Roman français de 2008. Annie Ernaux détaille sa vie et les changements dans la société française entre 1940 et 2008. Le texte est espacé de descriptions de photos/vidéos, et se déroule à la 3e personne. J’ai beaucoup aimé, je ne saurai pas exactement dire pourquoi. Le style est prenant, avec une accélération progressive de la narration. Elle raconte sa jeunesse, son mariage, divorce, son rapport à ses enfants, et plus largement une vie qui plonge dans la société de consommation, les conventions de la vie à 2, les années De Gaulle, VGE, Mitterrand, les réminiscences du 11/09, des attentats de la rue de Rennes, la victoire de 98…
L’incipit est très intéressant aussi, qui résume en quelques pages le roman et liste des fragments de souvenirs. J’aime beaucoup la première phrase et ce qu’elle annonce du projet du roman : « Toutes les images disparaîtront. »
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Mercy, Mary, Patty, de Lola Lafon
Roman sur la rédaction d’un rapport sur l’affaire (réelle) Patricia Hearst : dans les années 70, une héritière américaine est enlevée par un groupe d’extrême-gauche. Rapidement elle prend faits et cause pour ses ravisseurs. Dans le roman, une prof de fac américaine, Gene Neveva, est chargée par l’avocat des Hearst de corroborer la thèse du lavage de cerveau de Patricia. Enseignant l’anglais pendant un an dans un lycée privée français dans un petit village des landes, Gene va prendre comme assistante une lycéenne locale, Violaine, pour l’aider à rédiger ce rapport.
Le récit entremêle plusieurs niveaux de narration : l’affaire Hearst, la rédaction du rapport dans les Landes, les relations de la narratrice avec Violaine, et plus tard dans sa vie, sa présence pour un semestre dans l’université américaine où Gene enseigne. Le thème commun est le parcours de femmes qui décident de ne pas se conformer aux rôles que la société veut leur imposer, avec les difficultés que ça représente. La narration à la deuxième personne est intéressante, et l’effet de découvertes des strates successives de narration et des liens entre eux des personnages et de leurs points de vue. Violaine idéalise Gene, la narratrice aussi par rebond, mais avec plus de distance. Les thèses de Gene s’avère in fine devoir beaucoup au travail et à l’insistance de Violaine, qui n’en sera jamais crédité. Les personnages sont intéressants de ce point de vue, tous complexes et multidimensionnels.
L’Aménagement du Territoire, d’Aurélien Bellanger
Il restait un roman de Bellanger que je n’avais pas lu, voilà qui est corrigé. Comme pour Le Grand Paris, j’ai bien aimé le début, puis je trouve que ça se perd en cours de route, et spécifiquement là c’est assez manifeste que Bellanger ne sait pas trop comment conclure. Le roman parle comme l’indique son titre d’aménagement du territoire en France, de comment la puissance publique décide d’investir dans des infrastructures. Le roman suit plusieurs acteurs de cet aménagement, des haut fonctionnaires comme des dirigeants de grandes compagnies du BTP. Comme toujours, il entremêle ses personnages fictifs avec d’autres réels (De Gaulle, Foccart, la firme Vinci…) et s’appuie sur l’Histoire récente de la France. Toute cette partie est très prenante, avec un entremêlement de la trajectoire des personnages et des changements d’échelle entre leur vie personnelle, leur jeunesse à une échelle réduite, le déploiement de leur action à l’échelle nationale voire internationale pour deux d’entre eux, puis un retour au village, où les enjeux et les affrontements vont se concentrer. En plus, Bellanger imagine une histoire secrète, avec une société conspiratrice (ou deux ?) au plan immémorial qui va s’achever d’ici une génération, la Mayenne devenant la clef de l’avenir de la France (la Mayenne !) et les personnages du roman choisissant entre deux camps.
Hélas, après ce pitch alléchant, ça s’enlise un peu. Il y a des répétitions voire des incohérences dans la narration (là c’est plus la faute de l’éditeur je pense), et l’affrontement et la puissance d’agir des personnages oscille un peu entre le symbolique (un des persos qui déclare transformer la future Bretagne indépendante en puissance nucléaire car il a pris soin de ne pas exploiter un filon d’uranium du sous-sol breton alors qu’il aurait pu) et le concret (on va faire sauter la ligne de TGV lors de son inauguration par le gouvernement !). Le grand secret de la société secrète ne convainc absolument pas, notamment parce qu’il entremêle ces deux niveaux de lecture sans arriver à choisir.
Vaut le détour mais un peu décevant dans l’ensemble, donc.
Le Grand Jeu, de Céline Minard
Roman sur une femme qui part vivre seule dans la montagne, avec un plan pour être autosuffisante, du matériel d’escalade et des questions existentielles plein la tête.
Céline Minard raconte bien la montagne, l’existence de la narratrice donne vachement envie même si elle demande probablement pas mal de fric et une force de caractère herculéenne pour être vraiment vécue. J’ai beaucoup aimé.
L’Ordre du Jour, d’Eric Vuillard
Court roman français sur les compromissions des industriels allemands et des gouvernements européens avec le régime nazi. Je n’ai pas été enthousiasmé. D’une part parce que le côté « roman documentaire parlant de la seconde guerre mondiale et de ce qui y a mené a déjà été fait – en mieux et en plus long – par Binet dans HHhH. Et d’autre part parce que sur les sujets de l’accommodement du libéralisme économique au fascisme et des méthodes par lesquelles le fascisme s’impose, j’aurai préféré quelque chose de plus analytique.
Qui a tué mon père, d’Edouard Louis
Court livre d’Edouard Louis sur l’évolution de sa relation avec son père, l’impact des choix politiques français sur le quotidien de sa famille et la souffrance physique de son père. J’ai pas été très pris par l’écriture.
La Vraie Vie, d’Adeline Dieudonné
Roman sur une famille dysfonctionnelle. Un père violent, une mère complètement effacée, deux enfants, un petit frère qui commence à aller vraiment mal, et sa sœur, la narratrice déterminée à le sauver. C’est relativement court, ça se lit bien, y’a un certain style, quelques images et péripéties intéressantes, mais ça reste assez anecdotique (je pense qu’il m’avait été un peu survendu par sa hype à la rentrée littéraire)
Debout-payé, de Gauz
Un court roman sur les vigiles parisiens depuis 1970 et sur comment ces postes et le secteur privé de la sécurité sont liés à l’immigration depuis les pays africains. La narration oscille entre le parcours de plusieurs immigrés, leurs jobs dans le secteur de la sécurité, leurs galères pour obtenir des papiers, les variations de politiques concernant le secteur (avant le 11/09, il y avait plein de boîtes de sous-traitances tenues par la diaspora ivoirienne qui géraient la sécurité non-sensible (gardiennage de bâtiments abandonnés, vigiles dans les magasins), avec des réseaux informels et des retours d’ascenseur. Au 11/09, brusque tour de vis sur la réglementation, et globalement toutes les petites boîtes ont coulé. De nouvelles ont émergé, avec toujours des vigiles noirs, mais cette fois-ci des patrons blancs, jusque dans la sous-traitance.
En plus de ces parties intéressantes, il y avait aussi des parties du livre sous forme d’énumération de définition de termes ou concepts spécifique au secteur, mais qui tournent surtout au jeu de mots facile. Ça n’apportait pas grand chose au roman, qui était déjà assez court et qui aurait gagné à étoffer le reste. Le bouquin vaut quand même le coup dans l’ensemble ; je lirai le suivant du même auteur, sorti cette année.
Vernon Subutex, de Virginie Despentes
Roman français choral en trois tomes. J’ai trouvé le premier un peu long à décoller et un peu déprimant (tous les personnages sont des connards d’une façon ou d’une autre, Despentes dit que c’est parce qu’elle trouvait que tout le monde était déprimé à Paris à l’époque), mais la fin te mets sur les rails des deux suivants. Le deuxième tome je l’ai lu en une journée (composée essentiellement d’un voyage en train) et j’ai enquillé le troisième à la suite.
C’est un bon livre, ça se lit bien, ça présente une fresque d’une certaine société française dans les années 2010, avec un fond politique et social réaliste. Y’a des passages assez sombres (meutre, viol, terrorisme, exclusion, et j’en passe), d’autres plus peace.
Un peu perplexe devant l’épilogue dont je ne vois pas trop ce qu’il apporte, mais globalement j’ai aimé.
La Brigade du Rire, de Gérard Mordillat.
Roman français. Un collectif d’amis issus des classes populaires décide de kidnapper l’éditorialiste de Valeurs françaises (un décalque manifeste de Valeurs Actuelles) et de le forcer à travailler aux 3/8 en tant qu’OS en lui appliquant les mesures « en faveur de la compétitivité » qu’il prône à longueur d’édito.
Le pitch était alléchant mais le livre est décevant. Les personnages dans l’ensemble parlent de sexe ou font l’amour toutes les 2 pages, les personnages féminins n’ont aucun intérêt, et s’il y a des passages intéressants, le livre est quand même très verbeux par rapport à l’action effective.