Nancy 2024

Une semaine de vacances dans le Grand Est, où j’ai été accueillie par des amies à Nancy, Metz puis Strasbourg.

On commence donc par Nancy, où on a profité avec P. du jardin éphémère sur la place Stan, des concerts des NJP (Nancy Jazz Pulsations pour les non-initié·es), d’une soirée jeu, et d’une météo relativement clémente pour la saison. C’était chouette de revenir une fois de plus dans cette ville (d’autant plus que j’ai perdu mes photos des fois précédentes suite à une mauvaise sauvegarde)

Jardin éphémère

American elsewhere, de Robert Jackson Bennett

Roman fantastique US paru en 2013, par le même auteur que la trilogie de fantasy The Founders. Mona Bright découvre à la mort de ses parents que sa mère possédait une maison à Wink, petite ville du Nouveau Mexique qui n’apparait sur aucune carte. Wink se révèle une ville construite pour héberger les travailleurs du laboratoire Coburn, un laboratoire de physique expérimentale qui est désaffecté depuis de longues années. Mais les expériences du laboratoire ont été un succès : Wink n’est pas le foyer uniquement d’humain.es, mais aussi d’entités plus mystérieuses, qui ont passé un marché avec les humain.es : leur présence et leurs maniérismes sont acceptés, et en échange ils peuvent faire de Wink l’incarnation du rêve américain, où chacun a un pavillon et une pelouse parfaitement tondue.

Des éléments intéressants, mais le livre est trop long. Il y a tout un ventre mou de l’installation de Mona à Wink, qui aurait dû être réécrit et condensé. Le côté horreur cosmique est finalement seulement approché, les créatures d’outre-espace étant finalement pour la plupart bien disposées envers les humain.es. L’idée de rapprocher les idées d’American Dream et d’entités eldritch était un bon point de départ, mais n’est pas assez creusée. L’auteur s’approche un peu du sujet avec le fait que la compréhension des créatures fait qu’il est interdit de déroger à des règles qui incluent l’hétérosexualité et le sexe uniquement dans le cadre du mariage, mais s’en tire avec une pirouette sur les questions de race . Dommage, parce que ç’aurait été les thèmes les plus intéressants à creuser.

Pas désagréable, mais oubliable.

Blink twice, de Zoé Kravitz

Get Out x Les Chasses du comte Zaroff

Film étatsunien sorti en 2024. Dans un cocktail, deux serveuses sont invitées par un PDG milliardaire à les accompagner sur son île privée. Là bas, c’est fête non-stop dans un cadre paradisiaque, mais au bout d’un moment elles n’arrivent plus à savoir depuis combien de temps elles sont là, et sans arriver à mettre le doigt sur quoi, elles ont le sentiment que quelque chose ne va pas bien du tout.

C’était pas un désastre, surtout pour un premier film, mais il manquait quelque chose (spoilers ci-dessous).

Divulgâchage

Photo de groupe au bord du fleuve, d’Emmanuel Dongala

Roman paru en 2010. On suit un groupe de femmes qui produisent des graviers : la demande en gravier a augmenté suite au lancement de la construction d’un aéroport dans le pays. Le sac de gravier est revendu 3 fois plus cher qu’avant par les entreprises de construction, mais il est toujours acheté au même prix auprès des productrices. Elles décident alors de doubler le prix (de 10 000 à 20 000 francs, dans l’espoir qu’après négociation elles aient 15 000 francs/sac), mais les entreprises commencent par ne plus leur acheter de gravier, avant de revenir avec la police pour les menacer, en leur disant qu’elles sont antipatriotiques, ce qui finit par une travailleuse gravement blessée par la police. Ses camarade ne se démontent pas, et l’enjeu de la négociation va progressivement monter, alors qu’une réunion des premières dames d’Afrique est supposée parler de « la condition de la femme africaine ». Le collectif de travailleuses va donc être reçu par la ministre des droits des femmes, puis la première dame, qui vont tenter de les acheter pour faire cesser le mouvement et qu’elles affichent à la place un soutien à leurs politiques.

C’était sympa, ça change de mes lectures habituelles, c’est bien écrit sans que le style soit renversant non plus.

Dog day afternoon, de Sidney Lumet

Film étatsunien de 1975. Trois braqueurs tentent de dévaliser une petite banque de Brooklyn. Ça devait être un braquage rapide à l’heure de la fermeture, mais les choses déraillent rapidement : un des trois braqueurs n’assume pas les risques et s’enfuie, le coffre de la banque a été vidé l’après-midi même, et surtout le braquage est remarqué par des voisins, et la police arrive avant que les voleurs n’aient pu s’enfuir. S’ensuit une nuit de négociations où Sonny (Al Pacino) va discuter avec les forces de police, tenter de mettre la foule qui entoure la banque de son côté, échanger avec le personnel de la banque qu’il retient en otage.

Le film est inspiré d’une histoire vraie, et Al Pacino est très bon dans le rôle central (tout tourne autour de lui, son cobraqueur est présenté comme juste dans son orbite, pas très charismatique ni malin. C’est un Lumet donc on voit des gens (surtout des hommes) dans des clairs obscurs avoir des conversations en marcel et bras de chemise et transpirer, et Pacino excelle à ça. La scène où il met la foule de son côté en insultant les flics qui le pointe de leur arme par dizaine alors qu’il est seul et désarmé est très réussie.

The Bear, de Christopher Storer

Série télévisée dont la première saison est parue en 2022, 3 saisons so far, les deux premières très très bonnes, la troisième simplement bonne. Sans trop en révéler, on suit les vies des personnes travaillant dans le restaurant The Original Beef of Chicagoland. C’est de la restauration rapide, mais le propriétaire-gérant a changé récemment, et vient du monde de la gastronomie, ce qui ne va pas aller sans un certain clash des cultures.

J’ai pendant longtemps fait l’impasse sur cette série, parce que je pensais que c’était une série qui parlait de bouffe, que ça m’évoquait essentiellement de la téléréalité comme Top Chef, et que c’est vraiment pas qq chose qui m’intéresse (j’aime beaucoup la nourriture, mais ma relation à la nourriture implique de la manger, pas de la regarder à travers un écran). Laissez-moi donc dissiper ce malentendu si vous êtes dans le même cas de figure : ce n’est pas une série qui parle de bouffe. C’est une série qui parle de relations familiales, professionnelles et familialo-professionnelles. C’est une série qui parle de trauma, de vouloir exceller à quelque chose et des sacrifices que ça peut amener à faire. Ca parle de travailler dans un restaurant (duh), avec tout ce que ça implique de tâches qui ne sont pas juste de préparer de la nourriture, de la difficulté d’avoir un restaurant qui tient la route financièrement. Voilà pour les thèmes.

Pour la forme, c’est une série qui prend le temps de caractériser ses personnages et leurs relations. C’est aussi une série qui filme les personnages de très près (passion grain de la peau) et qui montre des personnages épuisés. C’est aussi une lettre d’amour à Chicago, avec une quantité de plans de coupe sur la ville incroyable (et comme tout se passe à Chicago, c’est pas pour situer l’action, c’est juste pour crier « Chicago »). C’est aussi une série avec une super bande-son (à forte composante rock des années 90), très très bien employée pour souligner la tension.

Si certain points de l’intrigue m’ont semblé un peu forcés/trop rapide (le plot-twist de la fin de la saison 1, le changement de posture de Richie après l’épisode Forks), globalement c’est quand même très bien écrit, avec des saisons 1 et 2 qui savent totalement où elles vont en termes d’arcs narratifs. Les épisodes Review et The Bear notamment sont très très réussis et la façon dont ils se répondent, ce qui a évolué ou non entre les deux est très bien exposé. En épisodes davantage one-shot, Fishes (qui sort du cadre du restaurant pour faire un flash-back sur un repas de Noël) et Forks (sur le passage de Richie dans un restaurant gastronomique) sont très réussis aussi. Le fait d’avoir toute une saison où le restaurant est en travaux est aussi assez magistral. La saison 3 perd la compacité d’écriture des deux premières, mais elle prend le temps de creuser les personnages

Les persos sont tous très bien écrits, avec évidemment le trio de tête Carmy/Sidney/Richie et l’ambiguïté qu’ils ont tous les trois en tant que perso qu’on peut à la fois adorer ou détester – un peu moins Sidney qui est moins flawed que les deux autres, mais aussi les persos secondaires : Marcus, Tina, Ibrahim sont des personnages crédibles, même avec peu de temps d’écran, et dans la famille étendue Berzatto, tous les personnages sont très réussis, que ce soit les tragiques comme Donna ou Mikey ou les comiques comme la famille Fak ou l’oncle Jimmy.

Bref, grosse reco.

Megalopolis, de Francis Ford Coppola

Film paru en 2024. Nous sommes à New Rome, capitale économique des États-Unis. La ville connait une crise économique et démocratique. Deux visions de l’avenir de la ville (ou de la Ville, comme allégorie de la Civilisation, c’est un film avec beaucoup de Majuscules) s’affrontent : celle du maire, Frank Cicero, partisan du status quo et de réformes progressives, et celle de Cesar Catilina, dirigeant de la commission d’urbanisme (qui dépend visiblement du niveau fédéral ou étatique, en tous cas il est totalement indépendant de la Mairie, au grand dam de Cicero), architecte visionnaire qui veut totalement changer l’architecture de la ville (mais plutôt genre Haussmann que révolution prolétarienne). Les deux visions sont franchement assez creuses : le maire reproche à Catilina son idéalisme mais ne propose rien en face – et le reproche d’idéalisme est fondé, Catilina dispose de pouvoirs et matériaux magiques (because why not), mais il fait surtout des Discours avec des Majuscules et détruit des quartiers d’habitation pour mettre toute la ville en chantier pour faire advenir son Utopie d’un seul coup.

S’ajoutant au débat d’idées, on a des relations familiales : Catalina est soutenu par son oncle Crassus, le banquier le plus riche du monde – et envié par son cousin Claudio, qui voudrait bien être l’enfant prodige de la famille à la place du calife. Catalina est hanté par la mort de sa femme dont il a été accusé (mais il n’est qu’indirectement responsable à cause de son workaholism), et adulé par deux femmes : la reporter Wow Platinum, aux dents très longues, et Julia, la fille du maire, ce qui va donner une coloration Capulet/Montaigu. On va parler dès maintenant des rôles féminins : ils sont nuls. C’est vraiment un quadrat muse/maman/putain/vierge. Les rôles des deux mères de familles sont rigolos mais ont droit à 30 secondes chacune environ. Audrey Plaza donne tout ce qu’elle a en Wow Platinum, mais elle doit se coltiner un scénario où elle est passionée par Catilina sans que ce soit justifié une seule seconde. En 2024, c’est quand même très dommage.

Ah, et les effets spéciaux numériques sont très laids, et y’a plein de bouts d’intrigues qui disparaissent en plein milieu ! Mais du coup, qu’y a-t-il à sauver dans ce film ?

Eh bien quand même pas mal de choses. C’est clairement pas le film de l’année ni le joyau de la carrière de Coppola, mais c’est un film qui ose plein de trucs. Y’a le côté collage de genre et d’époques : c’est Rome, c’est New York, c’est le trumpisme et les catilinaires (avec des citations in extenso du vrai Cicéron, notamment « jusqu’à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience »), c’est des décors Art Déco, avec des voitures qui font film noir/Métropolis, une vision du créateur démiurgique qui rappelle dans un style très différent Le Garçon et le Héron (mais on est sur des films testaments dans les deux cas), des costumes magnifiques (je pense que les costumes sont la partie la plus réussie du film), des splitscreens, une rupture du 4e mur, des passages où y’a juste des dessins projetés sur l’écran. C’est 15 000 trucs cités, autant testés, et y’en a qui resteront. Il y a quelques passages un peu long, mais c’est un film durant lequel il est difficile de s’ennuyer.

Aucune idée de si je le recommande.

We’re all going to the world’s fair, de Jane Schoenbrun

Film paru en 2021, le premier de la réalisatrice (avant I saw the TV glow). Ça commence comme un film d’horreur : Casey, une ado isolée se lance dans un challenge internet qui implique de répéter trois fois une phrase et mettre un peu de son sang sur l’écran, puis regarder une vidéo. Elle fait des vidéos pour documenter la « transformation » qu’est supposée apporter le challenge, elle est contacté par un autre participant, un mec plus âgé qui dit s’inquiéter pour elle et le chemin sur lequel l’emmène le challenge.

Sauf que ce n’est pas un film d’horreur : Casey est tout à fait consciente qu’elle participe à un jeu en ligne, les propos qu’elle tient dans ses vidéos sont un rôle. Et si le mec qui lui parle est un peu creepy, ce n’est pas dans une veine horrifique, ni même visiblement dans une veine de groomer, il a juste l’air très seul aussi et pas très bon pour construire des récits à plusieurs. Globalement c’est un film sur le fait de grandir seul, avec internet comme principale source d’interaction, un peu en périphérie de communautés en ligne.

On retrouve des éléments communs entre les théories autour de la World Fair et le monde de I saw the TV glow : deux mondes, un réel et un maléfique, le passage entre les deux mondes via un planétarium. Mais dans We’re all going, le monde montrée est le monde réel (et le monde maléfique est imaginaire), dans I saw c’est le monde factice (et le monde réel est présenté comme une délusion pour que les personnages ne s’échappent pas). C’est un film à petit budget, on ne voit vraiment que deux acteurs, et c’est tournée dans la périphérie d’une ville nord-américaine, avec visiblement une ou deux caméras (+ des webcams).

X, de Ti West

Slasher paru en 2022. En 1979, une équipe de tournage débarque sur une ferme du Texas profond pour tourner un film pornographique. Mais il s’avère que le couple de propriétaires grabataires ont quelques squelettes dans le placard et vont éliminer l’équipe de tournage, sauf une final girl qui va réussir à les tuer et s’enfuir.

C’était bien tourné et bien référencé (c’est avant tout un film qui parle de cinéastes, donc on sent qu’ils ont fait leurs devoirs : il y a de belles références à Psycho notamment), mais ça reste un slasher classique, et donc – je trouve – pas vraiment un genre de film d’horreur passionnant.

Lilo and Stitch, des studios Disney

Film d’animation sorti en 2002. Stitch est une créature bioingéniéré en laboratoire pour être une machine de destruction. Déféré devant la Fédération Galactique, il est condamné (alors que c’est pas exactement de sa faute) à l’exil sur un astéroïde. Il réussit à détourner le vaisseau, et le crashe sur Terre, plus précisément à Hawaï. Ses instincts lui disent de trouver une grande ville à détruire, mais Hawaï en est malheureusement dépourvu. Poursuivi par son créateur et un agent de la Fédération, il se dissimule en se faisant adopter comme animal de compagnie par Lilo, gamine turbulente élevée par sa sœur. Vont s’ensuivre moult quiproquos et situations chaotiques, les deux personnages ayant tendance à faire rapidement – volontairement ou non – escalader toute situation.

C’était sympa. Je le voyais pour la première fois, j’ai trouvé le dessin assez beau (à part quelques passages en 3D pour les vaisseaux spatiaux qui sont assez visiblement datés), l’animation est fluide et les persos attachants. J’ai trouvé que la fin était un peu ratée avec des enjeux qui remontent, redescendent, des nouveaux antagonistes, d’anciens antagonistes qui deviennent des alliés… Et globalement Stitch sert un peu trop de couteau suisse, entre créature chaotique, puis mignonne, puis impulsive, puis intelligente… Notamment les passages où il parle ça marche assez mal.

Mais globalement, recommandé.