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Protectorats, de Ray Nayler

Recueil de nouvelles, paru en 2023 au Bélial (les nouvelles ont originellement été publiées dans des magazines en anglais, mais il n’existe pas de recueil équivalent en anglais). Certaines des nouvelles partagent un univers uchronique commun, où les États-Unis ont exploité la technologie d’une soucoupe volante tombée sur leur territoire en 38 pour gagner une énorme avance technologique et à la fin de la seconde guerre mondiale, repousser les communistes jusqu’en Russie, gardant toute l’Europe et une partie de l’Asie Mineure sous la forme de « protectorats », d’où le titre du recueil.

J’ai bien aimé l’écriture, l’auteur installe ses univers uchroniques ou science-fictif avec efficacité. Les uchronies sont l’occasion d’une SF « à la papa » avec des voitures volantes, des espions russes et des robots qui jouent au baseball, qui fonctionne très bien (surtout qu’il y a quand même un élément plus moderne dans le fait que les US ne sont pas vraiment pour autant présentés comme l’empire du Bien (que fait notre administration avec toute cette puissance ?), et que les personnages sont hantés par des PTSD liés à ce qu’ils ont fait pendant la guerre. Les nouvelles plus futuristes parlent pas mal de ce qu’est la conscience, surtout si elle devient transférable dans d’autres corps, identiques ou différents, de ce qu’est la frontière de l’Humanité avec des androïdes qui luttent pour leur droits et des IA qui élèvent des enfants.

Je recommande pour de la SF classique et efficace.

La Fabrique des lendemains, de Rich Larson

Recueil de nouvelles de science-fiction d’un auteur canadien, paru en 2020. Les longueurs des nouvelles sont variables. Globalement le recueil est intéressant, les nouvelles installent toutes rapidement des univers bien caractérisés (ce qui est un challenge à faire dans un format nouvelles). Les nouvelles ne proposent pas des styles ou des traitements super originaux – il y a pas mal de cyberpunk/biopunk assez classique notamment, mais c’est bien écrit et prenant. Une nouvelle était au dessus du lot par son originalité, pour moi : En cas de désastre sur la lune. J’ai aussi bien aimé L’Homme Vert s’en vient, plus classique, mais qui est assez longue et a donc la place de raconter son histoire.

The Ladies of Grace Adieu, de Susanna Clarke

Recueil de nouvelles publié en 2006, et situé dans le même univers que Jonathan Strange & Mr Norrell, ie une Angleterre du XIXe siècle où la magie et les fées existent mais sont bien moins présentes que par le passé. Les nouvelles étaient assez inégales. J’ai bien aimé la nouvelle éponyme, ainsi que Mrs Mabb et Mr Simmonnelli, moins les autres.

C’est un bonus sympa à Jonathan Strange & Mr Norrell, mais ça ne tient pas debout tout seul.

Le Silence de la Mer, de Vercors

Recueil de nouvelles publiées clandestinement par les éditions de Minuit durant l’Occupation, et qui parlent de la vie sous l’Occupation, des relations à l’occupant, du comportement des français entre résistants et collaborateurs. La nouvelle éponyme, la plus connue est intéressante, par contre il y en a beaucoup d’autres qui exaltent la Grandeur et l’Exception de la France qui ont assez mal vieilli je trouve. J’ai bien aimé Le Silence de la Mer et L’Imprimerie de Verdun, les autres, moins.

I Sexually Identify as an Attack Helicopter, d’Isabell Fall

Nouvelle étatsunienne publiée en 2020. « I Sexually Identify as an Attack Helicopter » est à la base une ««« blague »»» transphobe (enfin, *la* ««« blague »»» transphobe, parce que visiblement ils ont jamais été capables d’en inventer une deuxième). Parce que lolilol, si des gens peuvent ne pas se reconnaître dans le genre et le sexe qui leur ont été assignés à la naissance et en revendiquer un autre, alors n’importe qui peut revendiquer n’importe quoi comme genre, hein hein ? [insert cringe laughter emoji].

Partant de cette take désastreuse, Isabell Fall décide de la considérer sérieusement. Elle imagine un monde où l’armée US militarise le genre : puisque performer le genre est un ensemble de comportements réflexes que des gens mobilisent pour gérer des interactions, ne serait-il pas pratique d’avoir des pilotes pour lesquels faire fonctionner un hélicoptère serait aussi instinctif que manspreader pour votre mec blanc moyen ? Ça fait une nouvelle très réussie, qui se passe quelques années dans le futur, avec une guerre civile américaine menée aux noms d’algorithmes d’optimisation divergents. Court à lire, dispo ici et très prenant, je recommande.

Canoës, de Maylis de Kerangal

Recueil de nouvelles français paru en 2021. Une nouvelle en quelques chapitres, puis des fragments en quelques pages. Deux éléments qui les relient : le sujet de la voix qui revient dans toutes les nouvelles, central dans les fragments, évoqué dans la nouvelle centrale ; le mot canoë, présent dans chaque nouvelle, parfois de façon assez artificielle avec l’évocation d’un pendentif canoë ou du rappel d’un souvenir qui n’a pas grand chose avec l’action principale mais qui contient un canoë.

Je n’ai pas été convaincu. La forme fragmentaire, je trouve que c’est toujours casse-gueule, et pour des nouvelles qui n’ont pas de twist ça me semble toujours inachevé. De plus, la forme nouvelles + le thème de la voix, ça m’a évoqué Calls, qui ne m’avait pas convaincu non plus.

Exhalation, de Ted Chiang

Recueil de nouvelles de science-fiction, écrites entre 2005 et 2019, de longueurs assez variables. J’aime bien l’écriture de Ted Chiang, je trouve qu’il fait des trucs très réussis et originaux sur des thèmes pourtant très classiques de la SF. Les formes les plus courtes (What’s Expected of us, Dacey’s Patent…, The Great Silence) étaient sympathiques mais manquait un peu de place pour poser des idées vraiment intéressantes. A l’inverse la plus longue, The Lifecycle of Software Objects était un peu trop longue par rapport à son fond j’ai trouvé, mais c’était raccord avec le projet de raconter l’évolution d’une relation sur 20 ans. J’ai beaucoup aimé Omphalos et Anxiety is the Dizziness of Freedom, qui traite de thème très différents l’une de l’autre, mais ont la même démarche de creuser loin les implications sur divers plan d’une découverte/invention, un genre de hard SF que j’aime beaucoup.

Je recommande le recueil.

Quinzinzinzili, de Régis Messac

Nouvelle de post-apo française de 1935. Régis Messac imagine en 1935 une seconde guerre mondiale qui éclate l’année même, opposant Allemagne, Japon et Angleterre à la France, l’URSS et les USA. Peu importent les détails du conflit, l’usage d’une arme secrète vient bientôt éradiquer les deux camps entièrement, en répandant du gaz hilarant en quantité mortelle sur tous le globe.

Le narrateur survit parce qu’il était en train de faire de la spéléo dans une grotte en tant que moniteur d’une sortie d’un sanatorium pour enfants. De ce qu’il en sait, l’Humanité se réduit désormais à lui et une demi-douzaine d’enfants, qui régresse à un stade d’intelligence inférieur, s’inventent une espèce de patois pour communiquer et s’encombrent de toute une superstition qui prend de plus en plus de place.

C’est un texte assez misanthrope, avec un narrateur sévèrement déprimé qui méprise totalement les gamins qui constituent les derniers représentants de l’Humanité. La nouvelle décrit leur vie dans ce monde bouleversé, et les relations violentes entre les membres de la communauté, jusqu’à la mort du narrateur. C’était intéressant comme exemple d’une SF post apocalyptique d’époque, mais c’était pas un texte incroyable en soi.

Pendant qu’il te regarde, tu es la Vierge Marie, de Gudrùn Eva Minervudòttir

Recueil de nouvelles islandais. Je l’avais trouvé dans une boîte à livres, j’étais curieux, mais cen n’était pas très intéressant. Les nouvelles sont très courtes, tournent autour de relations sentimentales hétéros la plupart du temps, le style d’écriture est assez plat. Mon amour, je ne trouve pas la sortie était rigolote, les autres dispensables.

Last exit to Brooklyn, de Hubert Selby Jr.

Collection de nouvelles publiées en 1967. L’ouvrage suit des personnages des classes populaires voire des marginales et marginaux de Brooklyn : des ouvriers, des chômeurs, une prostituée, des travestis. Le livre se focalise sur des relations humaines assez basiques, la consommation d’alcool, de drogue, la sexualité et les désirs de ses personnages, avec une écriture supposée reproduire l’oralité des échanges. J’ai trouvé les nouvelles assez inégales. La première est bien en tant qu’ouverture, elle plante bien le décor, la répétition du même, les relations interpersonnelles tendues. et la dernière avec son aspect choral dans un HLM est fort réussie. Celle sur la grève contient des éléments intéressants notamment parce qu’elle prend le temps de développer la psychologie de son personnage principal. Mais bon, pour le reste, c’est vraiment faire tout tourner autour de la sexualité et de la recherche du plaisir, et ça présente pas mal des pauvres affreux sales et méchants.