Archives par mot-clé : film français

L’Année du Requin, de Ludovic et Zoran Boukherma

Film français sorti en 2022. A la pointe, station balnéaire de Gironde, la commandante de gendarmerie Maja Bordenave (Marina Foïs) vit sa dernière semaine sous les drapeaux avant sa retraite à 49 ans. Ultra attachée à son métier elle ne le vit pas très bien. La découverte de la présence d’un requin tueur va lui permettre de rempiler une semaine supplémentaire.

Grosse déception. Y’avait beaucoup de potentiel mais le film n’en fait rien. On a l’impression qu’ils setuppent plein de situations pour n’en rien faire. La partie « requin tueur » est réussie, mais c’est noyé dans un truc qui pourrait faire un film comique (Marina Foïs, JP Zadi, Kad Merad, y’avait de quoi faire une comédie populaire) mais qui ne se décide jamais à vraiment faire des blagues. Juste, on attend que ça passe.

L’Astronaute, de Nicolas Giraud

Film français de 2023, vu en avant-première au festival des Œillades. Jim Desforges est un ingénieur en aéronautique chez Ariane. Il a candidaté pour être astronaute en 2009, mais a été classé 3e : non sélectionné. Il est cependant resté obsédé par l’idée d’aller dans l’espace, et détourne des pièces au boulot pour construire dans une grange sa propre fusée, avec l’objectif de réaliser le premier vol spatial amateur. Une reproduction du vol de Leonov, un tour de la terre et une sortie extra-véhiculaire. Pour ce faire, il va s’entourer d’un ami chimiste, d’un ancien astronaute, d’une mathématicienne et de sa grand-mère.

Sans être révolutionnaire, c’était plutôt sympa. Les rôles féminins ne sont pas très développés, c’est un film qui se concentre sur les personnages masculins, en mode « des mecs à l’ancienne », ie des ingénieurs ou geeks taiseux, obsédés par un projet particulier. Mais dans ce créneau ça marche bien. On a plein de plans sur les pièces de la fusée en train d’être construite, un convoi exceptionnel, le lever de la fusée à la grue : plein de scène bien filmées qui parlent totalement aux amateurs de grosses machines (oui, j’étais pas mal dans le cœur de cible, je pense). La photographie, notamment des scènes de nuit ou dans la montagne est bien réussie.

Goliath, de Frédéric Tellier

Film français sorti en 2022 et inspiré des Monsanto Papers. On suit en parallèle une prof de sport et militante du sud de la france, un avocat spécialisé en droit environnemental et un lobbyiste pour une firme du secteur agrochimique, dont les parcours s’entrecroisent autour de la tétrazine, un pesticide imaginaire dont le renouvellement de l’autorisation d’usage au niveau de la Commission Européenne est imminent. Le film met en scène les tentatives d’opposition – par le droit pour l’avocat, par la désobéissance civile et l’activisme pour la militante – à ce renouvellement, et la disproportion des moyens entre leur action et celle des lobbyistes, qui invitent les sénateurs et ministres français à déjeuner, lancent des campagnes de trollage et d’influence sur internet, montent des dossiers sur les opposants, payent des médecins pour intervenir en leur faveur dans les médias…

C’est un peu long par moment mais j’ai bien aimé. Pierre Niney joue très bien le lobbyiste sûr de lui et parfaitement à l’aise dans sa vie de grand bourgeois au cœur du système.

L’Été meurtrier, de Jean Becker

Film français de 1983, adapté du roman éponyme de Sébastien Japrisot. Dans un village du Sud-Est de la France, une nouvelle famille s’installe. Le père est hémiplégique, la mère d’origine allemande et taiseuse, et la fille, « Elle », (jouée par Isabelle Adjani) fait tourner la tête de tous les garçons du village. Mais elle jette son dévolu sur Pimpon (Alain Souchon, très bon), mécanicien auto et pompier volontaire. Pimpon l’aime aussi, mais il ne comprend pas ses soudaines sautes d’humeur, ses absences inexpliquées et sa fureur à l’évocation de certains détails. A travers une narration qui saute d’un personnage à l’autre, on va découvrir les secrets du passé d’Elle et de sa famille, en passant par plusieurs fausses pistes.

Sentiment mitigé. L’intrigue globale est intéressante mais le film met longtemps à démarrer, les acteurs ne jouent pas toujours très bien et les rôles féminins sont quand même assez caricaturaux. Après on se laisse prendre au film a partir du moment où on commence à avoir quelques révélations.

Je pense que je recommanderais plus le livre que le film, mais il faudrait que je lise le livre pour confirmer cette impression.

La Nuit du 12, de Dominik Moll

Polar français tourné dans les Alpes et sorti en 2022. On suit une équipe de la PJ de Grenoble qui enquête sur le meurtre d’une femme à Saint-Jean-de-Maurienne. Les pistes sont multiples mais aucune n’aboutit (un carton au début du film annonce qu’il s’agit d’une enquête non-résolue), les confrontations avec les différents suspects et la violence du meurtre hantent les enquêteurs.

J’ai bien aimé. C’est logiquement pas très joyeux vu que le cœur du propos est un féminicide, mais c’est bien filmé, les personnages des flics de la PJ sont intéressants, les suspects sont antipathiques juste comme il faut et les paysages de montagnes sont très beaux. La relation entre Yohann et Marceau est réussie, le côté amitié bourru et mecs qui se confient l’un à l’autre mais ne se comprennent pas trop est bien mise en scène.

Je recommande si vous aimez les polars et la montagne.

Rien à foutre, d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre

Film franco-belge de 2021. Cassandre est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Elle enchaîne les vols depuis Tenerife où elle est basée. Elle partage sa vie entre son boulot, des soirées en boîte et des coups d’un soir. Elle rêve de devenir hôtesse chez Emirates mais ne fait rien pour y parvenir, et tente d’esquiver la promotion que son chef lui impose.

J’ai bien aimé. Il y a un côté film social qui montre l’envers du décor des compagnies low-cost, mais en même temps Cassandre est contente de ce qu’elle trouve dans son boulot. Même si le film sort un peu le pathos pour montrer qu’elle s’est réfugiée là pour ne pas avoir à affronter la mort de sa mère, elle fait quand même parti du système, le fait tourner, et même si elle est empathique sur certains points, elle ne remet pas du tout en question le système global. Le film bifurque quand elle rentre dans sa famille et passe du temps avec son père et sa sœur à Huy, mais elle finit par repartir à sa vie d’hôtesse, en tentant d’entrer dans une compagnie de jets privés plus prestigieuse.

Globalement c’était sympa à regarder, quelques longueurs (surtout dans la partie du retour à la maison), mais le film vaut le détour

Petite Maman, de Céline Sciamma

Retour vers le futur x Tomboy

Film français sorti en 2021. Le film commence juste après le décès de la grand-mère maternelle de Nelly, 8 ans. Cette dernière part avec ses parents dans la maison de sa grand-mère pour la vider. Le retour dans sa maison d’enfance est trop douloureux pour Marion (la mère) qui part et laisse Nelly et son père gérer la fin du déménagement. Alors qu’elle joue dans la forêt, Nelly tombe sur une fille de son âge, Marion, qui construit une cabane comme celle dont la mère de Nelly lui parlait. Marion ramène Nelly chez elle, et Nelly réalise que Marion est sa mère, qu’elle peuvent voyager entre les deux époques et que Nelly peut revoir sa grand-mère.

J’ai beaucoup aimé. Le film est rapide, il boucle son histoire en 1h12. On retrouve des thèmes de Tomboy avec les enfants qui jouent entre elleux dans la forêt et qui recréent leur monde. Le voyage dans le temps, ici permis par les différents chemins de la forêt, qui permet de se plonger dans l’histoire familiale évoque Retour vers le Futur : de la même façon que Marty va intervenir dans la rencontre entre ses parents, Nelly va rassurer sa mère qui a peur de son opération à venir. On est cependant sur un mode beaucoup plus apaisé et moins épique que Retour vers le Futur (plus sur un trip réalisme magique). Le film n’est d’ailleurs pas tout à fait clair sur la réalité des événements : la Marion adulte part juste avant que Nelly ne rencontre sa version enfant, et revient juste après le départ de la version enfant pour l’hôpital : est-ce que la version enfant n’est pas juste la métaphore d’une relation différente entre la mère et la fille ? (Marion enfant est très peu perturbée quand elle apprend que Nelly est sa fille, ou qu’elle lui parle de la mort de sa mère ; a contrario Nelly interagit dans le passé avec sa grand-mère. Je ne pense pas vraiment qu’il y ait un intérêt à trancher définitivement mais ça fait des pistes de réflexion).

Ça parle logiquement beaucoup de rapport mère-fille sur plusieurs générations, mais en arrière-plan. Au premier plan on voit deux filles tripper, construire une cabane, faire des crêpes, monter une pièce de théâtre, faire du bateau vers une mystérieuse pyramide immergée.

Comme toujours j’aime beaucoup la photographie de Sciamma, la façon qu’elle a de filmer une maison de retraite, un pavillon de banlieue, une forêt. L’usage de la musique est aussi très réussi, avec une bande son qui ne l’utilise qu’à un seul moment, laissant l’émotion être portée la plupart du temps par le jeu des actrices et de l’acteur.

En même temps, de Kervern et Delépine

Comédie française de 2022. Vincent Macaigne et Jonathan Cohen jouent deux maires de sensibilités opposées (écolo radical et droite décomplexée) qui se retrouvent collés l’un à l’autre avec de la colle industrielle. Pendant une nuit blanche ils vont parcourir leur communauté de communes, rencontrer différentes personnes de leurs cercles sociaux respectifs et confronter leurs points de vue, pendant que les militantes féministes qui les ont collés ensemble tentent de les retrouver.

C’était… pas très bien. Je l’ai vu en avant-première dans une salle comble à Albi où ça a été tourné, c’était rigolo de reconnaître les lieux mais sinon il n’y avait pas grand chose dans le film. Quelques gags réussis (notamment Jonathan Cohen qui fait du Jonathan Cohen, mais aussi tous les policiers du centre de vidéosurveillance qui s’avèrent être des écologistes en sous-marins), des plans intéressants (Jonathan Cohen filmé derrière un poteau) et de jolis décors, une séquence de fin sympa qui suit les militantes féministes qui collent des affiches à travers la ville. Mais durant la présentation du film les deux réalisateurs ont beaucoup dit que le féminisme et l’écologie étaient important pour eux, et c’est pas très visible dans le film en fait ? Alors qu’il y avait pourtant de quoi faire et quelques prémices de situations comiques qui vont dans une direction dénonçant le greenwashing et le patriarcat, ça retombe très vite dans le côté « lol ils sont collés par les parties génitales » et « hihihi des gens croient qu’ils sont gays » au lieu de creuser un humour plus politique.

Bref, pas fou, on sent une volonté de bien faire des réalisateurs mais qui échoue.

Les Olympiades, de Jacques Audiard

Film français de 2021, tourné en noir et blanc. Les relations entre trois personnages principaux, Émilie, vingtenaire et Camille et Nora, trentenaires, pour lesquels les relations amoureuses et sexuelles ont une place prépondérante dans leur vie. On voit leurs trajectoires s’entrecroiser au milieu du quartier des Olympiades dans le XIIIe arrondissement.

L’histoire du film n’est en soi pas passionnante : on a un triangle amoureux avec quelques intrigues secondaires, entre trentenaires parisiens désabusés. Bref, c’est un Film Français. Mais c’est paradoxalement ce classicisme qui est intéressant : le choix du noir et blanc ancre le film dans la continuité de films du même styles plus anciens (plutôt qu’aux films de trentenaires désabusés actuels à la Guillaume Canet). La façon dont le réalisateur propose une réactualisation des tropes de ces films est intéressante : déjà on se retrouve avec des personnages non blancs, un désir pas seulement romantique mais aussi sexuel réparti chez les deux genres, on a du multilinguisme, des bullshit jobs, du déclassement social, de la communication numérique. En soi je n’ai pas l’impression que le film propose du neuf sur ces éléments, mais il les intègre tous relativement bien. Si la place vraiment centrale que prend le sexe dans la vie des persos m’a laissé un peu perplexe (surtout au début, puisque la balance se rééquilibre en faveur des sentiments au fur et à mesure que le film progresse), les scènes de sexe sont assez réussies dans la façon dont elles sont filmées. Les acteurs jouent très bien et réussissent à rendre leurs personnages crédibles et attachants malgré des dialogues parfois un peu guindés.

Bonne bande-son de Rone, aussi. Par contre, contrairement à ce qui laisse penser espérer le titre, le quartier lui-même est assez peu exploité : il y a quelques beaux plans dessus ou sur des vues plus larges de Paris, mais il y aurait largement eu de quoi faire mieux.

Film intéressant si vous voulez du classicisme réactualisé et du sexe filmé en noir et blanc de façon réussie.