deuil de sa mère et de la possibilité d’un monde parfait où rien de mal n’arriverait. C’est doux-amer, avec une nostalgie qui infuse tout le film.

Je recommande.

Mars Express, de Jérémie Perrin

Film d’animation français présentant une enquête policière dans un monde de science-fiction, et paru en 2023. Dans un futur indéterminé, l’Humanité est une espèce transplanétaire, avec des colonies sur la Lune et une grosse cité sur Mars. Les robots sont monnaie courante, dans des versions plus ou moins androïdes mais toutes assujetties aux Humain.es via un équivalent des Trois Lois de la Robotique. Aline Ruby (humaine) et Carlos Rivera (androïde) sont deux détectives privés qui vont enquêter sur la disparition de deux étudiantes de l’université martienne. Ce faisant, il vont mettre à jour une conspiration aux ramifications gigantesques, comme de bien entendu dans un polar.

L’enquête est assez classique, mais dans le bon sens du terme, on est en terrain tout à fait familier pour un polar, avec des recettes qui marchent. Et c’est tout à fait bienvenu parce que l’univers par contre est beaucoup plus surprenant. On est toujours dans un capitalisme débridé qui ne parle pas du tout d’environnement et prone le consumérisme, mais le rapport des humains aux robots, les avancées de la cybernétique, tout ça rajoute plein d’éléments, qui sont introduits de façon très fluide dans l’histoire mais qu’on ne comprend que petit à petit (ou qui sont juste évoqués en passant, vu que pour les personnages c’est leur quotidien).

Grosse recommandation si vous aimez la SF.

The Gameshouse, de Claire North

Trilogie de novellas (novelle?) d’Histoire Secrète. En 1610 à Venise, Thene est invitée à jouer dans une Maison des Jeux apparue mystérieusement. Reconnue comme une bonne joueuse sur des jeux où l’on parie de l’argent, elle est admise à l’étage de la maison : là les joueuses et joueurs peuvent parier n’importe quoi qu’ils possèdent (un souvenir, une compétence, des années de vie…) et les jeux sont joués dans le monde réel. Le premier jeu de Thene est l’élection d’un prétendant au siège de Tribun de Venise récemment vacant. Contre 3 autres aspirant-joueurs, elle devra faire gagner son prétendant, en pouvant mobiliser des pièces, des personnes endettées auprès de la Maison qui devront se plier à ses ordres. On va suivre dans les deux tomes suivant deux autres joueurs et jeux d’ampleur croissante, avec en filigrane l’idée que la Maison ne deale pas toujours les cartes de façon équitable, et qu’il y aurait un méta-jeu en cours, étendu sur plusieurs siècles…

J’ai bien aimé. Il y a définitivement des éléments magiques (le fait de pouvoir gagner au jeu des années de vies, et l’apparition soudaine d’une porte de la Maison quelque part), mais ça reste dans les prémices des novellas : dans le déroulement des jeux, si les joueuses et joueurs ont éventuellement d’immenses moyens à leur disposition, tout se déroule de façon parfaitement conforme aux lois de la physique. Je n’ai pas été complètement convaincu par la conclusion (qui je trouve fait assez fake deep), mais le tome 2 était vraiment très bien.

Je recommande, dans le style Histoire Secrète.

Les nouvelles lois de l’amour, de Marie Bergström

Essai de sociologie publié en 2019 qui parle du fonctionnement des relations hétérosexuelles sur les applications de rencontre. La thèse de l’autrice est que l’impact principal de ces applications est de permettre une privatisation des expériences romantico-sexuelles : elles permettent de rencontrer des gens en dehors de nos cercles sociaux, et donc en se soustrayant au contrôle de ceux-ci. Cela va permettre une certaine expérimentation. Pour autant, ça ne veut pas dire qu’anything goes : il y a un fort autocontrôle, avec des comportements que les gens vont s’imposer en les considérant comme moraux ou souhaitables. Notamment, dans le dating hétérosexuel, il y a un fort tabou à discuter librement de sexualité, même s’il est clair que c’est ce pour quoi les deux personnes participant à l’interaction s’y implique : ça doit rester de l’ordre de l’implicite, contrairement à ce qui peut être trouvé dans le cruising gay.

Pour le reste, beaucoup de ce qui est reproché aux applications n’est pas quelque chose qui leur est intrinsèque (notamment de faire apparaitre la nature transactionnelle des relations), mais quelque chose d’inhérent aux relations hétérosexuelles dans un monde patriarcales : les applications se contentent de rendre certains aspects plus visibles. L’autrice revient sur plusieurs éléments que l’analyse des données de plusieurs plateformes permet de mettre en évidence : primes aux femmes de moins de 30 ans et aux hommes de plus de 30 ans, prime à la blanchité, renforcement du script hétéropatriacal de l’initiative masculine dans les interactions et de la réserve féminine (avec sanction pour la sortie de ce script, les femmes étant explicites sur le fait qu’elles cherchent des relations sexuelles sans lendemain déclenchant la méfiance immédiate de leurs interlocuteurs).

Je recommande.

Fumer fait tousser, de Quentin Dupieux

Film français de 2022. Les Tabac Force sont une équipe de sentai qui protège la Terre en utilisant le pouvoir maléfique du tabac pour détruire leurs ennemis. Après une énième mission, ils sont envoyé en séminaire de cohésion d’équipe par leur chef. Dans une base futuriste à côté d’un lac du Verdon, l’équipe tue le temps en se racontant des histoires d’horreur.

C’est un résumé à la fois fidèle et qui ne raconte pas du tout le film, puisque comme dans les Dupieux ça part dans tous les sens. L’ambiance sentai est très bien restituée avec les méchants en costume de monstre, le futur des années 90s, le chef qui appelle en visio pour confier une nouvelle mission… Les inserts des histoires racontés fait un peu film à sketch, mais ça marche bien dans le dispositif.

J’ai bien aimé, c’est un Dupieux accessible et réussi.

Les Petites Reines, de Clémentine Beauvais

Roman jeunesse français de 2015. Mireille Laplace est une adolescente vivant à Bourg-en-Bresse. Son ancien ami d’enfance décerne tous les ans un prix de la fille la plus moche de son collège, qu’elle « gagne » régulièrement. Cette année, décidée à ne pas se laisser faire quand elle voit l’effet de ce prix sur les deux autres filles nommés, elle décide de réclamer le stigmate et de faire avec les deux autres Bourg-en Bresse Paris à vélo en vendant du boudin selon la recette ancestrale de ses grands parents. Objectif secret : réussir à squatter la garden-party de l’Elysée, pour mettre le premier Homme devant le fait qu’il est son père biologique, assister au concert d’Indochine qui sera donné et taper un scandale devant la remise de la légion d’honneur à un général, responsable de la mort de soldats lors d’une opex. L’épopée des trois filles va enflammer la France en manque de nouvelles lors de cette période estivales, et leur permettre de réaliser la force de la sororité.

C’était cool à lire, sans surprise c’était féministe, les personnages sont réussis, le tout à une petite vibe contes de fées revisité (globalement les trois héroïnes vont au bal du roi, même si là c’est la garden-party de l’Élysée). Recommandé, notamment pour vos nièces et neveux au bon âge, mais aussi pour les adultes.

The Exorcist, de William Friedkin

Film d’horreur états-unien paru en 1973. Regan McNeill est la fille d’une actrice célèbre.
Venue avec sa mère sur la côte Est des États-Unis pour un tournage, elle commence à avoir des sautes d’humeur. Examinée par des médecins et des psychiatres et soumises à une batterie de tests médicaux, elle ne réagit à aucun traitement et ne présente pas de lésion cérébrales qui pourrait expliquer son changement de comportement. Face à des manifestations de plus en plus impressionnantes et malgré son athéisme, sa mère finit en désespoir de cause par se tourner vers l’Église catholique pour demander un exorcisme.

J’ai bien aimé mais le rythme est assez étrange. On sent que c’est l’adaptation d’un bouquin et qu’ils ont voulu rester fidèle au texte même à des moments où ce n’était pas la meilleure idée.
Le prologue sur les fouilles en Irak est assez long et on n’entendra ensuite plus parler de Merrin pendant les 3/4 du film ; les histoires de profanation dans l’église du quartier sont évoquées puis disparaissent, le tournage du film de la mère de Regan a le droit à une scène puis disparaît.
A côté de ces défaut, il y a des scènes assez impressionnantes et des effets spéciaux très réussis : la scène de lévitation, la scène d’angiographie, la chambre glaciale en permanence.
Le personnage du père Karras, psy et jésuite en crise de foi, qui fait de la boxe et s’occupe de sa mère vieillissante est inattendu mais donne largement plus de relief au film qu’un archétype plus classique comme l’est Merrin.

Je recommande – si vous aimez les films d’horreur (après il n’est pas très effrayant pour les standards actuels).