Archives par mot-clé : Québec

Les Sentiers de neige, de Kev Lambert

Roman québecois publié en 2024. On suit la vie de Zoey et Emie-Anne, deux cousin.es pendant les vacances de Noël 2004. Les deux se sentent différent.es du reste de leur famille. Le fait d’être des enfants de 9/10 ans, qui sentent venir la fin de l’enfance et la bascule dans l’adolescence joue un rôle, mais il y a plus que ça, un mal-être général. Et puis il y a cette créature que Zoey voit, et bientôt Emie-Anne aussi : Skyd, un lutin avec un masque, comme dans The Legend of Zelda : Majora’s Mask. Les cousin.es vont se lancer dans une quête pour comprendre ce que leur veut Skyd et s’il peut les sauver de leur famille.

J’ai beaucoup aimé. C’est une forme de réalisme magique assez particulier. Ce n’est jamais complétement clair si les éléments magiques existent réellement ou si c’est seulement l’imagination des deux protagonistes qui les conjurent. Les deux enfants passent à travers une forme subvertie du voyage du héros, avec des pérégrinations qui pourraient bien être purement intérieures.

Dans tous les cas, on a une narration très réussie qui nous embarque dans le point de vue des enfants, leur compréhension sur le monde des adultes, leur complicité, leurs doutes et leurs traumas, la façon dont ils s’approprient des éléments extérieurs pour leurs jeux et aventures. Mais la focalisation n’est pas purement interne aux deux enfants, on a aussi des passages plus omniscients ou prenant la focale de d’autres membres de leur famille.

Recommandé.

Une langue universelle, de Matthew Rankin

Film québécois sorti en 2024. Après avoir vécu des années à Montréal, Matthew rentre dans sa ville natale, Winnipeg. Sauf que dans cet univers, la langue parlée à Winnipeg (et dans le reste du Canada non-francophone, on suppose), c’est le farsi (gros travail du film pour remplacer toutes les inscriptions visibles à l’écran par du farsi). Bon déjà c’est un point de départ trippant (tout le film est tourné en farsi et français, le générique est bilingue), mais par ailleurs le film est assez surréaliste/théâtre de l’absurde. Winnipeg est décrit (probablement à raison) comme une ville moche, perpétuellement prise dans la neige et où il ne se passe rien. C’est beaucoup filmé avec des gros plans, des éclairages faibles, des plans où un mur gris homogène ferme l’horizon. Au milieu de tout ça, Matthew cherche à retrouver sa mère, qui n’habite plus dans la maison de son enfance, et se retrouve à errer dans Winnipeg dans l’attente d’un rendez-vous avec un certain Massoud qui lui dit qu’il sait où elle est. Il oscille entre les grands points d’intérêt de Winnipeg : le quartier Gris, le quartier Beige, le Tim Horton, le centre commercial portage, le congélateur municipal, le parking… En parallèle, plusieurs autres histoires convergent : la disparition d’une dinde, la perte des lunettes d’un enfant de l’école d’immersion française, une visite touristique…

C’est une ambiance très particulière, mais c’était assez chouette. Recommandé si vous aimez le cinéma expérimental, les parkings et les questionnements sur ce qui fait l’identité d’une personne, et si vous trouvez que Dupieux c’est mainstream.

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, d’Ariane Louis-Seize

Film québécois paru en 2023. Sasha est la petite dernière d’une famille de vampires. Hypersensible, elle refuse de tuer pour se nourrir, ce qui force ses parents à lui préparer des poches de sang (poche à transfusion qu’elle consomme façon pompotes). Jusqu’au jour où sa mère lui pose un ultimatum : elle doit désormais se débrouiller seul, et jusqu’à sa première chasse, elle n’est plus la bienvenue à la maison. Sasha va rencontrer Paul lors d’un cercle de parole pour personnes à idées suicidaires. Paul est prêt à mourir pour qu’elle puisse se nourrir de façon éthique, mais Sasha va proposer qu’ils accomplissent sa dernière volonté avant : aller envoyer chier le mec qui le harcèle à l’école.

C’était assez chouette. L’ambiance des vampires plus ou moins insérés dans la société et avec de grandes questions éthiques fait évidemment penser à What we do in the shadows, mais la vibe québécoise n’est pas exactement similaire. Il y a un peu des longueurs sur la fin, mais globalement le film vaut le visionnage. Mention spéciale au personnage particulièrement tête à claques de JP.

Simple comme Sylvain, de Monia Chokri

Film québecois de 2023. Sophia est en couple avec Xavier. Appartenant tous les deux à la bourgeoisie intellectuelle de Montréal, ils mènent une vie tranquille et sans passion. Puis Sophia rencontre Sylvain, charpentier qui rénove son chalet, et c’est le coup de foudre immédiat entre les deux. Sophia va commencer une relation adultère, puis quitter Xavier. La passion entre Sylvain et Sophia va être compliquée par les différences radicales entre leurs deux milieux et parcours.

J’ai bien aimé, mais c’est quand même assez cliché par moment. Les classes sociales sont assez monolithiques dans leurs représentations – et je pense que c’est vraiment le point faible du film, parce que cette différence de classe sociale est un des points-clefs, donc partir sur des clichés là-dessus… Par contre c’est filmé de façon intéressante (peut-être un peu trop de zoom/contre-zoom par moment pour moi mais c’est assez léger comme défaut), les interludes sur les cours de Sophia sur les différentes façon d’envisager l’amour dans la philosophie occidentale rythment bien le film. Le fait d’avoir le point de vue de Sophia et ses échanges avec ses amies sur ce que sont le désir, l’amour etc est cool aussi (même si là aussi, un peu étrange qu’elle n’ait que des amiEs avec qui parler).

Y’a un petit côté Dolan (sans surprise) dans la juxtaposition des références culturelles (Sardou et Jankélévitch, Scorpions et bell hooks), mais justement il aurait été intéressant de montrer des classes intellectuelles qui revendiquent cette juxtaposition, c’aurait été plus réaliste.

Article invité : Lâcher prise

Série québécoise de 4 saisons, sorties entre 2017 et 2020 et accessible en streaming farpaitement légal sur TV5 Monde Plus.

Une série drôle, fine et émouvante sur le burn-out (et plein d’autres choses, notamment les relations familiales/filiales et on sait que j’aime ça), avec des personnages géniaux (du genre aussi insupportables qu’attachants, fortiches et vulnérables comme des bébés chats), mille punchlines hilarantes par épisode, des acteurices excellentissimes, une référence à Jean Leloup ♥, deux premières saisons formidables et deux suivantes certes un peu en dessous mais toujours un régal, bref, à gavisionner sans attendre.

On dirait la planète Mars, de Stéphane Lafleur

Film canadien sorti en 2023. La première mission habitée est sur le point de se poser sur Mars, pour y passer deux ans, mais des tensions se font déjà sentir dans l’équipage. Une filiale de l’agence spatiale canadienne va recruter cinq personnes aux profils psychologiques les plus proches possibles des astronautes, pour mettre sur pied une réplique de la base et ainsi pouvoir observer et résoudre les problèmes. C’est ainsi que David, prof d’EPS québécois, se retrouve à incarner John. David a toujours voulu aller dans l’espace, et il va osciller, ainsi que ses co-doublures, entre sentiment de participer à la grande aventure spatiale, et prosaïsme de la vie sur Terre dans une base déliquescente.

J’ai beaucoup aimé, c’était assez poétique, avec une bonne dose de wtf. C’est à la fois un film sur l’espace, sur le GN et sur la quête de sens, avec une bonne dose d’accent québécois, une bande-son discrète et une joli esthétique rétro. Recommandé.

Films

Tom à la Ferme, de Xavier Dolan. Film assez noir et perturbant. A l’enterrement de son compagnon, un homme rencontre sa belle-famille, qui ignorait que le défunt n’était pas hétéro. Il tombe vite sous l’emprise de Francis, le frère violent de son ex-amant. La relation entre les deux hommes, mais plus généralement entre tous les personnages est bien malsaine. Mais le film est intéressant. Il met bien en scène la relation dysfonctionnelle entre Tom et Francis, et le syndrome de Stockholm qui se développe chez Tom.

A Series of Unfortunate Events, de Brad Silberling. Adaptation des trois premiers livres de la série éponyme. J’aime beaucoup l’esthétique gothique du film. Jim Carrey est très bon en Comte Olaf. C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de suite.

Si tu tends l’oreille, de Yoshifumi Kondō. Film du studio Ghibli. J’ai bien aimé la première partie, le côté été qui s’étend, film coming of age, l’héroïne qui bouquine à la bibliothèque, écrit des chansons pour ses potes et se balade dans son quartier. Je suis moins fan de la seconde partie, l’histoire d’amour est un peu brusquée, tu sens que l’héroïne est pas très heureuse dans son marathon d’écriture.

Before Midnight de Richard Linklater. Troisième volet de la série des Before. On retrouve les deux mêmes personnages, très bien joué⋅e⋅s par Hawke et Delpy. Les personnages sont moins idiots, de par la majorité qu’ils ont gagné. J’ai trouvé le début et la fin de la dispute un peu forcés, et la dispute déséquilibrée : on est vachement davantage du côté du mec qui n’a pas l’air de monter en épingle tout ce qui dit l’autre et qui ne passe pas de leur couple à des grandes généralités en cinq secondes. Je l’ai largement préféré aux deux précédents.