Archives par mot-clé : recommandé

Inside out, des studios Pixar

Film d’animation sorti en 2015. Les aventures des émotions dans la tête d’une fille de 11 ans. C’est un film pour enfants théoriquement, mais qui fait passer un message assez complexe sur l’importance des sentiments négatifs pour grandir, la perte, la maturité…

Au niveau des techniques de cinéma c’est comme toujours avec Pixar très bien animé, ça reste assez classique dans la facture (il y a un passage cool où les personnages rentrent dans une zone d’abstraction et se retrouvent en 2D, mais ça ne dure pas longtemps), le message et la réalisation sont réussis.

Je recommande.

Inside out 2

Un second volet, paru en 2024. On retrouve Riley et ses émotions deux ans plus tard, à l’orée de son adolescence. Sa puberté vient de commencer, et avec elle de nouvelles émotions sont apparues : Anxiété, Ennui, Envie et Embarassement. Joie et les autres émotions originelles vont se retrouver évincées par Anxiété et sa gestion prévisionnelle de Riley, qui va jusqu’à mettre en péril son sense of self. C’était joliment animé, mais j’ai trouvé ça beaucoup moins profonds que le premier, l’intrigue est quand même assez cousue de fil blanc.

I saw the TV glow, de Jane Schoenbrun

Film étatsunien de 2024. En 1996, Owen, 12 ans, est fasciné par les bande-annonce pour la série The Pink Opaque, qui passe après son heure de coucher. Il rencontre dans son collège Maddy, une fille de quelques années de plus qui est passionnée de l’émission aussi, et ment à ses parents pour aller regarder l’émission chez elle. Elle va ensuite lui enregistrer tous les épisodes sur cassette, jusqu’à sa mystérieuse disparition. Owen re-rencontre Maddy 10 ans plus tard, qui lui déclare qu’ils appartiennent à l’univers de The Pink Opaque et que ce monde est une illusion faite pour les retenir loin de leur réalité…

C’était assez cool. Le côté « fascination pour une série télé dans laquelle on trouve des trucs auxquels s’identifier qu’on n’a pas dans sa vie de tout les jours » est bien rendu – ainsi que la série télé des années 90 avec des monsters of the week avec des costumes en papier maché. L’ambivalence (et le côté bad trip) de « est-ce qui me semble être ma réalité n’est pas qu’une illusion élaborée »/ »est-ce que ce que je prends comme la seule chose possible n’est pas des limitations que je me suis mis tout.e seul.e » aussi. Le personnage d’Owen est assez déchirant du coup, dans son acceptation d’une situation qui le tue (que ce soit littéralement ou métaphoriquement). (La scène où il déclare face caméra avoir une famille qui est tout pour lui – mais qu’on ne voit jamais est très grinçante aussi).

Le film est une métaphore sur la transidentité – c’est d’ailleurs exactement la même métaphore que Matrix, donc c’est assez visible. Y’a un beau travail sur les lumières, et une esthétique « film d’horreur à petit budget » qui fonctionne bien (même si c’est pas à proprement parler un film d’horreur, y’a des éléments qui s’en rapprochent mais c’est pas exactement ça).

Je recommande (si vous aimez les métaphores sur la transidentité et les films d’horreur à petit budget).

Kiki la petite sorcière, du studio Ghibli

Dessin animé japonais, paru en 1989. A 13 ans, comme il est traditionnel pour les sorcières, Kiki quitte son foyer pour s’installer en tant que sorcière indépendante dans une nouvelle ville. Déterminée à voir l’océan, elle trouve une cité sur la côte. N’ayant pas appris à faire des potions ou des sorts, son talent principal est sa capacité à voler sur son balai. Elle va donc ouvrir un service de livraison, qui va lui permettre de rencontrer plein de gens. Mais rapidement, le fait d’être éloignée de sa famille, et de transformer le plaisir du vol en une source de revenu l’épuise, et elle en vient à questionner ce qu’elle fait, ce qui conduit à l’affaiblissement de ses pouvoirs.

C’était bien, comme la plupart des Ghibli. Les personnages sont assez réussis, que ce soit Kiki elle-même ou tous les gens qu’elle rencontre : le couple de boulangers, Ursula la peintre, la vieille dame, Tombo… Le côté épuisement du travail (surtout à 13 ans, purée) est bien rendu.

Je recommande.

Serpico, de Sidney Lumet

Film étatsunien de 1973. Frank Serpico est un policier idéaliste travaillant à New York. Il rejoint les unités travaillant en vêtements civils pour mieux se fondre dans la population et pousse pour porter de réels vêtements civils plutôt que le costume « civil » traditionnel repéré par tous les criminels. Il découvre rapidement que les unités en civil sont le centre d’un vaste réseau d’extorsion, où les criminels et les commerces payent pour ne pas être inquiétés par la police. Il va tenter de dénoncer la corruption qu’il constate, mais va se heurter à l’inertie d’une hiérarchie qui ne veut pas de vagues. Après avoir menacé d’en parler à l’extérieur de l’institution, une commission d’enquête va finalement être mise en place mais sans moyens…

Le film est inspiré de la vraie vie de Frank Serpico, dont les agissements ont mené à la mise en place de l’équivalent de l’IGPN pour l’État de New York. Al Pacino joue très bien le rôle titre, qui tourne en rond dans une institution aveugle à ses propres dysfonctionnements. En même temps il n’est pas montré comme un chevalier blanc : s’il est intègre dans son métier il se laisse totalement dévorer par son obsession de réussir à exposer la corruption, est insupportable avec son entourage et notamment ses compagnes qui finissent par le quitter. Il est aussi totalement isolé, ses collègues le détestant pour ne pas couvrir leurs agissements.

Je recommande.

The once and future witches, d’Alix E. Harrow

One witch you can laugh at. Three, you can burn. But a hundred?

Roman de fantasy étatsunien publié en 2020. L’action se déroule en 1893. Agnès, June et Bella Eastwood sont trois sœurs qui sont arrivées à la Nouvelle Salem depuis leur county provincial. Leur grand-mère était une sorcière qui leur a appris quelques sorts, mais la magie n’est plus ce qu’elle était, depuis que durant les temps médiévaux l’Inquisition à brûlé la majorité des sorcières et leur savoir avec elles. Mais pourtant, en ces temps de progrès, les sœurs Eastwood vont tomber sur un sortilège qui promet de faire advenir un Second Âge de la Sorcellerie. Et il est clair que les Eastwood ne sont pas les seules femmes du Nouveau Monde qui accueilleraient avec enthousiasme un peu plus de pouvoir que ce que le patriarcat veut bien leur accorder…

C’était fort chouette. Il y a quelques répétitions ici et là qui auraient pu être retiré par un passage éditorial de plus, mais à part ce léger défaut c’est une histoire originale, bien construite, qui alterne entre les points de vue des trois sœurs et qui crée tout un univers alternatif crédible. J’ai beaucoup aimé le genderbending de certains contes et des folkloristes (Charlotte Perrault et les sœurs Grimm ♥ ), la façon dont le roman rappelle qu’il s’agit d’une histoire occidentale (la magie des autres cultures fonctionne différemment, il y a toujours de la sorcellerie ailleurs, le combat initial pour le droit de vote est mené de façon séparé par les organisations de femmes noires et blanches). La façon dont les enjeux ne cessent de s’amplifier jusqu’à la bataille finale est bien écrite, les thèmes féministes fonctionnent bien (clairement y’a du Caliban et la sorcière dans les inspirations de l’autrice), peut-être les personnages masculins sont un tout petit peu trop caricaturaux mais c’est un défaut très très mineur).

Je recommande si vous voulez de la fantasy féministe/si vous avez aimé La Scholomance.

Âge Tendre, de Clémentine Beauvais

Roman français publié en 2020. Dans un futur proche, la France a mis en place un stage dans le monde du travail d’un an entre la troisième et la seconde, le service civique, ou « serci ». Le roman est composé du rapport de stage de Valentin Lemonnier, albigeois introverti envoyé travailler à Boulogne-sur-mer dans une unité Mnémosyne, une maison de retraite médicalisé qui recrée l’environnement de la jeunesse des pensionnaires. Sur place, il va découvrir la discographie de Françoise Hardy, la vie en colocation, les responsabilités professionnelles et les zones grises dans les relations interpersonnelles. Ce qui devait être un rapport de 30 pages va en devenir un de 250 pages, qui raconte dans le détail son évolution au cours de l’année.

J’ai beaucoup aimé. La forme du rapport de stage est bien retranscrite, et le fait de dire que le rédacteur du rapport doit intégrer des notes rétrospectives permet d’avoir une distanciation dans l’écriture assez intéressante. La révélation progressive de l’histoire de Sola est très bien faite. Le roman est globalement très bienveillant avec ses personnages, c’est très sympa à lire.

Je recommande.

Tomorrow, and Tomorrow, and Tomorrow, de Gabrielle Zevin

Roman étatsunien de 2022. Long story short : grosse reco, sans prérequis sur ce que vous aimez par ailleurs.

Le roman est centré sur les vies et la relation amicale et professionnelle de Sadie et Sam, deux créateurices de jeux vidéos, de leur enfance à leur quarantaine, dans les années 90s et 2000. Le roman alterne entre les points de vue des deux personnages principaux, de leur enfance (une partie racontée linéairement et une partie en flash-back), à leur vie professionnelle ensemble, en passant par leurs rencontres et leur études. On a leur ressenti sur les mêmes événements, leurs différentes sensibilités artistiques, leurs relations avec différents personnes secondaires.

C’est très bien écrit, notamment les personnages. Bien évidemment ça s’applique aux deux principaux, qui fonctionnent comme des personnages réels mêmes s’ils sont des petits génies de la création de jeu :

  • Sam en tant que mec à la fois entitled et insecure qui peut être ultra cruel sans le vouloir (ou en le voulant par moment), pensant qu’il a été très clair sur le fait d’avoir dit aux gens qu’il tient à elleux alors qu’il n’a rien dit, poussé dans la lumière et refusant de gérer son handicap avant de le reclaim
  • Sadie qui doit lutter contre un monde qui la considère longtemps comme la muse de Sam plutôt qu’une créatrice à part entière, qui se force à jouer le rôle de la cool girl et de l’infirmière pour les hommes autour d’elle alors que c’est elle la programmeuse et game designeuse à la base.

Au delà de ces deux-là, les personnages secondaires sont crédibles aussi qu’ils soient attachants (Marx) ou repoussants (Dov). Le roman m’a évoqué The Goldfinch (mais en mieux), et pour le chapitre écrit du point de vue de Marx, le passage en flux de conscience de la Semaine Sainte, d’Aragon. D’ailleurs tout ce passage où on a un troisième point de vue et le passé de Marx est très réussi, c’est assez pertinent d’avoir ce point de vue qui était jusqu’ici à l’arrière-plan, mais qui est déjà présenté comme essentiel au fonctionnement de l’univers professionnel de Sam et Sadie.

Les frustrations des persos sur leur position dans le monde, la façon dont ils sont perçus par le monde plus largement (via le sexisme, le racisme et le validisme de l’époque, qu’on leur renvoie ou internalisé) et la façon dont les non-dits et les suppositions sur les raisons d’agir des autres personnes peuvent pourrir les relations interpersonnelles fonctionnent tous les trois bien, ainsi que les passages qui sortent du temps de la narration pour citer une interview des personnages dans un magazine de jeu vidéo des années plus tard, ce qui permet d’avoir leur point de vue sur les événements avec du recul.

L’exploration des différentes relations amicales et professionnelles (et un peu amoureuses, mais c’est en arrière-plan – on a la relation de Sadie et Dov mais c’est une relation clairement dysfonctionnelle, bien écrite, mais qui sert surtout à montrer l’impact que ça a sur les autres relations de Sadie avec d’autres personnes et sur ses projets professionnels) est très réussie et intéressante.

La conclusion du bouquin est un peu plus faible que le reste, ainsi que tout le passage dans Pioneers, mais je pense que c’est toujours compliqué de finir un bouquin intense comme ça.

Once again, je recommande.

God’s Own Country, de Francis Lee

Film anglais de 2017. Johnny travaille dans la même ferme que son père et sa grand-mère. Vu leurs âges et l’AVC de son père, c’est lui qui s’épuise à faire la majorité des travaux de la ferme, sous la férule de son père qui désapprouve sa façon de gérer les choses. Un jour arrive Gheorghe, un travailleur journalier roumain. Si Johnny l’antagonise à chaque occasion au début, les deux hommes vont développer une attirance l’un envers l’autre, qui s’épanouit quand ils campent ensemble sur le plateau où les moutons de la ferme passent leurs journées, mais qui va devoir ensuite affronter la complexité de la vie dans le reste du monde, avec les autres personnes autour.

C’est un bon film, je recommande. Un contexte pas joyeux qui en fait un film social sur le monde paysan anglais, de beaux paysages ruraux, un très beau pull rouge (et un très beau Gheorghe), une romance assez jolie à voir se développer. Le personnage de Johnny n’est pas très sympathique, mais c’est volontaire et il est bien caractérisé. Gheorghe au contraire à l’air d’avoir toutes les qualités, il apparait dans la vie de Johnny comme un deus ex machina.

Monk and Robot, de Becky Chambers

Deux courts roman de solarpunk étatsuniens, publiés en 2021 et 2022. Sur Panga, une lune habitée, les Humain.es vivent dans une société post-scarcity et qui a réalisé sa transition écologique. Ces événements sont arrivés suite à l’accès à la conscience des robots, qui des siècles auparavant, ont décidé de s’éloigner de la société humaine et de partir vivre dans la nature. Les Humain.es n’ont plus jamais entendu parlé d’eux, et ont respecté leur promesse de laisser les robots en paix, en rendant à la Nature (et aux robots donc) 50 % de la surface de la Lune.

Dans cette société, Dex, un.e moine non-binaire, n’arrive pas à trouver sa place. Après avoir vécu des années dans un monastère consacré à Allalae, une des six divinités du panthéon pangéen, iel décide de devenir un.e moine itinérant.e, offrant du thé et une session d’écoute aux personnes qui le désirent. Mais cette seconde vie lea lasse aussi au bout d’un moment, et iel part dans les terres renaturés, avec pour objectif un ancien monastère où iel espère pouvoir entendre une espèce de criquet éteinte dans les terres toujours habitées par les Humain.es. Sur le chemin du monastère, iel va rencontrer Mosscap, un.e robot envoyé.e comme ambassadeur par les sien.nes, qui avaient promis il y a des siècles de revenir rencontrer l’Humanité. Mosscap arrive avec une question qu’iel souhaite poser à chaque Humain.e qu’iel rencontrera : de quoi les Humain.es ont-iels besoin ?

C’était assez chouette, comme tout ce que j’ai lu de Becky Chambers. Lire des histoires positives où la tension vient des angoisses internes des personnages plutôt que de circonstance adverses extérieures est intéressant, et ce n’est pas facile à écrire je trouve, donc kudos à l’autrice pour ces réussites répétées. Le personnage de Mosscap qui est émerveillé par des éléments qui sont totalement anodins pour l’Humanité mais étrangers pour lui fonctionne très bien (le passage où après avoir appris que les Humain.es n’ont pas de souvenir de leurs premières années, il demande qu’on montre une photo de lui et un bébé au bébé quand il aura commencé à former des souvenirs « pour qu’il sache qu’on était amis même avant qu’il s’en rappelle : <3 <3 <3). Les angoisses de Dex sur sa place dans le monde, le besoin d’avoir un but dans sa vie même dans une société post-scarcity et même en adhérant à une vision de la vie où il ne pense pas que l’univers ait un arc téléologique, ça résonne pas mal.

Bref, reco comme toujours pour Chambers jusqu’ici.

The Medium, de Banjong Pisanthanakun

Film d’horreur thaïlandais paru en 2021. Une équipe de tournage suit pour un documentaire Nim, une chaman qui explique être possédée par l’esprit de Ba Yan, une divinité bienveillante. Lors du tournage, l’équipe observe des comportements étranges de la part de Mink, la nièce de Nim. S’il est d’abord envisagé que l’esprit de Ba Yan souhaite lui être transmis, les protagonistes découvrent finalement que Mink est possédée par un esprit maléfique, dont l’influence sur la jeune femme va s’étendre progressivement, alors que sa famille tente de réaliser à temps un exorcisme pour sauver leur nièce.

C’était un film de possession assez réussie. Des jump scare qui marchent bien, une tension qui va croissante (et bien appuyée par la bande-son), des fausses pistes sur l’origine de la possession qui gachent les efforts des protagonistes, des décors intéressant (l’usine incendiée notamment). Dans l’absolu c’est un film de possession assez classique, on trace facilement des parallèles avec L’Exorciste, mais le fait que ce soit pas un film européen, la place différente accordée aux esprits par une partie de la société thaïlandaise fait des choses intéressantes). Le crescendo des actes commis par la possédée, jusqu’au point d’orgue de l’exorcisme raté qui s’inverse fonctionne bien.

Je recommande si vous aimez les films d’horreur.