Archives de catégorie : Longs métrages

Thor : Love and Thunder, des studios Marvel

N-ième film Marvel, que je suis allé voir pour profiter de la climatisation en cette période de canicule et parce que le précédent Thor réalisé par Taika Waititi m’avait laissé un bon souvenir.

Celui là était franchement médiocre. La bande son était sympa mais est utilisée sans subtilité aucune (visiblement à base de « ça a plu de mettre du rock dans le précédent, refaisons-le plein de fois). Le scénario est anémique, avec 15 000 trucs introduits sans qu’on ait le temps d’en explorer aucun, les actrices sont très mal employées (notamment Tessa Thompson, dont le personnage est laissé à l’arrière plan). L’idée d’introduire la version féminine de Thor était intéressante mais c’est très mal fait, avec une meuf qui revient quand même essentiellement pour être le love interest du héros et participer à son développement personnel en mourant tragiquement.
Les méchants (Zeus et Gorr) sont des mecs qui ne respectent pas les codes de la masculinité vs le héros ultra musclé (qui utilise des enfants soldats sans se poser de questions).

Quelques éléments rigolos cependant : deux chèvres géantes qui passent leur temps à hurler, certains passages de la bande son, Asgard réinventé comme une petite bourgade norvégienne paisible vs les palais rutilants des épisodes précédents. Une jolie scène en noir et blanc en partie animée avec des monstres qui sont créés à partir des ombres.

Bref, je ne recommande pas.

Rien à foutre, d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre

Film franco-belge de 2021. Cassandre est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Elle enchaîne les vols depuis Tenerife où elle est basée. Elle partage sa vie entre son boulot, des soirées en boîte et des coups d’un soir. Elle rêve de devenir hôtesse chez Emirates mais ne fait rien pour y parvenir, et tente d’esquiver la promotion que son chef lui impose.

J’ai bien aimé. Il y a un côté film social qui montre l’envers du décor des compagnies low-cost, mais en même temps Cassandre est contente de ce qu’elle trouve dans son boulot. Même si le film sort un peu le pathos pour montrer qu’elle s’est réfugiée là pour ne pas avoir à affronter la mort de sa mère, elle fait quand même parti du système, le fait tourner, et même si elle est empathique sur certains points, elle ne remet pas du tout en question le système global. Le film bifurque quand elle rentre dans sa famille et passe du temps avec son père et sa sœur à Huy, mais elle finit par repartir à sa vie d’hôtesse, en tentant d’entrer dans une compagnie de jets privés plus prestigieuse.

Globalement c’était sympa à regarder, quelques longueurs (surtout dans la partie du retour à la maison), mais le film vaut le détour

Nomadland, de Chloé Zhao

Film états-unien sorti en 2020, adopté du livre éponyme. On suit Fern, une femme qui vit dans un van aux États-Unis, suite à la désertification de la ville où elle vivait, dépendante d’une entreprise unique qui a fermé. Fern enchaine les petits boulots, pour Amazon, pour des coopératives de fermiers, en tant que gardienne d’un camping, vendeuse… Elle rencontre d’autres néo-nomades qui vivent sur les routes, servant de force d’appoint au capitalisme états-unien lors des périodes de rush, d’âge varié, incluant beaucoup de retraités sans pension.

Le film est beau mais – sans surprise au vu du sujet – un peu déprimant. Fern et les autres nomades sont fiers de leur style de vie et arrivent à trouver du bonheur dans le contact qu’ils ont avec la nature, leur style de vie particulier, leur éthique du travail, mais la vérité, et que Zhao met bien en avant, c’est qu’ils sont les dindons de la farce du néolibéralisme. Le film met en avant à la fois les paysages immense des États-Unis, que ce soit un parc national ou des routes qui s’étendent sans fin, mais aussi les entrepôts d’Amazon, les trailer parks, les sorties d’autoroute mal aménagées.

Je recommande, dans le genre « l’envers du rêve américain ».

Per qualche dollaro in più, de Sergio Leone

Western italo-ibéro-allemand de 1965, le second de La Trilogie des Dollars. Clint Eastwood et Lee Van Cleef jouent Manco et le colonel Mortimer, deux chasseurs de primes que tout oppose. Pour abattre El Indio, bandit récemment évadé, ils font difficilement alliance. Le film va mettre en scène le braquage de la banque d’El Paso par la bande d’El Indio, l’infiltration de cette bande par les chasseurs de primes, de multiples retournements de situation et des fusillades dans tous les sens.

C’est un excellent western, Leone est très bon pour faire monter la tension à partir de n’importe quel élément. La bande son de Morricone est parfaite comme d’habitude. Bon par contre c’est un western au premier degré, donc c’est l’affrontement de deux surhommes nietzschéens, qui font comme bon leur semble, le reste du monde servant de toile de fond à leur existence et l’intérêt étant dans leur affrontement à eux trois. Le film met totalement en scène la puissance qui émane des trois personnages principaux, qui d’un regard obtiennent ce qu’ils veulent de tout les autres (jusqu’à rencontrer un autre surhomme et là y’a de la tension puis la reconnaissance d’une valeur mutuelle). Ça marche très bien en tant que film mais c’est pas forcément politiquement très enthousiasmant comme vision du monde.

Porco Rosso, d’Hayao Miyazaki

Film d’animation japonais des studios Ghibli, paru en 1992. Je l’ai déjà vu un certain nombre de fois mais je le revois avec plaisir et je constate que je ne l’ai toujours pas chroniqué ici.

L’action prend place sur les îles de la mer Adriatique et dans l’Italie de l’entre-deux guerres. Les fascistes sont arrivés au pouvoir mais leur influence ne se fait pas encore ressentir dans les îles. La vie y est globalement tranquille, baignée de soleil et éloignée de l’influence gouvernementale, permettant l’existence d’une piraterie en hydravion qui rançonne les paquebots de passagers, et de chasseurs de prime qui combattent les pirates. Marco est un de ces chasseurs de prime. Ancien héros de guerre transformé en cochon anthropomorphe dans des circonstances inexpliquées, il vit sur une île isolé, sortant pour combattre les pirates et rendre visite le soir à Gina de l’hôtel Adriano, la femme d’un de ses anciens camarades d’escadrille mort au combat. L’arrivée d’un pilote américain bravache et se mettant au service des pirates en tant que mercenaire va forcer les événements à s’accélérer, et Marco à commander un nouvel avion à une usine milanaise, lui faisant faire la rencontre de Fio, jeune ingénieure déterminée.

C’est un excellent film. L’ambiance « période de calme entre deux guerres » est très bien rendue, il y a plein de plans qui sont là juste pour montrer de jolis décors et ça marche très bien. Les personnages sont réussis, il y a un esprit « code de l’honneur chevaleresque » et « rien n’est jamais très grave, les méchants vindicatifs se calment si on leur parle un peu fermement » qui fait très hopepunk dans l’esprit.

Girlfriends, de Claudia Weill

Film étatsunien de 1978. On suit la vie de Susan Weinblatt, une photographe indépendante newyorkaise. Le film s’ouvre par le départ de sa colocataire, qui – alors qu’elles devaient aménager ensemble dans un nouvel appart – se marie et déménage en dehors de New York. Susan galère à trouver sa place dans la vie, entre un sentiment de solitude dans sa vie perso (elle flirte avec un mec un peu idiot à une soirée, elle a un début d’aventure avec un rabbin marié qu’elle fréquente pour son boulot), et des difficultés dans sa vie pro (elle tente de percer comme photographe en vendant des photos à des revues d’art, mais elle vit surtout de commandes alimentaires en photographiant des bar-mitzvah).

J’ai bien aimé. C’est un film « tranche de vie » assez réussi. On voit la vie de Susan, ses relations avec ses amies, la tension avec le style de vie plus installé de son ancienne coloc qui n’est pas très heureuse de ses choix non plus. Je recommande.

Everything Everywhere All at Once , de Daniel Scheinert et Daniel Kwan

Film états-unien de 2022. Une femme chinoise qui tient une laverie aux États-Unis découvre qu’elle est la seule personne à pouvoir affronter une menace qui met en péril l’ensemble du multivers. Elle se retrouve à devoir malgré elle affronter ce danger en plein milieu d’un audit de l’IRS, d’une procédure de divorce initiée par son mari et de la visite de son père en Amérique.

C’était sympa à regarder. Le changement de regard sur la figure de l’anti-héros, qui n’est pas pour une fois un mec de 25 ans cynique était bienvenu. Le côté « mis en scène avec des bouts de carton » du multivers était sympa aussi, bel hommage aux films de genre. Le mécanisme de devoir faire des actions improbables pour déclencher la connexion aux autres versions de soi-même et pouvoir utiliser leurs compétences était une belle trouvaille aussi.

J’ai trouvé la fin un peu faible néanmoins. Si le message sur l’importance de l’empathie et de la gentillesse me convient, j’ai quand même l’impression que la toute fin part en mode « soit content de ce que tu as même si c’est un peu merdique » : on retombe sur le trope du héros qui retourne à son quotidien après avoir sauvé un royaume magique, c’est un peu dommage.

Recommandé si vous voulez un film sans prétention mais qui change un peu la vision classique de l’élu qui sauve le multivers.

The Invisible Man, de Leigh Whannell

Film étatsunien de 2020. Elisabeth Moss (la Servante Écarlate) incarne Cecilia Kass, prisonnière d’un mariage avec Adrian Griffin, un ingénieur en optique génial mais manipulateur et sadique. Elle réussit à s’échapper et apprend avec soulagement le suicide de son ex-mari. Mais des événements inquiétants dans sa nouvelle vie vont lui faire réaliser qu’Adrian a mis en scène sa mort et a trouvé un moyen de devenir invisible. Elle va devoir se battre contre l’action de son ex-mari alors que son entourage pense qu’elle est en train de perdre la raison.

Je l’ai regardé essentiellement pour voir une fois de plus Elisabeth Moss porter toute la misère du monde sur ses épaules. C’est bien filmé et le twist patriarcal sur l’histoire originale de Wells est intéressant, mais c’est pas le film du siècle pour autant. L’usage de l’invisibilité comme technique au service du gaslighting est prometteuse et aurait valu le coup d’être plus développée : à la fois montrer d’autres formes de gaslighting, et entretenir plus l’ambiguïté sur si Cecilia hallucinait ou non et était elle-même la personne dangereuse. Là le spectateur sait trop vite que non (bon en même temps vu le titre du film l’effet de surprise était ruiné dans tous les cas), et la fin du film part un peu trop dans un trip « le mec est un psychopathe complet qui n’hésite pas à tuer dans tous les sens » et « woo, combat avec un gun contre un homme à demi-invisible ». Alors qu’il y avait quelque chose de plus intéressant à faire avec la tension psychologique induite par le côté « tu peux jamais savoir s’il est là où non vu qu’il est invisible. »

A regarder si vous aimez beaucoup Elisabeth Moss, dispensable sinon.

The Batman, de Matt Reeves

Film policier de 2022. Batman, année 2. Le super-héros masqué a commencé à rentrer dans une routine dans sa lutte contre le crime à Gotham. Il collabore avec le commissaire Gordon, peut se rendre sur des scènes de crime, est toléré par la police même si sa relation avec eux reste compliquée. Une série de meurtres vient bouleverser la ville. Un meurtrier qui se fait appeler le Riddler tue plusieurs figures publiques de Gotham, en commençant par le maire. Simultanément aux meurtres, le Riddler publie des révélations sur la corruption de ses victimes et leur compromission avec des figures mafieuses…

Commençons par le gros point négatif : c’était trop long. 2h56, c’était 56 minutes de trop. Ou alors fallait faire une mini-série, mais là franchement ça faisait quelque chose de trop dense. Certaines scènes n’étaient pas très jolies ou pas très lisible, avec notamment une lumière pas très réussie (notamment les scènes à l’aube). Enfin, je n’ai pas été très convaincu par le personnage de Catwoman, qui sert de romance sans grand intérêt.

Ces éléments mis de côté, il y avait des choses qui valaient le détour : par rapport aux Batman précédents (ceux réalisés par Nolan), l’esthétique est plus intéressante, moins « gros buildings et militarisation » (moins Nolan, quoi). Le portrait de Bruce Wayne/Batman proposé est intéressant. Il est beaucoup plus humain qu’habituellement dans les films, il doute, il rate des trucs, il y a une vraie épaisseur du personnage plutôt que d’en faire un archétype (et même s’il est pas en train de prôner la justice sociale et le community building, il est aussi moins fasciste que dans les Nolan). Le fait d’être sur une enquête sur un serial killer plutôt que sur un gros film d’action (même s’il y a des courses poursuites et autres passages obligés du film d’action) est un changement d’angle bienvenu aussi, on a des adversaires avec une épaisseur, plus dans le côté « politique un peu poisseuse » et « liens avec la mafia » que « super-méchants qui empoisonnent les réserves d’eau » (même si on revient un peu là dessus lors du final, d’une façon qui jure un peu avec le reste du film). La mise en exergue du fait que la figure de Batman inspire d’autres personnes (le Riddler puis ses adeptes) à se masquer et à prétendre incarner leur propre forme de justice (et le fait que Batman lui-même le réalise et se dise que c’est pas top) était assez réussi et un point que l’on voit habituellement trop peu.

Globalement, un film intéressant pour le renouvellement de certains aspects de la figure de Batman, mais trop long (et mal éclairé).

The Night House, de David Bruckner

Film d’horreur sorti en 2020. Beth est récemment veuve, son mari s’étant suicidé sans signes avant-coureurs. Elle habite seule dans la maison qu’il avait construite au bord d’un lac. Elle gère son deuil à coup de bouteilles de brandy, de colère contre son mari qui se manifeste dans par de la dérision quand les gens autour d’elle exprime de la compassion, et par une tentative d’enquêter dans les possessions de son mari pour tenter de comprendre ce qui l’a amené à ce geste. Sauf que ce qu’elle découvre dans le passé de son mari c’est les plans d’une mystérieuse maison reflet de la sienne, dont elle rêve l’existence, et des photos de nombreuses femmes qui lui ressemblent…

J’avais été attiré par la bande annonce qui avait l’air de promettre un usage intensif de l’architecture dans la mise en place de l’ambiance horrifique. Si la maison (et son site) qui sert de lieu principal au tournage est très belle, à part la maison elle même et un joli livre présentant des plans de maisons et de labyrinthe, il n’y a finalement pas tant d’éléments architecturaux que ça. J’espérais plus de pièces secrètes, reproduction du même plan à différentes échelles, de maquettes, prototypes, labyrinthes à taille réelle… mais peut-être que le film avait pas exactement le budget pour ça. L’idée d’une créature qui se manifeste dans les espaces négatifs était intéressante, mais c’est assez difficile à rendre visuellement.

Si la révélation finale du film n’est pas très convaincante à mon sens, l’ensemble du film est quand même porté par la performance de Rebecca Hall, l’actrice qui joue Beth. Elle fait une veuve très convaincante, sa façon de gérer le deuil est crédible, et en même temps ses réactions laissent plusieurs interprétations ouvertes : pendant une partie du film je me suis demandé si ce n’était pas elle le monstre que son mari tentait de contenir.

Globalement, un petit film d’horreur honnête, qui gère bien la tension, avec une très bonne performance d’actrice au milieu. Recommandé si vous aimez bien le genre, sans que ce soit un must see.