Rex Mundi, d’Arvid Nelson

France, 1933. La Réforme n’a pas eu lieu, et la Révolution Française a échoué. A quelques cellules de terroristes calvinistes près, l’Europe et catholique, et la France est dirigée par une monarchie constitutionnelle où le pouvoir est partagé entre Louis XXII, la Chambre des Épées et la Chambre des Robes. L’Inquisition est la force de maintien de l’ordre principale, même si elle commence à accepter de coopérer avec des forces de police laïques dans les différents empires. Oh, et la magie existe.

Dans cet univers, un membre de la Guilde des Médecins va accepter de mener une enquête pour le compte d’un de ses amis. Très vite, il va se retrouver sur la piste d’une conspiration ancestrale (avec des Templiers, comme toute bonne conspiration), sur le point de remettre en cause le pouvoir de l’Eglise et l’ordre politique de la France.

L’univers est très bien. Les premiers tomes, où on le découvre progressivement, avec l’enquête du personnage principal, sont vraiment bien. Les ajouts sous la forme de une de journaux à la fin de chaque chapitre qui donne une idée plus large de ce qui se passe dans le monde, sont une excellente idée pour approfondir l’univers sans ralentir l’histoire.
Je suis moins convaincu par la fin, où l’histoire de l’enquête et les grands enjeux politiques, qui devraient se mélanger, ne le font pas : c’est deux histoires parallèles, certains personnages passent de l’un à l’autre mais sans qu’une histoire n’influe vraiment sur l’autre. De plus, la politique devient trop un décalque de notre monde dans les enjeux, toute la partie magie et église en disparaît, alors que les premiers tomes réussissaient à vraiment donner quelque chose d’alternatif intéressant.

A Series of Unfortunate Events

Adaptation par Netflix de la série de livres éponyme. C’est bien adapté, avec pas mal de clins d’œil au spectateur (« Aller au cinéma ? Je préfère regarder des longs formats télévisuels de chez moi, c’est bien plus confortable »), de confusion sur l’époque à laquelle se déroule l’histoire, et de références pour celleux qui ont lu les livres (détails d’arrière plan, catchphrases faisant référence aux tomes à venir ou à ceux d’All the Wrong Questions), et une histoire qui s’écarte du canon pour donner des éléments nouveaux et pour intégrer dès le début les éléments qui n’arriveront que dans les tomes suivants dans les livres. Bref, un énorme appel du pied aux fans.

Saison 2

Adaptation des livres 5 (The Ersatz Elevator) à 9 (The Carnivorous Carnivale). Des ajouts à l’histoire des livres avec des scènes qui ne suivent pas les orphelins mais des personnages adultes qui tentent de les aider. Quelques divergences du canons mais plutôt intéressantes. J’ai beaucoup aimé l’adaptation de The Hostile Hospital, pourtant pas le meilleur tome sur le papier mais très bien réalisée. Toujours des références méta et une cohérence in-universe plus grande de par le fait de savoir dès le début où ils vont. Une (unique) référence explicite à All the Wrong Questions, durant laquelle il est dit qu’ils ne pouvaient pas en parler avant pour des raisons de copyright. Je ne sais pas si ça veut dire qu’ils ont récupéré les droits depuis, mais si c’est le cas ce serait cool qu’à la suite d’ASOUE (il ne reste qu’une saison 3 de 8 épisodes avant d’atteindre la fin des livres), ils enchaînent sur une adaptation d’ATQW.

Saison 3

Meh. Le début de la saison était pas mal, mais dans les deux épisodes qui couvrent The Penultimate Peril, ils retirent toute l’ambiguïté morale – notamment en ce qui concerne les événements de la génération précédente – pour proposer dans un contresens complet de l’œuvre originelle une adaptation manichéenne où y’a des gentils, des méchants et de malheureux concours de circonstances. De plus, le jeu d’acteur devient très lisse, avec beaucoup de déroulé de dialogues (mais il reste de très beaux décors, que ce soit le sous-marin pieuvre ou l’hôtel Dénouement).  Le problème empire encore dans The End où la série prend le contre-pied du livre en voulant refermer toutes les questions et renouer tous les fils, alors que la thèse du livre c’est que y’a plein de questions ouvertes et de récits qui s’entremêlent sans forcément de logique d’ensemble. Et ils explicitent le contenu du sucrier !!! Bref, assez déçu par cette fin.

Au Poste !, de Quentin Dupieux

« Film policier » de Quentin Dupieux. Un flic (Poelvoorde) prend la déposition d’un témoin, lors d’une nuit qui s’éternise dans un commissariat. Les niveaux de narration s’entremêlent, le suspect parlant dans ses flash-backs à des personnes qu’il a rencontré dans le commissariat, pour leur expliquer qu’il les rencontrera plus tard…

C’était surprenamment compréhensible pour un Dupieux. J’ai bien aimé l’esthétique années 80’s du film. Bonne durée aussi, 1h15, c’est cool les films qui savent présenter leur histoire sans s’égarer dans des durées interminables.

Ailefroide, de Jean-Marc Rochette

Récit autobiographique sur le rapport de Rochette à l’alpinisme et au dessin. Ses premières émotions face à la montagne, ses excursions alpinistes avec divers camarades, les succès, les accidents, les défis idiots, l’envie d’en faire son métier ou non, les tiraillements avec d’autres occupations…
C’est une belle (et épaisse) BD qui vaut carrément le coup.

Bad Times at the El Royale, de Drew Goddard

Dans les années 70, 5 personnes se retrouvent dans un hôtel sur le déclin situé à cheval sur la frontière Nevada/Californie. Chacun.e cache un secret, qui va être révélé au fur et à mesure de l’avancée du film, avec des flashback et des twists.

J’ai bien aimé. Le film n’invente rien mais il est de très bonne facture, avec une palanquée d’acteurices connus et doués. Le côté film d’époque est bien mis en scène avec tous les marqueurs qui vont bien (architecture, guerre du Vietnam, actualité sociale). Le film aurait pu être plus court par contre, 2h20 c’est long et certaines révélations/retournements sont un peu gros (mais on reste accroché, contrairement à Avengers par exemple).

La Communication non-violente, de Marshall D. Rosenberg

Court livre sur les principes de la communication non-violente. Pas convaincu par la forme du livre, et ça mériterait plus de contexte sur quand il est pertinent ou non d’utiliser ce type de communication spécifiquement (typiquement, ça suppose de la bonne volonté de la part des deux interlocuteurs et des intérêts de long terme convergent, c’est pour améliorer la communication avec vos proches, pas dans les négociations salariales. En gros si tu précises pas les limites d’applicabilité ça devient un concept fortement centriste où le seul problème c’est de mettre tous les éléments sur la table et ensuite un compromis entre gens raisonnables et une solution optimale pour tou.te.s peuvent toujours être trouvés).

Cela dit, les principes présentés sont intéressants :
– Bien distinguer l’énonciation de faits de l’énonciation d’opinions sur ces faits, pour séparer le subjectif de l’objectif dans le discours.
– Expliciter son ressenti sous forme de sentiments précis (et qui soient des sentiments, pas une interprétation du comportement des autres : « je me sens incompris » ça marche pas, « je me sens en colère/triste parce que j’ai l’impression de ne pas être compris » oui), et en exposant ce qui a provoqué ce sentiment (la partie « parce que je ». L’auteur insiste sur le fait que le « parce que » doit être suivi de « je » : on est dans les opinions, on reste à parler de son ressenti.)
– Expliciter ce qu’on demande aux autres/ce qu’on attend d’eux, en étant le plus précis possible (ne pas dire « je voudrais que tu passes moins de temps au boulot » pour « je voudrais qu’on passe plus de temps ensemble »). Après je suis d’accord que c’est bien d’expliciter et d’être clair, mais c’est volontairement ignorer qu’il y a plein de motifs de communication qui par politesse/convention passent par de l’implicite et du sous-entendu.
– Enfin, accepter que les gens puissent ne pas répondre positivement à notre demande parce qu’ils ne sont pas en état de le faire (et c’est là où pour moi du coup ça limite vachement le contexte dans lequel c’est applicable en nécessitant que les deux interlocuteurs soient de bonne foi à la base).

The Sword of Winter, de Marta Randall

Bouquin de fantasy écrit en 83. Le seigneur de Jentisi, un des comtés les plus puissants de Cherek, se meurt. Ses vassaux ont été convoqués à la capitale pour désigner son successeur, ainsi que les représentants des Guildes de Cherek. Lyeth, la Messagère personnelle du Seigneur, se retrouve au milieu de ce panier de crabes, à ne vouloir qu’une chose : que le seigneur meure au plus vite, afin que son service prenne fin, et que la Guilde des Messagers la réaffecte ailleurs, le plus loin possible de Jentisi, où le rôle des Messagers a été complètement dévoyé.
Le début est un peu lent, mais on se laisse prendre à l’histoire de ce monde qui sort lentement de son Moyen-Âge, avec un télégraphe qui relie progressivement les provinces centrales, un chemin de fer entre deux villes, mais en même temps un féodalisme qui reste marqué, et une tentation d’en revenir aux « bonnes vieilles traditions ». L’univers est cool, mais l’histoire racontée au milieu n’est pas très originale, avec un personnage principal qui est intéressante mais qui en 6 jours s’attache à mort à un gamin random de façon franchement pas crédible.

Une vie en l’air, de Philippe Vasset

Du Philippe Vasset classique. Il raconte son enfance et son âge adulte influencé par l’infrastructure désaffectée du monorail de l’aérotrain dans la Beauce. Il raconte ses journées passées dessus à regarder bouger le monde, l’influence de cette construction totalement inutile mais beaucoup trop chère à détruire sur son paysage mental, ses tentatives de se l’approprier (figurativement et littéralement) par diverses approches, les fantasmes et évocations d’une France futuriste que ça évoquait en lui enfant, le rapport à son écriture et ses processus créatifs. J’ai lu le livre d’une traite et j’ai beaucoup aimé, on dirait du Bellanger moins déprimé.