Archives de catégorie : Screens, thousands of them

Perfect Days, de Wim Wenders

Film germano-japonais de 2024. Hiramaya travaille en tant qu’agent d’entretien des toilettes publiques d’un quartier chic de Tokyo. Il a des semaines routinières, rythmées par son travail, la prise de photos sur la pause du midi, un repas dans une échoppe le soir, le développement de ses photos et un passage au bar le weekend. Il est solitaire mais heureux de sa vie, il lit des livres, écoute des cassettes sur l’autoradio de son van, et fait pousser des jeunes arbres. Le film le suit dans son quotidien où seuls quelques événements imprévus le fond dévier de sa routine : l’arrivée inattendue de sa nièce, une demande de son collègue…

J’ai bien aimé. C’est assez contemplatif, mais on se prend à accompagner Hirayama dans son quotidien et dans le bonheur qu’il prend dans les petites répétitions de la vie. C’est pas mal un film sur la maintenance et la répétition du même, des thèmes qui me parlent. Les séquences de rêve en noir et blanc sont assez réussies dans le fait de montrer des rêves à la fois non-figuratifs et qui reprennent des éléments de la journée ou de ce qu’on suppose être le reste de la vie d’Hirayama.

Russian Doll, de Natasha Lyonne, Amy Poehler et Leslye Headland

Saison 1 (vue en 2019) :

Une série Netflix où Natasha Lyonne reprend exactement le même personnage que dans Orange is the New Black (a-t-elle un unique style de jeu, ou essayent-ils de créer un Netflix Extended Universe ?). Fêtant son 36e anniversaire dans l’appart d’une de ses potes qui est un pinacle de concentré d’artistes bohèmes new-yorkais.e.s, elle décède lors de la soirée. Et se réincarne dans la salle de bain au début de la soirée. Encore et encore. Le premier épisode est un peu lent, mais globalement c’est cool. 8×30 minutes, ça se regarde comme un gros film plus que comme une série. Ça part dans pas mal de directions différentes, ce qui est intéressant. La série a le temps de bien explorer le caractère de Nadia et sa relation aux personnes dans sa vie. On sait pas trop où ça va mais un des plaisirs est de se laisser porter par le truc et de regarder Nadia investiguer diverses pistes qui pourraient expliquer ce qui lui arrive. La fin est intéressante dans le choix qu’elle fait de laisser les personnages ne pas avoir une histoire commune et devoir gérer chacun de leur côté la connaissance des boucles temporelles.

Le côté ‘scénario multiples’ fait un peu ce qu’aurait pu donner l’épisode Banddersnatch de Black Mirror avec un vrai scénario (même si là on ne file pas la main au spectateur sur quelles pistes explorer, mais ce serait adaptable).

En revenant quelques mois plus tard sur cette critique, je me dis que y’avait à la fois un côté plaisant à regarder et un côté quand même un peu vide (dont je trouve qu’il se retrouve dans beaucoup de séries Netflix) : Ca avait l’air vraiment cool sur le papier (merci les algorithmes), t’as passé un bon moment devant, mais ça te laisse pas d’impression de long terme, t’en retire pas quelque chose. Un peu de la junk food de série, agréable sur le moment mais que t’oublie vite (bon, sauf que ça te file pas des maladies cardiovasculaires).

Saison 2 (vue en 2025) :

J’ai préféré cette seconde saison à la première. Le personnage de Nadia est confrontée à un nouveau dispositif de voyage temporel : on quitte la boucle, cette fois-ci en prenant le train 6622 du métro new-yorkais elle se retrouve dans le corps de sa mère dans les années 80 (et enceinte d’elle-même), ou de sa grand-mère dans la Hongrie sous occupation nazie. Elle explore son histoire familiale, tente de changer des choses (mais le temps est figé), de réparer les traumas et les erreurs. Mais en parallèle le temps s’écoule dans le présent de ses 40 ans et elle y rate des événements importants. Le rapport à la famille et à l’Histoire est intéressant, la façon dont les paradoxes temporels sont juste acceptés sans explications compliquées fonctionne bien. Voir Natasha Lyonne se balader à travers les époques avec son attitude « Devil may care » c’est très rigolo.

Arcane, de Christian Linke et Alex Ye

Série télévisée en 2 saisons, parue en 2023 et 2024. L’animation est très belle mais l’histoire m’a laissé assez indifférent, une rivalité entre deux sœurs et deux cités jumelles, mais avec des éléments très peu caractérisés j’ai trouvé.

Si la première saison ça va encore, la deuxième c’est clairement le bazar avec 15 000 lignes narratives qui commencent on sait pas trop pourquoi et finissent pas vraiment. Tout les personnages deviennent overpowered, mais pour un truc qui commençait en mode lutte des classes, ça passe vite en mode « 5 individus peuvent changer l’Histoire et les masses les regardent faire », avec en plus un militarisme sous-jacent pas du tout remis en question.

Cool bande-son though.

Silo, de Graham Yost

Série télé adapté du roman éponyme, parue (pour la première saison) en 2023. On suit l’enquête de Juliet Nichols, ingénieure machine promue shérif du Silo, une structure abritant 10 000 personnes sous la surface d’un monde toxique.

Globalement c’est assez fidèle au bouquin, avec des moyens pour la production. J’ai bien aimé l’apparence qu’ils ont donné au Silo. Par contre après quelques bons épisodes, ça se met à traîner en longueur, et faut attendre l’épisode 8 pour qu’il se remette à se passer des trucs. Sentiment mitigé, donc, mais je recommande toujours le bouquin.

Saison 2 :

J’ai largement préféré le rythme de la saison 2, l’alternance des lignes narratives entre Juliet et la rébellion des étages machines fonctionnait bien, même si côté Juliet y’a beaucoup d’aller-retours. Le personnage de Solo est plutôt bien écrit, les péripéties de la rébellion me semblent s’éloigner de ce qu’il y avait dans le bouquin (mais je me rappelle pas très bien des détails du livre donc sans certitudes). Bernard fait un bon méchant, par contre je n’ai pas été très convaincu par le perso de Simms dont on ne sait pas trop ce qu’il veut. Camille est bien plus intéressante. Bon et à part la construction du pont au début, ça manquait un peu de grosses machines, vivement que dans la S3 ils remettent en route l’excavatrice.

L’esthétique du Silo déserté et en ruine est plutôt réussie aussi, bonne variation sur l’esthétique initiale.

The Penguin, de Lauren LeFranc

Série états-unienne sortie en 2024, qui se passe immédiatement après le film The Batman. On suit l’ascension dans le monde de la pègre d’Oswald « The Penguin » Cobb, un gangster affilié à la famille mafieuse des Falcone, qui va monter cette famille et celle des Maroni l’une contre l’autre pour avoir le champ libre pour régner sur le monde criminel de Gotham City. Pas de présence de Batman ou de supercriminels, on est sur une histoire de gangsters assez classique (nonobstant la place de la psychiatrie et d’une drogue dopée au scenarium). Dans son ascension, le Pingouin va prendre sous son aile (pun intended) Victor Aguilar, un jeune homme qui a perdu sa famille dans les attentats qui ont touché Gotham à la fin de The Batman

La performance de Colin Farrell dans le rôle titre est assez impressionnante, et le maquillage le rend assez méconnaissable. Toute la relation du Pingouin avec sa mère et avec Victor est très réussie et la partie la plus intéressante de la série, ce côté psychologique fonctionne bien et on se retrouve à être à fond pour ce personnage pourtant assez horrible.
J’ai globalement bien aimé la première moitié de la saison, ça perd un peu en rythme et en crédibilité après : la focale faite sur les personnages fait qu’on se retrouve avec la cheffe de la famille mafieuse qui va faire ses basses œuvres toute seule et qui se met en coloc avec le chef de la famille rivale, c’est pas franchement crédible. Toute l’histoire Sofia/Julian Rush était aussi assez accessoire.

Recommandé si vous avez aimé le film The Batman ou Colin Farrell avec beaucoup de maquillage.

Coco, de Lee Unkrich (studios Pixar)

Film d’animation états-unien de 2017. Miguel vient d’une famille de coordonièr·es mexicain·es qui rejettent tout ce qui est musical : l’ancêtre de la famille a été abandonné par son mari musicien qui voulait vivre de son art. Mais Miguel adore la musique. Pour participer à un tremplin, il va le jour de la fête des morts voler la guitare de son idole, Ernesto De La Cruz. Mais ce vol de la propriété d’un défunt va maudire Miguel : transporté dans le monde des morts, il va devoir demander la bénédiction de la partie défunte de sa famille pour revenir parmi les vivants. Sauf que sa famille morte déteste aussi la musique et ne veut lui donner sa bénédiction que contre un renoncement. Toute sa famille, sauf le mystérieux musicien qui a abandonné sa femme…

C’était visuellement très beau. L’histoire est réussie, avec de bons rebondissements et des personnages secondaires (le chien notamment) réussis. Petit bémol sur le fait que la critique de la famille que le film esquisse au début est finalement totalement effacée : il y avait juste un manque de communication, mais finalement tout le monde peut se retrouver autour de la musique, et tout le monde dans la famille était très gentil, les méchants sont à l’extérieur.

Une langue universelle, de Matthew Rankin

Film québécois sorti en 2024. Après avoir vécu des années à Montréal, Matthew rentre dans sa ville natale, Winnipeg. Sauf que dans cet univers, la langue parlée à Winnipeg (et dans le reste du Canada non-francophone, on suppose), c’est le farsi (gros travail du film pour remplacer toutes les inscriptions visibles à l’écran par du farsi). Bon déjà c’est un point de départ trippant (tout le film est tourné en farsi et français, le générique est bilingue), mais par ailleurs le film est assez surréaliste/théâtre de l’absurde. Winnipeg est décrit (probablement à raison) comme une ville moche, perpétuellement prise dans la neige et où il ne se passe rien. C’est beaucoup filmé avec des gros plans, des éclairages faibles, des plans où un mur gris homogène ferme l’horizon. Au milieu de tout ça, Matthew cherche à retrouver sa mère, qui n’habite plus dans la maison de son enfance, et se retrouve à errer dans Winnipeg dans l’attente d’un rendez-vous avec un certain Massoud qui lui dit qu’il sait où elle est. Il oscille entre les grands points d’intérêt de Winnipeg : le quartier Gris, le quartier Beige, le Tim Horton, le centre commercial portage, le congélateur municipal, le parking… En parallèle, plusieurs autres histoires convergent : la disparition d’une dinde, la perte des lunettes d’un enfant de l’école d’immersion française, une visite touristique…

C’est une ambiance très particulière, mais c’était assez chouette. Recommandé si vous aimez le cinéma expérimental, les parkings et les questionnements sur ce qui fait l’identité d’une personne, et si vous trouvez que Dupieux c’est mainstream.

Shortbus, de John Cameron Mitchell

Film états-unien paru en 2006. Dans le New York des années 2000, Sofia est une thérapiste de couple, qui reçoit James et Jamie, un couple gay qui envisage de passer en relation non-exclusive. Au mépris de toute déontologie, Sofia finit par parler de ses propres problèmes au couple et du fait qu’elle n’a jamais eu d’orgasme. Les deux vont l’inviter à venir avec elle au Shortbus, un club où les gens explorent leur sexualité. On va suivre les vies de Sofia, de James et Jamie et de Severin, une dominatrice avec qui Sofia va se lier d’amitié au Shortbus. Il y a beaucoup de scènes de sexe qui sont non simulées, le film voulant avoir une approche décomplexée de la sexualité.

L’esthétique fait très années 2000, notamment les coupes et vêtements des personnages (et l’espèce de maquette en 3D signalant les changements de lieu). C’était sympa à regarder, mais la grande quête de l’orgasme ça fait un peu daté comme plotline je trouve.

Nobody wants this, de Lindsay Golder

Comédie romantique parue en 2024. Joanne est une californienne qui gagne sa vie en enregistrant un podcast avec sa sœur, qui parle de sexualité. Noah est un jeune rabbin qui a mis fin à ses fiançailles. Les deux vont se rencontrer et avoir un coup de foudre l’un pour l’autre, par dessus leurs différences culturelles.

C’était une bonne série romantique. La chimie entre les deux persos fonctionne, il y a des rebondissements pas trop clichés, les persos secondaires (les losers siblings notamment, la relation aux parents) sont réussis. Pas une série inoubliable, mais une réussite pour une série de vacances.

Here, de Robert Zemeckis

Film états-unien paru en 2024, adaptation de la bande dessinée éponyme. On suit en plan fixe la vie d’une famille sur deux générations dans une maison, avec des passages sur les occupant.es précédents et suivants de la maison, et les événements qui se sont passés sur place : la disparition des dinosaures, la vie de natifs-américains, des événements liés à l’indépendance des États-Unis, la construction de la maison… Rien d’inouï, mais des vies ordinaires vues via la répétition des fêtes et temps collectifs, des naissances, des morts, des moments du quotidien. Pour reprendre la bande dessinée, certains cadre à l’écran permettent de superposer des époques et de montrer plusieurs événements de façon simultanée.

Sans être révolutionnaire, c’était bien fait et sympa à voir. Un point négatif quand même : pour un film de 2024 qui parle de l’espace domestique ça se focalise quand même beaucoup sur les mecs.