C.O.W.L., de Kyle Higgins

Chicago, années 60. Les super-héros existent. Ils sont regroupés dans un syndicat, la Chicago Organized Workers League, qui a un contrat avec la ville leur donnant juridiction pour intervenir contre les super-vilains, sous certaines conditions, et avec une rémunération, des horaires de travail, des primes de risque… Le dernier des grands super-vilains a été appréhendé, et la renégociation du contrat avec la Mairie est en cours, ce qui risquent d’influencer sur ses clauses – en effet, les super-héros coutent cher, en l’absence de menace la ville peut-elle vraiment se permettre un contrat si onéreux ?

J’ai beaucoup aimé. Les super-héros sont surtout un prétexte pour parler de thèmes sociaux. La ligne narrative sur l’héroïne qui n’en peut plus du sexisme ambiant qui fait qu’on la considère comme de seconde catégorie alors qu’elle est surpuissante est réussie (même si le personnage fait un peu trop de la schtroumpfette), le dessin est cool et rend bien l’atmosphère de film noir de l’histoire.

The Third Day, de Dennis Kelly et Felix Barrett

Thriller psychologique diffusé par HBO, en 6+1 épisodes. 6 +1 parce que l’épisode central durait 12h et était diffusé en direct, une performance intéressante.

Les trois premiers épisodes se déroulent en été : Jude Law incarne un père de famille qui se retrouve sur Osea, une île au large des côtes anglaises avec des croyances païennes toujours d’actualité. Venu pour ramener une enfant insulaire perdu sur le continent, il se retrouve rapidement impliqué dans les secrets que recèle l’île.

La seconde partie se déroule 9 mois plus tard en hiver, quand Cass, l’épouse de Jude Law jouée par Naomie Harris vient sur l’île avec leurs deux filles. J’ai bien aimé la première partie, beaucoup moins la seconde : on s’attend à ce qu’elle résolve les questions mises en place durant la première, mais ce n’est pas le cas. Tout les éléments un peu mystiques sont ignorés – ce qui peut être intéressant si on considère qu’on avait le pt de vue de Sam, plus prompt à y croire et à se laisser influencer dans la première partie – mais sans être remplacé par des explications rationnelles : à la place on nous balance une nouvelle histoire – et qui perd en force du fait de se diviser entre les 3 points de vue de Cass, Lu et Ellie (ses deux filles) alors qu’on avait une focalisation sur un point de vue unique dans la première partie.

Bref, bon concept mais réalisation ratée.

East of West, de Jonathan Hickman et Nick Dragotta

Série de comics en 10 tomes (et terminée). Dans un univers alternatif, la guerre de Sécession américaine a pris un tour différent avant d’être brutalement interrompue par la chute d’une météorite sur le continent américain. Ce qui dans notre réalité correspond aux USA est divisé en 7 pays différents. Durant la seconde moitié du XXIe siècle, la réapparition des cavaliers de l’Apocalypse sur ce territoire va conduire à la mise en branle des événements conduisant à l’Armageddon tel que décrit dans Le Message, un livre sacré écrit sur le territoire américain.

L’univers est intéressant, c’est un mélange de SF et de western dans un univers uchronique. On suit plusieurs factions : La Mort qui a fait sécession des trois autres Cavaliers, les 3 cavaliers, et différentes dirigeants des Nations d’Amérique, croyant au Message et déterminé à le faire advenir. Ça fait parfois dans le gore un peu gratuit, avec des démons plein de pustules, mais l’univers est très original et le dessin est beau. L’histoire oscille entre mysticisme, manipulations politiques, surnaturel et donc western et SF.

Pour l’Empire, de Bastien Vivès et Chabane Merwan

Bande dessinée française. Un Empire non nommé mais qui est clairement l’Empire Romain à son apogée envoie une troupe de soldats sur les traces des civilisations passées, au delà du monde connu ; très vite le voyage des soldats prend une dimension symbolique, le paysage et le passage du temps n’obéissant plus aux règles de la physique

Le dessin est beau, j’ai bien aimé le 3e tome, mais le second était assez pourri et sexiste. Le premier installe les choses et est lent. Du coup dans l’ensemble je dirai bilan un peu négatif ? Y’avait du potentiel mais il n’a pas été correctement exploité.

Article invité : Anima, de Wajdi Mouawad

J’étais pourtant prévenue : « C’est bien mais c’est trash ». J’ai lu Anima en quelques semaines, à raison de quelques chapitres chaque soir, et je l’ai plusieurs fois refermé avec les tripes retournées.

Wahhch, le personnage principal, cherche l’homme qui a tué sa femme. Ou plutôt : qui l’a violée et massacrée de manière atroce. Sa quête le conduit à travers le Canada et les États-Unis dans des réserves autochtones et des villages paumés, sur la piste du tueur mais aussi de sa propre histoire. Et tout cela, raconté dans une succession de courts chapitres, par des animaux : le poisson du coroner, le chien d’un chef de gang, un pigeon, une mouche, un singe, etc. qui voient, sentent, perçoivent, entendent et interagissent avec les humains, chacun de manière particulière, et permettent de reconstituer le parcours de Wahhch. Avec en filigrane des questions sur la bestialité, la sauvagerie, la monstruosité, l’identité, ce qui fait l’humanité, la frontière entre homme et animal.

Le roman est une succession de moments extrêmement violents (viols, meurtres, tortures), et (volontairement) éprouvant à lire à cause de cela (le dernier chapitre est particulièrement hardcore). C’est aussi un roman hyper masculin. Les quelques personnages de femmes servent de moteurs pour faire avancer l’histoire (en étant tuée par un homme, en sauvant un homme (et en couchant avec lui au passage), en étant la femme, la fille ou la sœur d’un homme qui tue des femmes ou qui veut se venger), elles ont un rôle narratif mais très peu de profondeur ou de passé (à l’exception de Winona). Quand Wahhch évoque Léonie, sa femme, c’est toujours pour s’examiner lui, plongé dans une quête de vérité qui ne le concerne en fait que lui-même. Ni cette femme, ni leur relation passée ne sont décrites : ce n’est pas le propos. En résulte un univers violent d’hommes violents, vu à travers les yeux d’un papillon ou d’une souris, au sein duquel un homme sans repères cherche à se retrouver (ou se perdre).

Sans déconseiller ce roman qui est vraiment impressionnant dans son écriture et frappant par les questions qu’il aborde, je dois avouer l’avoir fini en me demandant si j’avais bien fait de m’infliger ça…

Yoga, d’Emmanuel Carrère

Le dernier Carrère paru. E. Carrère y parle de sa pratique de la méditation, du yoga et du taichi, de son internement à Saint-Anne suite à un épisode de dépression particulièrement violent, de son séjour à Léros pour donner des cours dans un camp de réfugiés, et de son processus d’écriture et son rapport à ses éditeurs.

Le livre est écrit en chapitres relativement courts, souvent deux trois pages, ça fait presque une écriture fragmentaire. Son projet initial était de parler uniquement de yoga et méditation, projet avorté quand il doit quitter son stage de méditation à cause d’événements extérieurs, puis à cause de sa dépression. Il entremêle donc les thèmes, et le livre parle de comment son propre sujet a été détourné. C’est, comme tous ses bouquins, très autocentré, mais ça m’a plus gêné dans celui là que dans d’autres ; il se lit bien mais il n’est pas au niveau de Limonov ou D’autres vies que la mienne.

Le Dernier Atlas, de Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle et Fred Blanchard

Une uchronie française avec des robots géants et une guerre d’Algérie qui a eu lieu 10 ans plus tard. Mais ça reste un fond assez lointain pendant une bonne part de la BD, qui parle de gangs mafieux et de phénomènes physiques inexplicables.

Le scénario est dense et intéressant, j’aime beaucoup le dessin, l’uchronie est à la fois discrète et originale (la divergence et la chronologie de la France sont détaillée à la fin du 1er tome), grosse recommandation. Le tome 2 sortira normalement en mars 2020.

Couverture du tome 1

EDIT 10/2020 : Le tome 2 était très bien aussi, l’histoire continue à se développer, l’Atlas a un équipage au complet, et on commence à se demander si la construction des Atlas ne va pas être relancée, avec un scénario qui fait légèrement penser à Neon Genesis Evangelion sur certains points qui font vraiment Mecha vs Aliens. On a aussi la backstory de pourquoi le George Sand était un Atlas particulier. Vivement le tome 3.

Toulouse/Octobre

Promenade à Toulouse début octobre. J’essaye de me familiariser un peu avec la ville, et j’étais très peu satisfait de mes dernières photos donc j’essaye aussi de travailler sur ma prise de vue. J’ai recommencé à transporter un trépied pour augmenter mes chances de faire des photos nettes parce que ça en devenait ridicule.

Briques au couchant
Immeubles au couchant
Immeubles et statue
Colombages en centre ville
Tourelle rue de Rome
Université Toulouse-Capitole
C215, judith et holopherne
C215, côté
Atelier des Vents

Le Continent de la douceur, d’Aurélien Bellanger

Aurélien Bellanger entremêle 5 fils narratifs avec pour point commun une principauté européenne imaginaire, un micro-État perdu sur la frontière austro-slovène, le Karst. On suit Jan, le prince héritier en exil depuis le passage du Karst sous régime communiste à la fin de la seconde guerre mondiale ; Ida, héritière de la seule entreprise industrielle du Karst et financière à Wall Street ; QPS, aventurier-philosophe français passionné par le conflit yougoslave (toute ressemblance est clairement voulue), son fils Olivier qui flirte avec l’extrême droite, et Flavio, mystérieux fils adoptif d’un couple de dourdannais sans histoire. Leurs histoires et l’histoire contemporaine du Karst s’entremêlent et permettent à Bellanger de discuter de l’histoire de l’Europe depuis la fin des guerres mondiales, de la montée du nationalisme, du conflit des Balkans, de la mathématisation de la finance et de la mondialisation des élites.

C’était sympa mais j’ai moins aimé que les premiers Bellanger (La Théorie de l’Information et Le Grand Paris). Y’a plein de trucs intéressants mais comme dans L’Aménagement du Territoire, il est plus en train de s’amuser avec une sorte d’histoire secrète qui au final ne marche pas si bien que ça. Tous les passages sur QPS sont très drôles à lire, mais c’est pas le plus intéressant que puisse faire Bellanger : c’est facile de se moquer de BHL, même si c’est toujours rigolo.

La partie sur les mathématiques (l’ouverture du livre sur les mathématiciens qui font de l’acrobranche est très bien) est intéressante, mais tant qu’à fantasmer une histoire secrète avec un programme spatial yougoslave et une industrie de pointe basé sur des calculateurs mécaniques décentralisés, autant y aller all the way et partir en uchronie, là au final il ne fait rien de son calculateur ultra perfectionné qui peut stocker un nombre secret qui peut casser les mathématiques. Il aurait fallu aller plus loin dans cette direction, et partir plus loin sur les descriptions techniques minutieuses, à mon sens.