Archives de catégorie : Culture/Procrastination

Le Dahlia Noir, de James Ellroy

Roman policier étatsunien paru en 1987 et dont l’action a lieu en 1947 et dans les 3 années qui suivent. Suite à un meurtre particulièrement horrible, une grosse partie de l’effectif du LAPD est affectée à l’enquête subséquente, au détriment de d’autres cas. On suit le point de vue de Bucky Bleichert, un détective qui va, tout comme son partenaire, devenir obsédé par l’affaire, malgré son exaspération initiale pour les moyens qui y sont alloués. En suivant les différentes pistes potentielles, Bleichert va découvrir des cas de corruption policière, lui même dissimuler des preuves, voir son partenaire se perdre dans l’affaire…

Un classique du roman noir, inspiré d’un meurtre réel. Les personnages sont tous antipathiques (avec du racisme et de la violence policière d’époque) mais on voit comment les policiers se laissent totalement absorber par cette enquête (et comment le duo d’enquêteurs que l’on suit plus spécifiquement lutte contre le procureur qui veut fabriquer un coupable pour pouvoir déclarer l’affaire résolue).

La Serre du Bout du Monde, de Kim Cho-yeop

Roman coréen de 2023. Suite à une erreur de laboratoire, la Terre a été envahie par des molécules autoréplicantes, la Poussière. Les Humain.es ont survécu sous des dômes, les écosystèmes se sont effondrés. Plusieurs dizaines d’années plus tard, la situation est revenue à une forme de normalité, les niveaux de Poussière ayant été radicalement abaissés grâce aux actions du Comité Consultatif contre la Poussière. Une chercheuse coréenne qui étudie les écosystèmes de l’époque de la Poussière va découvrir qu’en plus de l’action du CCP, la disparition de la Poussière est due à une seconde cause. En recueillant des témoignages et en menant son enquête, elle va récrire l’histoire officielle de l’Ère de la Poussière.

Sympa à lire mais pas renversant. Les personnages manquent un peu de profondeur, et si le postpostapo est sympa, le post apo est relativement classique dans sa facture.

Buried Deep, de Naomi Novik

Recueil de nouvelles paru en 2024. Globalement bonne qualité, mais je suis assez fan de Novik de façon générale. J’ai particulièrement aimé Seven et The long way Around, que je trouve particulièrement évocatrices dans l’écriture. Il y a un petit côté Les Villes invisibles dans les deux. Seven years from home a un côté Le Guinesque. Les fanfics et histoires s’insèrent dans ses univers plus larges sont sympas mais pas au niveau des standalones

Recommandé sauf si vous êtes une personne sans cœur qui n’a pas aimé la Scholomance.

Libérés de la masculinité, d’Aline Laurent-Mayard

Essai français paru en 2022. En partant de trois figures de stars qui proposent une masculinité alternative (Timothée Chalamet, Harry Styles et Tom Holland), l’autrice aborde les sujets de masculinité hégémonique, de qui peut se permettre de subvertir les codes, de ce que veut dire performer le genre et de comment fonctionne l’hétérosexualité en tant que système politique. J’ai moins accroché qu’à Post-romantique, peut-être parce que j’avais déjà plus de bagage sur ce sujet spécifique. Mais c’est une bonne approche, et je vous rassure, la conclusion d’ALM est que ses trois exemples sont bien des exemples de masculinité hégémonique, peut-être un peu moins toxique que les spécimens classiques (ce qui est déjà un progrès), et qu’on est dans un phénomène classique de réappropriation par le centre des pratiques de la marge pour se renouveler et se maintenir en place. La révolution féministe n’aura pas Chalamet pour porte-étendard, tout reste à faire, et clairement ni par un mec ni par une star.

Bonjour l’asile, de Judith Davis

Film français de 2025.

Jeanne, responsable d’une asso en banlieue parisienne, va pendant 3 jours rendre visite à Élisa, son amie qui est partie vivre à la campagne avec son mari et ses deux enfants. Jeanne est venu pour une session de travail, Élisa étant l’illustratrice des livres de l’asso, mais cette seconde est débordé par l’organisation de sa vie de famille, et elle n’a pas eu le temps de travailler en amont, ni n’arrive à dégager suffisamment de temps pendant le séjour de Jeanne. Jeanne le lui reproche et la tension monte entre les deux amies, chacune voyant en l’autre quelque chose elle a dû renoncer pour être là ou elle en est aujourd’hui. En parallèle, un agent immobilier tente d’acquérir l' »HP », un tiers lieux hébergé dans un ancien hôpital psychiatrique pas du tout aux normes, pour en faire une hôtellerie de prestige. Confronté aux refus répétés des occupant.es, il devient de plus en plus tendu et somatise, voyant cet échec potentiel comme ce qui le ferait choir de sa position dans les sommets bourgeois locaux, étant un transfuge de classe se sentant toujours en insécurité. Les quatre trajectoire (celles des deux amies, les occupants de l’HP et de l’agent immobilier vont converger au cœur de l’HP même.

C’était cool à regarder ! Même si c’est parfois un peu trop didactique parfois (notamment sur le mec benêt de Jeanne qui ne participe pas aux tâches ménagères tout en se disant déconstruit), la satire est réussie, les personnages aussi (notamment Élisa et son double masculin imaginaire, ainsi que tous les habitants de l’HP, même ceux qu’on voit juste en passant, notamment le groupe de parole masculin et évidemment Cindy)

Recommandé.

Querer*, d’Alauda Ruiz de Azúa

TW viols évoqués

Série espagnole de 2024, en 4 épisodes. Après 30 ans de mariage, Miren porte plainte contre son mari Íñigo pour viols conjugaux répétés et violences psychologiques. La nouvelle fait évidemment l’effet d’une bombe dans la famille, et notamment sur ses deux fils, Aitor et Jon. Les deux vont se positionner chacun en soutien d’un des deux parents dans l’attente du procès à venir. On va suivre l’évolution des personnages entre la plainte de Miren et quelques jours après l’annonce du verdict, 3 ans plus tard.

J’ai beaucoup aimé. Les acteurs jouent très juste et les relations familiales sont crédibles. Mention spéciale à l’arc d’Aitor qui prend le parti de son père, mais réalise peu à peu qu’il reproduit certains de ses comportements notamment en termes de gestion de la colère (et de choix de carrière) et que ça n’est pas ok (fortement foreshadowé par son prénom puisque Aitor à la même racine que aita – papa en basque). À côté le personnage de Jon est adorable, mais un peu trop lisse. Et le personnage de Miren bien sûr est très bien écrit, elle fait une victime imparfaite (elle est âgée, elle est restée 30 ans avec son agresseur, elle prend des antidépresseurs…) mais particulièrement crédible, qui trouve le courage de dénoncer des violences dont les preuves sont très ténues (Íñigo n’ayant jamais levé la main sur elle notamment).

Recommandé.

Les Vivants, d’Ambre Chalumeau

Roman français de 2025. Un trio d’ami.es, Simon, Diane et Cora, viennent de finir le lycée. Juste avant la rentrée, Simon est hospitalisé : atteint par un virus rare, il est tombé dans le coma. On va suivre sur l’année les vies de Diane et Cora (et de la famille de Simon) en réaction à cet événement et au reste de leur vie qui continue de se dérouler. On va aussi voir l’historique de la relation entre les trois ami.es, leurs traumas, leurs secrets.

C’était pas désagréable mais ça manquait un peu de matière. C’est très didactique comme roman, et y’a un peu la tentation de la punchline qui ruine l’immersion, j’ai trouvé.

Le Rire et le Couteau, de Pedro Pinho

Film portugais de 2025, avec une modeste durée de 3h30. Sergio est un ingénieur environnemental. Recruté par une ONG, il débarque en Guinée Bissau pour évaluer l’impact environnemental d’un projet de route. Son rapport est attendu par le consortium chinois en charge de la construction, mais Sergio se perd dans la vie nocturne de Bissau, ses échanges avec les ouvriers qui construisent la route, les communautés sur le tracé qu’il va interviewer… Il se lie surtout d’amitié avec Guilherm, expatrié brésilien queer et Doria, guinéenne habitant Bissau. Entre eux, des soirées en clubs, un désir que Sergio (particulièrement mutique et suiveur dès qu’il s’agit d’exprimer une préférence) n’arrive pas à verbaliser mais qui est pour autant perçu et renvoyé par les deux autres.

J’ai bien aimé. Y’a un petit côté Alain Guiraudié (comme le remarque la critique de Libé) dans ce personnage de mec révélateur du désir des autres et du sien propre, mais avec en plus tout le côté déambulation dans différents univers et strates sociales de la Guinée Bissau.

Recommandé (si vous avez un créneau pour un film de 3h30)

Les Sentiers de neige, de Kev Lambert

Roman québecois publié en 2024. On suit la vie de Zoey et Emie-Anne, deux cousin.es pendant les vacances de Noël 2004. Les deux se sentent différent.es du reste de leur famille. Le fait d’être des enfants de 9/10 ans, qui sentent venir la fin de l’enfance et la bascule dans l’adolescence joue un rôle, mais il y a plus que ça, un mal-être général. Et puis il y a cette créature que Zoey voit, et bientôt Emie-Anne aussi : Skyd, un lutin avec un masque, comme dans The Legend of Zelda : Majora’s Mask. Les cousin.es vont se lancer dans une quête pour comprendre ce que leur veut Skyd et s’il peut les sauver de leur famille.

J’ai beaucoup aimé. C’est une forme de réalisme magique assez particulier. Ce n’est jamais complétement clair si les éléments magiques existent réellement ou si c’est seulement l’imagination des deux protagonistes qui les conjurent. Les deux enfants passent à travers une forme subvertie du voyage du héros, avec des pérégrinations qui pourraient bien être purement intérieures.

Dans tous les cas, on a une narration très réussie qui nous embarque dans le point de vue des enfants, leur compréhension sur le monde des adultes, leur complicité, leurs doutes et leurs traumas, la façon dont ils s’approprient des éléments extérieurs pour leurs jeux et aventures. Mais la focalisation n’est pas purement interne aux deux enfants, on a aussi des passages plus omniscients ou prenant la focale de d’autres membres de leur famille.

Recommandé.

Department Q, de Scott Frank

Série anglo-saxonne dont la première saison est parue en 2025. Suite à une fusillade dont lui et son partenaire ont été victime, le détective Morck est affecté au département nouvellement créé des cold cases au sein de la police d’Édimbourg, ce qui est surtout l’occasion de l’éloigner du reste des officiers de la police, que son comportement arrogant insupporte. Relégué au sous-sol du commissariat, le département va se pencher sur la disparition 4 ans plus tôt de Merritt Lindgard, une jeune procureure prometteuse.

J’ai bien aimé. Le perso principal est un génie antipathique à la Dr. House (avec le bonus que c’est un anglais en Écosse donc de base tout le monde le déteste et vice-versa), les deux assistants qui lui sont adjoints sont plutôt réussis aussi (surtout Akram et son flegme à toute épreuve). L’enquête a un peu trop de rebondissements pour être crédible (surtout pour une enquête menée 4 ans après les faits), mais avec une petite suspension d’incrédulité on s’y laisse bien prendre et on a envie d’accompagner les personnages jusqu’au bout.