Archives de catégorie : Culture/Procrastination

La Brigade du Rire, de Gérard Mordillat.

Roman français. Un collectif d’amis issus des classes populaires décide de kidnapper l’éditorialiste de Valeurs françaises (un décalque manifeste de Valeurs Actuelles) et de le forcer à travailler aux 3/8 en tant qu’OS en lui appliquant les mesures « en faveur de la compétitivité » qu’il prône à longueur d’édito.

Le pitch était alléchant mais le livre est décevant. Les personnages dans l’ensemble parlent de sexe ou font l’amour toutes les 2 pages, les personnages féminins n’ont aucun intérêt, et s’il y a des passages intéressants, le livre est quand même très verbeux par rapport à l’action effective.

Le Champignon de la fin du monde, d’Anna Lowenhaupt Tsing

Ce n’est pas un champignon atomique, comme le titre pourrait le laisser croire. En fait, le titre est tout sauf clair. Le sous-titre, De la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme est déjà un peu plus explicite, mais pas beaucoup.

Il s’agit donc d’un essai sous une forme intéressante (de courts chapitre, à la limite d’une écriture par fragments par moment), parlant des matsutake, des champignons très prisés au Japon mais qui n’y poussent presque plus. Le livre explore l’écologie des matsutake, les communautés qu’ils forment avec certains arbres (des chênes, des pins), dans des environnements qui ont subi des perturbations humaines. Les questions écologiques sont intéressantes en soi, mais l’essai ne s’y restreint pas, s’intéressant aux trajectoires des forêts perturbées pour voir ce qui a permis de développer un terrain propice aux matsutakes (ou de le faire disparaître), et comment l’Humanité remodèle fortement des forêts, gérées selon des préceptes empiriques, des impératifs de rentabilité, des idées de ce à quoi devrait ressembler une forêt idéale… Et le livre parle aussi de comment les matsutake s’insèrent dans le capitalisme, en tant que produit prisé au Japon mais se développant ailleurs, et surtout en tant que produit que l’on ne sait pas cultiver de façon industrielle : l’insertion des matsutake dans des circuits capitalistes nécessite des travailleu⋅r⋅se⋅s indépendants qui vont à la cueillette aux champignons dans des forêts publiques ou privées, aux US, en Chine, au Japon, en Finlande, forêts qui sont gérées selon des impératifs qui n’ont rien à voir avec les besoins des matsutakes ou des cueilleu⋅se⋅r⋅s… Anna Lowenhaupt Tsing parle d’un capitalisme de captation pour décrire la façon dont des champignons sauvages, la gestion des forêts et le travail précaire, indépendant et individuel des cueilleu⋅se⋅r⋅s est intégré dans des chaînes de valeur standardisées et mondialisées, et le fait  ce genre d’activités précaires intégrées au capitalisme qui se développent dans les « ruines du capitalisme » (ici, les anciennes forêts de production de bois, laissées à l’abandon par des délocalisations dans des pays plus profitables ou rendues inexploitables par une gestion défaillante qui les a épuisées) tendent à devenir la norme du capitalisme plutôt qu’un phénomène périphérique.

Globalement le sujet est très intéressant, après y’a plusieurs passages où je trouve que l’autrice développe des concepts qui restent un peu théoriques, voire limite verbieux. J’aurais voulu plus de développement sur le capitalisme de captation et ses implications à la place.

Liens de Sang (Kindred) d’Octavia Butler

Roman fantastique publié en 1979. Une femme noire de 26 ans vivant en 1976 se retrouve transportée en 1815 sur une plantation dans un État esclavagiste.
Le cadre fantastique en soi est très peu exploré, mais si en soi j’aurais bien aimé que ça parte en mode full uchronie – à la De Peur que les Ténèbres, mais avec la conscience des enjeux sociaux, de race, de genre et de classe que peut apporter Octavia Butler -, je pense que ce qu’à fait Octavia Butler est in fine plus intéressant qu’une uchronie fix-it. Le roman se concentre sur le regard de Dana sur le système de l’esclavage, la place qu’elle peut se faire en tant que femme noire avec une sensibilité du XXe siècle dans ce monde esclavagiste, ses relations avec les différentes personnes, noirs comme blancs, hommes et femmes. Les concessions, renoncements et adaptations qu’elle est obligée d’accepter pour survivre, ses stratégies de résistance. Le style est simple et percutant, les personnages sont très bien construits, le roman est prenant, intelligent et fait réfléchir aux sujets qu’il évoque.

Forte recommandation, et je vais aller lire d’autres trucs de Butler.

Dernier Train pour Busan (부산행)

Film coréen de 2016. Une épidémie de zombie se répand dans la péninsule coréenne. Un gestionnaire de fonds et sa fille sont dans un train roulant de Séoul à Busan. Avec une poignée d’autres passagers du train, ils doivent affronter les zombies dans le train et autour.

C’est cool de voir un film de zombies non-américain. Y’a la traditionnelle de combat dans un couloir qui est un passage obligé de tout film coréen (en même temps, dans un train, ce serait difficile de faire sans). C’est très bien réalisé, les zombies et les effets spéciaux sont bien faits, c’est un peu moralisateur mais les enjeux plus larges sont intéressants, y’a un petit côté défense du service public et du statut de cheminot avec le personnage du conducteur de train. Je recommande.

Batman Ninja, de Junpei Mizusaki

Bat the fuck!?

Suite à un McGuffin, Batman, ses alliés et ses ennemis sont transportés dans le Japon de l’époque des samouraïs. Le Chevalier Noir doit défaire les royaumes dont se sont emparés ses ennemis pour espérer pouvoir revenir à l’époque moderne et remettre l’Histoire sur les rails.

Ça parait absurde dit comme ça ? En vrai ça l’est bien plus. On est sur un animé japonais qui assume pleinement le côté WTF du Japon et on a donc très vite des méchas, un clan secret de ninjas avec une prophétie de la chauve-souris, une armée de singes (beaucoup plus que 12) et une tétrachiée d’objet bat-thèmés. Le scénario ne s’embarrasse d’aucune vraisemblance et encore moins des lois de la physique, mais le film est esthétiquement plutôt réussi (à part deux/trois écrans qui font très cartons de présentation des personnages dans un jeu vidéo), avec une belle recherche sur les identités visuelles des méchants les plus esthétiquement iconiques de Batman réinventés en seigneurs de guerre. Après j’aurai bien voulu voir moins de méchas et plus de temps sur les méchants eux-mêmes, comment ils avaient saisi le pouvoir et organisé leurs royaumes.

Jessica Jones, de Melissa Rosenberg

Série Netflix sur une super-héroïne qui travaille comme détective privée. Elle dispose de super-force mais s’en sert de façon discrète, parce que sa tentative précédente de se mettre en lumière en tant que super-héroïne a attiré sur elle l’attention d’un super-vilain capable de contrôler les gens (David Tennant, impérial), ce qui lui a laissé pas mal de traumatismes. Évidemment, le vilain est de retour. La série est cool notamment parce qu’elle inverse pas mal de tropes genrés des films noirs et parle de traumatismes. Elle a aussi le côté bien filmé et « squalor » des séries Marvel/Hell’s Kitchen, qui est assez sympa à regarder.

Saison 2
Malheureusement la saison 2 n’est pas du tout au niveau de la première, au point qu’on a arrêté le visionnage en cours de saison parce qu’on s’ennuyait fortement. Mention spéciale pour le trop archi-éculé des figures mystérieuses qui ressortent du passé de l’héroïne alors qu’on n’en avait pas du tout entendu parler dans la saison 1.

The Legend of Zelda: Breath of the Wild, de Nintendo

Dernier des jeux de la série des Legend Of Zelda à être sorti, et le premier sur lequel je tiens la manette plutôt que de regarder un ami jouer. Très beau jeu. J’ai vraiment aimé le côté monde ouvert, pouvoir se balader n’importe où, tout découvrir… Le monde est immense, les paysages sont magnifiques, les architectures cools, y’a plein de petits détails sympa à découvrir.

La contrepartie c’est que je trouve que le scénario est assez mal intégré dans ce monde ouvert beaucoup plus intéressant que la quête principale. Le début ça va, ils ont fait des efforts dessus, mais la fin, défaire le grand méchant, on le fait un peu parce qu’on sait qu’il faut le faire, pas parce qu’on se sent impliqué dans la quête, contrairement aux petites quêtes où on trouve tel campement de monstres qui attaquent les voyageurs innocents.

J’aurai bien aimé qu’il y ait un mode « pacifique », par exemple après la victoire sur le big boss, où l’on peut pourrait éliminer tous les monstres définitivement (dans le jeu ils respawnent à intervalle régulier) et juste se promener et faire toutes les petites quêtes.

J’ai vraiment énormément apprécié le jeu, forte recommandation.

Ouvrir la Voix, d’Amandine Gay.

Séance à l’Assemblée Nationale en présence de la réalisatrice. C’était fort cool. Le documentaire était très bien, des entretiens avec plusieurs femmes noires vivant en France ou en Belgique, pour discuter de l’expérience d’être une femme noire dans un pays avec un passé colonial/impérialiste. Plein de thématiques abordées (sexualité, racisme quotidien, religion, …) dans une perspective afroféministe. Débat à la fin du film avec la réalisatrice, Danièle Obono (députée de Paris) et Rokhaya Diallo. Le débat aussi était super intéressant.

Grosse recommandation.

Les Éditocrates 2 : Le Cauchemar continue…, de M. Chollet, O.Cyran, L. De Cock, S. Fontenelle

Portraits d’une dizaine d’éditorialistes français⋅e⋅s (Natacha Polony, Plantu, Jacques Julliard…) pour montrer leurs obsessions et leur alignement sur l’islam et le néolibéralisme (scoop, ils n’ont pas le même point de vue sur les deux thèmes). C’est intéressant dans l’absolu mais je n’ai pas été très convaincu par la forme, des portraits et des citations des éditorialistes en question. C’est intéressant par effet d’accumulation, mais j’aurais préféré une analyse plus en profondeur, comme par exemple dans Les Nouveaux Chiens de Garde.