Death Becomes Her, de Robert Zemeckis

Film américain de 1992. Une actrice obsédée par l’apparence de la jeunesse boit une potion magique lui garantissant la jeunesse éternelle. Tuée par son mari peu après, elle devient une zombie, qui doit recourir à des produits industriels pour maintenir son apparence. Elle tente de manipuler son mari croque-mort pour qu’il s’en charge, mais elle finit par ne pouvoir s’appuyer que sur sa meilleure ennemie, dans la même situation qu’elle…

C’était inégal. Meryl Streep joue le rôle principal et le joue très bien. Le film part un peu dans toutes les directions, on est sur une dénonciation des injonctions permanentes à la beauté que subissent les femmes, mais pas toujours de façon très adroite. Y’a une séquence grossophobe complètement gratuite au début du film – et quand je dis complètement gratuite c’est qu’on peut juste la virer et le film reste totalement compréhensible.

Y’a une influence Rocky Horror Picture Show dans le manoir de la dispenseuse de la potion d’éternelle jeunesse avec ses serviteurs bodybuildés, un côté meurtre pasionnel à Mulholland Drive dans un bout du film – en fait on à pas mal l’impression de voir un patchwork de films, mais c’est peut-être volontaire de la part de Zemeckis.

Peninsula (반도), de Sang-Ho Yeon

Film de zombies, la suite de Dernier Train pour Busan. 4 ans après l’épidémie du premier film, la Corée a été coupée du reste du monde. Des réfugiés coréens à Hong Kong sont recrutés par un mafieux local pour aller chercher un camion plein de dollars abandonné près du port de Séoul.

Sur place, ils se rendent compte qu’il y a des survivants, une famille attachante avec des gamines qui font drifter une voiture dans Séoul, et une ancienne unité militaire dont les membres abandonnés sont devenus fous et organisent des combats entre des gens qu’ils enlèvent dans la rue et des zombies (le film n’a pas peur des clichés, vous l’aurez compris).

C’était moins bien que Dernier Train pour Busan, parce que c’était très classique comme film de zombies. Y’avait de jolis plans, quelques hommages, une course poursuite en voiture à la Mad Max, et une fin très prévisible. C’est un honnête film de zombies mais ça ne va pas au delà.

Spinning Silver, de Naomi Novik

Livre de fantasy basé sur la mythologie polonaise. C’est le deuxième bouquin de Novik que je lis, après Uprooted, Et je pense que j’ai encore plus aimé. On suit l’histoire de Myriem, une prêteuse d’argent dans un village rural, qui remplace son père qui n’est pas assez froid pour faire ce métier. Le champ de l’histoire s’élargit progressivement, à la fois par l’augmentation des enjeux auxquels est confrontée Myriem, et par l’ajout progressif de d’autres narrateurices.

Cet ajout de d’autres narrateurices est très réussi je trouve, permettant de montrer au début d’autres points de vue d’une même situation qui jettent une nouvelle lumière sur les enjeux, avant de les faire partir vers d’autres événements pour faire avancer l’intrigue.

Les Staryks sont très réussis comme peuple magique, fonctionnant selon les règles des Fées, où la parole donnée lie absolument et où les noms ont du pouvoir. Toute la partie sur la maison magique était super cool aussi, j’en aurai voulu plus.

Le côté non-magique de l’univers est très réussi aussi, avec une société rigide, avec un tsar, des nobles, des boyars, des paysans, et une minorité juive toujours à risque de servir de boucs émissaires. De façon générale, gros coup de coeur sur l’univers.

Le défaut que je vois au livre est la structure des relations amoureuses, exactement la même entre elles et que celle d’Uprooted : une honnête jeune fille est appariée à une créature puissante et monstrueuse, mais découvre avec le temps qu’au fond il est bon, humain et désirable. M’ouais. Ok une fois, mais ce serait bien d’avoir d’autres types de relation.

Habiter en oiseau, de Vinciane Despret

Essai qui revient sur les notions de territoire et de relation interpersonnelles chez les oiseaux. Vinciane Despret explique quelles sont les observations scientifiques et les théories qui ont été faites sur ces concepts, détaille l’évolution des conceptions, comment les notions sont liées aux présupposés des observateurices, aux évolutions de ces notions dans les sociétés humaines, comment l’ornithologie elle-même a évolué.

L’idée principale est que la notion de territoire chez les oiseaux n’a pas un côté propriété permanente comme chez les humain.e.s. Les oiseaux peuvent défendre un territoire, mais ponctuellement, contre certain types d’incursion et pas contre d’autre. Leur territorialité peut évoluer avec les saisons ou avec le groupe, même au sein d’une espèce. Il y a même des cas où un changement de configuration du paysage change le comportement des oiseaux : ils ne défendent plus leur territoire sur un lac qui a gelé. Ce n’est donc pas tant le lieu que ses propriétés qui les intéressent. Elle discute de ce que le territoire peut représenter pour les oiseaux : un point de rencontre sur lequel un couple s’est mis d’accord, une zone de réserve de bouffe, une zone qui permet de se faire voir pour une parade nuptiale, une zone connue dans laquelle il est facile de se cacher, ou juste… un endroit qu’ils aiment bien. Elle ne tranche pas entres les hypothèses qui de toute façon peuvent être simultanément vraies, et en proportions variables selon les espèces ou les groupes.

L’autrice parle aussi de la tension chez les oiseaux à avoir un comportement grégaire et territorial à la fois : ils cherchent un territoire mais ont tendance à les coller les uns aux autres mêmes si ce n’est pas le plus pertinent en terme de ressources. Il y a une socialité des oiseaux. Les conflits sont d’ailleurs ritualisés, et les oiseaux s’observent beaucoup les uns les autres (apprentissage ?).

Enfin l’autrice parle aussi de territoire non physique : on observe des communautés de plusieurs espèces d’oiseaux qui se répartissent les fréquences sonores et les intervalles de champ pour permettre que tout le monde soit audible. Les oiseaux utilisent aussi d’autres espèces comme points de repère : par exemple certains oiseaux se retrouvent les uns les autres en visant où il y a des hirondelles, plus facilement repérables.

Bref, c’était intéressant, ça se lit bien avec des chapitres courts, c’est un bon essai d’écologie.

Tooth Fairy, de Michael Lembeck

Film américain de 2010. Dwayne Johnson incarne un joueur de hockey de seconde zone, utilisé par son équipe pour blesser les joueurs adverses. Sa brutalité sur le terrain lui vaut une célébrité locale, et il est plutôt content de sa vie. Suite à son affirmation devant une enfant que la Fée des dents (la petite souris aux USA) n’existe pas, il est considéré coupable par le monde féerique de « dispersion of disbelief » et condamné à devenir une des Fées des dents pour 2 semaines, une obligation qui va interférer avec le reste de sa vie.

J’ai été fort agréablement surpris. L’intrigue est relativement classique pour ce genre de film, mais le personnage principal est nuancé – il a un bon fond mais il sait se montrer mesquin, et il est désabusé, et les seconds rôles sont tous réussis. Point bonus pour avoir filé au personnage principal un love interest qui a son âge et pas 20 ans de moins.

Le personnage n’est pas spécialement attaché aux enfants, il s’entend bien avec la gamine de sa compagne mais a plus de mal avec le fils, et il n’a pas spécialement d’affection pour tous les autres enfants qu’il rencontre. De façon générale son approche désanchantée de son job temporaire de fée est très réussie. Les gags sur les différents gadgets sont attendus mais bien exécutés. Julie Andrews en Fairy godmother est géniale (et excellente scène durant le générique de fin).

Heathers, de Michael Lehmann

Film de 1988. L’action se déroule dans un lycée des Etats Unis. Une hiérarchie sociale stricte est en place, avec au sommet trois filles nommées Heather + l’héroïne du film, Veronica. Cette dernière est tiraillée entre son envie de profiter de sa place quasi au sommet et son désir d’un ordre social plus juste. Elle rencontre un mystérieux nouvel élève qui va se révéler être un psychopathe. Ensemble ils vont exécuter une série de meurtres déguisés en suicide pour tenter de reverser la hiérarchie du lycée mais ne vont faire que la renforcer.

C’était très bien dans le dark. La symbolique sur les couleurs était visuellement réussie (chaque personnage principal est associé à une couleur, les trois Heathers à une couleur vive, dont le rouge pour la leader, Veronica un bleu qui s’assombrit progressivement, JD le noir – les couleurs du lycée sont rouge et noir, les deux pôles populaire et outsider donc, et ça donne aussi aux fanions du lycée un aspect de drapeaux totalitaires).

La mort des personnages éliminés leur donne une profondeur supplémentaires aux yeux de ceux qui leur survivent, au lieu de briser leur emprise sur le groupe elle ne fait que la renforcer. Veronica ne réussi a briser le cycle que quand elle décide d’assumer le rôle de leader et de se montrer bienveillante, plutôt que de tuer dans l’ombre et espérer que les choses s’améliorent d’elles mêmes ensuite.

Toute la réflexion sur les suicides adolescents, les adultes clueless et les effets de popularité et de mode sont assez réussi.

Une Ombre qui marche, de Tiphaine Le Gall

Roman français sorti en 2020. L’oeuvre prend la forme d’un essai sur un roman publié en dans les années 2030 et qui révolutionne radicalement la littérature et au delà le rapport des humain.e.s au monde. Particularité de cette œuvre révolutionnaire, elle est composée de 283 pages blanches, jouant avec le blanc de la page et donnant une place centrale au silence et à la subjectivité du lecteur.

L’autrice signe une forme de parodie référencée d’analyse littéraire, comparant le texte de Timothy Grall à ses références (Montaigne, Nietzsche), à ses œuvres précédentes (L’ouverture de la porte, Ethique et Métaphysique du gros orteil droit), à sa vie en tant qu’écrivain ayant grandi dans le tumulte du début du XXIe siècle. Elle parle de l’écriture fragmentaire, de l’importance des blancs autour du texte dans les poèmes, du genre auquel rattacher un roman entièrement blanc, de la mise en avant de la matérialité de l’objet livre, et de l’impossibilité d’épuiser les interprétations. Faut avoir un penchant pour la théorie littéraire à la base mais c’est trippant à lire.

Article invité : Flipette & Vénère, de Lucrèce Andreae

Déjà, c’est une histoire de sœurs : cette BD de 340 pages d’une autrice qui est aussi réalisatrice de films d’animation partait avec une longueur d’avance dans mon cœur.

Ensuite, c’est une histoire qui incarne les atermoiements politico-existentiels qui sont les miens et ceux des milieux que je fréquente : Flipette-Clara est l’artiste intello, photographe prometteuse et/mais flippée de s’engager politiquement, découvrant avec maladresse et pas mal de narcissisme les milieux anarcho-associativo-militants que fréquente sa petite sœur, Vénère-Axelle.

Après plusieurs années d’éloignement, les deux jeunes femmes se (re)trouvent mutuellement à la faveur d’un accident d’Axelle. Clara découvre la galerie de personnages haut·es en couleurs (ce qui n’est pas qu’une expression, l’utilisation des couleurs dans la BD est travaillée de façon très frappante, avec un dessin très « clair » et pêchu qui attrape les postures, les gestes, les expressions avec beaucoup d’élégance) entourant sa frangine et confronte ses grands principes, souvent hors-sol, à la « réalité du terrain » parfois pragmatique à rebours des idéaux politiques.

Les sœurs râlent, gueulent, s’engueulent, chialent, s’aiment fort (évidemment) sans trop bien savoir comment se le dire (évidemment) ; il y aurait sans doute des choses à redire, mais ça sera pour vous qui commenterez après avoir lu cette BD que, évidemment, je recommande !

Lovecraft Country, de Misha Green et Jordan Peele

Adaptation en série télévisée du roman éponyme. J’ai eu un peu de mal à rentrer dedans. Comme le livre, ça part un peu dans tous les sens, il faut accepter que c’est une anthologie, avec des styles et genre qui varient assez fortement d’un épisode à l’autre malgré la trame globale. Mais au bout d’un moment (vers l’épisode 4 je dirais pour moi) la mayonnaise prend et c’est assez cool. Du coup c’est de l’horreur, pas du tout lovecraftienne par contre malgré le titre, et du pulp de façon plus générale, avec des héros racisés – principalement noirs – qui doivent composer avec les menaces horrifiques, et celles d’une société raciste en parallèle. Évidemment les détenteurs de pouvoirs magiques sont blanc.he.s, les dominations se recoupant. La série parle un peu de féminisme et d’intersectionnalité, mais le prisme des discriminations racistes reste prééminent.

Je suis un peu dubitatif des retournements de situation dans l’épisode final, mais sinon je recommande la saison.