Double ration de merde. C’est ça la République.

On vit vraiment une période merveilleuse, non ?

En plus de voir un parti fasciste, raciste, sexiste, homophobe et qui n’est pas Les Républicains au second tour de la présidentielle, il faut en plus se taper Manuel Valls se permettant de donner des leçons d’antifascisme dans les médias, lui qui a tout fait pour imposer ces thématiques dans le débat public (« Les Rroms n’ont pas vocation à rester en France », vous vous rappelez ?) et permettre le plus de dérives sécuritaires à l’État (eh oui, on est toujours en État d’urgence, 535 jours and counting). Je passerais bien 5 copies doubles à vous expliquer pourquoi Manuel Valls devrait être exilé à Clipperton (et encore, ça précipiterait probablement la constitution d’un black block de fous masqués), mais ce serait encore lui faire trop d’honneurs.

On a donc la possibilité au second tour de voter pour un pur produit du système (oui Manu, quand on a fait Science-Po, l’ENA, une banque d’affaires et qu’on a eu un portefeuille ministériel, on est l’incarnation même du système élitiste français, n’en déplaise à tes conseiller⋅e⋅s en communication) ou de choisir une des nuances de l’abstention (blanc, nul, néant, je vous laisse choisir, le résultat est le même). Je précise au cas où : voter Le Pen ce n’est pas un choix, c’est une erreur magistrale (si vous êtes pauvre, parce que ça va durement vous retomber dessus, vous avez tout à y perdre) ou l’expression de votre dégueulasserie profonde si vous savez ce que vous faites.

Bref, on a donc un repoussoir moral bien pratique pour balayer sous le tapis tous les défauts de l’autre option de la pseudo-alternative, tellement sûr de gagner qu’il a visiblement décidé de lâcher un peu trop tôt le masque de gendre idéal cachant son vide sidéral, et qu’il fait visiblement campagne pour perdre. C’est un sale type imbu de lui-même, pas capable pour un sou de comprendre que la question dépasse un peu sa petite personne et ses calculs politiciens à deux balles et d’appeler sérieusement à une union contre le fascisme (non je ne vais pas utiliser le terme de Front Républicain parce que justement le Front Républicain c’est utilisé pour aligner tout le monde derrière le sale type en pole position, aussi dégueulasses que soient ses idées tant que c’est pas nominalement le FN, et chacun⋅e est prié⋅e de fermer sa gueule et de remercier. C’est ce que veut Macron, et très peu pour moi).
Les gouvernements PS et LR (ou autres acronymes) qui se sont succédé ces dernières décennies ont tout fait pour reprendre les thèmes du FN, sa rhétorique, casser les forces d’opposition de gauche, détruire les logiques de solidarité (le délit de solidarité avec les migrants, par exemple), faire rentrer toujours plus de domaines dans la logique de marché et renforcer l’appareil sécuritaire. Ils ont œuvré à l’acceptabilité du FN dès que possible, pour y récolter des profits électoraux à court terme (ce qui d’ailleurs montre bien que le FN ne va pas améliorer la situation des classes populaires : si c’est l’imitation low-key du FN qui fait qu’on en est là en terme de situation sociale pourrie, ce n’est pas l’application plus intense du même programme qui va améliorer quoi que ce soit).

Néanmoins, aussi détestable que soit l’arrogance d’Emmanuel Macron, et aussi jouissive que soit l’idée de le voir perdre, il ne faut pas perdre de vue le fait que le voir perdre c’est voir gagner le FN (à moins bien sûr de prendre au sérieux l’injonction « La présidentielle n’aura pas lieu » et de lancer l’insurrection le 7 mai vers 19h45, mais je n’ai tristement pas l’impression que ce soit d’actualité. Si je me trompe, ajoutez moi sur la mailing-list [Grand Soir], merci d’avance). Et voir gagner le FN, c’est aller plus loin et plus vite encore qu’actuellement dans les politiques sécuritaires, la xénophobie, la légitimation des violences policières, la casse sociale. C’est se compliquer encore considérablement la lutte.

Si on n’a rien à gagner avec Macron, on a tout à perdre avec Le Pen.

Après, résumer la politique au cirque présidentiel et à sa mise en scène à grands flonflons médiatiques, c’est un peu court (même si hélas, ce cirque est suivi d’effets). Il y a des législatives derrière, et plus important que l’action le jour de l’élection il y a le militantisme, les actions et les discussions en amont pour rendre visible les idées et les forces de gauche dans le débat public. Il y a les manifestations, l’éducation populaire, les réseaux de solidarité, il y a plein de formes que votre action peut prendre en dehors du vote. Faut pas perdre de vue que même si c’est pas trop la tendance actuellement, un⋅e président⋅e ça se destitue, et un régime oppressif ça se renverse (pour rappel, l’article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs », même si de nouveau, je suis bien conscient que ça ne semble pas trop être le mouvement actuel).

Et si vous considérez qu’il y a une différence de degré seulement et non de nature entre les deux termes de l’alternative, il est compréhensible que valider d’un bulletin le fait d’aller dans la même direction, mais moins vite, ça ne semble pas une perspective joyeuse pour nombre de camarades. Celleux qui choisiront l’abstention ne seront pas responsables de la situation qui s’ensuivra, quelle qu’elle soit. Les responsables, ce sont les personnes politiques actuelles, ce sont les éditorialistes complaisant⋅e⋅s, ce sont tou⋅te⋅s celleux qui encouragent à la dépolitisation et à l’absence de réflexion, tou⋅te⋅s celleux pour qui « Il n’y a pas d’alternative » aux politiques actuelles, tous ceux qui encouragent le racisme, la haine en leur prêtant voix ou juste en leur laissant une tribune.

Bref, le 7 mai, pas une voix pour le FN, mais surtout dès le 8 mai, quel que soit le résultat, pas une voie pour le Système. On manifeste, on s’insurge, on résiste, on milite. On n’accepte pas la casse sociale, on rappelle à Macron que s’il est là c’est pas lui qui a été choisi, ou dans le pire des cas on montre au FN qu’il n’aura pas la possibilité d’imposer ses politiques fascistes.

Voilà, quelques liens en sus sur la tension abstention/vote Macron.
Bisous et luttes sociales.

Cesser de hurler que l’important est de faire barrage aujourd’hui et on verra demain, — Bondy Blog

Voter Macron ? Oui, hélas. — Les Mots Sont Importants

Pourquoi je ne peux pas voter Macron — Medium

Macron ou l’abstention, l’inutile querelle — blog de Léonard Bartier sur Médiapart

Guerre sociale ou guerre civile ? Macron et Le Pen vont au second tour — Contretemps

Ce n’est pas tant Le Pen qui s’est normalisée que le normal qui s’est lepénisé — Le Pire n’est Jamais Certain.


La peur viscérale et l’instinct de survie
— blog de Faïza Zerouala sur Médiapart

Plus le Front national est fort, plus certains d’entre nous sont en danger — Titiou Lecocq sur Slate. J’ai un bémol sur cet article cependant : pour moi la violence économique n’est pas indirecte et donc moins grave que la violence physique, les gens qui meurent de froid dans la rue ou se suicident au travail ils sont pas moins morts à la fin. Mais le FN ne remplacera pas cette violence économique par de la violence physique de toute façon, il ajoutera les deux, et il les exercera en priorité sur les minorités (les personnes précaires sont d’abord les femmes, les personnes de couleur, les LGBT…)

Deux fils twitter aux vues divergentes :

Face au Front National: réponse aux pompiers pyromanes qui ont voté Macron — blog d’Olivier Tonneau sur Médiapart
Arraisonner le vote — blog de Diane Scott sur Médiapart

De la prise d’otages — blog de Frédéric Lordon sur le Monde Diplo

Après l’élection :

Pour un nouveau Front antifasciste — Samuel Hayat sur Libération

Une réflexion sur « Double ration de merde. C’est ça la République. »

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