Archives de catégorie : Screens, thousands of them

Une langue universelle, de Matthew Rankin

Film québécois sorti en 2024. Après avoir vécu des années à Montréal, Matthew rentre dans sa ville natale, Winnipeg. Sauf que dans cet univers, la langue parlée à Winnipeg (et dans le reste du Canada non-francophone, on suppose), c’est le farsi (gros travail du film pour remplacer toutes les inscriptions visibles à l’écran par du farsi). Bon déjà c’est un point de départ trippant (tout le film est tourné en farsi et français, le générique est bilingue), mais par ailleurs le film est assez surréaliste/théâtre de l’absurde. Winnipeg est décrit (probablement à raison) comme une ville moche, perpétuellement prise dans la neige et où il ne se passe rien. C’est beaucoup filmé avec des gros plans, des éclairages faibles, des plans où un mur gris homogène ferme l’horizon. Au milieu de tout ça, Matthew cherche à retrouver sa mère, qui n’habite plus dans la maison de son enfance, et se retrouve à errer dans Winnipeg dans l’attente d’un rendez-vous avec un certain Massoud qui lui dit qu’il sait où elle est. Il oscille entre les grands points d’intérêt de Winnipeg : le quartier Gris, le quartier Beige, le Tim Horton, le centre commercial portage, le congélateur municipal, le parking… En parallèle, plusieurs autres histoires convergent : la disparition d’une dinde, la perte des lunettes d’un enfant de l’école d’immersion française, une visite touristique…

C’est une ambiance très particulière, mais c’était assez chouette. Recommandé si vous aimez le cinéma expérimental, les parkings et les questionnements sur ce qui fait l’identité d’une personne, et si vous trouvez que Dupieux c’est mainstream.

Shortbus, de John Cameron Mitchell

Film états-unien paru en 2006. Dans le New York des années 2000, Sofia est une thérapiste de couple, qui reçoit James et Jamie, un couple gay qui envisage de passer en relation non-exclusive. Au mépris de toute déontologie, Sofia finit par parler de ses propres problèmes au couple et du fait qu’elle n’a jamais eu d’orgasme. Les deux vont l’inviter à venir avec elle au Shortbus, un club où les gens explorent leur sexualité. On va suivre les vies de Sofia, de James et Jamie et de Severin, une dominatrice avec qui Sofia va se lier d’amitié au Shortbus. Il y a beaucoup de scènes de sexe qui sont non simulées, le film voulant avoir une approche décomplexée de la sexualité.

L’esthétique fait très années 2000, notamment les coupes et vêtements des personnages (et l’espèce de maquette en 3D signalant les changements de lieu). C’était sympa à regarder, mais la grande quête de l’orgasme ça fait un peu daté comme plotline je trouve.

Nobody wants this, de Lindsay Golder

Comédie romantique parue en 2024. Joanne est une californienne qui gagne sa vie en enregistrant un podcast avec sa sœur, qui parle de sexualité. Noah est un jeune rabbin qui a mis fin à ses fiançailles. Les deux vont se rencontrer et avoir un coup de foudre l’un pour l’autre, par dessus leurs différences culturelles.

C’était une bonne série romantique. La chimie entre les deux persos fonctionne, il y a des rebondissements pas trop clichés, les persos secondaires (les losers siblings notamment, la relation aux parents) sont réussis. Pas une série inoubliable, mais une réussite pour une série de vacances.

Here, de Robert Zemeckis

Film états-unien paru en 2024, adaptation de la bande dessinée éponyme. On suit en plan fixe la vie d’une famille sur deux générations dans une maison, avec des passages sur les occupant.es précédents et suivants de la maison, et les événements qui se sont passés sur place : la disparition des dinosaures, la vie de natifs-américains, des événements liés à l’indépendance des États-Unis, la construction de la maison… Rien d’inouï, mais des vies ordinaires vues via la répétition des fêtes et temps collectifs, des naissances, des morts, des moments du quotidien. Pour reprendre la bande dessinée, certains cadre à l’écran permettent de superposer des époques et de montrer plusieurs événements de façon simultanée.

Sans être révolutionnaire, c’était bien fait et sympa à voir. Un point négatif quand même : pour un film de 2024 qui parle de l’espace domestique ça se focalise quand même beaucoup sur les mecs.

My Old Ass, de Megan Park

Film canadien paru en 2024. Elliott, tout juste 18 ans, prend des champis avec ses amies. Alors que les deux autres ont un trip classique, Elliott voit apparaitre à ses côtés son moi du futur, âgée de 39 ans, qui lui donne quelques conseils : profiter du temps avec sa famille, être gentille avec sa mère, et ne pas s’approcher d’un dénommé Chad.

Évidemment, Chad ne va pas tarder à apparaitre dans la vie d’Elliott, sous la forme d’un saisonnier sur la ferme de cranberries de ses parents. Elliott va donc naviguer son dernier été chez elle entre inquiétude du départ (elle part à l’université à Toronto à la rentrée), carpe diem des moments avec ses amies et sa famille, romance avec son crush d’enfance, et début de relation avec Chad que malgré les avertissements du futur elle trouve assez attirant.

Les paysages sont beaux et c’est plutôt bien joué, mais je n’ai pas été emporté. C’est une histoire de coming of age mais que j’ai trouvé assez peu originale : le voyage dans le temps ne sert finalement pas à grand chose, et Audrey Plaza est scandaleusement sous-exploitée. Le fait d’avoir une protagoniste queer est quand même sacrément miné par le fait que la romance au cœur du film est straight : si le côté « ah peut-être que je ne suis pas lesbienne mais bi ou pan ou autre » est intéressant, finalement c’est évacué en 5 secondes.

Le fait d’avoir dans le rôle principal une actrice qui avait vraiment ~18 ans au moment du tournage fonctionne bien : selon les plans on se dit « ah oui c’est vraiment une enfant » puis « ah non c’est une adulte » avec quelques microchangements d’expression, de comportement. Ca retranscrit bien le côté âge-charnière.

Wicked, part 1, de Jon M. Chu

Film étatsunien de 2024, adaptation de la comédie musicale éponyme, elle même adaptation du livre de Gregory Maguire. Je suis un grand fan de la comédie musicale, donc j’étais à la fois impatient et dans l’appréhension de ce qu’allait donner l’adaptation en film, mais franchement ça va. Je ne suis pas convaincu totalement par toutes les reprises des chansons, mais ça reste très fidèle aux versions de la comédie (avec parfois un peu plus de parlé-chanté), et des thèmes musicaux qui reprennent les motifs principaux entre les phases de chansons.

Visuellement, c’est saturé d’effets spéciaux la plupart du temps, mais c’est un kitsch qui fonctionne bien avec l’esthétique de la comédie musicale. Cynthia Erivo et Ariana Grande sont toutes les deux très bien castées et habitent bien les deux rôles principaux (et le reste du cast fonctionne bien aussi, Jeff Goldblum en tant que Wizard c’était le choix de la facilité mais c’est exactement ce qu’on voulait, Fiyero et Mme Morrible sont très bien aussi). Il est un petit peu trop mis l’accent sur le fait que Glinda est écervelée dans cette partie 1 (je pense que c’est la partie 2 qui donne plus d’épaisseur au perso anyway), mais c’est vraiment un reproche mineur. Le fait que les effets spéciaux s’arrêtent pendant la scène où le Wizard montre ses plans pour Oz aux deux héroïnes est bien trouvé (vu qu’il ne maitrise pas la magie on le voit juste montrer des maquettes et faire des ombres chinoises), et l’apparition d’Idina menzel et Kristin Chenoweth a été une vraie surprise et un très beau clin d’œil.

Recommandé avec tout mon petit cœur de fan.

Vingt Dieux, de Louise Courvoisier

Film français paru en 2024. À la mort de son père, Totone, 18 ans, doit trouver comment gagner de l’argent, lui qui passait son temps dans les bals de village. Après un petit boulot dans une fruitière, lui vient l’idée de faire son propre comté pour gagner un prix agricole et la somme qui va avec. Il va donc se débrouiller pour voler du lait et mettre en place une installation qui lui permette de produire à l’ancienne un comté au chaudron.

J’ai bien aimé. Il y a quelques longueurs (les scènes de bar/fête au début notamment), mais le film montre sans misérabilisme ni romantisme la vie de personnages à la fois un peu idiots et attachants. Les acteurs non-professionnels jouent très bien (surtout la plus jeune, qui joue Claire), de belles scènes notamment quand Totone et Claire retentent une dernière fois de récolter le caillé ensemble. La relation de Totone et Marie-Lise est bien mise en scène aussi.

American Arcadia, du studio Out of the Blue

Jeu vidéo paru en 2023. Trevor Hills mène une vie ordinaire dans la ville rétrofuturiste d’Arcadia, dans les années 70. Jusqu’au jour où il commence à recevoir des messages inquiétants via le système informatique de son travail : il vit en fait depuis sa naissance dans une émission de téléréalité, mais vu le peu d’intérêt des télespectateurs pour sa ligne narrative, il a été décidé de le faire disparaître pour diminuer les coûts. Avec l’aide d’une technicienne de la mégacorporation derrière l’émission télé, il va tenter de s’évader d’Arcadia pour vivre dans le monde réel.

L’histoire était sympa (c’est un gros hommage au Truman Show, assumé comme tel, et les cinématiques qui coupent l’histoire ou font des retours en arrière fonctionnent bien en termes de narration ) avec une esthétique rétro qui fonctionne bien, et l’idée d’alterner les séquences Trevor/Angela avec soit du plateformer soit de la 3D fonctionne plutôt bien, mais par contre le gameplay lui-même est assez faible : déjà c’est très clair vu les cinématiques que le jeu sera un tunnel sans choix et c’est pas mal un walking simulator, toutes les séquences sont d’un niveau assez basique. Je pense que ça aurait pu être un film, la forme vidéoludique apporte assez peu d’éléments supplémentaires.

Sympa mais sans plus.

The Wild Robot, de Chris Sanders

Film d’animation paru en 2024. Suite à une tempête, un conteneur contenant un robot domestique ultra perfectionné s’écrase sur une île pleine d’animaux. Programmé pour assister les humain.es, le robot va tordre sa programmation pour venir en aide aux animaux.

C’était très joli (très belle animation), l’histoire est touchante, mais pas ultra profonde non plus : les animaux sont un peu trop anthropomorphisés dans leurs comportements et leurs relations interespèces – mais bon à la base c’est un film pour les enfants, je sais pas si une éthologie exacte des opposums les auraient enthousiasmés.

Samuel, d’Émilie Tronche

Série télé française parue en 2024. Je l’ai vue au cinéma d’un seul tenant dans le cadre du festival Séquence, c’était un très bon cadre, ça gagne a être regardé avec les réactions de toute une salle de cinéma (même si je pense que ça marche aussi très bien blotti·e dans son lit).

On suit la vie de Samuel, 10 ans, via ce qu’il en écrit dans son journal intime. Il parle notamment de son sentiment amoureux pour Julie, une de ses camarades de classe. C’est super bien écrit dans la façon dont ça rend les émotions ressenties quand on est enfant – et je pense que la série parle à beaucoup de gens parce qu’on s’y retrouve facilement (aux dernières nouvelles, tout le monde a été enfant). Niveau animation c’est très beau, en noir et blanc, avec sur certaines séquences des inspirations mangas très bien intégrées (la visite au château, le cauchemar de la grande dame). La question des sentiments et des relations est je trouve très bien traitée. Certains passages sur attirances ou sur l’arrivée de l’été m’ont fait penser à The Perks of being a wallflower ou à La Traversée du Temps, deux œuvres que j’aime beaucoup.

J’ai aussi beaucoup aimé l’épisode sur la mort de la grand-mère de Corentin et la mise en scène via Corentin de la construction d’un mode masculin de rapport à ses émotions (là où Samuel est beaucoup plus émotif). Enfin, une dernière analogie que je vois est avec la série Bref, pour le côté épisodes très courts et centrage sur une relation amoureuse hétéro, mais on est sur un traitement beaucoup plus subtil que Bref.

Enfin, excellente bande-son, et pas mal de passage où des personnages dansent (sur de la musique ou tout seuls dans leur chambres) où les mouvements rendent très bien.

Chaudement recommandé.