Archives mensuelles : juillet 2015

De rouille et d’os d’Audiard

Je l’avais vu à sa sortie en salle mais j’ai été content de le revoir. C’est une histoire pas très joyeuse ou les gens passent leur temps à faire des erreurs, mais où ils tentent de bien se comporter. C’est filmé avec des plans ou les personnages sont souvent dans un coin, pendant que l’arrière plan se déroule. Le film parle des classes populaires et est original. (parfois j’ai l’impression d’avoir 5 ans tellement mes recensions sont décousues)

Chappie de Neil Bloomkamp

Film présentant l’accession à la conscience d’un robot précédemment utilisé par la police de Johannesburg. J’ai bien aimé le film, il a plein de côtés cools. Je vais commencer par mes critiques : Pas masse de diversité (Y’a deux femmes et elles entrent en contact à aucun moment (ne passe pas le bechdel, donc) et y’a deux personnes de couleurs qui parlent (le personnage principal et le plus moral du film, ce qui est cool) et un policier blessé avec deux répliques). J’y ai aussi vu une police fortement militarisée sans que ce soit vraiment remis en question (tout l’internet et louis lisent une critique de la police dans le film mais je vois pas où : Le méchant c’est une seule personne qui veut la surmilitariser en leur filant un truc avec des armes air/sol et qui est clairement montré comme psychopathe, mais du coup en regard la militarisation actuelle de la police (avec des robots en titane qui tirent à balles réelles sur les gangs) me semble présentée comme « raisonnable ». D’ailleurs quand les robots tombent en panne il y a immédiatement une vague de destruction et d’attaque par les gangs : les robots me semblent présentés comme la bonne solution. Il est dit à la fin du film que la police ne les utilise plus mais c’est parce qu’un robot (Chappie, celui doté d’une conscience) a participé à un casse et que personne n’a compris ce qui s’était passé. Dans le même genre, le Robocop sorti il y a quelques années me semblait bien plus efficace pour montrer les travers de la militarisation et de la délégation au privé des services de police.
Pour passer à ce que j’ai bien aimé : le fait que Chappie fasse son éducation avec un gang et que ses choix de vie, son vocabulaire, ses goûts esthétiques échappent totalement à ce que son concepteur considérait être « bien ». C’est une métaphore absolument pas voilée de l’éducation d’un enfant mais c’est bien fait. J’ai beaucoup aimé aussi le fait que le robot soit raccommodé (membre de rechange pas dans les bons coloris, réparation au scotch, pochoirs, colliers). Le fait de considérer des objets comme non pas finis mais toujours entre deux couches de modification est quelque chose que j’apprécie toujours. Le scénario est parfois un peu mince mais ça n’influe pas sur la qualité générale d’un film (cf Mad Max), et notamment la fin est vraiment intéressante (et laisse plein de questions en suspens pour un second opus). Le fait de transférer l’esprit de Deon dans un corps robotique était très intéressant. J’aurais aimé que le film soit un peu plus contemplatif et s’arrête un peu plus sur les implications et laisse de la place pour une scène où Deon se confronte vraiment à son corps biologique mort (c’est pas tout à fait anodin de se voir tel qu’on s’est toujours perçu mort et depuis l’extérieur). Le fait que Chappie doive la vie à Deon et Deon à Chappie est aussi très symbolique et intéressant (une suite, une suite !). J’ai été un peu agacé qu’ils filent un visage humain à la version robot de Yo-landi par contre. Le fait d’avoir un corps différent de l’humain était justement un détail cool.
La situation finale c’est quand même trois robots conscients dont deux auparavant humains, dépendants de batteries qui ne sont plus en circulation, avec le secret de la création de la conscience et celui de son transfert. C’est quand même un excellent point de départ pour un tome 2.

Livres

Pour tout résoudre, cliquez ici d’Evegeny Morozov. Essai sur le penchant à considérer le web comme exemple devant servir à remodeler la société, et les différentes questions politiques et sociales comme des problèmes indépendants admettant une solution unique de nature technique. Je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit Morozov (notamment il est un peu trop libéral pour moi), mais le livre est globalement très intéressant et met en lumière des problèmes cruciaux dans la façon dont sont pensées les sociétés actuellement.

Souriez, vous êtes gérés, anthologie de la Volte. J’avais été un peu été déçu par la dernière anthologie voltée que j’avais lu, celle là est très bien. J’avais déjà lu la nouvelle de Damasio (Anna à travers la harpe, qui a été republiée dans Aucun souvenir assez solide) mais ce fut un plaisir de la relire. Celle d’Ayerdhal n’est (malheureusement) pas du tout de la SF mais est incroyablement percutante. Et toutes les autres sont très cools aussi.

Radicaliser la démocratie de Dominique Rousseau. Essai sur des modifications possibles du système de gouvernement français pour éviter sa confiscation par la classe politique. L’auteur est constitutionnaliste et a un peu une mystique de la Justice, mais à part ça les propositions sont intéressantes : conventions de citoyens, Assemblée Sociale, suppression totale du cumul des mandats et limitation dans le temps, premier ministre approuvé par le Parlement, lois contestables devant le juge en tant que principe de construction de la loi…

Harry Potter and the Methods of Rationality, fanfiction rationaliste d’Harry Potter. J’en avais déjà parlé sur ce blog mais je l’avais lu alors qu’elle était encore en cours d’écriture. Elle s’est finie en mars et je l’ai relu là tout d’une traite. 1600 pages qui sont vraiment très bien. Une réflexion sur l’univers d’Harry Potter, les failles dans sa construction et les horreurs de la société des sorciers (qui sont clairement de gros connards élitistes), des complots élaborés, des dialogues philosophiques, une famille adoptive aimante, plusieurs héros aux agendas opposés, une résolution satisfaisante et une conclusion qui donne un vrai sentiment de fin… Le personnage principal peut souvent être insupportable, l’exposé sentir un peu parfois Atlas enchaîné (même si l’auteur s’en défend), mais globalement je recommande fortement cette œuvre.

Les Banksters de Marc Roche. Un livre sur les excès de la finance, qui ne m’a pas enthousiasmé. Si l’auteur dénonce certaines pratiques, je n’ai pas l’impression que le livre apporte grand chose de neuf. De plus il reste assez myope sur les causes de la crise en disant « alala il y a eu des excès mais la finance peut servir le bien ». Ok, le fait d’avoir les concepts d’emprunt, de système bancaire et d’assurance c’est bien mais ça ne justifie en rien les Credit Default Swaps et autres titrisations exotiques. Voire les innovations financières comme un tout homogène c’est assez absurde.

Là où croit le péril… croît aussi ce qui sauve d’Hubert Reeves. Essai sur l’évolution de l’univers du Big Bang à l’apparition de la conscience et sur les menaces que l’espèce humaine fait peser sur les écosystèmes planétaires. Court, clair, mais ne raconte pas grand chose de neuf pour qui a fait des études en biologie.

CosmoZ de Claro. Les personnages du Magicien d’Oz sont projetés dans le XXe siècle. Il vont le traverser dans toutes ses facettes. Guerre, Show business, eugénisme… Bien écrit, explorant les différentes interprétations que l’on peut avoir du conte de Frank Lloyd Baum, fresque hallucinée sur le XXe siècle, un très bon roman, très riche.