Archives de catégorie : Screens, thousands of them

Disco Elysium, de ZA/UM

RPG vidéo sorti en 2019. On incarne un détective amnésique qui doit enquêter sur la mort d’un homme retrouvé pendu dans une arrière cour, dans une cité en déliquescence, sur fond de négociations entre une entreprise transnationale et un syndicat de dockers. Le jeu propose pas mal de miniquêtes annexes, et surtout un système de compétences et d’objets équipables permettant de façonner la personnalité et les capacités du héros, modifiant les interactions que l’on peut avoir avec l’environnement et les PNJ.

J’ai beaucoup aimé. L’environnement est original (des années 70’s alternatives dans une cité anciennement impériale, désormais sur le retour et victime d’un néocolonialisme déguisé, avec des aspirations à l’autogestion contrecarrée), avec un arrière plan ultra riche et travaillé dont on voit finalement très peu par rapport à toutes les pistes qui sont données. Le narrateur est en sale état, et les différentes compétences que l’on développe prennent la forme de voix intérieures qui nous donnent des indications sur comment gérer nos interactions avec les autres persos, et donnent des bonus sur les lancers de dés qui gouvernent toute la mécanique du jeu. Mais ces voix intérieures ne sont pas toujours fiables, les suivre aveuglément n’est pas toujours idéal. De même, épuiser toutes les options de dialogue n’est pas toujours une bonne idée, de la même façon que dire tout ce qui nous passe par la tête dans la vie réelle n’est pas idéal. On peut modifier l’alignement politique du personnage (et même si ce n’est pas dit comme ça, il y a aussi une grille lawful/chaotic|good/bad). En terme de graphismes l’environnement est très beau dans le genre ruines réaménagées, avec plein de petits détails.

Grosse recommandation.

Control, de Remedy Entertainment

Jeu vidéo sorti en 2019, dans un univers New Weird. Jesse Faden s’infiltre dans le siège de l’élusif Federal Bureau of Control, en quête de réponses. Elle trouve un Bureau qui s’est volontairement coupé du monde pour gérer un ennemi qui l’a infiltré. Elle trouve aussi rapidement le Directeur du Bureau mort, et une entité mystérieuse qui lui proclame qu’elle est la nouvelle directrice. Armée d’une arme à feu surnaturelle et de pouvoirs télékinétiques, elle va devoir sauver le Bureau de la menace que fait peser sur lui le Chuchotis, en parcourant la Maison Originelle dans tous les sens.

J’ai beaucoup aimé. Tout le jeu se déroule dans un bâtiment surnaturel, la Maison Originelle, qui est construite dans un style brutaliste (beaucoup de béton brut, des angles, des néons) et abrite les multiples services du FBC. Au niveau des décors du jeu c’était très cool. De plus l’environnement et le mobilier sont bien rendus et peuvent prendre des dommages, ce qui fait de belles scènes de calme après les combats, quand l’environnement est sans dessus-dessous.

Le jeu est relativement classique dans ses mécaniques, il faut affronter des ennemis de différents types pour progresser, résoudre occasionnellement de petites énigmes, faire des quêtes annexes pour accumuler des points de compétences à dépenser pour augmenter ses capacités. Le niveau de difficulté par défaut était trop technique pour moi, avec en plus des checkpoints assez rares (et un temps de chargement conséquent), ce qui demandait de beaucoup refaire les mêmes passages du jeu. Heureusement, les développeuseurs avaient prévu des réglages pour pouvoir ajuster la difficulté. Du coup j’ai joué la majeure partie du temps en mode immortel (mais la barre de dégâts reste affichée, j’ai tenté de les minimiser, plutôt que de foncer dans le tas).

J’ai beaucoup aimé les décors, comme je disais, mais aussi tout l’univers, avec cette agence gouvernementale tentaculaire qui gère des objets magiques. L’univers est développé en grande partie à travers les rapports de missions et les mémos internes qu’on trouve répandus à travers le jeu, donc on peut largement passer à côté, alors que c’est un des éléments les plus intéressants, notamment l’idée que ces objets deviennent magiques par l’attention qui est déversée sur eux par des humains, et leur gestion par la mise en place de rituels – pas au sens magique mais au sens de petits gestes répétés – catalogués par le Bureau.

En terme de mise en scène cinématographique le jeu est très réussi, avec une insertion de cinématiques qui se fait de façon assez fluide dans l’histoire et dans un rendu similaire aux parties jouées. Les noms des nouveaux lieux découverts viennent recouvrir l’écran comme des intertitres. Les séquences informations données par l’ancien Directeur via le Numéro Vert sont bien trouvées (la mise en scène est très répétitive mais la première qui passe est géniale et très théâtrale). Toute la séquence dans le Labyrinthe du Cendrier est super bien trouvée aussi (la protagoniste enfile un walkman et soudain il y a toute une séquence de jeu ultra guidée et rythmée sur un morceau de métal, là où le reste du jeu était beaucoup plus ouvert et avec une musique discrète).

Planètes, de Gorō Taniguchi

Adaptation en animé du manga éponyme de Makoto Yukimura. J’avais lu le manga ado, j’avais les DVDs des premiers épisodes depuis très longtemps, le second confinement a été l’occasion de s’y mettre. En 26 épisodes de 20 minutes, on suit le quotidien de la section Débris, une équipe d’éboueurs de l’espace dans les années 2070. L’histoire tourne principalement autour de deux membres de cette section, Tanabe, jeune novice idéaliste, et Hakimachi, un éboueur plus âgé qui a toujours rêvé de posséder son propre vaisseau et de participer à la conquête spatiale.

C’est très cool. L’univers montre une version relativement réaliste de l’exploration spatiale. Passée l’ère des premières fois épiques, l’espace est devenue une ressource comme une autre, exploitée par des firmes multinationales qui ont assez de capitaux pour se lancer dans des projets très coûteux mais très rentables. Le fait de centrer le point de vue sur la section Débris est très bien pensé : sans ce travail de récupération des déchets et débris, les voyages dans l’orbite terrestre serait impossible. Pour autant c’est un job sans prestige, les pilotes de navette sont ceux qui font rêver, pas les éboueurs. La Technora ne garde une section Débris, sous-financée et sous-staffée, que parce qu’elle reçoit des subventions de la Fédération (l’alliance des pays riches) pour ce faire. La géopolitique de l’univers est très réussie aussi : l’exploitation spatiale profite aux transnationales et aux pays riches, et un mouvement terroriste conteste la dépense énorme de ressources qu’engendrent les projets spatiaux et qui pourraient êtres alloués à la réduction des inégalités sur Terre. La série réussit très bien à balancer ces facteurs réalistes avec le pouvoir d’attraction que les mots « exploration spatiale » peuvent avoir. Elle montre aussi les risques pour la santé de la vie en dehors de la Terre, que ce soit les multiples accidents ou plus insidieusement les cancers liés aux radiations non-filtrées par l’atmosphère.

Concernant les personnages principaux, on a une focalisation d’abord sur le personnage de Tanabe, qui découvre cet univers, permettant de filer les clefs de compréhension aux spectateurs. Mais rapidement on comprend que le vrai héros de l’histoire est Hakimachi, prêt à sacrifier énormément de choses à sa passion de l’espace. Si Tanabe fait pas mal avancer l’histoire et est beaucoup mise en lumière, on est quand même sur une répartition très classique des rôles genrés dans ce couple de personnage, avec le mec taiseux qui veut être indépendant et aller explorer, et une fille idéaliste qui va apprendre à son contact mais lui faire découvrir la puissance de l’amour. De ce point de vue les personnages secondaires sont cependant plus réussis, notamment Fay Carmichael, la pilote de la section Débris colérique et prête à tout pour fumer tranquillement ses clopes. Tous les fils narratifs secondaires permettent de bien développer ces personnages et l’univers dans lequel ils évoluent.

Je recommande.

Soul, des studios Pixar

L’anti-Whiplash.

Joe Garner est un pianiste de jazz. Enfin, il voudrait l’être, il est surtout prof de musique dans un lycée de New York. Pour des raisons que je ne spoile pas, il décroche l’occasion de sa vie, mais ne pourra s’y rendre que s’il réussit à coopérer avec un sidekick surnaturel qui découvre la vie sur Terre et ce qu’est une existence humaine.

C’était très beau, surtout les séquences sur Terre, il y a quelques plans d’ensemble dont on a l’impression qu’ils sont là pour dire « oui, on peut faire ça en animation », mais ça marche super bien. Point de vue esthétique, j’ai été moins enthousiasmé par les séquences extraterrestres. J’aime beaucoup l’idée du design des Jerrys, mais le reste de l’environnement était peu varié en terme de couleurs (c’est probablement pour contraster avec les séquences terrestres, mais du coup elles en souffrent défavorablement).

Du point de vue intrigue, c’est un peu le même distinguo : tout ce qui se passe sur Terre est cool, la vie quotidienne de Garner et comment la présence et le regard de 22 lui font reconsidérer les choses est très bien fait. C’est pas forcément super original, mais ça marche, c’est bien mis en scène, c’est porté par une super bande-son. On a des séquences dans le milieu du jazz, qui se penchent sur les questions de passion et d’obsession, on a un fil thématique sur l’enseignement et la transmission : ce sont des thèmes qui étaient présents dans Whiplash mais là on a des professeurs bienveillants et une passion qui n’est jamais en lien avec l’idée de compétition. Un même sujet, traité totalement différemment.

L’intrigue métaphysique qui justifie la présence de 22 par contre, ça aurait pu être n’importe quelle autre raison, on s’en fiche un peu tbh, pourtant ça prend une part importante du film, ça aurait pu être expédié plus rapidement.
Niveau humour c’était globalement réussi tout du long, je suis bon client de ce type d’humour je pense mais les situations sont bien amenées.

Globalement un bon film, impressionnant du point de vue technique, avec quelques séquences un peu trop longues mais une belle histoire. On est un peu dans l’inverse d’Inside Out pour l’intérêt des séquences réalistes/métaphysiques.

Shady Part of Me, des studios Douze Dixièmes.

Puzzle game indépendant sorti fin 2020. On joue simultanément une petite fille timide et son ombre : la fille ne supporte pas la lumière, l’ombre ne se déplace qu’en 2D sur les murs et sols, et dans les zones illuminées seulement.

Le jeu a une belle direction artistique avec des décors qui ont une texture faite à l’aquarelle, et des environnements oniriques très beaux (j’ai beaucoup aimé le passage dans la nurserie, et celui dans la librairie, même s’il le second est assez court).

La mécanique de jeu est assez cool : l’ombre se déplaçant dans un environnement d’ombres projetées, déplacer en 3D les éléments permet de modifier l’environnement ombresque : on peut ainsi rapprocher des éléments de source de lumière pour les rendre plus gros, allumer de nouvelles lumières pour faire disparaitre des obstacles, projeter l’ombre d’un même objet avec plusieurs sources lumineuses… A l’inverse, l’ombre peut activer des ombres de leviers, où se placer devant des capteurs photo sensibles, ce qui modifie le monde 3D. Cette influence est quand même plus légère que dans l’autre sens (c’est peut-être le point que je reprocherai au jeu : dans beaucoup de séquences, le monde 3D est fortement contraint, s’apparentant plus à la 2,5D de Trine qu’à de la 3D ; mais je ne sais pas s’il y avait vraiment une possibilité de faire plus de la 3D avec le besoin de garder l’ombre pas trop loin pour que les deux persos puissent interagir et le/la joueur avoir une vue d’ensemble).

Globalement, très beau jeu esthétiquement, aussi bien le concept des décors que le rendu. La mécanique est intéressante, certaines énigmes auraient pu être plus corsées (là le niveau est assez tranquille tout du long), mais rien de rédhibitoire. Un premier jeu prometteur.

Emma, de Autumn de Wilde

Adaptation du roman éponyme de Jane Austen. Emma, une jeune bourgeoise anglaise, n’aime rien temps qu’apparier ses amis pour les faire convoler en mariage. Elle espère le retour de Mr. Churchill, beau-fils de son ancienne gouvernante, qu’elle considère comme la seule personne qu’elle pourrait épouser, si jamais elle devait en passer par là. Elle est belle et intelligente, et se considère incroyablement douée pour apparier les gens, mais le déroulement du film va montrer qu’au contraire elle méjuge largement les situations, notamment la sienne.

C’était super bien. Plein de costumes d’époque très beau, une très belle lumière, une excellente photographie de façon générale, avec des plans et des cadrages posés de façon très stricte. Il y a une sorte de classicisme modernisé dans la façon dont c’est filmé. Les personnages sont tous un peu idiots (voire beaucoup pour certain.e.s) mais aimables. Knightley, Jane Fairfax et le père d’Emma sont particulièrement réussis (et Elton aussi, dans le genre gros creep).

Il y a exactement ce qu’il faut d’incertitudes amoureuses et de gens qui se languissent d’un signe, de conventions sociales strictes et de traditions guindées.

10/10, would Austen again.

Krampus, de Michael Dougherty

Film US de 2015, avec Adam Scott et Toni Colette. Les disputes perpétuelles d’une famille durant la période de Noël conduisent le plus jeune membre à souhaiter que sa famille disparaisse. Cet anti souhait de Noël invoque le Krampus, l’équivalent du Père Fouettard dans la mythologie austrobavaroise. Le Krampus va s’emparer des membres de la famille l’un après l’autre, les poussant à s’unir par delà leurs désaccords.

J’ai bien aimé perso. C’est de l’horreur grandguignolesque, le Krampus utilisant des tropes de Noël détournés : il descend par la cheminée, il a des petits lutins maléfiques et des jouets psychopathes qui l’aident. Les acteurs jouent tous bien et y’a des moyens sur les effets spéciaux. Les rôles sont très traditionnels avec les pères qui protègent la famille et se sacrifient ; les femmes se défendent aussi mais sont beaucoup plus dans la réaction. Après bon les films d’horreur sont souvent conservateurs. De la même façon quand la famille parle de s’unir, c’est la famille libérale qui fait un pas vers leurs cousins républicains pour accepter de manier des armes à feu et déclamer « Qu’un berger protège son troupeau ». Meh.

J’ai bien aimé que la fin reste ambiguë, et la séquence de flashback en animation était cool. Par contre dissensus parmi les personnes avec qui je l’ai regardé, certain.e.s ont trouvé que l’humour et l’horreur se neutralisaient l’un l’autre et que ça marchait pas du tout.

Patria, d’Aitor Gabilondo

Série espagnole de 2020. La série suit deux époques en parallèle : les semaines qui suivent l’annonce de 2011 de l’ETA de leur renoncement à la lutte armée, et les événements menant à et suivant le meurtre d’un petit patron et père de famille basque, Txato, 20 (checker) ans plus tôt.

J’ai été assez déçu. J’avais été alléché par le pitch, et le premier épisode posait plein de pistes intéressantes, avec la focalisation sur Bittori, la veuve obstinée de Txato qui décide d’obtenir la vérité sur le meurtre de son mari 20 ans plus tard. Avoir une femme de 70 ans comme personnage principal c’était intéressant, la faire enquêter sur un sujet politique sensible c’était super.

Mais en fait, Bittori n’enquête sur rien. La série montre les événements selon une narration non linéaire, mais l’histoire est très manichéenne. Bittori finira par avoir l’info qu’elle veut, mais après avoir écrit deux lettres. Quant à l’exposition d’une situation politique complexe, comment dire.

Je ne demandais pas à la série d’être une grande fresque pédagogique sur l’indépendantisme basque, mais là on n’a aucune idée de pourquoi l’ETA a pris les armes ni des enjeux du mouvement indépendantiste. Le mouvement est présenté surtout via des cellules d’actions composées de jeunes adultes un peu idiots. Il a du soutien dans la population, mais on sait pas trop pourquoi : visiblement les gens trouvent que la lutte armée c’est un peu abusée, mais quand même iels soutiennent. La violence de l’État espagnol n’est pas totalement occultée, mais elle est complètement disjointe de la question de l’indépendance : on a une scène où le GAL arrête la voiture de trois jeunes filles et où ils profitent de la fouille pour les agresser sexuellement, une autre scène de violence policières interminables quand un des ettara est arrêté. En fait on a l’impression que la situation politique est prise comme un état de fait et une toile de fond pour dérouler l’histoire. La série est clairement contre l’indépendantisme, mais je trouve que même dans cette optique elle dessert son propos : ne pas montrer pourquoi certaines personnes se retrouvent à considérer la lutte armée comme acceptable tout en les montrant comme insérées dans leur communauté, ça crée juste une dissonance, le terrorisme devient juste une tradition comme une autre.

Autre problème, les personnages sont pour la plupart totalement unidimensionnels. La famille de Txato ne se définit que par rapport à son meurtre, et Txato lui-même est un saint : après la présentation par les yeux de sa famille je m’attendais à un twist où on montrait que sur d’autres aspects il était moins parfait et que ça expliquait pourquoi il y avait du ressentiment contre lui, mais non, il est désigné comme cible de l’ETA juste parce que les gens sont jaloux et l’imaginent ultra-riche.

Bon qu’est-ce qu’il reste de positif, quand même ? Une série avec des moyens, qui montre des gens avec des têtes qui ne sont pas celles d’acteurs hollywoodiens. De beaux paysages du Pays Basque, on reconnaît les Pyrénées, on voit la côte. Un bon premier épisode, deux actrices principales âgées intéressantes qui jouent bien leurs rôles de mères de famille inflexibles (Bittori et Miren). Une caméra qui fait des plans intéressants (le recul progressif dans le train quand Nerea part pour l’Allemagne), le cadre qui se resserre progressivement sur Miren en excluant Joxian quand ils rendent visite à Joxe Mari en prison pour la première fois). Mais c’est assez frustrant de voir le potentiel qu’avait cette série et qui a été gâché.

The Rider, de Chloe Zhao

Film étatsunien de 2017. Brady est un jeune cowboy qui vit au Dakota. Toute son identité et sa sociabilité sont ancrées dans le milieu du rodéo. Au début du film, il se remet d’un accident de rodéo qui lui a causé une fracture du crâne. Il est supposé se reposer et prendre le temps de se rétablir, mais il n’arrive pas du tout à rester éloigné du rodéo : il prend un petit boulot en supermarché, il s’occupe de sa sœur, mais son père qui a quitté le milieu du rodéo est un contre-exemple pour lui, et tous ses amis lui demandent quand est-ce qu’il va se remettre en selle. Il temporise, s’occupe de dresser des chevaux, rachète un cheval pour lui-même, mais même ces activités sont trop intenses physiquement et lui font avoir une nouvelle attaque. Coupé du monde du rodéo, il devient profondément déprimé, et se réinscrit à un rodéo, malgré les risques. Il décide au dernier moment de ne pas concourir en voyant son père et sa sœur dans le public.

C’était assez peu joyeux, mais c’était assez beau. Les personnages sont complexes, ils viennent d’une culture très particulière, sont globalement tous pauvres et pratiquent une activité à risque (le meilleur ami de Brady, Lane, était un des espoirs du rodéo de taureau et est paralysé depuis un accident), qu’ils savent qu’ils devront laisser derrière eux tôt ou tard, mais qui est centrale dans leur vie. La tension que représente pour Brady le fait de devoir l’abandonner est bien retranscrite : on voit que son accident l’a secoué, mais en même temps, il y a jusqu’à des gamins qui viennent lui dire qu’ils sont fans de lui au supermarché, en plus de tous ses amis qui l’encouragent à revenir au rodéo, lui-même aime faire ça, aime les chevaux, s’est construit là dessus. Laisser ça derrière lui est très dur.

Globalement bon film, un côté Ken Loach dans les situations dures montrées, à regarder quand on est plutôt en forme psychique.

Une Partie de Campagne, de Raymond Depardon

Documentaire tourné pendant le mois qu’a duré la campagne présidentielle de 1974. Raymond Depardon suit VGE, filme les coulisses de la campagne, les moments où le candidat est en transit entre deux points. Le documentaire n’a pas du tout plu à VGE, qui l’avait financé et a interdit la sortie jusqu’en 2002.

Le documentaire présente une France et une façon de faire de la politique d’un autre temps : Giscard se retrouve dans la foule à la fin de ses meetings et conduit sa voiture pendant que Depardon le filme. Les salles où ont lieu les meetings ont l’air faites et décorées de bric et de broc. Tous les gens ont une tête, des habits, des coiffures qui sont totalement spécifique de leur époque. La diction de Giscard est aussi ultra particulière.

Un autre point frappant c’est l’isolement de Giscard, qui fait les trucs dans son coin : Il se balade seul en voiture, donc, il attend les résultats du 2d tour seul dans son appart de fonction, avec juste Depardon qui le filme, et passe des coups de fils à Michel Poniatowski pour avoir les derniers chiffres et bitcher sur les politiques qui passent à la télé pour commenter les résultats. Y’a aussi une super scène où entre les deux tours il réunit ses conseillers de campagne, mais essentiellement pour leur dire ce qu’il veut faire lui plutôt que d’écouter leurs suggestions (et où il sort cette super réplique « Il y a une première option, qui est au fond de ne rien faire, et l’élection est pratiquement gagnée ».

Bref, c’était un bon documentaire, je le recommande.