Archives par mot-clé : film français

Victoria, de Justine Triet

Film français de 2016. Victoria est une avocate à la vie un peu chaotique. Élevant seule ses deux filles, son ex est un écrivain qui a eu un certain succès en mettant en scène sa vie à elle sur son blog d’autofiction en déguisant très peu les éléments. Elle accepte de défendre un de ses amis qui est accusé d’avoir poignardé sa compagne lors d’un mariage ; un ancien client à elle et ancien dealer vit chez elle et l’assiste pour préparer le procès et babysitter ses filles. Elle est en permanence à la limite du burn-out voire de l’autre côté et enchaîne les clopes.

J’ai beaucoup aimé. C’est bien filmé, les acteurs jouent bien, y’a un très bon usage de la musique (notamment sur le montage des six mois de suspension) et globalement une bonne bande son. On détecte une petite tendance aux films de procès avec des chiens comme acteurs-clefs chez Justine Triet (une tendance assez niche). On voit largement venir la romance qui était dispensable, mais ça reste un défaut mineur (et une romance assez originale).

Bref, recommandé.

Article invité : Un métier sérieux, de Thomas Lilti

Film de 2023, dans la lignée des autres films de Thomas Lilti : une comédie dramatique réaliste humaniste chorale (ça va, vous suivez ?) dans un milieu professionnel connu-mais-méconnu (précédemment : la médecine, ici : les profs de collège), avec une galerie de personnages (joués par ses acteurs habituels, ie Louise Bourgoin, François Cluzet et Vincent Lacoste) humains et attachants avec leurs défauts et leurs fêlures (tous les profs parents sont pas oufs avec leur enfants). Dans la forme, ça ressemble à beaucoup d’autres films sur l’école (La vie scolaire, Entre les murs) : chronologique, du début à la fin de l’année scolaire, alternant des moments anodins type tranches de vie (pour le côté documentaire / attachement aux personnages) avec une série d’épisodes forts « incontournables » (la rentrée, le conseil de discipline, la sortie scolaire, le craquage en classe…) pour le côté dramatique. Moi, c’est ma came : j’ai passé un bon moment, les acteurices sont top, j’ai rigolé et frémi. Mais ça reste aussi assez lisse, sans discours très politique ou radical sur ce qu’est l’école comme institution – sauf lors d’un débat sur la pertinence du conseil de discipline et de l’exclusion. Tous les collègues s’adorent, les tensions interindividuelles n’existent pas – sauf lors du débat sus-mentionné. Mention râlage pour les ébauches de romance, forcément hétéro, qui certes montrent que, comme partout, les gens se chopent au travail, mais étaient aussi largement évitables à mon sens.

Anatomie d’une chute, de Justine Triet

Palme d’or 2023. Sandra, écrivaine, vit dans un chalet alpin avec son mari Samuel et son fils Daniel. Un jour, Samuel est retrouvé mort. Le film va montrer le déroulé du procès visant à établir si Sandra est responsable de la mort de Samuel.

J’ai beaucoup aimé. J’avais peur que 2h30 de film de procès ce soit un peu long, mais à part les 10 dernières minutes (après l’annonce du verdict, en gros), on ne les voit pas passer. Le film prend le temps d’installer les éléments de l’intrigue au début, et d’un coup ça décolle et on est dans un tunnel, la Palme est totalement méritée. Le film montre la perception de la relation de Sandra et Samuel à travers les yeux de Sandra, de Daniel, et via un discours rapporté et des enregistrements, à travers les yeux de Samuel – ainsi que la perception de leur relation par le grand public. C’est très bien joué (sauf peut-être les rôles de la présidente de la cour d’assise et celui de l’avocat général, qui semblent être là pour faire les antagonistes, et je ne suis pas convaincu non plus par le personnage de Marge) – même le chien joue bien. Les enjeux de plurilinguisme (même si on peut regretter de ne pas entendre un mot d’allemand alors que le personnage principal est allemande, pourquoi elle parle en anglais et pas en allemand au procès ?) et d’écriture/création sont réussis.

C’est un peu un retournement du trope de la femme dans le réfrigérateur : la mort d’un homme donne le point de départ de toute l’intrigue, il y a des enjeux de tension dans le couple mais c’est Samuel qui se plaint d’être enfermé à la maison pendant que sa compagne à une carrière brillante – je fais un peu un rapprochement avec Revolutionary Road aussi.

Grosse reco.

Les Trois Mousquetaires, de Martin Bourboulon

Paru en 2023, il s’agit de la première partie d’une adaptation de roman de Dumas. Tous les acteurs en vue du cinéma français, des reconstitutions en costume, des combats à l’épée (pas très lisibles), on est dans le grand spectacle (avec absolument tout en teintes de marron et de gris). C’est bankable, mais ça m’a assez peu parlé personnellement. Ça va à toute vitesse, on comprend pas trop les motivations des personnages à part « être viril » et « être un bon camarade ». Je pense que je préfère le kitsch de la version de 2011 avec le casse du coffre de Da Vinci en scène d’ouverture, ou la version en livre.

Tout le monde aime Jeanne, de Céline Devaux

Film français paru en 2022. Suite à des déboires financiers, Jeanne doit vendre l’appartement de sa mère à Lisbonne, où elle n’est pas retourné depuis le suicide de celle-ci. Dans l’avion, elle croise Jean, un camarade de lycée dont elle ne se souvient absolument pas. À Lisbonne elle va errer entre tentatives de rangement de l’appartement, visites d’agents immobiliers, réminiscences de sa mère, échanges avec son ex et avec Jean (et sa nièce Théodora), pendant que dans sa tête une petite voix (qui prend la forme d’un dessin animé) mine sa confiance en elle.

J’ai beaucoup aimé. C’est très drôle (alors que ça parle de deuil et de dépression), les acteurices jouent très bien, on apprend des techniques pour voler dans les magasins, excellent film.

Ce Sentiment de l’été, de Mikhael Hers

Film franco-allemand de 2015. Un été à Berlin, Sasha meurt. Pendant plusieurs années, l’été va rappeler à sa famille cette tragédie. On suit plus particulièrement Lawrence, son petit ami, et Zoé, la sœur de Sasha. Le film se déroule à Paris, Annecy Berlin et New York, toujours en été. On voit leurs vies qui se déroulent, avec le poids de leur relation à Sasha qui s’impose (ou se rappelle) à eux par moment, et en même temps le reste du monde qui continue d’exister.

J’ai bien aimé. Dans la façon dont c’est filmé, ces paysages urbains, cette caméra à côté des personnages, je trouve que ça rappelle beaucoup la trilogie Before Sunrise de Richard Linklater. Y’a ces déambulations dans la ville, ces personnes qui vivent entre plusieurs villes, pays, continents. Il y a des échos entre les différentes villes, liés au fait qu’on les voit toujours en été : c’est facile d’être dehors, les gens vont dans des bars, des soirées, des parcs, montent sur les toits, les tenues sont les mêmes (la seule différence c’est peut-être qu’en Amérique les gens se déplacent en pickup là où ils sont en vélo ou à pied en Europe).

Recommandé.

L’Île Rouge, de Robin Campillo

Film sorti en 2023. Madagascar, début des années 70. L’armée française est toujours présente, malgré l’indépendance officielle de l’île, mais sur le point de plier bagages. On suit la vie des familles de soldats de la base 181, expatriés dans un décor de rêve mais qui le traitent comme un décor : la base vit en vase clos, isolée de la population locale. On suit ces derniers mois avant le départ par le regard d’un enfant de 8 ans, qui lit Fantômette en boucle et imagine ses aventures (ce qui donne lieu à des séquences avec une esthétique diorama très réussies), alors qu’autour, le patriarcat et le colonialisme s’exercent tranquillement.

J’ai beaucoup aimé. C’est un film qui pose des ambiances, joue avec les lumières (la scène de la projection cinéma sur la plage est très belle), et montre la violence ordinaire (d’une manière très réussie puisque les personnages ne sont pas caricaturalement sexistes/racistes/autre, mais ils sont des hommes et des femmes des années 70s, blancs, militaires : le racisme et le patriarcat ne sont jamais loin, même dans les bonnes intentions.

Je recommande grandement

L’Année du Requin, de Ludovic et Zoran Boukherma

Film français sorti en 2022. A la pointe, station balnéaire de Gironde, la commandante de gendarmerie Maja Bordenave (Marina Foïs) vit sa dernière semaine sous les drapeaux avant sa retraite à 49 ans. Ultra attachée à son métier elle ne le vit pas très bien. La découverte de la présence d’un requin tueur va lui permettre de rempiler une semaine supplémentaire.

Grosse déception. Y’avait beaucoup de potentiel mais le film n’en fait rien. On a l’impression qu’ils setuppent plein de situations pour n’en rien faire. La partie « requin tueur » est réussie, mais c’est noyé dans un truc qui pourrait faire un film comique (Marina Foïs, JP Zadi, Kad Merad, y’avait de quoi faire une comédie populaire) mais qui ne se décide jamais à vraiment faire des blagues. Juste, on attend que ça passe.

L’Astronaute, de Nicolas Giraud

Film français de 2023, vu en avant-première au festival des Œillades. Jim Desforges est un ingénieur en aéronautique chez Ariane. Il a candidaté pour être astronaute en 2009, mais a été classé 3e : non sélectionné. Il est cependant resté obsédé par l’idée d’aller dans l’espace, et détourne des pièces au boulot pour construire dans une grange sa propre fusée, avec l’objectif de réaliser le premier vol spatial amateur. Une reproduction du vol de Leonov, un tour de la terre et une sortie extra-véhiculaire. Pour ce faire, il va s’entourer d’un ami chimiste, d’un ancien astronaute, d’une mathématicienne et de sa grand-mère.

Sans être révolutionnaire, c’était plutôt sympa. Les rôles féminins ne sont pas très développés, c’est un film qui se concentre sur les personnages masculins, en mode « des mecs à l’ancienne », ie des ingénieurs ou geeks taiseux, obsédés par un projet particulier. Mais dans ce créneau ça marche bien. On a plein de plans sur les pièces de la fusée en train d’être construite, un convoi exceptionnel, le lever de la fusée à la grue : plein de scène bien filmées qui parlent totalement aux amateurs de grosses machines (oui, j’étais pas mal dans le cœur de cible, je pense). La photographie, notamment des scènes de nuit ou dans la montagne est bien réussie.

Goliath, de Frédéric Tellier

Film français sorti en 2022 et inspiré des Monsanto Papers. On suit en parallèle une prof de sport et militante du sud de la france, un avocat spécialisé en droit environnemental et un lobbyiste pour une firme du secteur agrochimique, dont les parcours s’entrecroisent autour de la tétrazine, un pesticide imaginaire dont le renouvellement de l’autorisation d’usage au niveau de la Commission Européenne est imminent. Le film met en scène les tentatives d’opposition – par le droit pour l’avocat, par la désobéissance civile et l’activisme pour la militante – à ce renouvellement, et la disproportion des moyens entre leur action et celle des lobbyistes, qui invitent les sénateurs et ministres français à déjeuner, lancent des campagnes de trollage et d’influence sur internet, montent des dossiers sur les opposants, payent des médecins pour intervenir en leur faveur dans les médias…

C’est un peu long par moment mais j’ai bien aimé. Pierre Niney joue très bien le lobbyiste sûr de lui et parfaitement à l’aise dans sa vie de grand bourgeois au cœur du système.