Archives de catégorie : Longs métrages

Victoria, de Justine Triet

Film français de 2016. Victoria est une avocate à la vie un peu chaotique. Élevant seule ses deux filles, son ex est un écrivain qui a eu un certain succès en mettant en scène sa vie à elle sur son blog d’autofiction en déguisant très peu les éléments. Elle accepte de défendre un de ses amis qui est accusé d’avoir poignardé sa compagne lors d’un mariage ; un ancien client à elle et ancien dealer vit chez elle et l’assiste pour préparer le procès et babysitter ses filles. Elle est en permanence à la limite du burn-out voire de l’autre côté et enchaîne les clopes.

J’ai beaucoup aimé. C’est bien filmé, les acteurs jouent bien, y’a un très bon usage de la musique (notamment sur le montage des six mois de suspension) et globalement une bonne bande son. On détecte une petite tendance aux films de procès avec des chiens comme acteurs-clefs chez Justine Triet (une tendance assez niche). On voit largement venir la romance qui était dispensable, mais ça reste un défaut mineur (et une romance assez originale).

Bref, recommandé.

Shin Godzilla, de Hideaki Anno et Shinji Higuchi

Film de kaiju sorti en 2016, qui reboote la franchise Godzilla. Une créature gigantesque est repérée dans la baie de Tokyo et commence à entre dans la ville et à la détruire. On suit les efforts du gouvernement japonais pour comprendre la situation puis lutter contre la créature, tout en étant paralysé par sa bureaucratie et son inféodation aux États-Unis.

J’ai beaucoup aimé. Le design de la créature qui utilise des effets spéciaux manuels est très cool, les plans sont originaux, le point de vue sur/depuis la machine bureaucratique qu’est le gouvernement aussi, comme le fait de centrer les enjeux sur la menace de la radioactivité et de l’ingérence des autres pays plutôt que sur la menace que fait peser le kaiju sur la ville. Très bonne surprise, grosse reco.

Zalava, d’Arsalan Amiri

Film iranien de 2021. Dans un village reculé de l’Iran de 1978, les habitants pensent être victime d’une malédiction. Une fois l’an un démon vient posséder une personne du village. Si les exorcistes arrivent à temps, ils peuvent maîtriser le démon.
Le sergent qui dirige le poste de garde local ne croit pas à ces superstitions. Il confisque les fusils des villageois et fait arrêter l’exorciste. Commence une longue nuit où aucun démon ne se manifestera, mais la peur des villageois fera partir la situation hors de contrôle.

Pas totalement convaincu. Les décors sont beaux et il y a des scènes très bien composées (la fin notamment avec la célébration des villageois qui contraste avec les trucs dramatiques qui viennent de se passer), mais je n’ai pas trouvé ça très bien joué ni très bien rythmé, ce qui est dommage parce que le pitch était alléchant.

Article invité : Un métier sérieux, de Thomas Lilti

Film de 2023, dans la lignée des autres films de Thomas Lilti : une comédie dramatique réaliste humaniste chorale (ça va, vous suivez ?) dans un milieu professionnel connu-mais-méconnu (précédemment : la médecine, ici : les profs de collège), avec une galerie de personnages (joués par ses acteurs habituels, ie Louise Bourgoin, François Cluzet et Vincent Lacoste) humains et attachants avec leurs défauts et leurs fêlures (tous les profs parents sont pas oufs avec leur enfants). Dans la forme, ça ressemble à beaucoup d’autres films sur l’école (La vie scolaire, Entre les murs) : chronologique, du début à la fin de l’année scolaire, alternant des moments anodins type tranches de vie (pour le côté documentaire / attachement aux personnages) avec une série d’épisodes forts « incontournables » (la rentrée, le conseil de discipline, la sortie scolaire, le craquage en classe…) pour le côté dramatique. Moi, c’est ma came : j’ai passé un bon moment, les acteurices sont top, j’ai rigolé et frémi. Mais ça reste aussi assez lisse, sans discours très politique ou radical sur ce qu’est l’école comme institution – sauf lors d’un débat sur la pertinence du conseil de discipline et de l’exclusion. Tous les collègues s’adorent, les tensions interindividuelles n’existent pas – sauf lors du débat sus-mentionné. Mention râlage pour les ébauches de romance, forcément hétéro, qui certes montrent que, comme partout, les gens se chopent au travail, mais étaient aussi largement évitables à mon sens.

Anatomie d’une chute, de Justine Triet

Palme d’or 2023. Sandra, écrivaine, vit dans un chalet alpin avec son mari Samuel et son fils Daniel. Un jour, Samuel est retrouvé mort. Le film va montrer le déroulé du procès visant à établir si Sandra est responsable de la mort de Samuel.

J’ai beaucoup aimé. J’avais peur que 2h30 de film de procès ce soit un peu long, mais à part les 10 dernières minutes (après l’annonce du verdict, en gros), on ne les voit pas passer. Le film prend le temps d’installer les éléments de l’intrigue au début, et d’un coup ça décolle et on est dans un tunnel, la Palme est totalement méritée. Le film montre la perception de la relation de Sandra et Samuel à travers les yeux de Sandra, de Daniel, et via un discours rapporté et des enregistrements, à travers les yeux de Samuel – ainsi que la perception de leur relation par le grand public. C’est très bien joué (sauf peut-être les rôles de la présidente de la cour d’assise et celui de l’avocat général, qui semblent être là pour faire les antagonistes, et je ne suis pas convaincu non plus par le personnage de Marge) – même le chien joue bien. Les enjeux de plurilinguisme (même si on peut regretter de ne pas entendre un mot d’allemand alors que le personnage principal est allemande, pourquoi elle parle en anglais et pas en allemand au procès ?) et d’écriture/création sont réussis.

C’est un peu un retournement du trope de la femme dans le réfrigérateur : la mort d’un homme donne le point de départ de toute l’intrigue, il y a des enjeux de tension dans le couple mais c’est Samuel qui se plaint d’être enfermé à la maison pendant que sa compagne à une carrière brillante – je fais un peu un rapprochement avec Revolutionary Road aussi.

Grosse reco.

Nimona, de Troy Quane and Nick Bruno

Film d’animation adapté du comic éponyme de ND Stevenson. Dans un royaume de fantasy futuriste, les chevaliers protègent la population de toutes sortes de menaces. Pour la première fois, la reine va sacrer chevalier un roturier en plus de la promotion habituelle de nobles. Mais lors de la cérémonie, Ballister Blackheart tue la reine. Poursuivi par l’ensemble des chevaliers dont son petit ami, il va se découvrir un.e allié.e inattendu.e (et indésiré.e) sous la forme de Nimona, qui va se proposer spontanément pour être son sidekick et l’aider à se venger des chevaliers.

Je ne suis pas fan du design de Ballister et Ambrosius (les cheveux longs du comics marchaient mieux pour moi), mais sinon fort bonne adaptation, qui n’hésite pas à s’éloigner du matériel source pour raconter l’histoire un peu différemment en assumant que le changement de medium offre des possibilités différentes. Bonne bande-son, bonnes punchlines, bonne animation (du numérique très classique mais très bien maitrisé).

Je recommande.

Emily the Criminal, de John Patton Ford

Film étatsunien de 2022. Emily (Aubrey Plaza) est diplômée d’une école d’art. Mais à cause d’une mention sur son casier judiciaire, elle galère à trouver un travail qui ne soit pas de l’autoentreprenariat merdique. Via un collègue, elle rentre en contact avec des arnaqueurs à la fausse carte bancaire. Elle va s’engouffrer dans cette voie, la seule qui lui permette de se faire de l’argent pour payer son prêt étudiant.

J’ai bien aimé. Aubrey Plaza porte le film, elle joue très bien la personne coincée dans une situation merdique. On voit ses tentatives de trouver des sources légitimes de revenus, sa peur et sa fébrilité lors des arnaques, et l’escalade de la situation. C’est un film avec beaucoup de tension, qui est très bien rendue, je me suis souvent retrouvé crispé sur mon siège.

Je recommande.

The Guy who didn’t like musicals, de Jeff Blim

Invasion of the bodysingers

Captation d’une comédie musicale de 2018. Dans la petite ville d’Hatchetfield, Paul, un employé ordinaire qui a un crush sur la barista du café proche de son travail, déteste les comédies musicales. Mais la chute d’un météore dans la ville va être le point de départ d’une invasion d’aliens qui prennent l’apparence des humains et communiquent exclusivement en chantant. Dans cette apocalypse taillée juste pour lui, Paul va devoir trouver un sens à sa vie et un chemin pour s’échapper de la ville.

J’ai bien aimé. Le côté théâtre amateur fonctionne très bien avec l’histoire un peu parodique, les références à d’autres comédies musicales aussi, et le côté méta évidemment.

The Man who shot Liberty Valance, de John Ford

Western de 1962. Le sénateur Stoddart revient dans la petite ville où sa légende s’est construite pour l’enterrement d’un vieil ami. Devant l’insistance des journalistes du quotidien local, il finit par raconter les détails de sa relation au mort. Tom Doniphon était un cowboy à l’ancienne qui l’a soutenu quand il est arrivé en ville, espérant implémenter un système judiciaire correct et pousser pour la transformation du territoire en État du Colorado, malgré les pressions des barons du bétail et les attaques de Liberty Valance, le hors-la-loi qui terrorise la ville.

J’ai beaucoup aimé, on est sur du western un peu méta, qui parle de la fin du Far West et l’arrivée de la civilisation dans les territoires non-incorporés. Ransom Stoddard représente l’homme moderne, qui porte un tablier de serveur et croit au système judiciaire, face aux cowboys qui vivent selon la loi du plus fort. Doniphon, joué par John Wayne, sent que son époque est passée, et s’efface pour le bien de la collectivité. Seul quelques personnes connaitront son rôle, joué dans l’ombre.

Les plans sont assez réussis, les personnages souvent archétypaux mais ça fonctionne bien. La structure en flashback (double flashback même)
fonctionne très bien (avec un très beau fondu sur un nuage de fumée).

Je recommande.