Archives de catégorie : Screens, thousands of them

Yellowjackets, d’Ashley Lyle et Bart Nickerson

Série de 2022. En 1996, une équipe de football féminin se crashe dans les Montagnes Rocheuses. Les adolescentes (enfin, certaines) vont survivre en autarcie pendant 19 mois avant de revenir au monde extérieur. Tout va pas super bien se passer, surtout quand il va falloir gérer l’hiver. On suit en parallèle les événements de ’96, quelques flashbacks sur leurs vies avant le crash, et la vie de quatre survivantes en 2021.

Si vous pensez à Lost, vous avez raison, d’autant plus qu’il y a une petite dose de potentiellement surnaturel (pas tranché pour le moment). Mais les personnages sont clairement mieux écrits, et la dynamique de groupe est plus intéressante, à la fois avec le fait que les personnages se connaissaient avant le crash, et qu’elles sont adolescentes et donc encore en construction (y’a du coup aussi une vibe Lord of the Flies en version féminine, surtout que le flash-forward de la scène d’ouverture annonce clairement que tout va fortement dégénérer).

Le casting est particulièrement réussi en ce qui concerne le fait d’avoir des actrices jouant les versions ado et adulte des personnages qui se ressemblent. J’ai trouvée bien construite toute la ligne narrative de ’96, moins celle de 2021 (excepté celle de Sarah dont les personnages secondaires sont très réussis). Le personnage de Misty est un succès sur les deux périodes aussi, je suis moins convaincu par les arcs des versions adultes de Taissa et Natalie.

Enfin, il faut citer la bande son, efficace et qui plonge bien dans les années 90, notamment la chanson du générique (qui reprend les codes des chansons de l’époque mais a été composée en 2021).

Globalement bonne série, sympa à regarder, accrocheuse, mais sans que ce soit non plus très profond ou révolutionnaire. La saison 1 ne résout absolument rien par contre, c’est visiblement prévu pour être une histoire au long cours.

Saison 2 :

More of the same, franchement. L’arc de 1996 se déroule entièrement en hiver. On n’a pas plus de réponses, mais quelques mort.es en plus, qui réduisent le cast, et un bon cliffhanger de fin de saison. En 2023, on retrouve deux Yellowjackets de plus, mais y’a toujours rien de plus qui est résolu. Le setup de l’espèce de secte new age est intéressant. Le personnage de Misty continue sa vibe de psychopathe unhinged, franchement bravo aux deux actrices qui la porte et donnent tout. Vraiment pas fan du perso de Nathalie (adulte) dans cette saison, qui a juste l’air bourré/high la plupart du temps, je suis perplexe de la direction d’acteur. On a plus de cannibalisme mais pas plus d’explication. Y’a potentiellement une vibe à la Lost « en fait elles sont toutes mortes dans le crash » mais c’est pas du tout clair (y’a même une espèce de flash-aside à un moment, l’hommage à Lost est de plus en plus explicite). La bande son continue d’être très bonne, les variations sur le thème principal, les reprises et les chansons d’époques sont bien utilisées.

Je vais continuer à regarder je pense, mais plus pour l’ambiance que pour l’intrigue qui ne semble pas aller où que ce soit. J’avais mis le tag recommandé sur la première saison, je vais le laisser mais je ne sais pas si je recommande vraiment, en tous cas pas du tout avec la même intensité que d’autres séries. Mais je pense que ce sera une série qui va en inspirer d’autres.

Trüberbrook, du studio btf

Point-and-click allemand (Zeigen-und-Klicken ?) sorti en 2019. On joue Hans Tannhauser, un physicien étatsunien avec des origines allemandes (pas dans le style Werner Von Braun, plutôt sa famille a émigré une génération plus tôt), qui arrive dans le petit village de Trüberbrook pour une semaine de vacances. Mais sur place il va découvrir de mystérieuses installations au fond d’une mine, qui semble avoir des liens avec ses travaux théoriques. Dans la tradition des point-and-click, il va devoir collecter pas mal d’objets loufoques pour réussir à accéder à différentes zones.

Le style du jeu est très beau, ça fait diorama et pâte fimo. La première séquence dans la station service et le générique de début avec le minibus qui monte la pente sont très très cool. Malheureusement, le scénario du jeu ne fait pas grand sens et c’est beaucoup d’allers-retours pour trouver les trucs un peu par essai-erreur. Un peu dommage. Après j’ai pas passé un mauvais moment devant mais ça fait un peu « mumbo-jumbo scientifique » alors que y’avait moyen des faire des trucs plus sympas avec cette esthétique.

Lucifer within us, de Kitfox Games

Court jeu d’enquête. On incarne une exorciste qui enquête sur une série de meurtres dans un monastère, dans un monde où la religion est basée sur la cybernétique : les démons existent dans un monde virtuel et peuvent infecter les humains via leurs implants.

Le jeu est court, trois petites enquêtes, mais j’ai bien aimé l’univers et l’esthétique. La mécanique de la timeline à confronter est intéressant, mais il est possible de bruteforcer toutes le jeu en testant tous les configurations (ie en contredisant chaque élément de la timeline en présentant tous les indices possibles). Une fois l’enquête résolu, on doit trouver quel démon infecte le meurtrier. Cette partie pour le coup n’a aucun intérêt, on n’a le choix qu’entre quatre et c’est très transparent à chaque fois.

Globalement ambiance et graphismes sympa, mécanisme intéressant même si bruteforçable, c’est plus une démo avec de belles finitions qu’un jeu complet à ce stade je trouve, mais ça faut le coup d’y jeter un coup d’œil.

We are coming, de Nina Faure

Documentaire féministe français de 2023. Partant de la question du plaisir féminin et de l’orgasm gap, le documentaire dérive sur les groupes de paroles féminins, la réédition du livre Notre corps, nous-mêmes, et les luttes féministes, dont #metoo au premier plan, mais aussi des manifs en mixité choisie (à Bure) ou NousToutes.

Même en connaissant déjà pas mal les sujets abordés (si vous avez un peu de bagage théorique et suivez l’actualité féministe, vous n’aurez pas de gros scoop dans ce documentaire), c’était intéressant de voir le tout remis en perspective et relié. Le film donne la parole à pas mal de voix féminines différentes, de la réalisatrice et sa comparse Yelena Perret aux femmes de groupes de paroles, en passant par des colleuses d’affiches contre les féminicides ou Caroline de Haas et Sandrine Rousseau. Pas de témoignages masculins directement, une séquence expliquant que Nina Faure avait sollicité son compagnon et un ami, qui ont refusé d’apparaitre dans le film (en expliquant que « même avoir le bon rôle en tant que mec sur ce sujet, c’est avoir le mauvais rôle » – ce que je partage un peu, je vois pas comment tu peux amener une parole masculine pertinente sur ce sujet sans faire du mansplaining ou réclamer des cookies).

Revolutionary Road de Sam Mendes

Film étatsunien de 2008, adaptation du roman éponyme de 1961. Frank et April sont un jeune couple persuadé qu’ils sont destined for greatness. Évidemment en moins de 7 ans ils se retrouvent avec la même vie suburbaine que toute leur classe sociale : ils ont deux enfants, elle est femme au foyer dans un pavillon, il va travailler en costard gris dans un bureau du centre-ville où il est un rouage de l’organisation interne d’une grosse firme qu’il méprise et a des aventures occasionnelles avec des secrétaires.

April va proposer qu’ils s’échappent de ce carcan normatif, prennent leurs économies et partent vivre à Paris où elle travaillera pour une agence internationale et Frank pourra avoir du temps pour lui. Mais au même moment Frank se voit offrir une promotion, et elle tombe enceinte… Frank, aidé par tout le poids du patriarcat, va alors tout faire pour saborder méthodiquement le projet de départ à Paris auquel il avait initialement souscrit.

Les rôles principaux sont joués par Kate Winslet et Leonardo Di Caprio, ie le couple mythique de Titanic, ça a beaucoup été mis en avant à l’époque de la sortie du film. C’est un peu un « et si leur aventure avait continué ? » pas très optimiste. On voit April totalement coincée par la société. Si Frank est malheureux dans son job, au moins il a un peu d’agency et il peut choisir entre plusieurs options. April est vraiment coincée dans sa vie domestique et ce couple avec ce mec qui l’épuise à tout moment. Le film n’est pas sur la dérive d’un couple : franchement le seul tort d’April dans le film c’est de ne pas se laisser faire et de ne pas accepter que Frank prenne toutes les décisions unilatéralement. C’est globalement un film sur le patriarcat et l’impossibilité pour April de sortir du conformisme qu’elle sent l’étouffer. Quand elle tente de coucher avec un voisin, il lui déclare immédiatement qu’il l’aime, alors qu’elle voudrait quelqu’un qui la prenne au sérieux sur le fait que la vie qu’ils mènent empêche toute forme d’amour réel.

J’ai bien aimé le voir, c’est bien composé, les acteurs jouent bien, après ce n’est pas un film bouleversant : le thème est paradoxalement un peu trop facile : j’ai l’impression que l’aspiration à l’exceptionnalité et l’horreur de se rendre compte que la vie quotidienne, ses propres compromis et ceux des gens autour vous coincent, c’est un sujet qui met tout le monde d’accord. On ne peut qu’empathiser avec April et détester tous les autres persos, il n’y a pas d’ambiguïté.

Lost Nova, de Jon Nielsen

Court jeu vidéo indépendant paru en 2022. On incarne Nova, une aventurière qui crashe son vaisseau sur une planète alors qu’elle refusait de prendre des vacances. On doit alors parcourir plusieurs régions pour retrouver des pièces de vaisseau et des ressources permettant de crafter des améliorations pour notre pistolaser ou nos bottes jetpack.

C’est très wholesome, avec un univers coloré, des petites quêtes annexes et un message sur le fait de prendre du temps pour soi plutôt que de se focaliser exclusivement sur son travail. Dans le même style, j’avais beaucoup aimé A Short Hike.

It Follows, de David Robert Mitchell

Film d’horreur minimaliste étatsunien de 2014. Jay couche avec son nouveau petit ami, et immédiatement celui-ci lui révèle qu’il vient de lui refiler une malédiction sexuellement transmissible : elle sera poursuivie par une créature polymorphe qui marchera invariablement tout droit vers elle et tentera de la tuer. Elle peut refiler à son tour la malédiction, mais si le/la nouvelle porteuse est tué·e, la créature recommencera à la chasser elle. Oh, et seules les personnes contaminées peuvent voir la créature.

J’ai bien aimé. C’est bien filmé, avec de beaux plans, dans une ambiance un peu crépusculaire où les adolescents semblent un peu livrés à elleux-mêmes (un peu un passage obligé pour un film d’horreur, mais là les adultes sont présents autour, juste visiblement pas des personnes sur lesquelles les protagonistes pensent pouvoir s’appuyer). L’environnement en décrépitude de Detroit ajoute à cette impression générale d’abandon. Le design de la malédiction marche très bien, alors qu’il n’y a quasi rien : des gens qui marchent fixement (et souvent nus). Les personnages sont assez réussis, que ce soit Jay elle-même ou les persos secondaires (notamment sa sœur qui lit L’Idiot sur sa mini-liseuse), et leur dynamique de groupe est crédible. Le film sait très bien faire monter la tension, ne se repose pas sur des jump-scares et laisse une fin ouverte.

Je recommande.

Next Exit, de Mali Elfman

Film étatsunien de 2022. A 20 minutes dans le futur, l’existence d’une vie après la mort a été scientifiquement prouvée. Pour conduire davantage de recherches sur le sujet, les scientifiques à l’origine de la découverte recherchent des volontaires pour une euthanasie contrôlée. Deux newyorkais, Rose et Teddy, se portent volontaires. Le film les suit dans leur road-trip de New York à la Californie.

La prémisse était cool, et les acteurs jouent bien. Mais le scénario perd rapidement de l’intérêt, en développant une romance entre les deux persos et en adoptant un point de vue très convenu à base de « l’amour est la réponse ». Les petits éléments d’arrière plan sur l’impact de la découverte scientifique sur le monde sont cools, mais plus ça va et moins on est intéressé par l’histoire des personnages (qui se résume à from enemies to friends to lovers avec un ajout d’intimité forcée, des tropes certes appréciables en soi mais pas particulièrement bien ni originalement traités ici).

Pour un film qui parle des conséquences sociales de l’euthanasie, je recommande plutôt Plan 75, et pour un film qui parle de fantômes, A Ghost Story.

White Wall, d’Aleksi Salmenperä, Mikko Pöllä et Roope Lehtinen

Série finlandaise de 2020. Dans une ancienne mine en passe d’être reconvertie en site de stockage de déchets radioactifs, une équipe de forage tombe sur un gigantesque objet blanc incrusté dans le sol. Le directeur du site va décider d’investiguer l’objet sans en référer à sa hiérarchie, alors que l’ouverture du site est par ailleurs menacée par des activistes anti-nucléaires.

J’ai bien aimé. C’est relativement court (8 épisodes de 40 minutes), avec beaucoup de passages filmés dans la mine. On a à la fois les interrogations sur ce qu’est l’objet trouvé (qui restent non résolues jusqu’à la fin, avec un final sur un cliffhanger alors qu’il n’y aura pas de saison 2), et les relations des personnages, qui se positionnent vis-à-vis de l’ouverture de la mine (on suit beaucoup le directeur du site et son équipe, donc on a un point de vue pro-nucléaire, mais la série laisse la place à pas mal de voix dissidentes, avec les activistes et la DJ). Si la série ne fait pas de l’acceptabilité du nucléaire son point central, c’est quand même largement présent. On a aussi les relations des personnages sur le site entre eux et avec la hiérarchie plus distante, ce qui fait des relations intéressantes.

Recommandé si vous aimez bien les trucs dans les mines, les dialogues en finlandais au milieu de paysages enneigés et les mystères métaphysiques non-résolus.

The Last of Us, de Neil Druckmann et Craig Mazin

Série HBO sortie en 2023, adaptation du jeu vidéo éponyme. Dans un monde dévasté en 2003 par une pandémie zombie causée par un champignon, Joël, un mercenaire fatigué, doit faire traverser les États-Unis à Ellie, une adolescente qui semble être immunisée au champignon.

J’ai pas été fan des deux premiers épisodes, mais la série décolle après, je trouve. L’univers est beau dans le style post-apo (même si pas toujours ultra-convaincant sur certains petits détails). La mise en scène des paysages du centres des USA est réussie. La relation entre Joel et Ellie fonctionne relativement bien, avec le côté ours bourru de Joël qui se dégèle peu à peu et est finalement près à tout pour protéger sa fille adoptive. Les moments de flash-back fonctionnent plutôt bien. Si la vie de Joel en 2003 lors du premier ep m’a laissé relativement froid, la série décolle avec les 45 minutes de flash-back sur le personnage de Nick Offerman durant l’ep 3, puis le récit de la dernière journée d’Ellie parmi les FEDRA ou sa naissance fonctionnent bien pour sortir du cadre du récit principal et rajouter de l’épaisseur aux relations entre les personnages et du lore à l’univers. J’ai par contre été agacé à chaque fois par les séquences « recréons de façon ultra artificielle des éléments de gameplay » à base de « Oh, Ellie, toi seule peut passer à travers ce mur puis m’ouvrir la porte depuis l’autre côté » ou « on est séparé par cette voiture, retrouvons nous de l’autre côté du niveau de la rue ! ». Le niveau de noirceur des épisodes varie pas mal de l’un à l’autre (bon c’est jamais ultra-joyeux), avec un déchaînement de violence dans les deux derniers, mais ça fonctionne bien.

Je recommande si vous aimez les zombies et Pedro Pascal (who doesn’t?).