Tous les articles par Machin

Little Joe, de Jessica Hausner

Film anglais de 2019. Alice est chercheuse, elle crée des plantes génétiquement modifiées. Sa dernière création est une plante fragile qui demande de l’entretien, mais produisant un précurseur de l’ocytocine, pouvant donc rendre heureuse son propriétaire. Elle va se rendre compte progressivement que la plante fait en sorte d’être disséminée par les gens qu’elle affecte, pour compenser la stérilité génétiquement imposée.

C’était pas ouf. Globalement ce qui se passe est rapidement annoncé par des personnages qu’Alice ne croit pas, puis progressivement elle va accepter cette réalité. En termes de scénario et de rythme c’est assez plat. Par contre c’est joliment filmé (sans être très novateurs en terme de plans, les couleurs sont assez belles, y’a une petite vibe Utopia), et y’a une bande son à base de sons discordants qui est assez originale et appuie bien la tension du film. Mais ça manque vraiment d’un scénario qui tient bien, ce qui est d’autant plus dommage que le point de départ d’une plante modifiant le comportement d’humains était intéressant.

Vertigo, d’Alfred Hitchcock

Thriller états-unien paru en 1958, inspiré d’un roman de Boileau et Narcejac. John Ferguson est un ancien inspecteur de police qui a démissionné quand son acrophobie l’a empêché de poursuivre un suspect et a causé la mort d’un agent. Il est engagé par un ancien camarade de promotion qui lui demande de surveiller sa femme, Madeleine, qui lui semble possédée par l’esprit d’une de ses ancêtres qui s’est suicidée au même âge. Ferguson va suivre Madeleine, et en tomber amoureux, tout en constatant son comportement effectivement très mystérieux.

J’ai bien aimé, de très beaux plans sur San Francisco, un usage du dolly zoom pour représenter le vertige novateur pour l’époque des personnages assez clichés mais qui fonctionnent dans le cadre d’un film noir. Une séquence de rêve avec de l’animation qui était aussi assez inattendue mais très réussie. Ferguson est assez détestable dans la seconde partie du film quand il est obsédé par une femme qui ressemble à Madeleine, mais les deux personnages féminins que sont Madeleine et Midge, même si elles sont pas mal caractérisées par leur amour de Ferguson, sont plutôt réussies.

Recommandé, mais dans l’absolu j’ai préféré Rear Window.

Rear Window, d’Alfred Hitchcock

Film états-unien paru en 1954. Jeff est un photo-reporter habitué aux sensations fortes, contraint de rester chez lui suite à une jambe cassée. Pour se distraire, il observe les voisins dont les appartements donnent sur la même cour que son logement. Le comportement étrange d’un des voisins va le convaincre qu’il a tué sa femme, et Jeff va tenter d’en convaincre un de ses amis qui est détective, mais sa capacité à réunir des preuves alors qu’il est confiné à sa chambre est assez faible…

C’était cool. On épouse totalement le point de vue de Jeff, tout le film est tournée depuis un point de vue qui correspond à la chambre, avec des vues panoramiques ou plus resserrées sur la cour, qui apparaît comme un théâtre devant les yeux de Jeff. À l’histoire principale sur le meurtre se rajoute les histoires qui se jouent dans les autres appartements, la musique est diégétique – fournie par un musicien en train d’écrire une pièce. Y’a du sexisme d’époque avec Jeff qui mate sa voisine (et un point de vue que le spectateur est totalement invité à adopter), mais en même temps deux personnages féminins très réussis, la fiancée et l’infirmière de Jeff, qui vont l’aider dans son enquête. Si Jeff est assez condescendant avec sa fiancée, pour le coup là le film lui donne plutôt tort, parce que même si elle apparaît comme une ravissante idiote par moment, elle est aussi dégourdie et autonome.

Recommandé.

Bref, saison 2, de Kyan Khojandi

Série dont la première saison en format ultra court, était parue en 2012 (82 ep de quelques minutes à chaque fois). Nouvelle saison 13 ans plus tard, où les personnages ont tous 13 ans de plus. Le format est complètement différent puisqu’on est sur 6 épisodes de 40 minutes (beaucoup plus classique donc).

J’ai bien aimé. Le côté introspectif fonctionne bien, la façon de revenir sur la saison 1 et de dire « hey mais en fait ce personnage était un sacré connard » est réussie (clairement #MeToo est passé par là), le fait d’avoir d’autres points de vue et de voir comment Je les accepte ou non aussi, ainsi que l’aspect bilan à la quarantaine aussi. Gros casting de stars de YouTube/des séries en format court aussi, ce qui est assez chouette.

Une fin qu’on voit pas mal arriver et des passages obligés, mais ça fonctionne néanmoins.

Je recommande.

The Brutalist, de Brady Corbet

Film étatsunien paru en 2024, tourné en Vistavision (sur de la pellicule plutôt utilisée dans les années 70’s, donc) et qui dure 3h35 (dont 15 minutes d’entracte). On suit László Tóth architecte juif et hongrois rescapé des camps de la mort, qui émigre aux États-Unis au début des années 50s. D’abord anonyme travaillant pour la société d’ameublement de son cousin puis pour les travaux publics, il retrouve finalement une position d’architecte grâce à un très riche mécène qui va lui commander la construction d’un centre communautaire, un édifice gigantesque que László va concevoir selon le style brutaliste.

C’est un film sur l’Art et les créateurs : si László est montré comme totalement humain, avec des addictions, des côtés insupportables, il est aussi montré comme possédant une vision que les autres n’ont pas et sur laquelle il refuse de transiger. Le film montre aussi la réalité de la création architecturale : les questions de délais, de matériaux, de gestion de chantier, et de cajolement des mécènes (et de ce point de vue là c’est un bien meilleur film sur l’architecture que Megalopolis). László est un personnage complexe, pas très sympathique (il peut être colérique, il a une addiction aux opiacés) mais avec pas mal de traumas.

Vu le titre du film j’aurai bien voulu plus d’architecture brutaliste : on voit finalement assez peu le bâtiment, puisqu’on se concentre sur sa construction. Et vu la durée du film j’aurai été preneur aussi de plus d’éléments résolus ou qui ont un impact : là il y a beaucoup de choses qui se passent et puis on y revient assez peu (c’est très clairement volontaire mais quand même un peu frustrant). Mais à part ça, on se laisse pas mal emporter par le film, il se passe plein de choses, on a largement le temps de voir les personnages se développer et faire évoluer leurs relations (et de détester les connards comme Harry).

Ape Out, du studio Devolver

Jeu vidéo paru en 2019. On joue un gorille qui s’échappe de différents environnements : un laboratoire, un gratte-ciel, une zone de guerre, un bateau. Pour ça, il faut traverser le niveau sans se faire tuer par les humains, potentiellement en les tuant en premier. On a globalement deux mouvements : balancer les humains ou les prendre pour s’en faire un bouclier (puis les balancer), et l’intelligence d’être stealthy malgré le fait d’être un gorille massif.

C’était cool. C’est un jeu court qui se fait en quelques heures, avec une très belle DA (on voit tout de dessus mais pas de façon omnipotente, le champ de vision est obscurci par les obstacles. Et surtout il y a une bande son composée de percussion de jazz, qui réagit à l’action du jeu (s’accélère en fonction du nombre d’ennemis, cymbale lorsqu’on tue qq, autres éléments contextuels). Je recommande.

Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-eda

Film japonais paru en 2018. Un soir d’hiver, une famille trouve la fille de leurs voisins en t-shirt sur le balcon. Ils recueillent l’enfant et lui donnent à manger. Révoltés par les mauvais traitement subis par l’enfant, ils décident de la garder avec eux. Cet enlèvement vient s’ajouter à un mode de vie déjà marginal : ils vivent à 4 adultes et un premier enfant dans une toute petite maison, vivent de vols à l’étalage, d’une pension de retraite et de petits boulots ; et les liens familiaux entre eux sont plus compliqués qu’il n’y parait au premier abord.

J’ai bien aimé, c’était assez posé, l’effet de découverte progressive des relations familiales fonctionne bien, les personnages sont à la fois assez attentifs les uns aux autres et très wtf dans leur relation à la société en général dont ils ne suivent pas du tout les règles.

Recommandé.

Challengers, de Luca Guadagnino

Film états-unien paru en 2023. Art et Patrick sont deux tennismen junior. Élèves dans un internat pour sportifs prometteurs, ils sont extrêmement complices. Ils font la rencontre de Tashi Duncan, une tenniswoman de leur âge extrêmement talentueuse et très belle. Les deux vont tenter de la séduire, initialement de façon non compétitive (une jolie scène de baiser à trois). Mais Tashi est obsédée par le tennis et déclare aux deux amis qu’elle sortira avec celui des deux qui gagnera le match qu’ils ont le lendemain : ce sera Patrick. Mais Tashi se retrouve à Stanford avec Art, pendant que Patrick continue le tennis professionnel. Suite à une blessure grave de Tashi qui la force à arrêter le tennis, c’est Art qui est à ses côtés, et c’est avec lui qu’elle va construire sa vie, devenant sa femme et sa coach. Mais Art n’est pas aussi talentueux que ce que Tashi voudrait qu’il soit pour deux, et elle a encore des sentiments pour Patrick, …

Comme les précédents films de Guadagnico que j’ai vu, je ne suis pas très convaincu : il y a de bons passages, des idées de mise en scène intéressante, une partie de la psychologie des personnages développée est intéressante, mais c’est toujours partiel : finalement on est sur un triangle amoureux très classique, où si les persos masculins sont bien caractérisés, les motivations de Tashi elle-même reste une boîte noire (et l’obsession des deux amis pour elle est assez basique aussi). Le montage qui coupe l’histoire avec des A/R passé/présent la rend artificiellement mystérieuse, alors que c’est finalement assez classique. Certains effets (le cour filmé par en dessous du terrain transparent, le POV de la balle ou des joueurs par moment sont intéressant, mais deviennent rapidement gadget. La musique est beaucoup trop présente et insistante à mon goût.

Bref, du potentiel mal exploité.

Nosferatu, de Robert Eggers

Film fantastique de 2024, remake des deux versions précédentes (Murnau, 1922 et Werner Herzog, 1979). Dans la ville de Wisburg en 1838, Thomas Hutter est chargé par son patron d’aller faire signer à un client, le comte Orlok, le bail d’une propriété qu’il souhaite acquérir à Wisburg. Thomas s’embarque pour un voyage de 6 semaines jusqu’aux Carpathes, ou le comte l’accueille dans son château en ruine. Thomas ne réalise pas que son patron est en fait de mèche avec le comte et que le contrat qu’il fait signer le fait en réalité renoncer à ses droits maritaux au profit du comte, obsédé par sa femme depuis que celle-ci l’a fait revenir à la vie avec une prière dans sa jeunesse (parce que pourquoi pas).

Ça reprend fidèlement l’histoire du film de Murnau, qui est un décalque non-autorisé de celle de Dracula (ce qui explique les noms changés, mais sinon ce sont vraiment les mêmes ressorts). C’est assez long (2h10), mais j’ai bien aimé l’ambiance. Comme ça se base sur un vieux film, forcément c’est pas du tout le rythme d’un film moderne, mais les ambiances sont réussies, avec des espèces de nuit américaine qui baignent le film dans des ton grisâtres. Tous les effets qui jouent avec l’ombre du vampire marchent assez bien, la scène où l’ombre de sa main s’étend sur la ville entière notamment, très beau symbolisme et on voit bien l’hommage à l’expressionnisme allemand de l’original. L’apparence du vampire lui-même d’ailleurs, en espèce de cadavre répugnant (on n’est pas du tout dans le vampire sexy) est très réussie aussi.

Je recommande (si vous aimez les vampires dégueulasses).

Harlem Shuffle, de Colson Whitehead

Roman policier paru en 2021, qui se passe dans le Harlem des années 60. Ray Carney est un marchand de meubles noir installé de Harlem. Il a à cœur de réussir sa vie et de grimper socialement, avec le contre exemple de son père qui était un petit criminel. Mais en même temps, Carney a un pied dans le monde criminel, où sa boutique sert de façade pour faire du recel d’objets volés. D’abord focalisé sur les télés, radios et autres meubles qu’il peut écouler dans le cadre de son activité de jour, Carney se met progressivement à écouler des bijoux et autres artefacts. On va le suivre en focalisation interne (mais on a un narrateur omniscient donc par moment on va avoir des précisions extérieures à Carney sur certains éléments) sur trois périodes, trois affaires criminelles desquelles il va se mêler, souvent par l’intermédiaire de son cousin Freddie.

J’ai trouvé ça moins prenant que d’autres romans de Colson Whitehead que j’ai pu lire (Nickel Boys, The Underground Railroad), c’est peut-être parce que celui-ci est le premier que je lis traduit plutôt que de lire la VO. Mais ça reste un bon roman, on se fait embarquer par la vie de Ray Carney et le Harlem de l’époque, avec sa vie pour beaucoup parallèle à celle des quartiers blancs voisins, mais qui trouve des intersections lors d’émeutes suite à des violences policières, ou lorsque la police vient récupérer son enveloppe auprès des criminels notoires (dans un move qui fait penser à Serpico).