Le Chant du Loup, d’Antonin Baudry

Film de guerre français sorti en 2019. On suit un analyste en guerre acoustique, ie un soldat capable de reconnaître à l’oreille une multitude de navires, embarqué à bord d’un sous-marin français. Alors que les tensions entre la Russie et l’UE s’intensifient, les sous-marins français qui sont un élément clef de la dissuasion nucléaire deviennent un enjeu clef, et l’analyste découvre un mystérieux sous-marin inconnu croisant dans les mêmes eaux que le sien.

J’ai bien aimé. C’est un film de guerre qui ne glorifie clairement pas la guerre et qui pose des questions sur le super concept de dissuasion nucléaire avec ordres de lancement irrévocables, un thème qu’on retrouve aussi dans Docteur Folamour. Le fait d’avoir un personnage principal qui n’est clairement pas dans le moule de l’armée permet de mettre plus facilement en scène ces côtés là.

Il y a quelques facilités de scénario et sa hiérarchie militaire passe beaucoup de chose au héros, les militaires sont quand même présentés comme sacrément sympa dans le film, et c’est un film assez viril (il y a une seule femme nommée, et c’est l’intérêt amoureux du héros), mais il met bien en scène son sujet, il fait très bien monter la tension, et les scènes en espace confiné dans les sous-marins sont très bien filmées.

Antoinette dans les Cévennes, de Caroline Vignal

Film français de 2020. Antoinette, maîtresse d’école, est l’amante du père d’un de ses élèves. Quand il lui annonce qu’au lieu de passer la semaine avec elle comme prévu, il part en vacances avec sa femme dans les Cévennes pour faire une randonnée avec un âne, elle décide de faire de même, dans l’espoir de le retrouver sur place et de profiter de sa présence. On se retrouve donc avec le setup d’une meuf pas préparée pour une rando, isolée, fragile psychologiquement, qui se balade sur les chemins cévenols. Ça aurait pu faire une bonne situation de thriller, mais en terme de comédie c’est assez gênant je trouve, la meuf est vraiment dans une situation de merde, même s’il y a quelques personnages bienveillants (les gardien.ne.s de gîte), elle est quand même livréee à elle-même, tout le monde sur le chemin à entendu parler d’elle et une opinion sur elle, y’a plusieurs mecs qui sont assez craignos (dont au premier plan le mec dont elle est amoureuse), bref, j’ai pas aimé. Les paysages sont jolis cependant.

Soum de Basta et pic du Jer

Randonnée en solo pour profiter des Pyrénées tant que je les ai encore à portée de main. Départ à 7h50 de la gare de Lourdes, montée via Anclade puis Aynet jusqu’au soum de Basta puis de Caubi, avant de repartir sur le Pic du Jer. Beau temps, belle randonnée, après y’avait des portions du trajet qui étaient laissées en exercice au randonneur. Typiquement « Dans le virage à droite, au niveau d’un poteau, partir à gauche en quittant toute sorte de balisage. Monter raide dans l’estive, sur quelques mètres, en prenant soin de contourner la forêt. » qui voulait littéralement dire « grimpe le talus, passe sous la clôture, trace le plus en ligne droite possible dans la pente, passe sous les barbelés, devine le chemin et on se retrouve à la prochaine étape bisous ».

Plaine
La vallée des Gaves
Lourdes depuis le pic du Jer
Un bâtiment perdu à flanc de montagne
Cochon et lierre
Bâtiment abandonné et jeunes arbres
Antenne relais
Sur le pic du Jer
Vue depuis le pic du Jer

Phare 23, d’Hugh Howey

Roman de SF états-unien. J’avais beaucoup aimé Silo du même auteur, mais celui-là m’a laissé plutôt froid. On suit la vie d’un ancien militaire qui veille sur un phare interstellaire, alors qu’une guerre interminable entre les humain.e.s et une espèce extraterrestre fait rage en arrière-plan. Sur le même thème, la Guerre Éternelle de Joe Haldeman était plus intéressant et le précède de quelques décennies.

Téléréalité, d’Aurélien Bellanger

Le dernier roman de Bellanger, sur le paysage audiovisuel français et l’irruption de la téléréalité dedans. Le roman suit la vie d’un drômois qui va monter à Paris et faire carrière dans le milieu de la télé, d’abord comme assistant d’un présentateur puis rapidement comme producteur. Dans l’ombre, il va accompagner les évolutions des programmes télé, puis être un des acteurs de l’introduction de la téléréalité en France.

Le roman reprend pas mal la structure de La Théorie de l’Information, en plus condensé (le roman est court), jusqu’à l’espèce de twist de fin. J’ai bien aimé, plus que ses précédents romans qui partaient un peu dans tous les sens, là on a un propos unique et linéaire. Par contre petit défi pour Bellanger : écrire un roman avec un personnage principal féminin avec la même voix intérieure que ses héros habituels, parce que là la part des persos féminins était assez étique.

Cochrane vs. Chtulhu, de Gilberto Villarroel

Roman chilien. En 1815, le capitaine Eonet est chargé de la défense de Fort Boyard, pièce clef du dispositif imaginé par Napoléon pour protéger la rade des Basques des incursions anglaises. Mais il a aussi une mission confidentielle, accueillir les frères Champollion dans le fort pour qu’ils puissent examiner de mystérieuses inscriptions trouvées lors de la construction, qui parlent d’anciens dieux et de cité engloutie. Les événements vont brusquement s’accélérer avec la capture d’un capitaine écossais renommé, Lord Cochrane, et la manifestation soudaine de phénomènes paranormaux qui semblent annoncer le réveil prochain d’un dieu endormi…

J’ai été assez déçu. Le pitch était alléchant, guerres napoléoniennes + Chtulhu j’étais motivé. Mais la réalisation laisse cruellement a désirer. Beaucoup de répétitions et de didactisme dans l’écriture (notamment sur les éléments lovecraftiens alors que bon si on récupère ce livre c’est a priori qu’on a quelques idées de qui est Chtulhu), et des personnages assez caricaturaux (de valeureux militaires, des savants anémiques, un fourbe commissaire politique !), notamment Lord Cochrane lui même qui est le parfait Gary Stu. Bref, too bad so sad.

O que Arde, d’Oliver Laxe

Film galicien de 2019. On suit le quotidien d’Amador, un homme récemment sorti de prison et qui vit avec sa mère, en s’occupant des vaches de la famille et en se baladant dans la montagne. Il est très solitaire, sa mère essaye de le pousser à interagir davantage avec les autres hommes de son âge mais il n’est pas particulièrement intéressé, préférant se promener dans la nature.

J’ai beaucoup aimé. Il ne se passe pas grand chose, mais c’est bien filmé. On voit les paysages de la Galice, la vie quotidienne d’une famille paysanne qui est clairement pas loin de la misère (et les personnages ont tous le prénom des acteurs qui les jouent, du coup je pense qu’ils jouent pas mal leurs propres rôles).

Punishment Park, de Peter Watkins

Film états-unien de 1971. Sous la présidence de Nixon, les États-Unis passent sous État d’urgence et se lancent dans des tribunaux d’exception pour juger les éléments séditieux (comprendre : n’importe qui vaguement de gauche). Le film alterne entre une session d’un de ces tribunaux et l’exécution de la peine proposée comme alternative à l’emprisonnement pour 10 ans et plus : tenter d’atteindre un drapeau dans le Punishment Park, une zone désertique qui sert d’entraînement aux différentes forces armées des US. Évidemment les dés sont pipés, et les trois jours de marche dans un désert sans eau ni nourriture sont infaisables…

Le film est présenté comme un documentaire tourné par des journalistes européens sur les dérives des US. Il met très bien en scène l’arbitraire policier et judiciaire, le jury du tribunal joue d’ailleurs très bien les gens de droite qui ne comprennent pas pourquoi tout ces agités de gauchistes cassent des vitres au lieu de se présenter à leur bureau de conscription, alors même que le pays traverse une grave crise. Bref, c’est bien mis en scène et assez badant, le fascisme dans toute sa mesquinerie ordinaire.

L’Hypothèse autonome, de Julien Allavena

Essai politique qui revient sur l’histoire du mouvement autonome, de sa naissance dans les usines italiennes jusqu’à ses évocations sur les rond-points des Gilets Jaunes. L’auteur donne une définition de l’autonomie : articuler à la fois des revendications et une lutte pour sortir la société du capitalisme, et la mise en œuvre immédiate dans son quotidien d’une sortie personnelle du capitalisme, en refusant partiellement ou totalement le salariat, en vivant en communautés autonomes et dans des squats, en pratiquant le parasitisme social (détournement d’électricité, vols dans les magasins, sociabilité et/ou activité productive alternatives…), ce que l’auteur définit comme un communisme immédiat.

L’auteur détaille les différents groupes qui se sont revendiqués ou inspirés du concept : d’abord les ouvriers opéraistes italiens, qui veulent non pas aménager le cadre dans lequel ils travaillent comme dans une revendication syndicale, mais bien s’autonomiser de ce cadre, revendiquant qu’ils ont autre chose à faire de leur journée que produire ou que produire dans le cadre de l’usine avec sa hiérarchie. Ça passe par des sabotages, des grèves sauvages, différentes formes d’actions dans l’usine ou à l’extérieur. Il détaille comment ce mouvement va monter en puissance dans l’Italie des 30 Glorieuses, s’étendre au delà des cercles ouvriers pour être approprié aussi par les étudiant.e.s, et intégrer d’autres revendications que celles liées à l’opéraïsme : féminisme, revendications LGBT. Le mouvement autonome se constitue de groupes voire de groupuscules affinitaires : les hiérachies formelles ne sont pas reconnues, donc pas de structure telle qu’un parti ou un syndicat. Rejet des syndicats existants comme participant à l’aménagement du cadre existant (le reproche classique de cogestion des conditions de travail avec le patronat). Les mouvements féministes et LGBT qui intègrent le mouvement autonome vont rejeter les hiérarchies genrées et hétéronormées des orgas de gauches structurées comme celles du capitalisme, mais aussi logiquement celles du mouvement autonome lui-même, avec ses postures virilistes et la romantisation de la violence. Tout le chapitre sur les mouvements féministes qui se réclament de l’autonomie était vachement intéressant. L’auteur détaille aussi comment l’Autonomie va se focaliser sur la contestation de la Métropole (au début du chapitre je pensais que c’était au sens luttes anticoloniales mais non – et c’est peut-être un thème qui manque dans le livre, si ça a correspondu à une réalité) au sens de la ville néolibérale totalisante ; c’est notamment tout le mouvement d’ouverture de squats en Italie et en Allemagne. L’auteur détaille un peu la trajectoire du groupe Camarades en France, qui serait ce qui s’est le plus rapproché d’un noyau de militants autonomes en France, mais dans un mouvement beaucoup moins d’ampleur qu’en Italie ou Allemagne. Il raconte aussi comment la fin des 30 Glorieuses – où l’État tolérait ce genre d’alternatives et où l’abondance relative de la société sans chômage de masse facilitait le fait d’avoir un mode de vie alternatif – va aussi signer le déclin de ce mouvement en Italie et Allemagne, avec une répression largement accrue, et une polarisation sur des affrontements armés avec l’État (le cas le plus connu étant celui des Brigades Rouges), qui va faire disparaitre les modes de vie alternatif au quotidien.

C’était fort intéressant, et sur un sujet que je connaissais assez peu. Les questions de parasitisme/banditisme social et de toute la tension entre actions d’éclat/participation aux luttes ponctuelles d’une part et vie quotidienne alternative d’autre part était très intéressante.

Je recommande

Chernobyl, de Johan Renck

Série mettant en scène la gestion de crise de l’accident nucléaire de Tchernobyl. J’ai bien aimé, même si le fait que les acteurs n’ont clairement pas des têtes de slaves est parfois un peu déstabilisant. Mais à part ce détail, c’était intéressant d’avoir une description de ce qui a été fait pour gérer un désastre de cette ampleur, quels ont été les différents acteurs en jeu et les problèmes rencontrés. Le premier épisode met bien en scène comment les premiers acteurs sur le terrain (« first responders« , je sais pas trop comment le traduire) ont été envoyés à la mort, avec aucune idée du danger qu’ils affrontaient et aucun matériel de protection adéquat. Le dernier épisode, qui explique comment la catastrophe a eu lieu est assez effarant aussi en terme d’accumulation d’erreurs humaines, de protocoles de sécurité contournés voire juste inexistants et d’erreurs de conception. La série insiste beaucoup sur le fait que la culture du secret de l’URSS a été responsable en bonne part ; sans nier que ça a aggravé les problèmes, y’a eu le même genre de désastre dans des environnements absolument pas liés à l’URSS ; Fukushima ça s’est passé en pays capitaliste, DeepWater Horizon aussi.