Toulouse : vues horizontales

Weekend à Toulouse chez deux ami.e.s. On s’est beaucoup promené.e.s dans le centre-ville, et il a fait un temps superbe le dimanche. On a aussi fait un bon tour des librairies du centre, c’était fort bien.

TireLire, librairie jeunesse
Hôtel d’Assézat
Place Occitane (un petit côté utopie solarpunk)
Immeubles sur la place occitane (ok c’est pas une photo horizontale mais c’était pour être cohérent avec la précédente)
Décrochage sur la Garonne

Circe, de Madeline Miller

Grosse recommandation. Madeline Miller écrit du point de vue de Circe ce que fut son existence, depuis sa naissance dans le palais d’Helios, le Titan du soleil, jusqu’à la conclusion des ramifications de l’année qu’Ulysse a passée avec elle. Ça explique ce qu’elle fait sur l’île d’Aiaia, parle de sa relation aux autres membres de sa famille, évoque un certain nombre de figures mythologiques, et je n’en dis pas plus pour ne rien divulgâcher. C’est bien écrit, féministe, intéressant, ça donne un point de vue original sur la mythologie grecque. Je vais aller me procurer The Song of Achilles, son autre livre.

Urban eXperiment, de Lazar Kunstmann

Livre qui revient sur les événements de la restauration de l’horloge du Panthéon par UnterGunther et les projections sous et dans Chaillot par la Mexicaine de Perforation, ainsi que la fondation d’UX, des opérations de désinformation qu’ils ont pu mener et certains moments de leurs relations avec le reste des explorateurices urbain.e.s.

C’est intéressant à lire, écrit avec pas mal d’humour, par contre y’a un petit côté « on a tout compris à tout et le reste du monde tous des blaireaux » qui est un peu agaçant. Je me demande aussi quelle part du livre est vrai, vu l’insistance dedans sur l’importance de la désinformation. Il y a aussi une insistance sur le fait qu’ils ne volent pas, ne dégradent pas qui est assez contredite par le récit des événements : on sent que le bouquin est là pour mettre en scène la légende d’UX.

Je recommande.

The Good Place, de Michael Schur

Saison 1 et 2.

À sa mort, Eleonor Shellstrop se retrouve dans une des nombreuses version du paradis, avec 322 autres personnes méritantes. Sauf qu’elle n’était pas supposée y accéder, n’ayant pas eu la vie que le système de mesure surnaturel qui juge les âmes pense qu’elle a eu. Comment faire pour ne pas se faire repérer et éviter de finir dans « The *Bad* Place » ?

Je n’étais pas trop convaincu sur les 2 premiers épisodes, mais la série gagne en efficacité après. Plutôt bien faite, présente au passage des notions d’éthique qu’on ne s’attendrait pas à avoir dans une dans une série grand public et pose du coup pas mal de questions intéressantes. Plusieurs personnages très réussis, notamment le système d’information anthropomorphique Janet et ses réactions absolument pas humaines, et Mindy St Claire.

La saison 3 était beaucoup plus faible, grosse baisse de régime, on voit que ça galérait un peu pour trouver des idées.

Bonne quatrième et finale saison, surtout la seconde moitié, j’ai trouvé. Ils réussissent à bien finir alors que c’était loin d’être évident.

Le Cirque, d’Ileana Surducan

Journal d’un dompteur de chaises.

Une bande dessinée surréaliste. Dans une ville de plus en plus robotisée, un travailleur ordinaire rêve nuit après nuit d’un cirque, installé dans les montagnes de rebuts juste en dehors des montagnes de la ville. Son rêve serait de le rejoindre, pour devenir dresseur de chaise. Il réussit, mais en parallèle, la technocratie de la ville interdit aux citoyens de dormir, et installe partout des distributeurs de café et des lampes ultrapuissantes…

L’histoire est inattendu et cool à lire, on ne sait pas trop ce qui est réel, allégorique, le statut imaginaire, imaginé ou réel des différents personnages. Ce que j’ai beaucoup aimé c’est comment le dessin évolue avec l’histoire, la ville peu à peu remplie de lumières aveuglante étant dessinée de plus en plus contrastée jusqu’à n’être plus que des cases blanches avec des traits à l’encre de Chine.

Je recommande.

La Vie intelligente, d’Aurélie William Levaux

Court livre avec des pages de textes entrecoupées de nombreuses pages de dessins, plus ou moins en rapport avec le texte. La narratrice, raconte des fragments de sa vie, qu’elle voudrait « intelligente » mais qui se fait rattraper par la gestion du quotidien.

Bref, la chronique d’une vie ordinaire sur laquelle celle qui la vit pose un regard un peu désabusé.

Egologie, d’Aude Vidal

Essai sur le versant « développement personnel » de l’écologie politique, la façon dont il peut potentiellement étouffer le côté vraiment revendicatif et radical du projet écologiste, et plus généralement sur les tentatives et stratégies de récupération par le néolibéralisme de l’écologie.

Le néolibéralisme file plein de petites satisfactions de court terme mais pas d’épanouissement durable, à la fois en colonisant les imaginaires et en dégradant l’environnement. Cf le rapport du GIEC expliquant qu’il va falloir redéfinir ce qu’est une « bonne vie » si on veut surmonter la crise climatique (s’applique pareil pour la crise de la biodiv). L’écologie politique (la vraie, pas la croissance verte) propose de s’attaquer aux deux points à la fois. Mais du coup, récupération de la partie « décolonisation de l’imaginaire » par à la fois le néolib et des trucs pseudo-mystiques qui vont vendre un changement de l’intérieur des gens en oubliant toute la partie transformation des structures de la société : on va notamment retrouver là une bonne partie du développement personnel. Le développement personnel va être facile à promouvoir parce qu’il promeut un changement sans conflit : c’est quand même plus sympa. On va vendre du coup à la fois les « alternatives locales », le « développement personnel » et la croissance verte, avec l’idée que le modèle peut être transformé par des gens qui éteignent la lumière, font de la méditation pour se sentir mieux et vont acheter à la biocoop plutôt qu’en grande surface. C’est joli, mais en vrai le capitalisme s’accomode fort bien de tout ça, et à côté les gens des classes plus populaires qui n’ont pas les moyens (financiers, temporels, autre) de rentrer dans ces alternatives sont culpabilisés (la crise devient de leur faute) pendant qu’il existe toujours une grosse industrie polluante.

Le néolib est aussi fort content du développement personnel en ce qu’il peut facilement être dépolitisant : si l’accent est mis sur le fait de rendre les gens heureux en faisant des ajustements dans leur tête, on peut les persuader de s’adapter à des conditions extérieures merdiques contre lesquelles iels feraient mieux de se révolter. En plus les gens qui vont pas bien peuvent désormais être tenu.e.s comme les responsables de leur malheur : iels n’ont pas fait assez de travail sur elleux pour aller bien.

Deux exemples de plus : le do-it-yourself promu comme un moyen d’émancipation peut absolument ne pas l’être : si c’est inséré dans des circuits de production locaux et des réseaux de sociabilité fort bien, mais si c’est chacun.e fait son pain et son savon chez soi, ça détruit l’artisanat local, et ça permet au capitalisme de refourguer à chacun.e une machine à pain et une imprimante 3D pas mise en commun qui sera sous-utilisé. Incitation à la consommation des moyens de production personnels, en qq sorte. Le DIY émancipe dans le cadre des communs seulement, pas en soi.

L’agriculture urbaine réappropriée par les classes supérieures se fait gentrifier : là où les plus pauvres produisaient par nécessité, les classes sups vont voir ça comme un loisir et importer des pratiques de classes dans les jardins partagés : vont pousser au ZéroPhyto même si ça baisse la productivité, voir vont évincer les plus pauvres de l’agriUrbaine : soit par augmentation du droit d’entrée des jardins soit plus subtilement parce qu’ils pourront plus facilement préparer leur dossier de demande, ou en les faisant se sentir pas à leur place dans le jardin gentrifié.