Tous les articles par Machin

Sukkwan Island, de David Vann

Roman états-unien publié en 2009. Roy et son père Jim s’installent pour un an dans une cabane sur une île de l’Alaska, pour y vivre en autarcie. Roy a 13 ans, mais il comprend rapidement que son père est dans un état mental assez désastreux, il pleure la nuit, il lui partage trop de choses, et il ne sait pas comment se préparer à l’hiver. Le projet ressemble rapidement à une terrible erreur.

Ça se lit rapidement, c’est un roman psychologique. Je n’ai pas été transporté par le style. Dans le style « descentes aux enfers en pleine nature » j’ai préféré La Rivière.

Terrasses, de Laurent Gaudé

Court roman de 2024, qui revient sur les attentats du 13 novembre 2015.

Gaudé écrit très bien, toute la première partie prend aux tripes (sur les journées qui se déroulent sans conscience du drame qui approche, sur les premières attaques) et fait pleurer.

Je suis plus réservé sur la fin, à la fois certains points de la ligne narrative des deux amoureuses (je vois l’idée d’avoir mis en scène un couple lesbien, mais y’a un côté « tragic lesbians », et autant le versant « attirance romantique » de la relation me semble bien écrite, autant le versant « attirance sexuelle » je suis moins convaincu), et tout le côté « on montrera qu’on a vaincu en retournant en terrasse », qui me semblait débile à l’époque et me semble débile maintenant. Néanmoins globalement ça vaut le coup de le lire, comme beaucoup de Gaudé.

Nobody wants this, de Lindsay Golder

Comédie romantique parue en 2024. Joanne est une californienne qui gagne sa vie en enregistrant un podcast avec sa sœur, qui parle de sexualité. Noah est un jeune rabbin qui a mis fin à ses fiançailles. Les deux vont se rencontrer et avoir un coup de foudre l’un pour l’autre, par dessus leurs différences culturelles.

C’était une bonne série romantique. La chimie entre les deux persos fonctionne, il y a des rebondissements pas trop clichés, les persos secondaires (les losers siblings notamment, la relation aux parents) sont réussis. Pas une série inoubliable, mais une réussite pour une série de vacances.

Les Navigateurs, de Serge Lehman et Stéphane De Caneva

Bande dessinée parue en 2024. Trois amis d’enfance retrouvent brièvement la 4e comparse de leurs aventures, revenue dans leur ville d’enfance avant qu’elle ne disparaisse dans des circonstances mystérieuses. Leurs tentatives de la retrouver vont mener à la découverte de mystérieuses découvertes dans l’histoire et la géographie du bassin parisien, liées à la mer qui recouvrait les lieux dans la Préhistoire, quand le niveau de l’eau était 60 m plus haut, et à une mystérieuse société qui garde ce secret.

J’ai pas mal aimé, mais de façon générale j’aime bien les marottes de Lehman à base de puissance cachée des lieux et de mondes oniriques. Le dessin de Caneva fonctionne bien avec. Un bémol sur le fait que les personnages féminins sont assez inexistants et servent juste à faire avancer l’histoire des mecs.

Here, de Robert Zemeckis

Film états-unien paru en 2024, adaptation de la bande dessinée éponyme. On suit en plan fixe la vie d’une famille sur deux générations dans une maison, avec des passages sur les occupant.es précédents et suivants de la maison, et les événements qui se sont passés sur place : la disparition des dinosaures, la vie de natifs-américains, des événements liés à l’indépendance des États-Unis, la construction de la maison… Rien d’inouï, mais des vies ordinaires vues via la répétition des fêtes et temps collectifs, des naissances, des morts, des moments du quotidien. Pour reprendre la bande dessinée, certains cadre à l’écran permettent de superposer des époques et de montrer plusieurs événements de façon simultanée.

Sans être révolutionnaire, c’était bien fait et sympa à voir. Un point négatif quand même : pour un film de 2024 qui parle de l’espace domestique ça se focalise quand même beaucoup sur les mecs.

Slaughterhouse 5, de Kurt Vonnegut

Roman états-unien de 1969. On suit la vie de Billy Pilgrim, un opticien états-unien qui a participé à la seconde guerre mondiale sur le front européen et a assisté à la destruction de Dresde sous les bombardements alliés. Billy est affecté par un « détachement temporel » : il perçoit sa vie non pas de façon linéaire, mais en faisant des allers-retours (de sa conscience, son corps reste là où il est) entre différentes époques. Il pense aussi avoir été enlevé à une période de sa vie par des extraterrestres qui perçoivent l’intégralité du temps simultanément (et considèrent le libre-arbitre comme une invention des Humain.es du coup). L’aspect SF est plus un plot-device qu’autre chose, je ne le décrirai pas comme un roman de SF malgré les extraterrestres et le détachement temporel, c’est d’abord un roman sur la seconde guerre mondiale et ses conséquences sur les personnes qui y ont participé.

L’écriture est un peu méta, avec un premier chapitre qui parle des conditions d’écriture, et des moments où le narrateur par ailleurs omniscient dit « j’étais là durant cette scène, j’étais aussi dans ce convoi de prisonniers ».

Je recommande.

My Old Ass, de Megan Park

Film canadien paru en 2024. Elliott, tout juste 18 ans, prend des champis avec ses amies. Alors que les deux autres ont un trip classique, Elliott voit apparaitre à ses côtés son moi du futur, âgée de 39 ans, qui lui donne quelques conseils : profiter du temps avec sa famille, être gentille avec sa mère, et ne pas s’approcher d’un dénommé Chad.

Évidemment, Chad ne va pas tarder à apparaitre dans la vie d’Elliott, sous la forme d’un saisonnier sur la ferme de cranberries de ses parents. Elliott va donc naviguer son dernier été chez elle entre inquiétude du départ (elle part à l’université à Toronto à la rentrée), carpe diem des moments avec ses amies et sa famille, romance avec son crush d’enfance, et début de relation avec Chad que malgré les avertissements du futur elle trouve assez attirant.

Les paysages sont beaux et c’est plutôt bien joué, mais je n’ai pas été emporté. C’est une histoire de coming of age mais que j’ai trouvé assez peu originale : le voyage dans le temps ne sert finalement pas à grand chose, et Audrey Plaza est scandaleusement sous-exploitée. Le fait d’avoir une protagoniste queer est quand même sacrément miné par le fait que la romance au cœur du film est straight : si le côté « ah peut-être que je ne suis pas lesbienne mais bi ou pan ou autre » est intéressant, finalement c’est évacué en 5 secondes.

Le fait d’avoir dans le rôle principal une actrice qui avait vraiment ~18 ans au moment du tournage fonctionne bien : selon les plans on se dit « ah oui c’est vraiment une enfant » puis « ah non c’est une adulte » avec quelques microchangements d’expression, de comportement. Ca retranscrit bien le côté âge-charnière.

Wicked, part 1, de Jon M. Chu

Film étatsunien de 2024, adaptation de la comédie musicale éponyme, elle même adaptation du livre de Gregory Maguire. Je suis un grand fan de la comédie musicale, donc j’étais à la fois impatient et dans l’appréhension de ce qu’allait donner l’adaptation en film, mais franchement ça va. Je ne suis pas convaincu totalement par toutes les reprises des chansons, mais ça reste très fidèle aux versions de la comédie (avec parfois un peu plus de parlé-chanté), et des thèmes musicaux qui reprennent les motifs principaux entre les phases de chansons.

Visuellement, c’est saturé d’effets spéciaux la plupart du temps, mais c’est un kitsch qui fonctionne bien avec l’esthétique de la comédie musicale. Cynthia Erivo et Ariana Grande sont toutes les deux très bien castées et habitent bien les deux rôles principaux (et le reste du cast fonctionne bien aussi, Jeff Goldblum en tant que Wizard c’était le choix de la facilité mais c’est exactement ce qu’on voulait, Fiyero et Mme Morrible sont très bien aussi). Il est un petit peu trop mis l’accent sur le fait que Glinda est écervelée dans cette partie 1 (je pense que c’est la partie 2 qui donne plus d’épaisseur au perso anyway), mais c’est vraiment un reproche mineur. Le fait que les effets spéciaux s’arrêtent pendant la scène où le Wizard montre ses plans pour Oz aux deux héroïnes est bien trouvé (vu qu’il ne maitrise pas la magie on le voit juste montrer des maquettes et faire des ombres chinoises), et l’apparition d’Idina menzel et Kristin Chenoweth a été une vraie surprise et un très beau clin d’œil.

Recommandé avec tout mon petit cœur de fan.

Tu devrais voir quelqu’un, de Maud Le Rest

Essai paru en 2024, sur le sujet de la santé mentale et de sa gestion chez les hommes en France. L’autrice part du constat que les femmes sont largement plus socialisées à exprimer leurs émotions et à avoir une approche médicalisée de leurs corps et de leur psyché, et qu’elle représentent donc une large majorité des personnes qui consultent des psychologues/psychothérapeutes et psychiatres. À l’inverse, les hommes sont éduqués à se présenter comme autonomes et donc à ne pas rechercher de l’aide.

Via un appel à témoignages, des anecdotes issues de sa vie personnelle, et des entretiens avec des professionnel.les de la santé mentale, Maud Le Rest dresse le constat de l’impact de cette socialisation différenciée aux soins psychiques : des personnes de genre masculin qui n’identifient pas leurs problèmes, refusent d’aller consulter par incompréhension de ce que ça peut leur apporter et/ou par fierté, par peur de perdre le statut associé au groupe de la masculinité hégémonique. Des personnes qui vont laisser leur état mental se détériorer, qui vont faire porter la charge psy sur leurs compagnes (dans le cas de couples hétéros), qui vont parfois aller consulter pour parler des problèmes de leurs mecs, ou sur les femmes de leur entourage, la capacité à avoir des discussions abordant des sujets émotionnels étant beaucoup plus réduite dans les relations amicales H/H.

C’était intéressant comme sujet, mais comme souvent avec les essais journalistiques je trouve que ça reste un peu en surface. Par ailleurs, si je ne doute pas que tous les cas décrits soient réels, je trouve qu’on est sur des modèles de masculinité un peu caricaturaux, pour mon usage personnel ça m’aurait davantage intéressé de voir des cas d’hommes qui sont quand même un peu plus déconstruits/conscientisés sur d’autres thématiques féministes mais pour lesquels la question de la santé mentale reste bloquante (oui, je suis en train de me plaindre que ce livre ne soit pas à propos de moi).

Vingt Dieux, de Louise Courvoisier

Film français paru en 2024. À la mort de son père, Totone, 18 ans, doit trouver comment gagner de l’argent, lui qui passait son temps dans les bals de village. Après un petit boulot dans une fruitière, lui vient l’idée de faire son propre comté pour gagner un prix agricole et la somme qui va avec. Il va donc se débrouiller pour voler du lait et mettre en place une installation qui lui permette de produire à l’ancienne un comté au chaudron.

J’ai bien aimé. Il y a quelques longueurs (les scènes de bar/fête au début notamment), mais le film montre sans misérabilisme ni romantisme la vie de personnages à la fois un peu idiots et attachants. Les acteurs non-professionnels jouent très bien (surtout la plus jeune, qui joue Claire), de belles scènes notamment quand Totone et Claire retentent une dernière fois de récolter le caillé ensemble. La relation de Totone et Marie-Lise est bien mise en scène aussi.