Archives de catégorie : Screens, thousands of them

Sonate d’automne, d’Ingmar Bergman

Film suédois de 1978. On suit les échanges entre deux femmes, Eva et sa mère Charlotte. Après la mort d’un ami proche de Charlotte, Eva lui propose devenir la rejoindre dans le presbytère où elle habite avec son mari. Si l’invitation est proposée de bonne foi, Eva se rend compte à l’arrivée de Charlotte qu’elle lui en veut toujours énormément de ne pas avoir été présente pendant son enfance et d’avoir sacrifié sa famille à sa carrière de pianiste. Les deux femmes vont échanger pendant toute une nuit sur leur perception des années passées, avant que Charlotte ne reparte.

C’est un film assez lent. L’action est principalement composée des dialogues entre Charlotte et Eva, avec quelques personnages secondaires – le mari d’Eva, sa sœur, différents personnages dans les flashbacks. La tension monte progressivement entre les deux protagonistes jusqu’à des scènes qui si elles en reste à un affrontement purement verbal, pourrait avoir leur place dans un film d’horreur en terme de tension. Globalement j’ai bien aimé, mais faut être serein sur les relations interpersonnelles intenses et pas très fonctionnelles.

Carrie, de Brian De Palma

Film états-unien de 1976, adaptation du roman éponyme de Stephen King. Carrie, élevée par une mère ultra-religieuse, est la souffre douleur de sa classe. Elle a ses règles pour la première fois en terminale et en public, en n’ayant aucune idée de ce dont il s’agit. Elle découvre au même moment qu’elle dispose de pouvoirs télékinétiques. Punies par la prof de sport pour avoir humilié Carrie au lieu de l’avoir aidé au moment de ses premières règles, les filles qui la persécutaient vont élaborer un plan particulièrement convolu pour la faire élire reine de la prom et lui balancer un seau de sang dessus devant toute l’école réunie. Traumatisée, Carrie tuera toute l’école avec sa télékinésie avant de tuer sa mère et de se suicider.

C’est un classique, mais il a été tellement repris, cité, détourné, amélioré que voir l’original est académiquement intéressant mais sans surprises. Le film est un peu daté et assez lent, certains acteurs ne jouent pas très bien (Travolta notamment). Le personnage de la mère de Carrie est assez réussi dans le genre traumatisant, un petit mix entre Mother Gothel dans Tangled et la sorcière dans Into the Woods. Globalement les scènes dans la maison de Carrie sont assez réussies. Le final lors du bal de la prom aussi, mais le reste de l’action au lycée est quand même très lent.

Suspiria, de Luca Guadagnino

Remake de 2018 du film de Dario Argento de 1977. L’action prend place dans le Berlin de 1977. La ville est divisée par le Mur, la bande à Baader a pris un vol de la Lufthansa en otage, l’agitation politique est intense. Au milieu de tout ça, l’action gravite autour de l’école de danse Markos : une nouvelle élève américaine très douée vient d’arriver, une autre élève est portée manquante, elle a confié à son psy qu’elle pense que les professeures de l’école sont des sorcières. La pratique de la danse dans l’école viserait à accomplir des rituels, notamment la régénération de la fondatrice de l’école, gravement malade.

Avis mitigé. Déjà, le film est clairement trop long. 2h26 c’est au moins 26 minutes de trop, voire 1h. Toutes les allusions au contexte politique n’apportent absolument rien à l’histoire, il est sous-entendu que Patrizia (l’élève disparue) était impliquée dans des groupes d’extrême-gauche, mais ça n’a jamais d’impact. Toute la ligne narrative autour du psy est aussi sans intérêt à mes yeux. J’ai l’impression qu’elle sert uniquement à montrer le budget qui a pu être mis dans la reconstitution du décor du Berlin de l’époque. Ce qui est certes très bien, mais si ça ne sert aucun propos dans le film…

Sur l’aspect horrifique, on a très vite des indications qu’il se passe effectivement des événements surnaturels dans l’école et que les profs sont effectivement des sorcières. C’est une variation par rapport au premier film, et qui marche bien avec les moyens qu’ils ont pour mettre en scène le surnaturel (et les scènes des sorcières qui discutent au restaurant ou dans leur cuisine collective sont assez cools en termes de dynamique de groupe), mais derrière le film met quand même beaucoup de temps à monter, avec des persos qui enquêtent sur ce qui se passe alors que le spectateur a déjà les infos. J’ai bien aimé le final qui part totalement en latte, mais le crescendo aurait pu être plus réussi.

Dans les éléments que j’ai beaucoup aimé, il y a le cast. Dakota Johnson et Tilda Swinton réussissent très bien leur rôle, et plus généralement le casting de toutes les élèves et profs fonctionne bien. Le côté béguinage maléfique de l’école de danse, avec quasi exclusivement des rôles féminins marche très bien. L’architecture de l’école de danse est intéressante dans les grands espaces, mais n’est pas aussi réussie que celle de l’originale. Les costumes (la grande robe de Tilda Swinton notamment) et les scènes de danse sont très bien, le fait de voir vraiment de la danse par rapport à l’original est un gros plus. Par contre la musique de Thom Yorke ne vaut pas celle de Goblin dans l’ambiance qu’elle installe.

En résumé, je pense que je recommande le visionnage, surtout pour comparer la proposition par rapport à l’original, mais sans être totalement convaincu par le film.

La Mouette, d’Anton Tchekov, joué par le collectif MxM

Spectacle vu en 2022 à la Scène Nationale d’Albi. C’était la première fois que je voyais une œuvre de Tchekov, et j’en suis fort content. On suit l’histoire d’une famille étendue, et principalement de Costia, fils d’une théâtreuse qui veut se faire un nom lui aussi et n’arrive pas à se détacher du regard de sa mère.

La mise en scène était très intéressante, surtout sur les premiers actes : les acteurs jouent sur scène – parfois visible du public, parfois derrière un mur – et sont filmés. Le film est projeté sur plusieurs écrans, se superposant éventuellement à ce que font les acteurs, parfois étant dans le champ de la caméra, le décor met en scène l’intérieur de la maison, mais le lac est visible sur certains écrans, les personnages pouvant être filmés devant. Globalement le mélange théâtre/cinéma était fort réussi (moins sur le dernier acte, la majorité de l’action étant hors champ ça devient plus un film) et permet de varier les points de vue sur la pièce.

Au niveau de l’histoire, j’ai bien aimé les réflexions sur la création et ce que le statut de « créateurs » fait aux gens, entre star-system, syndrome de l’imposteur et vie ordinaire. Le côté histoire d’amour tragique m’a laissé plus froid par contre.

Je recommande (mais faut pas avoir peur du côté déprimant du théâtre russe).

Coupez !, de Michel Hazvanicus

Film français sorti en 2022, divisé en trois parties : Une demie-heure présentant un film de zombies méta où pendant un tournage de film de zombie, l’équipe de tournage est attaquée par de vrais zombies ; les trois mois avant le tournage de ce film où l’on voit Rémy Bouillon, petit réalisateur de films publicitaires et de clips accepter de le tourner pour une nouvelle plate-forme de streaming japonaise, en un plan séquence diffusé en direct ; puis enfin le tournage du film initial vu depuis les coulisses, les conditions plus que chaotiques du tournage en direct expliquant les incohérences de tout ce qui était montré au spectateurs dans la première partie du film.

J’ai bien aimé. Après Immortality (et dans une certaine mesure I’m thinking of ending things) je suis dans une petite phase « cinéma et méta ». Coupez ! est visiblement l’adaptation d’un film japonais, Ne coupez pas !, le côté portage du film du Japon à la France est repris en interne, avec des conséquences absurdes, comme le fait que tous les personnages portent des noms japonais et parlent d’expériences réalisées sur place par l’armée japonaise alors qu’ils sont clairement dans un centre commercial en Île-de-France. Le film donne un peu envie d’en tourner soi-même, avec un côté bordélique du tournage, la satisfaction de la fin du film (accentuée ici par le côté « plan-séquence en direct qu’il faut réussir à tenir une demi-heure », où la fin du tournage intense correspond à la fin du travail sur le film) et du travail collectif étant bien mis en scène dans la pyramide humaine de la fin.

Le côté plan-séquence d’une demi-heure m’a un peu fait penser à l’expérience de l’épisode final de The Third Day, performance diffusée en direct à la télévision pendant 8h, et qui avait effectivement des problèmes de faux raccord, évidemment les hommages

Je recommande.

I’m thinking of ending things, de Charlie Kaufman

Eternal Shining of the Spotless Mind

Film étatsunien paru en 2020. Lucy part rencontrer les parents agriculteurs de son petit ami Jake. Dans la voiture qui les emmène dans la ferme isolée, elle réfléchit à sa volonté de mettre fin à la relation avec Jake. Intéressant mais déprimant. (spoilers ensuite).

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Immortality, de Sam Barlow

Jeu vidéo sorti en 2022. Le concept se rapproche du précédent jeu de Barlow auquel j’avais joué, Her Story : on dispose d’une masse de clips vidéos dans laquelle il va falloir rechercher des informations pour comprendre l’histoire. Dans Her Story il s’agissait d’interrogatoire de police et l’interface était textuelle. Ici, il s’agit des rushs non-montés des trois films dans laquelle a joué l’actrice Marissa Marcel, récemment redécouverts, et l’interface se fait en sélectionnant des éléments du film, pour atterrir dans une autre séquence contenant cet élément. Pour une personne apparaissant à l’écran ça va être une autre séquence où elle est présente, pour les objets ça va être un objet de la même catégorie (sélectionner une chaise peut faire arriver sur un autre modèle de chaise, une pomme sur un autre type de fruit, etc…).

Globalement, j’ai beaucoup aimé le concept, mais je suis moins convaincu par l’exécution. Par rapport à Her Story, la taille plus ambitieuse du jeu fait qu’on s’y perd un peu, et la navigation random d’une séquence à l’autre rend difficile d’avoir l’impression de maîtriser ce qui se passe. Idéalement j’aurais voulu pouvoir taguer les séquences, faire des collections dans lequel je les ordonne. Dans le genre « enquête dans des couches multiples d’histoires » j’ai trouvé que Return of the Obra Dinn avait une interface plus réussi pour laisser du contrôle à la joueuse. J’ai aussi déclenché la fin du jeu après avoir passé déjà un peu de temps dessus mais clairement pas compris l’histoire globale.

Pour les points positifs par contre, la masse de travail pour réaliser le concept général est impressionnante (cet entretien avec Barlow réalisé par Libération est d’ailleurs fort intéressant). Les trois films rendent bien (moins convaincu par celui des années 90, mais les deux premiers, et surtout le premier donnent vraiment envie de voir les films montés, le grain de la pellicule est bien rendu, et tout le côté « comprendre à la fois l’histoire des films et via les éléments autour du tournage la vie des acteurs » est très cool. Je pense que pour améliorer le jeu il aurait fallu encore plus de séquence hors tournage, du type tournées promotionnelles ou autre pour avoir plus que la vies des acteurs principaux de détaillée, et avoir des intrigues juste sur la vie des gens en dehors de l’arc principal.

Globalement, concept de jeu original et qui veut le coup d’être testé, mais réalisation pas parfaite (masse d’info impressionnante, mais manque d’outil pour la traiter facilement). Je met le tag recommandé mais c’est « je recommande d’aller jeter un coup d’oeil au concept », pas « précipitez vous dessus ».

Journey, de Thatgamecompany

Jeu vidéo indépendant publié en 2012. Dans des environnements désertiques et des ruines, on contrôle un petit personnage muni d’un écharpe qui lui permet de voler. On peut libérer d’autres écharpes qui rechargent notre pouvoir de vol, activer des runes pour augmenter la taille de notre écharpe, chanter pour attirer ou réanimer des écharpes et faire briller des rochers, et c’est globalement tout. L’histoire du monde est expliqué par des bas reliefs et des visions, on progresse lentement vers une montagne fissurée avec de la lumière qui s’en échappe.

C’est pas très long (j’ai fini en 2h), mais c’était assez cool. Les environnements sont jolis, rien de très compliqué à faire mais on se laisse porter par l’histoire. Et je n’ai compris qu’à la fin du jeu qu’il était en fait multijoueur : on croise d’autres personnages identiques à nous de temps à autre, et ce sont en fait d’autres joueurs qui font telle section du monde en parallèle de nous (c’est un peu le précurseur des marques d’invocation dans Dark Souls), on peut interagir de façon très limité avec elleux mais la proximité de deux joueurs recharge les deux écharpes, c’est bien fait.

Bref, cool petit jeu indé paisible et beau.

Shining Girls, de Silka Luisa

Série télévisée états-unienne de 2022. Elisabeth Moss joue la survivante d’une tentative de meurtre dans les années 90. Depuis la tentative de meurtre, son environnement change parfois autour d’elle, de petits détails ou des pans entiers de son passé. Quand un meurtre au modus operandi similaire au sien a lieu, elle fait équipe avec le journaliste couvrant le sujet, pour tenter de démasquer le tueur et de trouver un sens à ce qui lui arrive.

J’ai bien aimé. En huit épisodes, ça forme un polar efficace, ancré dans les années 90s, avec des personnages principaux réussis. Le côté journaliste alcoolique qui enquête sur les meurtres que la police classe trop hâtivement fonctionne bien. Les éléments métaphysiques sont bien amenés, le fait de ne pas tenter de les expliquer est réussi aussi. Elizabeth joue bien un perso à la Elizabeth Moss. Le meurtrier avec ses pouvoirs surhumains et son comportement ultracreepy avec les femmes m’a rappelé Kilgrave dans Jessica Jones.

Je recommande si vous voulez un polar sans prétentions.

What remains of Edith Finch, du studio Giant Sparrow

Jeu vidéo publié en 2016. On explore à la première personne la maison familiale des Finch, une famille dont on est le dernier membre vivant. L’architecture de la maison est exentrique, avec des étages empilés précairement les uns sur les autres et des passages secrets dans tous les sens. Au fur et à mesure de l’exploration, du texte qui s’affiche en surimpression sur le monde et des minijeux nous font découvrir la vie des différents membres de la famille.

J’étais attiré par les côtés « maison à l’architecture étrange » et « saga familiale », mais j’avoue que j’ai été un peu déçu par le jeu, qui est certes joli, mais surtout un walking simulator où l’on ne fait pas grand chose de plus qu’avancer.