Louis XIV et vingt millions de Français, de Pierre Goubert

Un livre sur ce à quoi ressemblait la France sous le règne de Louis XIV. L’auteur retrace les grandes périodes du règnes, les succès diplomatiques et guerriers au début, puis les échecs face à la coalition des pays européens. Le but n’est pas de faire la chronique de la vie de Cour ou des stratégies militaires, mais de parler de comment la vie des Français.e.s a été impacté par les décisions, la levée d’impôts pour financer les guerres, les succès et échecs du commerce extérieur, la mise en place d’une administration royale… Ça se lit facilement et ça donne quelques idées un peu plus claires sur ce à quoi pouvait ressembler – peut-être pas quand même la vie à cette époque, il faudrait beaucoup plus de détails – mais le rapport au pouvoir central des Français.e.s ordinaires, l’impact des conditions météorologiques et des rendements agricoles sur leur vie. Le livre insiste aussi beaucoup sur la variabilité des situations et sur la difficulté d’émettre des généralités s’appliquant sur tous le territoire du royaume de l’époque.

Chronosquad, de Grégory Panaccione et Giorgio Albertini

Une série en 4 tomes + un cinquième indépendant.

Dans l’univers de l’œuvre, le voyage temporel a été découvert. Il ne permet pas de retourner dans le passé de son monde mais d’aller dans des univers parallèles ou le temps s’écoule plus lentement, pour voir leur présent, qui correspond à notre passé. Et la première chose à laquelle on pense quand on a découvert ça… C’est le tourisme !!!!

On a donc un tourisme de masse transtemporel, et une force de police composé d’historien.ne.s, les chronosquads, en charge d’aller récupérer les touristes qui sortent des sentiers balisés. On suit une équipe de ces chronosquads, récemment intégrée par un médiéviste trop enthousiaste d’aller faire du terrain, mais qui se voit envoyer partout sauf au Moyen-Âge. Là dessus, on découvre à la faveur de la disparition de deux touristes dont la fille d’un ministre l’existence d’un front révolutionnaire transtemporel, et de multinationales très motivées par l’idée de privatiser le voyage dans le temps. Oh, y’a aussi une prison installée au Dévonien, Léonard de Vinci et de mystérieuses créatures anthropomorphes blanches comme de l’albâtre avec des têtes énormes.

Ça à l’air de partir dans tous les sens mais l’histoire réussit à rester lisible et cohérente. C’est sympa à lire, mêmes thèmes explorés que Last Year, de Robert Charles Wilson, avec une approche plus humoristique. Pas la BD de la décade non plus, mais prenante.

Une Année sans Cthulhu, de Thierry Smolderen et Alexandre Clérisse

Grosse recommandation, commençons par là.

L’histoire se déroule dans le Lot dans les années 80s. Des adolescents jouent à un jeu de rôle Lovecraftien, le café du village vient d’acquérir une borne d’arcade, une famille de franco-indiens reviennent au village après deux années d’absence, une nouvelle élève prénommée Mélusine intègre le lycée… Plein d’ingrédients pour faire une ambiance très réussie avec du fantastique et une adolescence à la française. Les rôles des personnages sont originaux, l’intrigue est prenante, elle part dans plein de directions mais reste lisible. Et le tout est servi par des dessins magnifiques, avec des couleurs aux reflets violets très rétros.

Les Vieux Fourneaux, de Lupano et Cauuet

Série de bande-dessinée sur trois septuagénaires « anti-système » : un anarchiste, un syndicaliste et un marin au long court, ainsi que sur la petite-fille vingtenaire de l’un d’entre eux.

5 tomes parus pour le moment, qui raconte chacun une histoire relativement indépendante des autres, avec un focus sur un des personnages à chaque tome. C’est très sympa, avec des personnages nuancés : les héros sont sympathiques mais ils peuvent se montrer sacrément obtus voire mauvais par moment. Leurs trois parcours de vie différents font qu’ils sont souvent en désaccord entre eux, la présence de Sophie permet aussi d’avoir un élément extérieur au groupe (et à leur tranche d’âge) avec un point de vue fort différent. Ca mériterait un peu plus de personnages féminins au premier plan d’ailleurs au delà de Sophie, mais il y en a de fort bons dans les seconds rôles (globalement les personnages secondaires sont assez réussis).

Je recommande

Frozen II, des studios Disney

Un peu déçu par ce second opus. Le scénario ressemble à celui du premier en plus brouillon. Y’a des décalques des passages, avec la chanson d’Anna dans les rues d’Arrendelle, la chanson d’Olaf sur un petit tempo guilleret, la chanson d’Elsa qui est un sous-Let It Go dans le chant et dans la mise en scène de la séquence…

Quelques bon passages néanmoins : la chanson de Kristoff façon boysband des années 90s (et sa reprise par Weezer sur le générique de fin !), le récapitulatif des événements par Olaf, les petits moments de dérision par rapport au 1. Mais voilà, globalement les moments réussis c’est les moments référentiels, le film ne tient pas debout tout seul. Il y a beaucoup de séquences juxtaposés, beaucoup de choses présentées, du coup on a pas trop le temps de s’attacher aux nouveaux éléments introduits.

Côté animation, joli travail sur les couleurs d’automne et les vêtements des personnages principaux, belle animation de la mer et globalement de l’eau. Par contre y’a certains gros plans sur les personnages principaux, surtout Elsa, qui font très uncanny valley. Certaines séquences un peu cheap aussi où Elsa est sur fond noir en train de faire apparaître de la glace, genre c’était trop compliqué d’animer un décor.

Bref, globalement il y a quelques séquences qui valent le coup et permettraient de faire un extended cut du I, mais le film en soi est dispensable.

Counterpart, de Justin Marks

Série en 2 saisons. Howard Silk bosse pour une mystérieuse agence de l’ONU qui a ses bureaux à Berlin. Il découvre que cette agence gère dans le plus grand secret les relations avec un monde miroir du nôtre, dont l’Histoire diverge lentement depuis 1987. Howard rencontre notamment son double de l’Autre Côté, monté bien plus haut dans la hiérarchie de l’Agence et qui travaille dans leurs services d’espionnage.

J’ai beaucoup aimé la première saison, la seconde fonctionne malheureusement beaucoup moins bien. Le côté espionnage feutré de la série marche bien, avec cet univers très bureaucratique et formalisé qui gère un énorme secret en compartimentant tout. Les interrogations des deux Howard sur ce que leur reflet dit d’eux-même sont plutôt bien menées, et la performance de JK Simmons dans les deux rôles est très bonne.

La seconde saison par contre veux expliquer trop de choses, rajouter trop d’éléments et de lignes narratives, faire plus dans le spectaculaire : la cohérence interne de l’univers et l’intérêt des intrigues s’effondre un peu. La saison 1 se suffit à elle-même, je recommande de ne regarder que ça.

J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin

Film d’animation français de 2019. On suit en parallèle les tribulations d’une main coupée décidée à retrouver le corps dont elle a été détachée, et celle de Naoufel, ancien livreur de pizza devenu menuisier et tentant de draguer une fille pour qui il a eu un coup de foudre. J’ai beaucoup aimé la ligne narrative de la main, beaucoup moins celle de Naoufel, qui est sacrément creepy dans sa façon de s’infiltrer dans la vie de son crush. Il se fait envoyer bouler par la fille quand elle réalise ce qu’il en est, mais néanmoins le film pose un regard assez complaisant sur lui.

Très beaux plans par contre, avec des cadrages peu classiques dans (ce que je connais de) l’animation. Très bonne bande son aussi.

Gnomon, de Nick Harkaway

Londres, futur proche. L’Angleterre a basculé dans une société de surveillance totale, géré par un système informatique, « The System » qui assure la marche harmonieuse de la société, et gère l’infinité de consultations, votes et jurys qui permettent le fonctionnement démocratique de la société à toutes les échelles. Dans cette ««utopie»», une suspecte meurt lors d’un interrogatoire de police consistant à lire ses pensées à l’aide d’une opération chirurgicale. L’inspectrice Mielikki est chargée de faire la lumière sur les circonstances de la mort. Y-a-t-il eu abus de la part de la police ? Pour cela, elle a accès au contenu de la mémoire de la suspecte. Qui n’est pas du tout ce à quoi elle s’attend. Refusant l’interrogatoire, Anna a élaboré plusieurs vies imaginaires s’entremêlant, et faisant écran à ses souvenirs mais semblant contenir un message caché.

Le livre part dans toutes les directions, puisqu’on suit l’enquête de Mielikki, les multiples vies imaginaires nichées dans l’esprit d’Anna, quelques souvenirs potentiellement plus factuels d’Anna. Le livre est assez dense, il aurait pu bénéficier d’un peu plus d’édition je pense, mais en même temps cette densité un peu foutraque fait aussi partie de l’expérience. J’ai bien aimé globalement.