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STOMP

Spectacle de cirque/percussion/claquettes. Ca m’a un peu fait penser à Ramkoers. Une troupe de 8 artistes fait des percussions avec plein d’objets différents, dans un spectacle très chorégraphié. C’était assez impressionnant dans la variabilité, avec des objets assez attendus (barils, poubelles, casseroles) et d’autres beaucoup moins (briquets, journaux, boite d’allumettes). Beaucoup d’inventivité, une mise en scène qui tourne autour de nettoyeurs (le spectacle commence avec du passage de balai sur la scène qui crée peu à peu un rythme) et avec des rôles de cirque traditionnels un peu revisités (M. Loyal, deux clowns…)

Je recommande si vous n’avez rien contre les percus.

Le Garçon et le Héron, de Hayao Miyazaki

Film d’animation japonais de 2023. Mahito, jeune adolescent, débarque à la campagne avec son père. Sa mère est morte dans un bombardement américain, son père va se remarier avec la sœur de sa femme et superviser l’usine de production d’avion installée en pleine campagne. Laissé à lui-même dans l’immense domaine familial, Mahito va suivre un héron qui le provoque jusque dans une tour en ruine ou il va découvrir un univers parallèle onirique.

J’ai beaucoup aimé. C’est moins linéaire que les précédents Miyazaki, on retrouve des éléments de plein de ses autres films (ou de d’autres, d’ailleurs : le début fait penser au Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro et à Mon voisin Totoro, la météorite alien ça pourrait être du Lovecraft avec un autre traitement, l’interaction avec sa propre mère jeune ça pourrait être Petite Maman). Le dessin est très beau, moins classique que dans les autres Miyazaki que j’ai vu. L’histoire est dense dans les rebondissements qui se suivent selon une dream logic où l’on passe d’un événement à l’autre, et à la fois assez simple dans son cœur : Mahito fait le deuil de sa mère et de la possibilité d’un monde parfait où rien de mal n’arriverait. C’est doux-amer, avec une nostalgie qui infuse tout le film.

Je recommande.

Mars Express, de Jérémie Perrin

Film d’animation français présentant une enquête policière dans un monde de science-fiction, et paru en 2023. Dans un futur indéterminé, l’Humanité est une espèce transplanétaire, avec des colonies sur la Lune et une grosse cité sur Mars. Les robots sont monnaie courante, dans des versions plus ou moins androïdes mais toutes assujetties aux Humain.es via un équivalent des Trois Lois de la Robotique. Aline Ruby (humaine) et Carlos Rivera (androïde) sont deux détectives privés qui vont enquêter sur la disparition de deux étudiantes de l’université martienne. Ce faisant, il vont mettre à jour une conspiration aux ramifications gigantesques, comme de bien entendu dans un polar.

L’enquête est assez classique, mais dans le bon sens du terme, on est en terrain tout à fait familier pour un polar, avec des recettes qui marchent. Et c’est tout à fait bienvenu parce que l’univers par contre est beaucoup plus surprenant. On est toujours dans un capitalisme débridé qui ne parle pas du tout d’environnement et prone le consumérisme, mais le rapport des humains aux robots, les avancées de la cybernétique, tout ça rajoute plein d’éléments, qui sont introduits de façon très fluide dans l’histoire mais qu’on ne comprend que petit à petit (ou qui sont juste évoqués en passant, vu que pour les personnages c’est leur quotidien).

Grosse recommandation si vous aimez la SF.

The Gameshouse, de Claire North

Trilogie de novellas (novelle?) d’Histoire Secrète. En 1610 à Venise, Thene est invitée à jouer dans une Maison des Jeux apparue mystérieusement. Reconnue comme une bonne joueuse sur des jeux où l’on parie de l’argent, elle est admise à l’étage de la maison : là les joueuses et joueurs peuvent parier n’importe quoi qu’ils possèdent (un souvenir, une compétence, des années de vie…) et les jeux sont joués dans le monde réel. Le premier jeu de Thene est l’élection d’un prétendant au siège de Tribun de Venise récemment vacant. Contre 3 autres aspirant-joueurs, elle devra faire gagner son prétendant, en pouvant mobiliser des pièces, des personnes endettées auprès de la Maison qui devront se plier à ses ordres. On va suivre dans les deux tomes suivant deux autres joueurs et jeux d’ampleur croissante, avec en filigrane l’idée que la Maison ne deale pas toujours les cartes de façon équitable, et qu’il y aurait un méta-jeu en cours, étendu sur plusieurs siècles…

J’ai bien aimé. Il y a définitivement des éléments magiques (le fait de pouvoir gagner au jeu des années de vies, et l’apparition soudaine d’une porte de la Maison quelque part), mais ça reste dans les prémices des novellas : dans le déroulement des jeux, si les joueuses et joueurs ont éventuellement d’immenses moyens à leur disposition, tout se déroule de façon parfaitement conforme aux lois de la physique. Je n’ai pas été complètement convaincu par la conclusion (qui je trouve fait assez fake deep), mais le tome 2 était vraiment très bien.

Je recommande, dans le style Histoire Secrète.

Vipère au poing, d’Hervé Bazin

Roman français paru en 1948. Dans la France de l’entre-deux-guerres, Jean Rezeau et son frère, issus d’une famille catholique conservatrice, sont élevés par leur grand-mère, leurs parents étant à Shanghai où le père enseigne dans une université. La mort de la grand-mère va ramener les parents en France. Les enfants vont découvrir que leur mère est cruelle, leur imposant des corvées sans cesses croissantes, leur refusant le chauffage dans leur chambre, de sortir d’un périmètre restreint, d’avoir de nouveaux habits… Le père désapprouve ces sévices, mais sans s’y opposer. Le roman va raconter l’affrontement entre Jean et sa mère, jusqu’à ce qu’il réussisse à faire accepter sa mise en pension au collège à la place de l’éducation à la maison qui avait prévalu jusqu’alors.

J’ai bien aimé. C’est un classique de la littérature française que je n’avais encore jamais lu, qui décrit une éducation catholique et un sens du maintien de sa position – dont je dirai bien qu’elles ont disparu aujourd’hui, mais je ne suis pas tout à fait sûr que ça ne persiste pas en Vendée ou au lycée Stanislas – mais en tout cas une éducation qui n’a rien à voir avec ce que j’ai pu connaitre, sans même ajouter les rapports familiaux plus que dysfonctionnels.

L’Invention du colonialisme vert, de Guillaume Blanc

Essai d’histoire publié en 2020. L’auteur retrace comment les projets de parcs naturels en Afrique trouvent leurs origines dans la période coloniale, et dans une vision fausse de l’Histoire du continent africain. Globalement, contrairement aux parcs en Europe qui mettent en avant le façonnement des paysages par les activités agro-pastorales humaines, les parcs africains sont considérés comme menacés par les activités humaines, ce qui conduit à la recommandation renouvelées des années 50 à nos jours de les vider de leurs habitants. La conservation se fait donc contre les populations locales (mêmes si les discours actuels parlent de conservation communautaire qui inclut les populations locales, cette inclusion vise à transformer une partie d’entre elleux en gardien.nes et guides, et à sortir les autres du périmètre du parc, et en tous cas à arrêter les activités d’élevage et d’agriculture).

L’idée qui sous-tend cette recommandation vient d’une vision d’un « Éden africain » où la Nature qui a été détruite en Europe par l’industrialisation serait toujours existante en Afrique, mais menacée par les activités humaines qui n’auraient commencé que récemment à peser sur elle, et aurait notamment détruit de vastes zones forestières. L’auteur montre que dans le cas de l’Éthiopie – qui est son terrain d’étude principal, la forêt présente autour des villages d’altitude n’est pas une forêt subsidiaire d’une forêt primaire plus vaste, mais due aux activités humaines qui créent les conditions propices à un écosystème forestier là où le reste de la zone tend plus naturellement vers d’autres écosystèmes. L’auteur montre aussi comment les recommandations de gestion des parcs ne s’appuient pas sur la réalité observée sur le terrain mais sur des idées préconçues et dupliquées d’un pays africain à l’autre. Dans le cas de l’Éthiopie par exemple, la population de Walia ibex a augmenté (de 150 à 950) des années 60 à nos jours, en même temps que la population humaine dans le parc, mais les rapports scientifiques mentionnent toujours une population déclinante et menacée par l’anthropisation (alors que les habitants ne chassent pas ce bouquetin pour le manger hors période de famine, sa chair étant assez mauvaise et sa chasse difficile (il passe son temps sur des pentes abruptes en altitude).

L’auteur montre aussi comment les recommandations des institutions internationales et des associations peuvent servir les pouvoirs locaux pour mettre en place des politiques répressives et accentuer leur contrôle sur des zones défiantes du pouvoir central, avec la bénédiction de la communauté internationale.

C’était intéressant comme sujet et c’est très facile à lire pour un essai d’Histoire, je recommande.

Les nouvelles lois de l’amour, de Marie Bergström

Essai de sociologie publié en 2019 qui parle du fonctionnement des relations hétérosexuelles sur les applications de rencontre. La thèse de l’autrice est que l’impact principal de ces applications est de permettre une privatisation des expériences romantico-sexuelles : elles permettent de rencontrer des gens en dehors de nos cercles sociaux, et donc en se soustrayant au contrôle de ceux-ci. Cela va permettre une certaine expérimentation. Pour autant, ça ne veut pas dire qu’anything goes : il y a un fort autocontrôle, avec des comportements que les gens vont s’imposer en les considérant comme moraux ou souhaitables. Notamment, dans le dating hétérosexuel, il y a un fort tabou à discuter librement de sexualité, même s’il est clair que c’est ce pour quoi les deux personnes participant à l’interaction s’y implique : ça doit rester de l’ordre de l’implicite, contrairement à ce qui peut être trouvé dans le cruising gay.

Pour le reste, beaucoup de ce qui est reproché aux applications n’est pas quelque chose qui leur est intrinsèque (notamment de faire apparaitre la nature transactionnelle des relations), mais quelque chose d’inhérent aux relations hétérosexuelles dans un monde patriarcales : les applications se contentent de rendre certains aspects plus visibles. L’autrice revient sur plusieurs éléments que l’analyse des données de plusieurs plateformes permet de mettre en évidence : primes aux femmes de moins de 30 ans et aux hommes de plus de 30 ans, prime à la blanchité, renforcement du script hétéropatriacal de l’initiative masculine dans les interactions et de la réserve féminine (avec sanction pour la sortie de ce script, les femmes étant explicites sur le fait qu’elles cherchent des relations sexuelles sans lendemain déclenchant la méfiance immédiate de leurs interlocuteurs).

Je recommande.

Fumer fait tousser, de Quentin Dupieux

Film français de 2022. Les Tabac Force sont une équipe de sentai qui protège la Terre en utilisant le pouvoir maléfique du tabac pour détruire leurs ennemis. Après une énième mission, ils sont envoyé en séminaire de cohésion d’équipe par leur chef. Dans une base futuriste à côté d’un lac du Verdon, l’équipe tue le temps en se racontant des histoires d’horreur.

C’est un résumé à la fois fidèle et qui ne raconte pas du tout le film, puisque comme dans les Dupieux ça part dans tous les sens. L’ambiance sentai est très bien restituée avec les méchants en costume de monstre, le futur des années 90s, le chef qui appelle en visio pour confier une nouvelle mission… Les inserts des histoires racontés fait un peu film à sketch, mais ça marche bien dans le dispositif.

J’ai bien aimé, c’est un Dupieux accessible et réussi.

Sous contrôle, de Charly Delwart

Mini-série Arte en 6 épisodes. Marie Teyssier, directrice de l’ONG Docteurs du Monde est nommée ministre des affaires étrangères française. Idéaliste, elle va consacrer toute son action à la résolution d’une prise d’otage au Sahel, tout en découvrant les coulisses de la politique.

C’était cool. On voit en parallèle les efforts de Marie Teyssier et les contacts avec la France des preneurs d’otage, qui tentent de se professionnaliser, mais qui sont assez incompétents (et de plus en plus perplexes devant les errements de la diplomatie française. C’est bien joué, et le pari de faire rire avec un sujet sensible comme celui-là est remporté par la série. De la bonne comédie politique.

The Left Hand of Darkness, d’Ursula Le Guin

Classique de la science-fiction publié en 1969. Genly Ai est l’envoyé de l’Ekumen, une civilisation interplanétaire, sur Hiver, une planète glaciale pourtant colonisée par des humain.es il y a des éons. En plus de l’habitude de conditions météorologiques extrêmes, les habitant.es d’Hiver présentent une autre particularité : unique en cela parmi toutes les planètes atteintes par l’Ekumen, les Hivernales sont asexué.es la plupart du temps, et manifestent des caractères sexuels parfois mâles parfois femelles quelques jours à la fin d’un cycle de 26. Genly, qui a du mal à concevoir cette sortie du schéma binaire, va en plus se retrouver pris dans les intrigues géopolitiques de deux pays Hivernaux, Karhide – une monarchie absolue – et Orgoreyn – une bureaucratie totalitaire. Perdu dans les subtilités Hivernales, Genly va devoir accepter de faire confiance à Estraven, l’ancien.ne premier.e Ministre disgracié.e de Karhide, qu’il va retrouver en Orgoreyn.

J’ai trouvé ça moins percutant que Les Dépossédés, qui fait partie du même cycle, notamment je trouve qu’avec le point de vue extérieur de Genly on n’explore finalement pas tant que ça l’influence d’un genre neutre sur la construction de la société, mais tout le passage du voyage sur la calotte glaciaire où Genly et Estraven sont seul.es est vraiment très bien.