Archives de catégorie : Séries

Nero, d’Allan Mauduit et Ludovic Colbeau-Justin

Série française de fantasy produite par Netflix, parue en 2025. L’action se passe dans une région présentée comme le sud de la France mais avec des villes fictives, dans un Moyen-Âge de fantasy. Néro est un assassin au service du consul de la ville de Lamartine. Trahi par son employeur qui le livre à une sorcière, il va devoir se rapprocher de sa fille qu’il avait abandonné à l’orphelinat, et entreprendre un voyage avec elle et d’autres compagnons imposés jusqu’à la ville sainte de Ségur, où l’archevêque pourra leur expliquer pourquoi Néro et sa fille sont poursuivis par ladite sorcière.

La série était initialement une adaptation du roman Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski. Effectivement, on perçoit la parenté dans les premiers épisodes, avec la position politique du consul de Lamartine et la place de Néro à ses côtés pour réaliser les basses-œuvres. L’œuvre diverge néanmoins assez rapidement, pour ressembler à la formule de The Last of Us, avec une relation de parentalité qui se développe au cours d’un voyage dans des terres désolées.

On est sur de la fantaisie grand public. Exit le Panthéon spécifique inventé par Jaworski pour le Vieux Royaume qui est ici remplacé par la Chrétienté – avec cependant au cœur des enjeux de l’œuvre une hérésie : les Pénitents. Vu la localisation revendiquée dans le sud de la France, ils peuvent évoquer les cathares, mais version war boys de Fury Road, à la fois pour le maquillage blanc et le côté sacrifice de parties corporelles/rapport décomplexé à la mort. On est aussi sur une série qui donne un langage et des postures très contemporaines à ses personnages, malgré l’environnement de fantasy moyenâgeuse. Couplé à un jeu d’acteurs qui fait un peu parfois théâtral, ça peut donner une impression étrange : même si les décors sont très beaux il y a parfois un côté « les figurants traînent en arrière-plan, pour faire leurs petites occupations de figurants » (moins vrai sur les derniers épisodes tbh).

Néanmoins, ce n’était pas désagréable à regarder, le mélange d’influence finit par fonctionner. Si l’errance dans le désert lasse un peu, l’arrivée à Ségur change les décors et les enjeux. Il y a une petite vibe christique aussi bien pour Néro – présenté sans cesse comme un corps souffrant, là pour prendre des coups et encaisser – et pour Perla, qui porte la responsabilité de sauver le monde sur ses épaules. Le tout sur un arrière-plan de changement climatique – l’enjeu principal est une sécheresse persistante qui ruine la région, illustrée par les passages dans le désert, visiblement tournés dans des Corbières incendiées – qui favorise la montée de la pauvreté (les taudis sous les murailles de Ségur) et les conversions religieuses vers le récit eschatologique des Pénitents. Si pas mal de personnages secondaires sont esquissés sous forme d’archétypes, la thématique du changement climatique et celle du poids de la religion rajoutent quand même une petite profondeur.

Recommandé si vous n’avez rien contre Pio Marmaï qui cabotine ni de trop grosses attentes sur les reconstitutions historiques.

Wayward, de Mae Martin

Série étatsunienne de 2025. En 1994, on suit les lignes narratives parallèles d’Alex Dempsey, policier qui vient s’installer dans la ville d’enfance de sa femme qui attend un enfant, et de Leila et Abbie, deux adolescentes envoyées dans un établissement pour enfants difficiles, qui est là où la femme d’Alex a fait sa scolarité, juste à côté de la ville en question.

C’était pas révolutionnaire, mais ça fonctionne bien, on retrouve Mae Martin et Toni Collette exactement dans leurs rôles habituels (personne non-binaire submergée par l’anxiété et leadeuse de secte avec la mère de toutes les resting bitch-faces respectivement), et ça me va très bien (y’a des acteurices que c’est pas la peine de caster à contre-emploi). L’école de Tall Pines est bien caractérisée je trouve : à la fois le côté sectaire et maltraitant pour les enfants, et le fait que les enfants qui y vont sont quand même de base des enfants pas totalement adaptés à la société : ça reste des enfants et ce que leur fait l’école et Evelyn spécifiquement n’est pas acceptable, mais ce ne sont pas des anges pour autant. Le fait que la secte permette aussi à certains de trouver une forme de communauté qu’ils n’auraient pas autrement est intéressant (et on voit assez peu la ville dans cette saison mais de ce qu’on en voit ça à l’air assez idyllique et de n’avoir gardé que les bons côtés du collectif forgé côté école). La réorganisation de la secte autour de Laura (et la façon qu’elle a de réussir à coopter le mouvement en prétendant vouloir en virer les éléments problématiques, mais ça n’a pas l’air si vrai que ça), en parallèle de la récupération de la secte de Weldon par Evelyn est aussi un point intéressant pour montrer comment ces structures survivent aux personnes.

Alien: Earth, de Noah Hawley

Série étatsunienne de 2025, situé dans l’univers de la saga Alien. Quelques années avant les événements du premier film, un vaisseau spatial contenant des oeufs d’alien et d’autres créatures extraterrestres particulièrement dangereuses s’écrase sur Terre. Une mégacorporation récupère le tout et le planque sur une île où elle a un projet de transfert de la conscience d’enfants humains dans des corps robotiques. La sécurité de ce laboratoire de haute sécurité étant inexistante, les aliens s’échappent par les trous dans le scénario et tuent des gens.

C’était franchement mauvais. Y’a zéro tension horrifique, les personnages passent leur temps à faire des choix qui n’ont aucun sens, les mégacorporations sont incarnées par 2 personnes (on dirait des startups dans un incubateur d’entreprises dans le Loir-et-Cher), l’alien peut être contrôlé en lui parlant en alien, y’a vraiment rien qui va.

Undone, de Kate Purdy et Raphael Bob-Waksberg

Série d’animation étasunienne parue en 2019. Je n’ai vu que la saison 1, notamment parce que je voulais voir la dernière série de RBW que je n’avais pas vue (après Bojack et Long Story Short). J’ai été beaucoup moins convaincu que par les deux autres. On suit Alma, qui suite a un accident de voiture, voit le fantôme de son père qui lui demande de venger son meurtre (hello Hamlet) et lui explique qu’elle peut désormais voyager dans le temps pour intervenir sur ce meurtre. Évidemment, du point de vue des proches d’Alma, ça ressemble plus au déclenchement d’une crise de schizophrénie…

Ça parlait (légèrement) de voyage dans le temps, mais surtout de liens familiaux – mais je trouve que c’est pas très original/intéressant : on parle de l’absence du père, de liens conflictuels avec sa mère et de peur de l’engagement, sujet un peu vus et revus. L’animation en rotoscopie est jolie, mais ça ne me suffit pas perso.

Long story short, de Raphael Bob-Waksberg

Série animée étatsunienne dont la première saison est parue en 2025, par le créateur de BoJack Horseman. On suit la vie de la famille Schwooper, une famille judéo-américaine, sur 3 générations, avec des allers-retours dans le temps. On voit surtout la relation entre les trois enfants (durant leur enfance puis une fois adulte), mais on voit aussi des éléments de la jeunesse des parents, de la troisième génération (pas encore une fois adulte, eux-même, mais peut-être pour la saison 2 !). On voit pas mal de moments-clefs : la gestion du décès de la mère de famille, des relations amoureuses ou leur fin, des départs…

Pour le moment je suis pas accroché comme avec Bojack, mais 1 saison vs 5, on attend de voir où ça va aller. C’est une série sympa à regarder et avec un bon potentiel.

Querer*, d’Alauda Ruiz de Azúa

TW viols évoqués

Série espagnole de 2024, en 4 épisodes. Après 30 ans de mariage, Miren porte plainte contre son mari Íñigo pour viols conjugaux répétés et violences psychologiques. La nouvelle fait évidemment l’effet d’une bombe dans la famille, et notamment sur ses deux fils, Aitor et Jon. Les deux vont se positionner chacun en soutien d’un des deux parents dans l’attente du procès à venir. On va suivre l’évolution des personnages entre la plainte de Miren et quelques jours après l’annonce du verdict, 3 ans plus tard.

J’ai beaucoup aimé. Les acteurs jouent très juste et les relations familiales sont crédibles. Mention spéciale à l’arc d’Aitor qui prend le parti de son père, mais réalise peu à peu qu’il reproduit certains de ses comportements notamment en termes de gestion de la colère (et de choix de carrière) et que ça n’est pas ok (fortement foreshadowé par son prénom puisque Aitor à la même racine que aita – papa en basque). À côté le personnage de Jon est adorable, mais un peu trop lisse. Et le personnage de Miren bien sûr est très bien écrit, elle fait une victime imparfaite (elle est âgée, elle est restée 30 ans avec son agresseur, elle prend des antidépresseurs…) mais particulièrement crédible, qui trouve le courage de dénoncer des violences dont les preuves sont très ténues (Íñigo n’ayant jamais levé la main sur elle notamment).

Recommandé.

Department Q, de Scott Frank

Série anglo-saxonne dont la première saison est parue en 2025. Suite à une fusillade dont lui et son partenaire ont été victime, le détective Morck est affecté au département nouvellement créé des cold cases au sein de la police d’Édimbourg, ce qui est surtout l’occasion de l’éloigner du reste des officiers de la police, que son comportement arrogant insupporte. Relégué au sous-sol du commissariat, le département va se pencher sur la disparition 4 ans plus tôt de Merritt Lindgard, une jeune procureure prometteuse.

J’ai bien aimé. Le perso principal est un génie antipathique à la Dr. House (avec le bonus que c’est un anglais en Écosse donc de base tout le monde le déteste et vice-versa), les deux assistants qui lui sont adjoints sont plutôt réussis aussi (surtout Akram et son flegme à toute épreuve). L’enquête a un peu trop de rebondissements pour être crédible (surtout pour une enquête menée 4 ans après les faits), mais avec une petite suspension d’incrédulité on s’y laisse bien prendre et on a envie d’accompagner les personnages jusqu’au bout.

The Bear, de Christopher Storer

Série télévisée dont la première saison est parue en 2022, 3 4 saisons so far, les deux premières très très bonnes, la troisième simplement bonne. Sans trop en révéler, on suit les vies des personnes travaillant dans le restaurant The Original Beef of Chicagoland. C’est de la restauration rapide, mais le propriétaire-gérant a changé récemment, et vient du monde de la gastronomie, ce qui ne va pas aller sans un certain clash des cultures.

J’ai pendant longtemps fait l’impasse sur cette série, parce que je pensais que c’était une série qui parlait de bouffe, que ça m’évoquait essentiellement de la téléréalité comme Top Chef, et que c’est vraiment pas qq chose qui m’intéresse (j’aime beaucoup la nourriture, mais ma relation à la nourriture implique de la manger, pas de la regarder à travers un écran). Laissez-moi donc dissiper ce malentendu si vous êtes dans le même cas de figure : ce n’est pas une série qui parle de bouffe. C’est une série qui parle de relations familiales, professionnelles et familialo-professionnelles. C’est une série qui parle de trauma, de vouloir exceller à quelque chose et des sacrifices que ça peut amener à faire. Ça parle de travailler dans un restaurant (duh), avec tout ce que ça implique de tâches qui ne sont pas juste de préparer de la nourriture, de la difficulté d’avoir un restaurant qui tient la route financièrement. Voilà pour les thèmes.

Pour la forme, c’est une série qui prend le temps de caractériser ses personnages et leurs relations. C’est aussi une série qui filme les personnages de très près (passion grain de la peau) et qui montre des personnages épuisés. C’est aussi une lettre d’amour à Chicago, avec une quantité de plans de coupe sur la ville incroyable (et comme tout se passe à Chicago, c’est pas pour situer l’action, c’est juste pour crier « Chicago »). C’est aussi une série avec une super bande-son (à forte composante rock des années 90), très très bien employée pour souligner la tension.

Si certains points de l’intrigue m’ont semblé un peu forcés/trop rapides (le plot-twist de la fin de la saison 1, le changement de posture de Richie après l’épisode Forks), globalement c’est quand même très bien écrit, avec des saisons 1 et 2 qui savent totalement où elles vont en termes d’arcs narratifs. Les épisodes Review et The Bear notamment sont très très réussis et la façon dont ils se répondent, ce qui a évolué ou non entre les deux est très bien exposé. En épisodes davantage one-shot, Fishes (qui sort du cadre du restaurant pour faire un flash-back sur un repas de Noël) et Forks (sur le passage de Richie dans un restaurant gastronomique) sont très réussis aussi. Le fait d’avoir toute une saison où le restaurant est en travaux est aussi assez magistral. La saison 3 perd la compacité d’écriture des deux premières, mais elle prend le temps de creuser les personnages.

Les persos sont tous très bien écrits, avec évidemment le trio de tête Carmy/Sidney/Richie et l’ambiguïté qu’ils ont tous les trois en tant que persos qu’on peut à la fois adorer ou détester – un peu moins Sidney qui est moins flawed que les deux autres, mais aussi les persos secondaires : Marcus, Tina, Ibraheim sont des personnages crédibles, même avec peu de temps d’écran, et dans la famille étendue Berzatto, tous les personnages sont très réussis, que ce soit les tragiques comme Donna ou Mikey ou les comiques comme la famille Fak ou l’oncle Jimmy.

Bref, grosse reco.

EDIT 2025 : 4e saison

C’est chouette de retrouver ces personnages, mais la série n’a plus trop l’air de savoir où elle va. On a du lore en plus sur le passé de certains perso, c’est cool de voir Carmy évoluer un peu émotionnellement, mais globalement il ne se passe pas grand chose. Le subplot avec Ibraheim est je pense le plus intéressant en termes de développement de l’histoire, mais il est à peine esquissé dans cette saison. Pas très convaincu par le côté huis close de l’épisode final, je trouve que ça ne marche pas comme façon d’exposer et résoudre le problème. Bref, un peu déçu, je pense qu’il faut une conclusion propre à cette série.

Le Combat des chefs, d’Alain Chabat

Série d’animation française parue en 2025, adaptation de l’album d’Astérix éponyme. C’était sympa de revoir une adaptation d’Astérix dirigée par Chabat, plein de petits trucs sympas dedans (la trouvaille de la mère de César, toute l’idée de la création d’un parc d’attraction pour préparer le combat des chefs, la résolution sans combat à la potion magique, les commentateurs sportifs…), mais en même temps c’était yet another adaptation d’Astérix, ça m’a pas non plus transporté plus que ça.

GLOW, de Liz Flahive et Carly Mensch

Série télé étatsunienne dont les 3 saisons ont été publiées de 2017 à 2019. On suit la création puis les premières années de diffusion du show (réel) Gorgeous Ladies of Wrestling, un programme mettant en scène des matchs de catch féminin. On va donc suivre les actrices du programme, au premier rang desquelles Ruth Wilder (Alison Brie), qui aspire à être une actrice reconnue, et ses relations compliquées avec Debbie Eagan, sa meilleure amie qui va aussi participer au show et avec Sam Sylvia, le directeur.

J’ai beaucoup aimé. La première saison met un peu de temps à démarrer, mais une fois qu’on est pris dedans c’est du binge-watching de qualité. Plein de perso féminins qui sont relativement développés (beaucoup pour les rôles principaux, un peu moins pour les secondaires, mais on a quand même des éléments de background et des storylines et personnalités définies pour une grosse partie des catcheuses. Le ton général est comique mais ça parle d’avortement, de racisme et d’homophobie, de pauvreté (c’est vite mis sous le manteau, mais pour la plupart des participantes c’était un peu le casting de la dernière chance), d’accident du travail, de culpabilité du survivant… Le rythme des trois saisons est très différents, la première prenant le temps d’installer les choses, la 2e étant sur un rythme « classique » et la 3e faisant de brusques saut dans le temps et introduisant rapidement des éléments avant de passer à autre chose (peut-être qu’il fallait boucler plein de lignes narratives), mais ça passe dans les 3 cas.

Même si c’est très fictionnalisé, c’est intéressant d’avoir une série sur l’envers du décor de la production d’un show, avec le côté rêve hollywoodien qui se craquelle – surtout pour un show dans la marge (le catch n’est pas un genre reconnu, les actrices échouent aux castings classiques – ce sont des cascadeuses, des petites mains du cinéma, des actrices de soap, pas des grands noms – le directeur n’a fait que des films de genre, le seul caméraman nommé vient du porno…), et l’aspect années 80 (très bien rendu de façon générale, mais notamment par le sexisme ordinaire de tous les personnages masculins même quand ils sont présentés comme des personnages positifs, notamment le personnage de Sam Sylvia, très très réussi).

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