Essai d’Histoire sur le sujet. L’auteur retrace les évolutions de l’opinion française de la fin des années 30 et sous le gouvernement de Vichy, en se basant sur les archives de la presse de l’époque et les synthèses faites par les préfets de Vichy en se basant sur l’interception du courrier (comme quoi on critique la Surveillance Globale mais ça file plein de matière aux historien.nes).
L’auteur montre que l’état du discours public et de l’opinion publique de la fin de la IIIe République a facilité le glissement vers Vichy : fake news en masse notamment sur la situation internationale, confusionnisme des positions politiques (entre le pacifisme, l’antifascisme, l’anticommunisme, les retournements d’alliance (pacte germano-soviétique) et de position des hommes politiques français…), discours général sur la décadence et la dégénérescence morale… (Toute ressemblance avec la situation actuelle…). La drôle de guerre avec son attente et son absence d’événements suite à la mobilisation puis le choc de la défaite et de l’Exode achèvent de complètement mettre par terre toute possibilité de comprendre ce qui se passe et d’avoir des représentations claires des enjeux.
Sous Vichy même, l’auteur montre comment à la fois les positions « 40 millions de Résistants », « 40 millions de Collabos » et « 40 millions de personnes qui attendent de voir de quel côté le vent tourne » sont toutes fausses. Le gouvernement de Vichy commence avec une forte adhésion à la personnalité de Pétain, considéré comme se sacrifiant pour la France et l’incarnant (les affiches « Êtes vous plus français que lui », tout ça. Dans un pays qui traverse une crise de l’identité nationale, Pétain fait office de repère, d’ancrage pour cette identité. Il y a une rumeur persistante qu’il travaille de concert avec De Gaulle et qu’il a un plan sur le long terme où il mène les Allemands par le bout du nez (là aussi on peut dresser des // avec Q-anon). Cette adhésion initiale à la figure de Pétain est d’abord concomitante à une adhésion au gouvernement de Vichy mais s’en détache rapidement, avec Laval comme figure repoussoir du gouvernement qui prêche la collaboration. Puis l’image de Pétain se dégrade elle aussi, il perd son aura de chef qui fait ce qu’il peut au fur et à mesure, il est plus pris en pitié.
En parallèle, les sentiments à l’égard de la Résistance évoluent au fur et à mesure qu’elle se structure : beaucoup de sentiments négatifs restent présent jusqu’à la fin envers les maquis comme faisant courir des risques à la population, mais en // ces maquis ne peuvent se maintenir que grâce à de larges réseaux de solidarité à travers la population. La répression démesurée des maquis fait qu’à chaque fois que les gens sont gênés par leurs actions, ils ont une démonstration immédiate que l’antithèse est largement pire. La collaboration accrue au fur et à mesure du temps de l’État Français avec les autorités allemandes (actions de police conjointe, mise en place du STO) décrédibilisent de plus en plus Vichy comme une figure incarnant une France indépendante face à l’Allemagne (et aux autorités d’occupation) pour l’afficher comme un État vassal, et renforce la Résistance comme la figure d’une France indépendante.
L’auteur montre aussi que les Français.es restent largement désinformés et dans l’attentisme pendant la guerre : l’évolution des sympathies est précocement du côté des Alliés et de la Résistance, avant que le conflit ne bascule en leur faveur, mais les préoccupations quotidiennes (le rationnement notamment) et le flou des infos fait que cette approbation ne se traduit pas en actions.
En conclusion, l’auteur dit que le trait principal de l’opinion publique durant la période est l’ambivalence. Si les Français étaient majoritairement et précocement favorables à la Résistance, cette approbation ne s’est traduite en actes que pour une très petite minorité. Mais cette absence de soutien effectif à la Résistance ne veut pas dire ni une approbation de Pétain, ni de Vichy, et encore moins de la Collaboration qui est très tôt un repoussoir pour une très grosse majorité.
Livre intéressant. Actuellement j’ai trouvé en foire Amnesty des livres écrits en 1993 qui sont d’une actualité folle sur certains sujets politiques et de régime :
– Les politocrates,
– De Gaulle, Mitterrand et l’esprit de la constitution.
À lire en sautant des passages mais en s’arrêtant sur certains points de lucidité.