Concrete Utopia, d’Um Tae-hwa

Vu dans le cadre du festival Grindhouse Paradise de Toulouse.

Film coréen de 2023. Un énorme séisme a détruit tout Séoul. Un seul immeuble a miraculeusement survécu à l’effondrement de toutes les constructions. Les résidents de l’immeuble vont progressivement s’organiser pour repousser les autres personnes qui tentent d’y trouver refuge contre les températures hivernales, s’organiser pour récupérer des ressources dans les ruines alentours, et préserver leurs conditions d’existence confortable.

C’est globalement un film sur la crise du logement, mais géré par des fascistes. Les protagonistes du film glissent très très vite vers une mentalité « nous contre eux », bien préparés par la mentalité individualiste de la société coréenne. Le film présente ça très clairement comme problématique, avec le personnage de Hye-won comme contrepoint qui ne se laisse pas embarquer dans cette dynamique, et avec la scène finale qui montre qu’une alternative est tout à fait possible (d’ailleurs belle réussite du crescendo émotionnel sur toute la fin du film).

Les décors sont très réussis. Je me demande comment ça a été tourné (studio pour tout ce qui est en dehors du complexe d’appartement je suppose), mais en tous cas ça marche très bien et les acteurs interagissent bien avec le décor.

Je recommande.

A Wounded Fawn, de Travis Stevens

Vu dans le cadre du festival Grindhouse Paradise de Toulouse.

Film étatsunien de 2022. Bruce invite Meredith, sa nouvelle petite amie, pour un weekend à la campagne. Bruce est un tueur en série, mais ses meurtres ont déclenché la colères des Furies, les déesses grecques de la vengeance. Sa nouvelle tentative de meurtre ne va pas se dérouler comme il l’espérait, des événements surnaturels s’emparant de sa maison pour l’empêcher de mener son plan à bien.

J’ai beaucoup aimé. C’était surréaliste, très bien filmé, très bien éclairé (une bonne partie du film se passe de nuit, mais toutes les scènes sont très lisibles). Ça part fortement en latte, avec une tension qui monte progressivement tout au long de l’acte II, très beau film, je recommande fortement.

Monolith, de Matthew Vesely

Vu dans le cadre du festival Grindhouse Paradise de Toulouse.

Film australien de 2022. Une journaliste qui a été virée pour n’avoir pas vérifié ses sources se retrouve à lancer un podcast sur le paranormal. Après avoir reçu un courriel laconique, elle commence à creuser la piste de mystérieuses briques noires recouvertes de symboles inconnus que des gens reçoivent à travers le monde et qui donnent des visions (ou une maladie mentale selon le point de vue).

C’est un film à petit budget, avec une seule actrice, le personnage étant recluse dans la maison de ses parents partis en vacances. Tous les contacts avec le monde extérieur se font par téléphone. C’est bien filmé et assez réussi, mais je me demande si ça n’aurait pas eu plus de sens que ce soit une œuvre audio qu’un film (quelques scènes à la fin bénéficient du média visuel, mais je pense que ça aurait été contournable). L’actrice principale (well, unique) joue très bien, ce qui emporte tout le film, mais ça ne suffit pas forcément à justifier la forme filmique.

The Doom that came to Gotham, de Christopher Berkeley et Sam Liu

Film d’animation paru en 2023 et basé sur le comics éponyme de 2001 de Mike Mignola. Dans les années 30, Bruce Wayne investigue des événements inexpliqués aux quatre coins de la planète. Rationnel, il ne croit pas au surnaturel, mais l’ensemble des événements auxquels il assiste pointent vers un phénomène occulte, centré sur sa ville natale, Gotham City, et qui annonce la résurgence d’un ancien dieu maléfique. L’histoire va réimaginer les méchants de Batman sous la forme d’horreurs eldritchiennes, jusqu’à ce que Bruce Wayne affronte – sous la forme d’une chauve-souris géante – Yog Sothoth, un des Anciens Dieux majeurs dans le mythe de Cthulhu.

J’avais bien aimé les comics, j’ai moins été convaincu par cette version animée. Ça aurait valu le coup de faire une animation plus dans le style de dessins de Mignola, là c’est un peu trop lisse (on est dans le style de Batman : the animated series). Et il y a un peu trop de raccourcis pour pouvoir faire tenir le tout dans 1h30, donc des éléments sont un peu rushés. Du coup je recommande plutôt la lecture des comics.

Late night with the Devil, de Cameron et Colin Cairnes

Vu dans le cadre du festival Grindhouse Paradise de Toulouse.

Film étatsunien de 2023. Le film se présente comme le found footage de la master tape du dernier épisode de l’émission (imaginaire) Night Owls with Jack Delroy, un talk show US. Cet épisode a été filmé à Halloween 1977. L’émission est en perte de vitesse, et pour booster les audiences, l’émission fait un épisode spécial sur le paranormal, avec un médium, un ancien magicien reconverti dans le scepticisme, et une jeune fille soi-disant possédée, avec la parapsychologue qui la suit. Sous la pression de l’émission, la parapsychologue va accepter de procéder à une invocation de l’entité qui hante Lilly, avec des résultats désastreux.

Il y a des longueurs, mais dans le genre reconstitution des talk shows et de l’ambiance panique satanique de l’époque, ça marche assez bien. Les effets spéciaux sont assez réussis, surtout la possession finale de Lilly. Bien réussi en tant que film de genre.

J’aime beaucoup l’affiche, aussi :

La Coureuse, de Maïa Mazaurette

Roman français paru en 2012. Je l’avais lu à sa sortie et je voulais savoir si je le gardais dans ma bibliothèque vu que je n’en avais pas beaucoup de souvenir. Globalement, l’histoire raconte une année de relation entre Maïa, française et pigiste qui rédige la chronique sexologie de magazines, et Morten, entrepreneur danois qui gagne beaucoup beaucoup d’argent. Maïa a tendance à passer de relation en relation, Morten sait toujours ce qu’il veut et considère que puisqu’il a choisi d’être en couple avec Maïa c’est forcément le bon choix et qu’ils passeront leur vie ensemble. Il est contrôleur, fait dans le negging, bref c’est un connard mais il est beau et incroyablement riche. En fait on est sur un bouquin de romance très très classique, la seule différence étant que Maïa considère avoir pas mal d’agency et d’expérience. Ok, mais elle est aussi amoureuse, séduite par le luxe, donc on renverse pas trop les schémas non plus. Ça se lit bien mais ça n’a rien d’extraordinaire.

Immaculate, de Michael Mohan

Film d’horreur sans grande originalité. J’avais été attiré par la bande annonce qui était bien faite, mais globalement c’est un sous-Rosemary’s Baby, un peu mâtiné de Suspiria, et avec des petits bouts de Midsommar, mais qui n’est pas à la hauteur de ses inspirations. Une nonne américaine – Cecilia – prononce ses vœux dans un couvent perdu au fin fond de l’Italie. Cecilia tombe enceinte sans comprendre ce qui s’est passé, et la hiérarchie du couvent déclare que c’est un miracle, une seconde Immaculée Conception. Le film fait apparaitre quelques éléments qui pourraient être surnaturels, mais propose une explication qui peut s’en passer totalement, on a l’impression qu’il balance entre les deux sans choisir.

Globalement y’a de bons éléments mais ça manque d’une cohérence d’ensemble : qui sont les nonnes masquées de rouge ? Pourquoi les petits éléments surnaturels ? Quel était réellement le projet du couvent, faire advenir le second Avènement ou l’Antéchrist ? C’est dommage parce qu’esthétiquement il y avait un réel potentiel, et une séquence de final girl assez réussie (sauf la partie dans les catacombes).

Regardez plutôt les autres films cités dans cet article !

Je n’ai pas de projet professionnel, de David Snug

BD parue en 2017. L’auteur raconte sa vie dans le milieu de la musique amateur, pourquoi il ne veut pas se professionnaliser, ce qu’il trouve débile dans le circuit de la professionnalisation en France, et ce qu’il trouve encore plus débile dans les revendications d’autogestion de certains courants musicaux qui se retrouvent à fétichiser le merch des groupes (et quelques grands groupes ultracapitalistes qui ont droit de cité inexplicablement dans un univers qui trashe tout ce qui est capitaliste par ailleurs) et les « vente à prix libre » où il faut toujours donner 5€ pour n’avoir l’air ni radin ni bourgeois. C’est très drôle et ça donne une petite fenêtre sur un univers que je connaissais pas du tout.

Très bonne surprise, évidemment recommandé. Un lien vers le site de l’éditeur, une fois n’est pas coutume : lien.

La Fièvre, d’Éric Benzekri

Série française parue en 2024. Sam, une spécialiste de la gestion de crise dépressive, est appelée à la rescousse du Racing Paris : leur joueur phare a mis un coup de tête à son entraîneur lors d’une cérémonie de remise des prix, en le traitant de « sale toubab ». Ce qui aurait pu n’être qu’un coup de sang comme 1000 autres en l’absence de caméras devient rapidement le fait divers dont toute la France parle, militants identitaires et décoloniaux alimentant la polémique, y voyant la validation de leur vision de la société. Au milieu de tout ça, la gentille Sam tente d’influencer le récit public pour ne pas aggraver les fractures du pays, quand sa némésis d’extrême droite Marie Kinsky souffle sur les braises pour pousser la nation vers la guerre civile.

Pas très convaincu. Y’a un côté « les extrêmes s’alimentent l’un l’autre, mais les fachos le font en toutes conscience quand l’extrême-gauche est leurs idiots utiles » que j’ai trouvé assez nul. La gentille centriste (allez, Sam a le positionnement du PS de Mitterrand plutôt que du centre actuel, mais vu qu’elle est mise en valeur par son positionnement rationnel par rapport à celui de Kenza Shelby, et parle aux ministres sans difficultés, elle incarne un pôle centriste néanmoins) qui tente de tenir la société ensemble, c’est vraiment une lecture assez hallucinante de la politique française des 20 dernières années. Globalement je n’ai pas trouvé les dialogues très bien écrits (ce qui est dommage vu que c’est le coeur de la série), surtout ceux des footballeurs. Le personnage de Marie Kinsky est réussi par contre, et un méchant réussi c’est déjà un bon truc pour une série, mais du coup on a surtout l’extrême droite qui est mise en valeur (comme des connards, mais des connards charismatiques) dans cette série.

Spoiler dessous