Physical, d’Annie Weisman

Série étatsunienne de 3 saisons, diffusée entre 2021 et 2023. Dans la Californie du Sud des années 80, Sheila Rubin, femme au foyer, va découvrir l’aérobic, ce qui va changer toute sa vie : elle va devenir financièrement indépendante, gérer sa santé mentale, faire exploser son couple.

C’était assez cool, surtout la première saison (qui est vraiment très bien, petite baisse de régime après, mais ça vaut le coup d’être regardé dans son entièreté même si la saison 3 rushe la fin). La série retranscrit bien le côté individualiste des années 80 : si on est derrière Sheila pour le côté émancipation de son arc narratif, pour autant plus ça va et plus elle devient (redevient ?) de droite. Le personnage de John Breem est très réussi aussi. Globalement tous les personnages de la série sont assez détestables, à des degrés divers, sauf peut-être Bunny et Tyler, qui sont les deux seuls persos de la série qui ne font pas partie de la bourgeoisie locale.

La série réussit bien la représentation des problèmes mentaux de Sheila, à la fois sa boulimie et sa self-hate, présente d’abord comme une voix intérieure puis comme des hallucinations de différentes personnes de son entourage. La façon dont l’aérobic lui permet d’en sortir (un peu) est bien mis en scène : c’est remplacer une obsession par une autre (et potentiellement mettre sa santé en danger avec, quand elle a un problème physique qu’elle ne traite pas pour ne pas apparaitre faible), et c’est une route compliquée, ou elle va avoir des rechutes, une progression épisodique : même si elle a une épiphanie sur l’aérobic, ça ne suffit pas pour que tout aille mieux dans sa vie d’un seul coup.

Je recommande, surtout la première saison qui arrive bien à mêler les enjeux environnementaux aux autres thématiques de la série.

Simple comme Sylvain, de Monia Chokri

Film québecois de 2023. Sophia est en couple avec Xavier. Appartenant tous les deux à la bourgeoisie intellectuelle de Montréal, ils mènent une vie tranquille et sans passion. Puis Sophia rencontre Sylvain, charpentier qui rénove son chalet, et c’est le coup de foudre immédiat entre les deux. Sophia va commencer une relation adultère, puis quitter Xavier. La passion entre Sylvain et Sophia va être compliquée par les différences radicales entre leurs deux milieux et parcours.

J’ai bien aimé, mais c’est quand même assez cliché par moment. Les classes sociales sont assez monolithiques dans leurs représentations – et je pense que c’est vraiment le point faible du film, parce que cette différence de classe sociale est un des points-clefs, donc partir sur des clichés là-dessus… Par contre c’est filmé de façon intéressante (peut-être un peu trop de zoom/contre-zoom par moment pour moi mais c’est assez léger comme défaut), les interludes sur les cours de Sophia sur les différentes façon d’envisager l’amour dans la philosophie occidentale rythment bien le film. Le fait d’avoir le point de vue de Sophia et ses échanges avec ses amies sur ce que sont le désir, l’amour etc est cool aussi (même si là aussi, un peu étrange qu’elle n’ait que des amiEs avec qui parler).

Y’a un petit côté Dolan (sans surprise) dans la juxtaposition des références culturelles (Sardou et Jankélévitch, Scorpions et bell hooks), mais justement il aurait été intéressant de montrer des classes intellectuelles qui revendiquent cette juxtaposition, c’aurait été plus réaliste.

Le Chevalier aux Épines, de Jean-Philippe Jaworski

Série de roman de fantasy en trois tomes, dont le dernier n’est pas encore sorti. On retrouve l’univers du Vieux Royaume, plus précisément le duché de Bromael. Suite à la décision du duc de répudier sa femme et de se remarier avec la fille du Podestat de Ciudalia, les fils du duc organisent un tournoi pour défendre les couleurs de leur mère, entrant ainsi en rébellion feutrée contre leur père. Cet affront a lieu alors que le duc souhaite mener une campagne militaire contre les clans Ouroumands, que de la nécromancie fait sa réapparition dans le Duché et que des Elfes semblent enlever des enfants…

J’ai beaucoup aimé, surtout le premier tome. Dans le second on retrouve le point de vue de Benvenuto Gesufal, le narrateur de Gagner la Guerre, qui est gouailleur mais un peu trop cynique pour nous faire totalement vibrer en empathie. Dans le premier tome par contre, on suit plusieurs points de vue mais les principaux appartiennent tous à des chevaliers de Bromael, qui ont une vision très « amour courtois et intrigues de cour ». C’est très bien écrit, avec des descriptions qui font qu’on s’immerge dans le pays, et avec de beaux effets de style : on va par moment adopter le point de vue d’une rivière, d’un chat ou d’anguilles pour passer d’un lieu à un autre. On a aussi une énigme sur l’identité du narrateur de toute l’histoire (qui relate depuis une mystérieuse maison la chronique de la Guerre des deux duchesses, et qui est allé demander ses souvenirs à Benvenuto, ce qui forme la matière du second tome). L’intrigue fonctionne bien, les rebondissements, les différents fils narratifs et même ce qui se cache dans les ellipses est prenant.

[EDIT 02/2024 suite à lecture du 3e tome] On retrouve dans ce tome le style du premier. On suit très majoritairement le point de vue d’Ædan de Vaumacel, le chevalier aux Épines du titre, qui s’accroche aux valeurs chevaleresques (au point d’en agacer fortement ses interlocuteurices qui voudraient souvent plus que des déclarations de principe) et sa loyauté partagée entre plusieurs dames qu’il sert. L’action est relativement resserrée par rapport aux premiers tomes, puisqu’après une première partie autour de Vekkinsberg, l’essentiel de l’action va se concentrer autour du château de Vayre, ses cours, ses souterrains, ses toitures et sur quelques jours. C’est très prenant (j’ai lu les 500 pages sur 2 jours), mais pas grand chose n’est résolu à la fin, tbh. Ce qui est logique pour un roman qui se présente comme la chronique des retournements politiques d’un pays, mais j’avoue une certaine frustration à ne pas avoir les tenants et aboutissants des affrontements entre les différentes factions, ni de certitudes sur l’identité du narrateur. Ça manque d’un tome 4, à mon sens (en ce moment, clairement je suis preneur de tout ce que Jaworski écrit, et je vais me remettre à lire Les Rois du Monde.) Mais même sans résolution, tout le roman se lit très bien, c’est toujours super bien écrit, super puissance d’évocation pour plonger dans des embrouilles politiques ou des lieux avec une géographie compliquée.

Je recommande fortement.

Yannick, de Quentin Dupieux

Film français paru en 2023. Dans un théâtre de boulevard parisien, un spectateur qui trouve le spectacle incroyablement mauvais va (littéralement) prendre otage la salle et la troupe pour proposer un texte alternatif à faire jouer aux comédien.nes.

C’était assez chouette. J’aime bien les films récents de Dupieux. Celui là est étonamment straightforward pour un Dupieux mais fonctionne très bien. Le huis clos dans un théatre, les interactions de Yannick avec la troupe puis la salle marchent bien ; ça fait limite pièce expérimentale – le film est assez clair sur le fait que ça ne fait pas partie du déroulement de la pièce, mais en soi ça pourrait être un film méta sur le théâtre expérimental.

Je recommande.

Scavengers Reign, de Joseph Bennett et Charles Huettner

Série dessinée de SF, sortie en 2023. Suite à une malfonction de leur vaisseau atteint par une éruption solaire, divers membres de l’équipage du Demeter se retrouvent naufragés sur Vesta, une planète pleine d’une vie fondamentalement alien. Une douzaine d’épisodes qui permettent de voir plein de paysages de Vesta et des créatures qui les habitent. Le dessin est très beau et les auteurs sont très imaginatifs sur les créatures, mais je n’est pas trouvé les écosystèmes très crédibles : les créatures sont beaucoup là pour faire avancer l’histoire, et il y a plein de mécanismes qui sont particulièrement pratiques pour les humains (entre les créatures qui tentent de les manger ou de les parasiter). Mais si on accepte de laisser son bagage d’écologue derrière soi, c’est très sympa à regarder, avec une jolie ligne claire.

Je recommande.

Bea Wolf, de Zach Weinersmith et Boulet

Bande-dessinée qui reprend (la première partie de) l’histoire de Beowulf en remplaçant les guerriers par des enfants. On découvre comment une bande d’enfants dans une banlieue nord-américaine indéterminée à construit une cabane gigantesque dans un arbre et accumulé un trésor gigantesque en jeux et bonbons. Mais furieux de leur bruit incessant, le monstreux M. Grindle va envahir leur sanctuaire, adultifier les adultes et nettoyer la cabane. Douze nuit durant les enfants seront terrorisés, jusqu’à ce que de la banlieue voisine, Bea Wolf, envoyée de la reine Heidi, vienne vaincre le monstre et restaurer la paix-d’après-l’heure-du-coucher.

C’était très chouette. C’est superbement illustré, les allitérations et le kenning rendent bien le sentiment d’une épopée, on est vraiment impliqué dans cette histoire d’enfants qui se battent pour préserver leur royaume de sodas et de nerf guns.

Grosse recommandation.

Murder : Habemus Necem

J’ai écrit les années précédentes deux scénarios de murder. Le premier a été publié sur murder-party.org, mais pas celui-ci. Je me dis que ça vaut le coup de rendre les deux publics ici au cas où. Si vous les jouez, je suis preneur de retour sur le déroulement de votre partie dans les commentaires (et vous pouvez aussi y poser des questions si vous vous en posez lors de la préparation).
Comme le reste du blog, ces murders sont publiées sous licence Creative Commons BY-NC-SA : ce qui veut dire que vous pouvez  les réutiliser, modifier, détourner comme vous voulez dans le cadre d’usages non-commerciaux, en précisant la source et en mettant les œuvres produites elles aussi sous licence ouverte.

Prévue pour 11 joueureuses et 1 MJ. 3h30 à 4h30, tout public

Vatican, août 2023. Suite à la mort du pape Pie XIII, les cardinaux sont enfermés dans la chapelle Sixtine pour élire le nouveau pontife. L’élection a été rapide, le successeur étant assez évident. Le nouveau pape va prier dans une petite chapelle adjacente avant d’aller se présenter aux fidèles. Une flaque de sang passe sous la porte de la chapelle. Le nouveau pape n’aura régné que 45 minutes. Dehors, la foule commence à s’amasser, attendant la présentation du nouveau pape. Vous n’avez que quelques heures pour tenter de démasquer l’assassin et élire un nouveau pontife (de préférence pas l’assassin) avant que la justice italienne ne vienne se mêler de toute l’affaire.

La murder parle de religion, fait jouer à tout le monde des vieux cardinaux plus ou moins réacs et tous habillés en rouge. Des bulles papales (=les lois du Vatican) viennent bouleverser un peu les équilibres en cours de partie, tous les cardinaux ont évidemment des motivations secrètes et envie de devenir pape…

Habemus Necem by Machin is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.

Murder : Meurtre à l’Institut Villani

J’ai écrit les années précédentes deux scénarios de murder, qui ont aussi été publiés sur murder-party.org (celui-ci et un qui se déroule lors du conclave qui doit élire un nouveau pape). Je me dis que ça vaut le coup de rendre les deux publics ici au cas où. Si vous les jouez, je suis preneur de retour sur le déroulement de votre partie dans les commentaires (et vous pouvez aussi y poser des questions).
Comme le reste du blog, ces murders sont publiées sous licence Creative Commons BY-NC-SA : ce qui veut dire que vous pouvez  les réutiliser, modifier, détourner comme vous voulez dans le cadre d’usages non-commerciaux, en précisant la source et en mettant les œuvres produites elles aussi sous licence ouverte.

Prévue pour 11 joueureuses et 1 MJ. 3h30 à 4h30, tout public.

L’institut Villani. Joyau de la recherche privée française, premier établissement européen du classement de Shanghai, trois prix Nobel, une médaille Fields, et maintenant, un meurtre. Super pour l’image de marque. En fin de journée, le directeur de l’Institut, Marc Mésange, était en train de faire visiter à une journaliste un des laboratoires de biologie, le LMA, quand ils sont tombés sur le corps sans vie de Steven McGuffin, le directeur du laboratoire. La direction de l’Institut, les chercheurs, le personnel de ménage et deux inspecteurs sont rassemblés dans le laboratoire et vont tenter de trouver qui a tué McGuffin. Et bien sûr, personne d’autre n’a d’agenda caché, d’ambition politique, de consommation de drogue ou de champignon parasite.

Créée à l’occasion d’une semaine de vacances comme un préquelle à une partie de Sporz, elle est jouable sans avoir besoin de connaître d’autres éléments que ce qui est mis dans le scénario.

Article invité : Les enfants du temps de Makoto Shinkai

Une critique cinéma par Stram

Film d’animation japonais sorti en 2019. J’ai vu cet anime peu après avoir vu un autre film de Makoto Shinkai, Suzume. Et il y a quelques similarités dans les scénarios (de la romance entre ados quoi). Mais j’ai préféré ce film. Comme pour Suzume, le film est vraiment très beau mais l’intrigue est un peu mieux ficelée. Les différents personnages sont attachants et l’histoire est mignonne. On suit des ados qui ont arrêté leurs études et essayent de se débrouiller en faisant des petits boulots. Autre point positif : les policiers en prennent pour leur grade (ils se font systématiquement rouler dessus) ce qui n’est pas pour me déplaire. Bon après, ça reste de la romance hétéro avec les défauts liés (très cliché, normatif, etc.).

J’ai quand même passé un très bon moment !