Archives de catégorie : Screens, thousands of them

L’une chante, l’autre pas, d’Agnès Varda

Film français de 1977. On suit la vie de deux femmes, Pauline et Suzanne, de 1962 à 1976. Au fil des années elles vont se retrouver, s’éloigner, entretenir une correspondance, avoir des enfants, se battre pour le droit à l’avortement, en bénéficier, avoir des relations avec des hommes, chercher leur place dans le monde. C’était très cool. Quelques longueurs, mais globalement c’était intéressant à regarder, assez inattendu. Le film prend le temps de montrer en détails les trajectoires de vie des deux femmes, dans deux styles assez différents, et d’exposer leurs doutes, leurs inquiétudes, leurs convictions. Je recommande.

La critique d’OC ici.

The Host, de Bong Joon-ho

Film coréen de 2006. Suite à des rejets de produits chimiques dans une rivière, un poisson mute en un monstre mangeur d’hommes. Après une attaque du monstre sur les berges de la rivière, le gouvernement évacue la zone et place toutes les personnes en quarantaine, les États-Unis ayant noté sur un de leurs soldats présents que le monstre était porteur d’un virus dangereux. Une famille qui tenait un stand sur le bord de la rivière choisit de s’échapper de la quarantaine et de retourner dans la zone évacuée, pour chercher la fille de l’un d’entre eux, enlevé par le monstre.

J’ai bien aimé. Ça faisait longtemps que je voulais le voir, j’avais bien aimé plusieurs autre films du réalisateurs (Parasite, le Transperceneige, Memories of Murder), et la vidéo de Bolchegeek sur Squid Game m’a remotivé (oui cette phrase c’était la fête du lien).
Plusieurs thématiques qui m’ont plu dans le film : la mise en scène de l’incompétence des gouvernements dans la crise sanitaire : le gouvernement coréen s’aligne totalement sur ce que lui disent les États-Unis, la réponse passe essentiellement par la militarisation de la question, puis le déploiement d’une arme expérimentale avec d’énormes impacts sur la population. Ce que disent les gens sur place est ignoré, le gouvernement gère entre sachants (ça sonne familier ?, attendez la suite). Le problème principal posé par le monstre est qu’il serait porteur d’un virus respiratoire type SRAS (un coronavirus, donc), et on voit les gens porter des masques dans le film. Ça rend le tout très actuel.
A côté de l’incompétence gouvernemental, il y a le plan façon système D de la famille de protagonistes, pour tenter de retrouver la cadette. Ce qu’ils tentent foire assez généralement et assez largement, mais au moins ils tentent des trucs, ils se serrent les coudes. Le combat final contre la créature et les actions des différents membres de la famille, leur coordination qui réussit finalement à se mettre en place est notamment très réussi, sans que ce soit très chorégraphié, ça en fait un combat intéressant à voir. Le fait de montrer que leur victoire ne résout pas grand chose est intéressant aussi : les personnes mortes sont toujours mortes, le gouvernement déploie quand même son arme chimique. Mais ça reste une victoire malgré tout.

Enfin, un élément qui ne pouvait que me plaire, c’est quand c’est quand même Dessous de Ponts : le Film. Toutes les séquences où les héros tente de débusquer la créature, c’est des ballades sous les différents ponts de la rivière Han, l’exploration de tunnels de service, plein de dessous d’architectures industriels et de vides techniques. Ca fait de jolis décors pour les gens qui aiment les piliers en béton (=moi).

Archive 81, de Rebecca Sonnenshine

Série paranormale de Netflix sortie en 2022, assez décevante.

Le setup était très bien : en 2021, un archiviste est engagé par un mystérieux donateur pour restaurer une série de cassettes vidéos tournées en 1994 qui ont subi un incendie. Les cassettes s’avèrent être les rushs de l’enquête que menait une doctorante en sociologie sur un immeuble new-yorkais semblant héberger une secte aux desseins énigmatiques. L’archiviste va progressivement ressentir une affinité pour la doctorante vidéaste et avoir l’impression que les cassettes elle-mêmes ont des capacités surnaturelles. On va aussi avoir directement le point de vue de la doctorante, au delà de ce que l’on peut voir via les scènes tournées.

Malheureusement, sur ce setup intéressant, et qui fonctionne bien sur les premiers épisodes, on a une exécution qui ne fonctionne pas du tout à mon sens : pas de montée progressive de la tension, des répétitions trop nombreuses et des scènes d’explications qui prennent le spectateur pour un débile, des trous béants dans le scénario, des éléments qui sont abandonnés en cours de route. Il y a une idée très intéressante sur la fin à base de non-linéarité de l’enregistrement sur les cassettes (ce qui fait que ce que l’on croyait séquentiel et causal au premier visionnage ne n’est en fait pas), mais elle est absolument sous-employée. La partie restauration des cassettes en elle-même est aussi complétement sous-exploitée : toutes les cassettes sont restaurables à la perfection, pas de complication, pas de pertes d’éléments, et dans la mise en scène de l’acte de restauration, on a toujours les deux mêmes plans plutôt que de prendre le temps de vraiment montrer une expertise.

Bref, dommage. Les deux acteurs principaux jouent très bien par contre.

El laberinto del fauno, de Guillermo del Toro

Film fantastique espagnol de 2006. A la fin de la guerre civile espagnole, une femme enceinte et sa première fille vont rejoindre le nouveau mari de la mère dans la campagne espagnole. Le nouveau mari est est un officier franquiste qui traque les dernières colonnes républicaines. Le film suit principalement le point de vue d’Ofelia, la jeune fille, qui découvre dans la propriété un ancien labyrinthe, où une créature magique lui annonce qu’elle est la réincarnation de la princesse d’un royaume souterrain. Pour pouvoir y retourner, elle doit triompher de trois épreuves. Le film va montrer en parallèle les péripéties fantastiques d’Ofelia et la lutte des républicains contre le régime fasciste. Et la question du parallélisme est ici cruciale : le film ne dit pas clairement ni si Ofelia imagine ces péripéties ni si elle réussit finalement sa dernière épreuve, mais tout du long ce qu’elle vit fait écho au combat des républicains et notamment de Mercedes contre les soldats fascistes : on retrouve le motif de la clef, des stocks de nourriture, du refus d’obéir aux ordres. Une lecture du film est qu’Ofelia serait la part d’enfance de Mercedes, qui mentionne qu’elle « croyait aux fées petites mais plus maintenant ».
Mais si les rôles moraux sont bien distribués dans le monde réel ou l’opposition fascisme/républicains est claire, les choses sont beaucoup moins évidentes dans les épreuves d’Ofelia, où le rôle du faune qui la guide semble ambigu.

Si les images de synthèse sont un peu datées, le film reste très beau, très inventif sur le côté dark fantasy, sans que celui-ci ne prenne toute la place. Au contraire, c’est probablement plus l’intrigue réaliste qui a le plus de temps d’écran, et qui est aussi très bien filmée. Les personnages sont globalement réussis (peut-être moins les républicains, que l’on voit assez peu et qui sont plus archétypaux). Bref, je recommande si vous ne l’avez pas vu.

Les Promesses, de Thomas Kruithof

Film français de 2022. Isabelle Huppert joue la maire en fin de second mandat d’une commune de Seine Saint-Denis. Elle se bat depuis le début de son engagement politique pour la rénovation d’une cité, et espère décrocher un financement dans le cadre des appels à projets du Grand Paris. Elle est épaulée par son directeur de cabinet qui a grandi dans ladite cité et a employé la politique comme ascenseur social (un rôle que j’ai trouvé malheureusement très cliché). Se laissant attirer par le prestige d’un poste de ministre, Isabelle Huppert va perdre de vue ses convictions, puis les retrouver.

J’ai bien aimé le début du film, qui installe bien la situation, les rapports entre les personnages, les enjeux. La scène où Isabelle Huppert négocie avec le directeur de l’établissement du Grand Paris marche très bien, montre efficacement comment la politique peut être une histoire d’affects, d’insistance, d’irrationalité. Malheureusement je trouve que le film se perd assez rapidement après ça : on voit une maire qui fonctionne en totale autonomie, sans s’appuyer sur une équipe, avec zéro relation émotionnelle à sa première adjointe, soudain prête à envoyer balader tout ce qu’elle a construit du jour au lendemain. Les arbitrages politiques semblent se faire dans le vide, sans dossier ni critères, juste à la tête du client. Ça présente bien trop à mon goût une vision individualiste de la politique, là où il serait beaucoup plus pertinent de montrer le travail d’équipe, les relations multiples et complexes entre niveaux administratifs, entités et personnes. On a aussi l’impression que le dossier de la cité des Bernardins est le seul dossier que la mairie a à traiter, tout le reste est inexistant.

Bref, pas convaincu du tout par le portrait qui est fait de la politique locale. C’est bien filmé par contre, quelques jolis plans, et une bande son discrète mais originale, à base d’orchestre qui s’accorde.

Station Eleven, de Patrick Somerville

I remember damage, then escape.

Série télévisée de 2022, adaptée librement du roman éponyme.

Pour re-résumer brièvement l’histoire : en 2020, une pandémie (pas la notre, une autre) balaye la planète et tue 99% des gens. On suit en parallèle la vie de plusieurs personnes avant la pandémie et celle de Kirsten, actrice dans une troupe de théâtre itinérante, 20 ans après la pandémie. J’avais beaucoup aimé le livre, je trouve que la série vaut le visionnage aussi, sans néanmoins arriver au niveau du matériau-source (mais je pense que c’est pas vraiment possible avec un médium non-textuel d’avoir la même qualité d’allers-retours temporels et digressions de l’histoire). Les variations par rapport à l’histoire originelle sont intéressantes, mais elle accentuent encore un peu plus le côté « tout est connecté » que j’avais trouvé dommage dans le livre. Par ailleurs, il y a un peu trop une tendance à laisser sans conséquences certains événements qui me laisse incrédule : « oh tu m’as poignardé ? C’est pas grave soyons potes. Et puis cet usage d’enfants-soldats pour tuer ton mentor ? Allez on fait tou.tes des erreurs. » Le comic est aussi un peu trop central, je trouve. Là où le roman appuie plus sur le côté « des coïncidences et des trajectoires inattendues », la série est plus en mode « il y a un sens caché à tout cela ».

Pour les points positifs par contre, j’ai trouvé que les décors étaient superbes, et reflètent très bien, et avec des variations, le côté « 20 ans après l’apocalypse ». Les costumes aussi d’ailleurs, dans le côté mix and match des vêtements que tout le monde porte dans le monde 20 ans après. Les acteurs jouent très bien aussi, notamment Matilda Lawler. L’histoire qui s’étale sur 20 ans et les révélations progressives sur 10 épisodes permettent d’avoir un impact émotionnel fort. La série met d’ailleurs bien en scène le traumatisme et les différentes façons de le gérer.
L’histoire de Miranda et celle d’Arthur ont beaucoup moins d’impact que dans le roman, mais celle de Jeevan en gagne. La scène de théâtre dans l’épisode final est fort réussie, alors que j’aurai pas trop parié là dessus dans le cadre d’une série post-apo.

Heaven’s Vault, du studio Inkle

All of this has happened before and all of this will happen again

Jeu vidéo sorti en 2019. L’histoire se passe dans la Nébula, un ensemble de petites lunes reliées par des courants d’eau passant d’une planête à l’autre. On suit le point de vue d’Aliya, une chercheuse en archéologie, envoyée par sa directrice à la recherche d’un collègue disparu lors d’une campagne de fouille. Notre quête va nous faire découvrir progressivement l’Histoire de la Nébula, dont les traces abondent mais qui n’intéresse personne, la religion dominante stipulant que le temps est cyclique et que les choses finiront par revenir.

J’ai beaucoup aimé l’ambiance du jeu. L’univers de la Nebula est orientalisant et sur le Déclin : on découvre partout des endroits qui ont connu leur heure de gloire bien des années auparavant. Ça donne de très beaux décors, dans lesquels on se déplace pour trouver des fragments de texte que l’on essaye de déchiffrer pour comprendre le passé (la compréhension du langage Ancien est une des mécaniques centrales du jeu). Les personnages sont réussis, l’histoire et l’Histoire présentées riches en rebondissements, la bande-son discrète mais belle. Et surtout une narration très réussie, avec différents arcs que l’on peut découvrir ou non, certains choix mutuellement exclusifs, le tout réalisé d’une façon très fluide (à l’inverse, il y a quelques moments où l’envers du décor se voit un peu, avec des interactions où tu comprends pas comment ton personnage comprend ou affirme certains trucs, mais c’est assez mineur. Dans le même style, certains éléments apparaissent un peu trop tôt sur la carte je trouve. Je regrette aussi l’impossibilité d’explorer plus avant certains aspects, comme le passé commun d’Aliya avec ses amis, mais de ce que j’ai compris le studio a manqué de fonds pour finir de développer le jeu autant qu’iels l’auraient voulu).

Bref, je recommande chaudement. Dans le pitch il y a des similitudes avec Outer Wilds, mais dans les mécaniques de jeu, dans l’esthétique et dans l’histoire assez peu.

Ghostbusters: Afterlife, de Jason Reitman

Film états-unien de 2022. En 2021, la fille d’Egon Spengler apprend la mort de son père, qui l’avait abandonnée enfant pour aller vivre isolé dans une ferme d’une petite ville d’Oklahoma. Fauchée, elle déménage dans la ferme décrépite de son père avec ses deux enfants. Ceux-ci vont découvrir l’héritage de leur grand-père et faire en sorte de terminer la lutte contre une créature maléfique qui était la raison pour laquelle il avait déménagé en Oklahoma.

Je connais d’un peu loin le lore de Ghostbusters : j’ai vu des fragments du premier film et des épisodes de la (pas très bonne) série animée. Mais j’ai bien aimé le film : de facture très classique, il fonctionne bien en tant que divertissement (avec un bémol sur la fin <spoiler> où les anciens Ghostbusters reviennent et ça part vraiment trop dans la nostalgie</spoiler>). Les personnages principaux sont réussis : l’héroïne est très attachante, son side-kick aussi. Le grand frère fonctionne bien, la mère aussi. Toute l’esthétique de la petite ville est réussie, j’ai trouvé ça efficace de transposer l’intrigue du film depuis New York jusque dans un cadre rural.

Bien réussi comme divertissement pas trop profond, je recommande.

Don’t look up, d’Adam McKay

Comédie sortie fin 2021. Deux astronomes découvrent une météorite sur une trajectoire de collision avec la Terre. A leur grand désarroi, le gouvernement des États-Unis et les médias considèrent l’information comme juste une info de plus et non pas la priorité absolue que cela devrait être.

C’était une comédie sympathique mais assez anecdotique. J’ai trouvé que le sous-texte politique était assez peu réussi : globalement le problème c’est « le vilain PDG, la vilaine présidente, les vilains présentateurs télé », je trouve qu’alors qu’il prétend dénoncer « le système », le film passe finalement singulièrement à côté de ça : du coup ça fait assez daté, une critique des années Trump alors qu’on voit bien depuis le début du mandat de Biden que ça ne marche pas du tout mieux avec lui : on ne peut pas réduire le problème aux visages qui l’incarnent.

Par contre c’est bien joué, avec un casting de stars impressionnant. J’ai bien aimé le personnage assez secondaire de Timothée Chalamet, qui a plus de profondeur en quelques scènes que les personnages principaux. Le running gag des snacks de la Maison Blanche était rigolo par son côté totalement absurde, mais pour le reste les gags étaient quand même assez faciles.