Archives de catégorie : Screens, thousands of them

Article invité : Un métier sérieux, de Thomas Lilti

Film de 2023, dans la lignée des autres films de Thomas Lilti : une comédie dramatique réaliste humaniste chorale (ça va, vous suivez ?) dans un milieu professionnel connu-mais-méconnu (précédemment : la médecine, ici : les profs de collège), avec une galerie de personnages (joués par ses acteurs habituels, ie Louise Bourgoin, François Cluzet et Vincent Lacoste) humains et attachants avec leurs défauts et leurs fêlures (tous les profs parents sont pas oufs avec leur enfants). Dans la forme, ça ressemble à beaucoup d’autres films sur l’école (La vie scolaire, Entre les murs) : chronologique, du début à la fin de l’année scolaire, alternant des moments anodins type tranches de vie (pour le côté documentaire / attachement aux personnages) avec une série d’épisodes forts « incontournables » (la rentrée, le conseil de discipline, la sortie scolaire, le craquage en classe…) pour le côté dramatique. Moi, c’est ma came : j’ai passé un bon moment, les acteurices sont top, j’ai rigolé et frémi. Mais ça reste aussi assez lisse, sans discours très politique ou radical sur ce qu’est l’école comme institution – sauf lors d’un débat sur la pertinence du conseil de discipline et de l’exclusion. Tous les collègues s’adorent, les tensions interindividuelles n’existent pas – sauf lors du débat sus-mentionné. Mention râlage pour les ébauches de romance, forcément hétéro, qui certes montrent que, comme partout, les gens se chopent au travail, mais étaient aussi largement évitables à mon sens.

Anatomie d’une chute, de Justine Triet

Palme d’or 2023. Sandra, écrivaine, vit dans un chalet alpin avec son mari Samuel et son fils Daniel. Un jour, Samuel est retrouvé mort. Le film va montrer le déroulé du procès visant à établir si Sandra est responsable de la mort de Samuel.

J’ai beaucoup aimé. J’avais peur que 2h30 de film de procès ce soit un peu long, mais à part les 10 dernières minutes (après l’annonce du verdict, en gros), on ne les voit pas passer. Le film prend le temps d’installer les éléments de l’intrigue au début, et d’un coup ça décolle et on est dans un tunnel, la Palme est totalement méritée. Le film montre la perception de la relation de Sandra et Samuel à travers les yeux de Sandra, de Daniel, et via un discours rapporté et des enregistrements, à travers les yeux de Samuel – ainsi que la perception de leur relation par le grand public. C’est très bien joué (sauf peut-être les rôles de la présidente de la cour d’assise et celui de l’avocat général, qui semblent être là pour faire les antagonistes, et je ne suis pas convaincu non plus par le personnage de Marge) – même le chien joue bien. Les enjeux de plurilinguisme (même si on peut regretter de ne pas entendre un mot d’allemand alors que le personnage principal est allemande, pourquoi elle parle en anglais et pas en allemand au procès ?) et d’écriture/création sont réussis.

C’est un peu un retournement du trope de la femme dans le réfrigérateur : la mort d’un homme donne le point de départ de toute l’intrigue, il y a des enjeux de tension dans le couple mais c’est Samuel qui se plaint d’être enfermé à la maison pendant que sa compagne à une carrière brillante – je fais un peu un rapprochement avec Revolutionary Road aussi.

Grosse reco.

Pentiment, du studio Obsidian Entertainment

Jeu vidéo paru en 2022. Dans la petite ville de Tassing (Bavière) au XVIe siècle, Andreas Maler est venu réaliser son grand-œuvre dans le scriptorium de l’abbaye. Artiste perclus de doutes sur sa valeur et de certitudes sur la marche du monde, il va tenter de découvrir la vérité sur le meurtre d’un baron local, dont un moine qu’il estime est accusé. Rapidement (enfin… l’intrigue s’étend sur 20 ans donc ce n’est peut-être pas le meilleur qualificatif), Andreas puis un autre personnage vont découvrir que le meurtre du baron est rattaché à une histoire plus large. On va donc enquêter pour découvrir le responsable de ce meurtre puis de deux autres…

C’est très beau et très détaillé sur les enjeux politico-socio-religieux de l’époque avec la naissance du protestantisme en toile de fond, par contre ça souffre des défauts classiques des point-and-click, c’est quand même beaucoup un walking simulator et parfois on est frustré des options de notre personnage, qu’on voudrait voir faire d’autres choses qui nous paraissent beaucoup plus évidentes. Le jeu canalise beaucoup l’histoire dans un entonnoir avec des choix qui ont finalement peu de conséquences (excepté sur l’arbre généalogique montré sur la séquence de fin, mais c’est léger). Ça reste un très beau jeu, mais un peu long par rapport au contenu finalement.

Outer Range, de Brian Watkins

Série étatsunienne dont la première saison est sortie en 2022. Dans le Wyoming, la famille gère un ranch depuis des générations. Royal a été champion de rodéo, son fils Rhett est sur ses traces. Mais le ranch a connu des jours meilleurs, la femme de Perry (le second fils) a disparu du jour au lendemain, le ranch voisin réclame sur la fois de relevés cartographiques une énorme portion de terrain des Abbott. Oh et puis il y a le trou. Un trou immense qui est apparu sur le terrain, et qui mène quelques part. Et une hippie qui débarque un jour, avec des visions d’un ancien symbole indien qui apparait dans le paysage sur le ranch des Abbott.

Le trailer me faisait pas mal envie, et de fait c’est bien filmé. Le côté Amérique profonde, certains tropes de western réactualisés sont intéressants. Mais l’histoire ne fait pas grand sens ou n’avance pas : c’est joli mais ça n’a pas grand chose à dire. Dommage, parce qu’il y avait des éléments réussis : le personnage de Billy Tillerson, qui visiblement pense être dans une comédie musicale, les relations familiales des Abbott, certains cadrages et éclairages (la scène de duel dans le dernier épisode notamment marche très très bien). Mais bon, c’est noyé dans le gloubi-boulga général.

Nimona, de Troy Quane and Nick Bruno

Film d’animation adapté du comic éponyme de ND Stevenson. Dans un royaume de fantasy futuriste, les chevaliers protègent la population de toutes sortes de menaces. Pour la première fois, la reine va sacrer chevalier un roturier en plus de la promotion habituelle de nobles. Mais lors de la cérémonie, Ballister Blackheart tue la reine. Poursuivi par l’ensemble des chevaliers dont son petit ami, il va se découvrir un.e allié.e inattendu.e (et indésiré.e) sous la forme de Nimona, qui va se proposer spontanément pour être son sidekick et l’aider à se venger des chevaliers.

Je ne suis pas fan du design de Ballister et Ambrosius (les cheveux longs du comics marchaient mieux pour moi), mais sinon fort bonne adaptation, qui n’hésite pas à s’éloigner du matériel source pour raconter l’histoire un peu différemment en assumant que le changement de medium offre des possibilités différentes. Bonne bande-son, bonnes punchlines, bonne animation (du numérique très classique mais très bien maitrisé).

Je recommande.

Extraordinary, d’Emma Moran

Série anglaise de 2023. Jen vit dans un monde où les gens acquièrent un super pouvoir autour de leur majorité. À 23 ans, le sien ne s’est toujours pas déclaré, ce qu’elle ne vit pas très bien. On voit sa vie entre ses colocs, le chat qu’elle vient de récupérer dans la rue, son PQR et son boulot dans une boutique de costumes.

J’ai beaucoup aimé. C’est un peu Misfits x Fleabag : une héroïne avec une vie chaotique dans un univers avec des superpouvoirs lowkey (mon headcanon est d’ailleurs qu’on est dans le futur de Misfits, où les superpouvoirs se sont généralisés). La série est bien écrite, les blagues fonctionnent bien, les personnages sont des désastres ambulants mais attachants.

Saison 2 [Edit 2024] :
More of the same, et ça fonctionne toujours aussi bien. La représentation de l’esprit de Jen en tant que librairie chaotique est très drôle. Pas mal d’émotions avec la résolution de la relation de Jen à son père. Je recommande toujours.

Emily the Criminal, de John Patton Ford

Film étatsunien de 2022. Emily (Aubrey Plaza) est diplômée d’une école d’art. Mais à cause d’une mention sur son casier judiciaire, elle galère à trouver un travail qui ne soit pas de l’autoentreprenariat merdique. Via un collègue, elle rentre en contact avec des arnaqueurs à la fausse carte bancaire. Elle va s’engouffrer dans cette voie, la seule qui lui permette de se faire de l’argent pour payer son prêt étudiant.

J’ai bien aimé. Aubrey Plaza porte le film, elle joue très bien la personne coincée dans une situation merdique. On voit ses tentatives de trouver des sources légitimes de revenus, sa peur et sa fébrilité lors des arnaques, et l’escalade de la situation. C’est un film avec beaucoup de tension, qui est très bien rendue, je me suis souvent retrouvé crispé sur mon siège.

Je recommande.

The Guy who didn’t like musicals, de Jeff Blim

Invasion of the bodysingers

Captation d’une comédie musicale de 2018. Dans la petite ville d’Hatchetfield, Paul, un employé ordinaire qui a un crush sur la barista du café proche de son travail, déteste les comédies musicales. Mais la chute d’un météore dans la ville va être le point de départ d’une invasion d’aliens qui prennent l’apparence des humains et communiquent exclusivement en chantant. Dans cette apocalypse taillée juste pour lui, Paul va devoir trouver un sens à sa vie et un chemin pour s’échapper de la ville.

J’ai bien aimé. Le côté théâtre amateur fonctionne très bien avec l’histoire un peu parodique, les références à d’autres comédies musicales aussi, et le côté méta évidemment.