Archives de catégorie : Arbres morts ou encre électronique

Le Tour des Géants, de Nicolas Debon

Illustration provenant du blog de Nicolas Debon.

Une bande dessinée qui retrace que ce fut le Tour de France de 1910. Le duel entre les deux favoris, mais surtout le quotidien du Tour, un Tour couru essentiellement par des cyclistes amateurs, réparant eux-mêmes leur vélos, toute assistance extérieure étant interdites durant les étapes. Pas de dérailleurs, les freins sont une nouveautés, le parcours est gargantuesque, épuisant peu à peu les participants (ils ne seront que 41 à l’arrivée). J’aime bien son style de dessin, il faudrait que je mette la main sur un exemplaire de L’Invention du Vide, notamment parce que comme illustré ci-contre, ses paysages de montagne sont très beaux.

Une Vieille Histoire (nouvelle version), de Jonathan Littell

Sept chapitres racontant sept variations d’une même histoire. Un.e narrateurice sort d’une piscine, court dans un couloir, ouvre une porte, se retrouve en famille, ouvre une porte, se retrouve en couple, ouvre une porte, se retrouve seul, ouvre une porte, se retrouve dans une orgie, ouvre une porte, se retrouve dans une zone de guerre, ouvre une porte, repart plonger dans la piscine. Sept fois de suite, donc. Le genre et l’âge de la/du narrateurice varie, les péripéties dans les différentes situations évoluent, mais quand même ça fait long.

On retrouve des éléments communs entre toutes les variations : une femme au chignon blond, une robe en jersey gris sans coutures, un chat, la composition des repas, un somme sur une couverture verte et or… On essaye d’y trouver une logique, mais s’il y en a une, Littell la garde pour lui. Et il y a du sexe. Beaucoup de sexe. Trop de sexe. C’est un bouquin sur la variabilité des rapports humains, mais visiblement pour Littell le sexe est une constante fondamentale de l’univers. Les passages les plus intéressants sont évidemment ceux qui s’éloignent du schéma établi, notamment le chapitre ou la narratrice ne revient pas dans le couloir entre chacune des instances famille/couple/solitude… mais se déplace dans un espace réel, et le chapitre ou le narrateur est enfant (encore que la narration interroge sur le fait que Littell ait jamais fréquenté un enfant). La description de la course dnas le couloir est beaucoup trop répété ( une trentaine de fois environ, avec des variations minimes, au bout d’un moment je n’en pouvais plus).

Globalement : concept intéressant mais réalisation que j’ai trouvé ratée.

La Grande Panne, d’Hadrien Klent

C’était assez anecdotique. Suite à un attentat d’extrême gauche dans une mine de graphite, un nuage de graphite remonte l’Europe au gré des courants aériens. Aucun risque pour la santé humaine, mais le contact avec les lignes haute tension l’enflamme, provoquant des incendies. Contraints et forcés, les gouvernements italiens puis français coupent les réseaux électrique le temps du passage du nuage, provoquant une parenthèse dans la vie économique du pays.

La prémice était intéressante, mais derrière c’est surtout les états d’âme du microcosme du gouvernement français, délocalisé sur l’île de Sein bénéficiant d’un réseau indépendant du réseau métropolitain. Y’a quelques passages rigolos sur (mais pas tendre avec) les anarcho-autonomes, mais c’est tout.

Faillir être flingué, de Céline Minard

Roman qui se passe durant la Conquête de l’Ouest Américain. Le destin d’une dizaine de personnages s’entremêle dans une petite ville nouvelle. J’ai bien aimé la narration de Minard. On retrouve des scènes de western classique, des passages qui font penser au Grand Jeu, des idées originales dans le traitement des personnages et dans ce qu’ils décident de faire.
Bref, je recommande. Je suis content d’avoir persévéré après Bastard Battle, j’aime bien le reste de ce qu’écrit Minard.

Sand, de Hugh Howey

La désertification a tout englouti. L’ancien État du Colorado est enfoui sous des centaines de mètres de sable, d’où seulement quelques gratte-sable archaïques émergent encore. Les hommes survivent à la surface de ce désert, où le vent d’ouest souffle perpétuellement, recouvrant peu à peu tout de sable. Des combinaisons de plongée permettent à quelques personnes de manipuler la cohésion du sable pour naviguer au sein de sa masse, et en ramener des artefacts du passé.

L’univers est intéressant et bien décrit, comme dans Silo. Il y a cependant quelques longueurs, et – un aspect qu’on retrouvait déjà dans Silo – on ne sait pas trop où l’histoire va, ce qui est lié au fait que le roman est une collection de nouvelles avec une progression globale.

On suit les aventures d’une famille dont le père a disparu en tentant de remonter vers l’origine du vent (Toute ressemblance avec la Horde du Contrevent s’arrête là). Vic est un personnage féminin intéressant, mais les deux autres persos féminins sont assez caricaturaux (le love interest d’un des protagonistes, la mère de famille qui est aussi mère maquerelle et la frêle petite fille sortie de nulle part, c’est un peu nul comme distribution de clichés). La narration chorale entre les membres de la famille ralentit aussi pas mal l’action.

J’ai vu une critique qui dit que le roman aurait bénéficié d’un meilleur travail d’édition et je suis assez d’accord, mais je le recommande quand même pour la description de l’univers.

L’Aménagement du Territoire, d’Aurélien Bellanger

Il restait un roman de Bellanger que je n’avais pas lu, voilà qui est corrigé. Comme pour Le Grand Paris, j’ai bien aimé le début, puis je trouve que ça se perd en cours de route, et spécifiquement là c’est assez manifeste que Bellanger ne sait pas trop comment conclure. Le roman parle comme l’indique son titre d’aménagement du territoire en France, de comment la puissance publique décide d’investir dans des infrastructures. Le roman suit plusieurs acteurs de cet aménagement, des haut fonctionnaires comme des dirigeants de grandes compagnies du BTP. Comme toujours, il entremêle ses personnages fictifs avec d’autres réels (De Gaulle, Foccart, la firme Vinci…) et s’appuie sur l’Histoire récente de la France. Toute cette partie est très prenante, avec un entremêlement de la trajectoire des personnages et des changements d’échelle entre leur vie personnelle, leur jeunesse à une échelle réduite, le déploiement de leur action à l’échelle nationale voire internationale pour deux d’entre eux, puis un retour au village, où les enjeux et les affrontements vont se concentrer. En plus, Bellanger imagine une histoire secrète, avec une société conspiratrice (ou deux ?) au plan immémorial qui va s’achever d’ici une génération, la Mayenne devenant la clef de l’avenir de la France (la Mayenne !) et les personnages du roman choisissant entre deux camps.

Hélas, après ce pitch alléchant, ça s’enlise un peu. Il y a des répétitions voire des incohérences dans la narration (là c’est plus la faute de l’éditeur je pense), et l’affrontement et la puissance d’agir des personnages oscille un peu entre le symbolique (un des persos qui déclare transformer la future Bretagne indépendante en puissance nucléaire car il a pris soin de ne pas exploiter un filon d’uranium du sous-sol breton alors qu’il aurait pu) et le concret (on va faire sauter la ligne de TGV lors de son inauguration par le gouvernement !). Le grand secret de la société secrète ne convainc absolument pas, notamment parce qu’il entremêle ces deux niveaux de lecture sans arriver à choisir.

Vaut le détour mais un peu décevant dans l’ensemble, donc.

In the cage where your saviours hide, de Malcolm Mackay

Polar qui se déroule dans une uchronie. Un royaume d’Ecosse indépendant du Royaume-Uni a colonisé une partie de l’Amérique centrale, et a contrôlé jusqu’aux années 60s les colonies du Nicaragua, Panama et Venezuela. Les banques écossaises sont puissantes et les ports écossais ont été des centres d’influence majeure, de par leurs liens privilégiés avec la Nouvelle-Calédonie, dont les immigrés forment une part importante du prolétariat écossais.

L’univers est cool et sa présentation plutôt bien amené, mais il reste une toile de fond et l’histoire et l’enquête ne sont pas très intéressante par contre, avec des personnages dont on comprend assez mal les motivations pour leurs actions. Dommage.

A Room of One’s Own, de Virginia Woolf

Essai romancé sur les conditions permettant d’écrire et plus généralement de se réaliser intellectuellement, et en quoi ces conditions ont majoritairement été refusées aux femmes.
La thèse que Woolf développe en partant de son propre cas est la suivante : pour écrire il faut avoir un espace à soi où être tranquille et une rente quelconque qui permet de ne pas se concentrer en permanence sur les conditions matérielles. Elle note au passage qu’en plus de ces conditions matérielles, les femmes ont pendant longtemps été écartés de l’accès à la connaissance (jusqu’à son époque où l’accès aux bibliothèques des universités anglaises nécessitait pour les femmes d’être accompagnées), considérées par la société entière comme inférieures, et leurs sujets d’intérêt comme moins pertinents que ceux des hommes.
Il y a quelques moments où elle se lance dans des considérations psychologiques sur le fait d’avoir une sensibilité masculine et féminine en soi qui m’ont laissé dubitatif mais sinon c’est très bien, j’aime beaucoup son style et la façon dont elle met en scène son raisonnement.

DMZ, de Brian Wood

Comics publié de 2005 à 2012. La seconde guerre civile américaine s’est déclenchée, entre le pouvoir central, et des milices difficiles à situer politiquement issues du pays profond (un mouvement qui n’est pas sans rappeler les Gilets Jaunes + la culture des armes à feu des US). La Guerre est resté relativement sans dégâts à cause de difficultés à distinguer les populations et les combattants, et la prise par surprise des USA par les milices des Etats Libres. Sans dégâts jusqu’à ce que les armées structurées se rencontrent à New York. Le New Jersey est aux États Libres, Brooklyn aux USA, et Manhattan est devenue une zone « démilitarisée » entre les deux armées.

C’est dans cette zone livrée à elle même, exposé à des bombardements de la part des deux camps, à l’infiltration de compagnies mercenaires, isolée du reste de l’Amérique, que Matthew Roth, un journaliste débutant, va se retrouver parachuter et tenter de faire son métier en conservant son « objectivité journalistique », si tant est que ça ait un sens en zone de guerre. Une excellente bédé. Les deux armées sont présentées comme des connards, ça parle de journalisme, de divisions politiques, de guerre et de la position des civils dedans (un petit côté This War of Mine ou Sunset, pour donner des références vidéoludiques), de l’influence des multinationales, de l’absence de position neutre.