Archives de catégorie : Séries

Silo, de Graham Yost

Série télé adapté du roman éponyme, parue (pour la première saison) en 2023. On suit l’enquête de Juliet Nichols, ingénieure machine promue shérif du Silo, une structure abritant 10 000 personnes sous la surface d’un monde toxique.

Globalement c’est assez fidèle au bouquin, avec des moyens pour la production. J’ai bien aimé l’apparence qu’ils ont donné au Silo. Par contre après quelques bons épisodes, ça se met à traîner en longueur, et faut attendre l’épisode 8 pour qu’il se remette à se passer des trucs. Sentiment mitigé, donc, mais je recommande toujours le bouquin.

Saison 2 :

J’ai largement préféré le rythme de la saison 2, l’alternance des lignes narratives entre Juliet et la rébellion des étages machines fonctionnait bien, même si côté Juliet y’a beaucoup d’aller-retours. Le personnage de Solo est plutôt bien écrit, les péripéties de la rébellion me semblent s’éloigner de ce qu’il y avait dans le bouquin (mais je me rappelle pas très bien des détails du livre donc sans certitudes). Bernard fait un bon méchant, par contre je n’ai pas été très convaincu par le perso de Simms dont on ne sait pas trop ce qu’il veut. Camille est bien plus intéressante. Bon et à part la construction du pont au début, ça manquait un peu de grosses machines, vivement que dans la S3 ils remettent en route l’excavatrice.

L’esthétique du Silo déserté et en ruine est plutôt réussie aussi, bonne variation sur l’esthétique initiale.

The Penguin, de Lauren LeFranc

Série états-unienne sortie en 2024, qui se passe immédiatement après le film The Batman. On suit l’ascension dans le monde de la pègre d’Oswald « The Penguin » Cobb, un gangster affilié à la famille mafieuse des Falcone, qui va monter cette famille et celle des Maroni l’une contre l’autre pour avoir le champ libre pour régner sur le monde criminel de Gotham City. Pas de présence de Batman ou de supercriminels, on est sur une histoire de gangsters assez classique (nonobstant la place de la psychiatrie et d’une drogue dopée au scenarium). Dans son ascension, le Pingouin va prendre sous son aile (pun intended) Victor Aguilar, un jeune homme qui a perdu sa famille dans les attentats qui ont touché Gotham à la fin de The Batman

La performance de Colin Farrell dans le rôle titre est assez impressionnante, et le maquillage le rend assez méconnaissable. Toute la relation du Pingouin avec sa mère et avec Victor est très réussie et la partie la plus intéressante de la série, ce côté psychologique fonctionne bien et on se retrouve à être à fond pour ce personnage pourtant assez horrible.
J’ai globalement bien aimé la première moitié de la saison, ça perd un peu en rythme et en crédibilité après : la focale faite sur les personnages fait qu’on se retrouve avec la cheffe de la famille mafieuse qui va faire ses basses œuvres toute seule et qui se met en coloc avec le chef de la famille rivale, c’est pas franchement crédible. Toute l’histoire Sofia/Julian Rush était aussi assez accessoire.

Recommandé si vous avez aimé le film The Batman ou Colin Farrell avec beaucoup de maquillage.

Nobody wants this, de Lindsay Golder

Comédie romantique parue en 2024. Joanne est une californienne qui gagne sa vie en enregistrant un podcast avec sa sœur, qui parle de sexualité. Noah est un jeune rabbin qui a mis fin à ses fiançailles. Les deux vont se rencontrer et avoir un coup de foudre l’un pour l’autre, par dessus leurs différences culturelles.

C’était une bonne série romantique. La chimie entre les deux persos fonctionne, il y a des rebondissements pas trop clichés, les persos secondaires (les losers siblings notamment, la relation aux parents) sont réussis. Pas une série inoubliable, mais une réussite pour une série de vacances.

Samuel, d’Émilie Tronche

Série télé française parue en 2024. Je l’ai vue au cinéma d’un seul tenant dans le cadre du festival Séquence, c’était un très bon cadre, ça gagne a être regardé avec les réactions de toute une salle de cinéma (même si je pense que ça marche aussi très bien blotti·e dans son lit).

On suit la vie de Samuel, 10 ans, via ce qu’il en écrit dans son journal intime. Il parle notamment de son sentiment amoureux pour Julie, une de ses camarades de classe. C’est super bien écrit dans la façon dont ça rend les émotions ressenties quand on est enfant – et je pense que la série parle à beaucoup de gens parce qu’on s’y retrouve facilement (aux dernières nouvelles, tout le monde a été enfant). Niveau animation c’est très beau, en noir et blanc, avec sur certaines séquences des inspirations mangas très bien intégrées (la visite au château, le cauchemar de la grande dame). La question des sentiments et des relations est je trouve très bien traitée. Certains passages sur attirances ou sur l’arrivée de l’été m’ont fait penser à The Perks of being a wallflower ou à La Traversée du Temps, deux œuvres que j’aime beaucoup.

J’ai aussi beaucoup aimé l’épisode sur la mort de la grand-mère de Corentin et la mise en scène via Corentin de la construction d’un mode masculin de rapport à ses émotions (là où Samuel est beaucoup plus émotif). Enfin, une dernière analogie que je vois est avec la série Bref, pour le côté épisodes très courts et centrage sur une relation amoureuse hétéro, mais on est sur un traitement beaucoup plus subtil que Bref.

Enfin, excellente bande-son, et pas mal de passage où des personnages dansent (sur de la musique ou tout seuls dans leur chambres) où les mouvements rendent très bien.

Chaudement recommandé.

La Mesias de Javier Ambrossi et Javier Calvo

Série télé espagnole parue en 2023. En 2012, des vidéos YouTube deviennent virales en Espagne : on voit 6 femmes chanter leur amour du Christ dans des montages chelou. Tout le monde est hilare, sauf Enric et Irene : sur les vidéos ce sont leurs demi-sœurs, parties dans un délire sectaire avec leur mère. Pour eux, ces vidéos ravivent les traumas de leur enfance. Ils vont chacun de leur côté tenter de retrouver leurs sœurs. En parallèle, on va voir leur enfance, comment ils se sont retrouvés entrainés dans cet environnement de secte.

C’était dur à voir par moment mais très bien. Les acteurs sont très bons, surtout les trois actrices qui jouent Montserrat. La façon dont elle s’enferme dans son délire et y entraîne ses enfants est bien montré, sa codépendance avec Pep aussi. J’ai trouvé la ligne narrative d’Enric un peu faible dans l’épisode final (on reboucle sur le premier ep, ça montre qu’il tourne en boucle sur des choses qu’il n’a pas dépassé depuis l’enfance, certes, mais c’est pas le plus intéressant thématiquement), là où celles d’Irene et Cecilia fonctionnent très bien jusqu’au bout.

Très bonne bande son aussi, qui fait un bon usage de chansons très classiques. Des plans bien mis en scène avec beaucoup de jeux sur les cadres, les fenêtres, les barreaux, la mise en scène des différents lieux.

Je recommande

Toutouyoutou, de Maxime Donzel et Géraldine de Margerie

Série télévisée française de 2022. Dans les années 80 à Blagnac, Karine, femme au foyer et épouse d’un ingénieur aéronautique, s’emmerde sévèrement et à l’impression d’avoir raté sa vie. Soudain, une nouvelle voisine s’installe, Jane, c’est une américaine qui a l’air de sortir d’un magazine de mode et ouvre une section aérobic dans la salle de sport municipale. Le groupe d’amies de Karine vont s’inscrire, et leurs vies vont être modifiées par cette nouveauté. Non seulement via les cours d’aérobic, mais aussi parce que Jane n’est pas venue s’enterrer à Blagnac sans raison : elle a un certain intérêt pour les entreprises locales qui fabriquent des avions…

C’était une bonne surprise. Le pilote n’était pas incroyable mais la série décolle dès l’épisode 2. Les personnages sont bien écrits et bien joués, les enjeux domestiques des femmes au foyer sont crédibles, la reconstitution des 80’s françaises aussi (notamment tout le trip sur Bernard Tapie ce héros). Mention spéciale pour l’épisode du concours national d’aérobic avec les équipes concurrentes ultra-déterminées. On dirait un peu un successeur spirituel d’OVNI(s), en moins poétique (et pas aussi réussi quand même), entre les questions d’aéronautiques, le décor toulousain et le côté rétro. La fin totalement ouverte de la saison laisse la possibilité d’une saison 2 qui pourrait partir dans pas mal de directions.

Saison 2 (et finale) :

Très réussie aussi. Une tonalité plus sombre que la 1, Karine étant passé du côté espionnage. Toujours assez surpris des gros changements de ton que la série se permet et réussit, en traitant en parallèle les questions d’espionnage, d’aérobic, de vies personnelles. L’arc moral de Karine est assez réussi. Un peu dommage que la série nous colle un trope de tragic gay story. L’évolution du personnage de Mapi fonctionne bien, et la vibe toulousaine de la série est assez réussie juste avec certains plans de coupe (et c’est jamais « oh regardez, voici Toulouse centre », c’est vraiment le côté périphérique). Enfin, le coup de génie du titre : Toutouyoutou two, pour une série qui est à fond sur un bilinguisme qui tourne au franglais, c’est assez parfait.

Slow Horses, de Will Smith

Série télévisée anglaise produite par Apple TV, dont la première saison est sortie en 2022. On suit les aventures de la branche « voie de garage » du MI5 : la division où sont envoyés les espions qui ont suffisamment raté une mission pour être exfiltrés du QG et des opérations courantes. À la tête de la division, Jackson Lamb, ancien héros de la Guerre Froide qui a voulu un poste sans enjeux pour finir sa carrière. En jeune premier, River Cartwright, petit-fils d’un ancien dirigeant du MI5, qui a horriblement raté un exercice d’entraînement. La vie devrait être tranquille dans cette division, mais les dirigeantes du MI5 les emploient périodiquement pour des missions en dehors des circuits officiels, notamment pour des luttes de pouvoir intestines…

C’est bien réussi. On est sur un format mini-série, avec chaque saison qui couvre une histoire complète en moins de 10 eps. Le scénario de la première était très bien (kidnapping par un groupe d’extrême-droite), les suivantes sont plus invraisemblables, mais le timing de la 3 (tiger team) était super, j’ai pas pu lâcher, j’ai bingewatché la saison en deux soirs (et la 4e était un peu plus faiblarde, ça s’essoufle quand même un peu, mais franchement 1 et 3 valent le coup).

La réussite de la série tient aux acteurs et aux relations toutes anglaises entre les personnages. Jackson Lamb applique la recette classique du personnage ultra-compétent mais qui déteste tout le monde et insulte à tour de bras (Malcom Tucker by any other name), les slow horses ont le bon mélange de sympathie et d’incompétence pour les rendre attachants, les seconds rôles sont très réussis aussi (Taverner notamment, en n°2 manipulatrice du MI-5).

Je recommande pour de l’espionnage sans enjeux.

We are Lady Parts, de Nida Manzoor

Série anglaise en 2 saisons, la première sortie en 2021. On suit les aventures d’Amina Hussein, jeune anglaise musulmane à la recherche d’un mari respectable. Mais pour se rapprocher d’un mec attirant, Amina va accepter de jouer dans Lady Parts, un quatuor punk formé par 3 autres femmes musulmanes. Vont s’ensuivre des rebondissements alors que le groupe enchaîne les répétitions, tente de décrocher des dates pour jouer et d’amasser l’argent leur permettant d’enregistrer un album, avec au milieu Amina qui a du mal à concilier les différentes facettes de sa vie.

C’était très cool. Histoire efficace, en 2 saisons courtes, des personnages très réussis, ça parle du monde de la musique, d’islamophobie et de rapport à la religion, c’est très drôle et la musique est particulièrement réussie (un petit changement de ton entre les deux saisons, la musique de la première était plus directement punk, la seconde c’est plus varié et un peu plus sage).

Grosse reco.

The Bear, de Christopher Storer

Série télévisée dont la première saison est parue en 2022, 3 saisons so far, les deux premières très très bonnes, la troisième simplement bonne. Sans trop en révéler, on suit les vies des personnes travaillant dans le restaurant The Original Beef of Chicagoland. C’est de la restauration rapide, mais le propriétaire-gérant a changé récemment, et vient du monde de la gastronomie, ce qui ne va pas aller sans un certain clash des cultures.

J’ai pendant longtemps fait l’impasse sur cette série, parce que je pensais que c’était une série qui parlait de bouffe, que ça m’évoquait essentiellement de la téléréalité comme Top Chef, et que c’est vraiment pas qq chose qui m’intéresse (j’aime beaucoup la nourriture, mais ma relation à la nourriture implique de la manger, pas de la regarder à travers un écran). Laissez-moi donc dissiper ce malentendu si vous êtes dans le même cas de figure : ce n’est pas une série qui parle de bouffe. C’est une série qui parle de relations familiales, professionnelles et familialo-professionnelles. C’est une série qui parle de trauma, de vouloir exceller à quelque chose et des sacrifices que ça peut amener à faire. Ca parle de travailler dans un restaurant (duh), avec tout ce que ça implique de tâches qui ne sont pas juste de préparer de la nourriture, de la difficulté d’avoir un restaurant qui tient la route financièrement. Voilà pour les thèmes.

Pour la forme, c’est une série qui prend le temps de caractériser ses personnages et leurs relations. C’est aussi une série qui filme les personnages de très près (passion grain de la peau) et qui montre des personnages épuisés. C’est aussi une lettre d’amour à Chicago, avec une quantité de plans de coupe sur la ville incroyable (et comme tout se passe à Chicago, c’est pas pour situer l’action, c’est juste pour crier « Chicago »). C’est aussi une série avec une super bande-son (à forte composante rock des années 90), très très bien employée pour souligner la tension.

Si certain points de l’intrigue m’ont semblé un peu forcés/trop rapide (le plot-twist de la fin de la saison 1, le changement de posture de Richie après l’épisode Forks), globalement c’est quand même très bien écrit, avec des saisons 1 et 2 qui savent totalement où elles vont en termes d’arcs narratifs. Les épisodes Review et The Bear notamment sont très très réussis et la façon dont ils se répondent, ce qui a évolué ou non entre les deux est très bien exposé. En épisodes davantage one-shot, Fishes (qui sort du cadre du restaurant pour faire un flash-back sur un repas de Noël) et Forks (sur le passage de Richie dans un restaurant gastronomique) sont très réussis aussi. Le fait d’avoir toute une saison où le restaurant est en travaux est aussi assez magistral. La saison 3 perd la compacité d’écriture des deux premières, mais elle prend le temps de creuser les personnages

Les persos sont tous très bien écrits, avec évidemment le trio de tête Carmy/Sidney/Richie et l’ambiguïté qu’ils ont tous les trois en tant que perso qu’on peut à la fois adorer ou détester – un peu moins Sidney qui est moins flawed que les deux autres, mais aussi les persos secondaires : Marcus, Tina, Ibrahim sont des personnages crédibles, même avec peu de temps d’écran, et dans la famille étendue Berzatto, tous les personnages sont très réussis, que ce soit les tragiques comme Donna ou Mikey ou les comiques comme la famille Fak ou l’oncle Jimmy.

Bref, grosse reco.

Kaos, de Charlie Covell

Série télé sortie en 2024. L’histoire se passe dans un monde où les dieux de l’Olympe existent, et sont toujours vénérés de nos jours. L’histoire, racontée par Prométhée qui est à la fois protagoniste et narrateur omniscient, met en scène le début de la révolte des Humains contre ce panthéon, et particulièrement contre Zeus, dont la paranoïa le conduit à vouloir faire s’abattre des catastrophes naturelles sur l’Humanité pour les forcer à l’adoration.

Ca commence très bien, le côté mythologie modernisée fonctionne, Jeff Goldblum est très bon en tant que tyran domestiques aux capacités divines, mais ça s’essouffle un peu à partir de la moitié de la série. L’Olympe fait quand même très vide, avec une famille divine réduite à 6 personnes – même si les autres dieux et déesses sont évoqués on ne les voit jamais – et à part Zeus, ceux qu’on voit ne font pas grand chose de divin… De la même façon, le monde se réduit à la Crète, et même à sa capitale d’Heraklion, le reste n’est jamais évoqué. Il aurait fallu plus de dieux, moins de scènes filler dans les Enfers, et une ligne narrative + inspirante que celle d’Orphée (même si le twist dessus est intéressant). Ah et un point tout à fait mineur mais qui m’a personnellement agacé, c’est les petits bouts de latin. Oui ça fait antique, mais il s’avère que la langue grecque existe ? Et que c’est plus cohérent avec le panthéon grec et une histoire située en Crète ?

Bref, un gros potentiel pas totalement réalisé (+ une saison qui n’est que la moitié d’une histoire qui devrait se continuer dans la saison 2), mais si vous aimez de base la mythologie (et/ou Jeff Goldblum), vous apprécierez la série.