Archives par mot-clé : recommandé

In vitro, de Tom McKeith et Will Howarth

Orphan Black x God’s Own Country

Film australien de 2024. Layla vit avec son mari Jack sur une ferme isolée dans l’outback australien. Suite à un dysfonctionnement de l’installation, Layla découvre des éléments assez perturbants sur Jack.

Recommandé ! En étant un minimum genre-savvy vous voyez voir très rapidement les deux gros reveal du film, mais il n’empêche que le sujet est très bien traité : bien filmé (très beaux paysages, très chouette d’avoir un film de SF dans un contexte qui n’est pas une ville avec des beaux gratte-ciel futuristes), les acteurs sont très bons (notamment celui qui joue Jack, dont le passage de mari aimant à psychopathe est très réussi), la sororité instinctive de Layla est bien mise en scène

Fantaisies guérillères, de Guillaume Lebrun

Roman fantastique français publié en 2022.

France, Guerre de 100 ans. Le camp français est dans la panade, et ça ne va guère à Yolande d’Aragon qui a fait un rêve prophétique. Il faut redonner foi à la soldatesque et à la noblesse. Pour ça, rien de tel qu’une figure charismatique, et on ne peut pas dire que le roi ou son héritier coche les cases pour ça. Yolande va donc devoir créer cette figure emblématique : c’est la genèse du Jehanne Project.

Gros banger. Le mythe de Jeanne d’Arc revisité avec de l’Histoire secrète, du fantastique, plein de références (Céline Dion en pseudo ancien français <3), un langage ultra inventif. La conclusion est peut-être un peu plus faible que le reste, mais vu le niveau de base ça reste très très bien.

Estoit belle et bionne recommandation.

The Octopus and I, d’Erin Hortle

Roman australien publié en 2020. Suite à un cancer du sein et une mastectomie puis chirurgie esthétique réparatrice, Lucy souffre de dysmorphie. Insatisfaite à la fois de son corps et du soutien du bout des lèvres de son partenaire, elle va se rapprocher de deux femmes plus âgées pour apprendre à pêcher les pieuvres. Mais si la sororité qu’elle y trouve la comble, elle se rend rapidement compte que son affect pour les pieuvres l’empêche de les tuer. Les pieuvres vont même devenir le symbole de la réappropriation de son corps. En parallèle, on suit les tensions autour des enjeux de l’écologie et de la pêche dans le sud de la Tasmanie où habite Lucy.

J’ai bien aimé, après quelques chapitres pour rentrer dedans. Les personnages masculins sont assez stéréotypés et la romance un peu téléphonée, mais pour le reste le roman est bien écrit, on se sent lié à la Tasmanie en le lisant. La description d’une communauté où tout le monde connait tout le monde et où le rythme de vie semble plus dicté par la nature que par le travail fait envie (même si la narration met aussi en avant les désavantages type commérage (et flic de petite ville totalement imbu de sa parcelle de pouvoir). Les chapitres écrit du point de vue des animaux fonctionne bien (peut-être un peu moins celui du point de vue du puffin). Les thématiques féminisme et écologie sont plutôt bien traitées (et le fait que le perso qui a raison du point de vue écologique ne soit pas pour autant parfait mais au contraire assez agaçant et hypocrite sur certains points (sans que ça ne lui donne tort pour autant) rend l’histoire plus intéressante que si c’était manichéen.

Recommandé si vous aimez bien l’Australie et les céphalopodes.

Buried Deep, de Naomi Novik

Recueil de nouvelles paru en 2024. Globalement bonne qualité, mais je suis assez fan de Novik de façon générale. J’ai particulièrement aimé Seven et The long way Around, que je trouve particulièrement évocatrices dans l’écriture. Il y a un petit côté Les Villes invisibles dans les deux. Seven years from home a un côté Le Guinesque. Les fanfics et histoires s’insèrent dans ses univers plus larges sont sympas mais pas au niveau des standalones

Recommandé sauf si vous êtes une personne sans cœur qui n’a pas aimé la Scholomance.

Bonjour l’asile, de Judith Davis

Film français de 2025.

Jeanne, responsable d’une asso en banlieue parisienne, va pendant 3 jours rendre visite à Élisa, son amie qui est partie vivre à la campagne avec son mari et ses deux enfants. Jeanne est venu pour une session de travail, Élisa étant l’illustratrice des livres de l’asso, mais cette seconde est débordé par l’organisation de sa vie de famille, et elle n’a pas eu le temps de travailler en amont, ni n’arrive à dégager suffisamment de temps pendant le séjour de Jeanne. Jeanne le lui reproche et la tension monte entre les deux amies, chacune voyant en l’autre quelque chose elle a dû renoncer pour être là ou elle en est aujourd’hui. En parallèle, un agent immobilier tente d’acquérir l' »HP », un tiers lieux hébergé dans un ancien hôpital psychiatrique pas du tout aux normes, pour en faire une hôtellerie de prestige. Confronté aux refus répétés des occupant.es, il devient de plus en plus tendu et somatise, voyant cet échec potentiel comme ce qui le ferait choir de sa position dans les sommets bourgeois locaux, étant un transfuge de classe se sentant toujours en insécurité. Les quatre trajectoire (celles des deux amies, les occupants de l’HP et de l’agent immobilier vont converger au cœur de l’HP même.

C’était cool à regarder ! Même si c’est parfois un peu trop didactique parfois (notamment sur le mec benêt de Jeanne qui ne participe pas aux tâches ménagères tout en se disant déconstruit), la satire est réussie, les personnages aussi (notamment Élisa et son double masculin imaginaire, ainsi que tous les habitants de l’HP, même ceux qu’on voit juste en passant, notamment le groupe de parole masculin et évidemment Cindy)

Recommandé.

Le Rire et le Couteau, de Pedro Pinho

Film portugais de 2025, avec une modeste durée de 3h30. Sergio est un ingénieur environnemental. Recruté par une ONG, il débarque en Guinée Bissau pour évaluer l’impact environnemental d’un projet de route. Son rapport est attendu par le consortium chinois en charge de la construction, mais Sergio se perd dans la vie nocturne de Bissau, ses échanges avec les ouvriers qui construisent la route, les communautés sur le tracé qu’il va interviewer… Il se lie surtout d’amitié avec Guilherm, expatrié brésilien queer et Doria, guinéenne habitant Bissau. Entre eux, des soirées en clubs, un désir que Sergio (particulièrement mutique et suiveur dès qu’il s’agit d’exprimer une préférence) n’arrive pas à verbaliser mais qui est pour autant perçu et renvoyé par les deux autres.

J’ai bien aimé. Y’a un petit côté Alain Guiraudié (comme le remarque la critique de Libé) dans ce personnage de mec révélateur du désir des autres et du sien propre, mais avec en plus tout le côté déambulation dans différents univers et strates sociales de la Guinée Bissau.

Recommandé (si vous avez un créneau pour un film de 3h30)

Les Sentiers de neige, de Kev Lambert

Roman québecois publié en 2024. On suit la vie de Zoey et Emie-Anne, deux cousin.es pendant les vacances de Noël 2004. Les deux se sentent différent.es du reste de leur famille. Le fait d’être des enfants de 9/10 ans, qui sentent venir la fin de l’enfance et la bascule dans l’adolescence joue un rôle, mais il y a plus que ça, un mal-être général. Et puis il y a cette créature que Zoey voit, et bientôt Emie-Anne aussi : Skyd, un lutin avec un masque, comme dans The Legend of Zelda : Majora’s Mask. Les cousin.es vont se lancer dans une quête pour comprendre ce que leur veut Skyd et s’il peut les sauver de leur famille.

J’ai beaucoup aimé. C’est une forme de réalisme magique assez particulier. Ce n’est jamais complétement clair si les éléments magiques existent réellement ou si c’est seulement l’imagination des deux protagonistes qui les conjurent. Les deux enfants passent à travers une forme subvertie du voyage du héros, avec des pérégrinations qui pourraient bien être purement intérieures.

Dans tous les cas, on a une narration très réussie qui nous embarque dans le point de vue des enfants, leur compréhension sur le monde des adultes, leur complicité, leurs doutes et leurs traumas, la façon dont ils s’approprient des éléments extérieurs pour leurs jeux et aventures. Mais la focalisation n’est pas purement interne aux deux enfants, on a aussi des passages plus omniscients ou prenant la focale de d’autres membres de leur famille.

Recommandé.

The Bear, de Christopher Storer

Série télévisée dont la première saison est parue en 2022, 3 4 saisons so far, les deux premières très très bonnes, la troisième simplement bonne. Sans trop en révéler, on suit les vies des personnes travaillant dans le restaurant The Original Beef of Chicagoland. C’est de la restauration rapide, mais le propriétaire-gérant a changé récemment, et vient du monde de la gastronomie, ce qui ne va pas aller sans un certain clash des cultures.

J’ai pendant longtemps fait l’impasse sur cette série, parce que je pensais que c’était une série qui parlait de bouffe, que ça m’évoquait essentiellement de la téléréalité comme Top Chef, et que c’est vraiment pas qq chose qui m’intéresse (j’aime beaucoup la nourriture, mais ma relation à la nourriture implique de la manger, pas de la regarder à travers un écran). Laissez-moi donc dissiper ce malentendu si vous êtes dans le même cas de figure : ce n’est pas une série qui parle de bouffe. C’est une série qui parle de relations familiales, professionnelles et familialo-professionnelles. C’est une série qui parle de trauma, de vouloir exceller à quelque chose et des sacrifices que ça peut amener à faire. Ça parle de travailler dans un restaurant (duh), avec tout ce que ça implique de tâches qui ne sont pas juste de préparer de la nourriture, de la difficulté d’avoir un restaurant qui tient la route financièrement. Voilà pour les thèmes.

Pour la forme, c’est une série qui prend le temps de caractériser ses personnages et leurs relations. C’est aussi une série qui filme les personnages de très près (passion grain de la peau) et qui montre des personnages épuisés. C’est aussi une lettre d’amour à Chicago, avec une quantité de plans de coupe sur la ville incroyable (et comme tout se passe à Chicago, c’est pas pour situer l’action, c’est juste pour crier « Chicago »). C’est aussi une série avec une super bande-son (à forte composante rock des années 90), très très bien employée pour souligner la tension.

Si certains points de l’intrigue m’ont semblé un peu forcés/trop rapides (le plot-twist de la fin de la saison 1, le changement de posture de Richie après l’épisode Forks), globalement c’est quand même très bien écrit, avec des saisons 1 et 2 qui savent totalement où elles vont en termes d’arcs narratifs. Les épisodes Review et The Bear notamment sont très très réussis et la façon dont ils se répondent, ce qui a évolué ou non entre les deux est très bien exposé. En épisodes davantage one-shot, Fishes (qui sort du cadre du restaurant pour faire un flash-back sur un repas de Noël) et Forks (sur le passage de Richie dans un restaurant gastronomique) sont très réussis aussi. Le fait d’avoir toute une saison où le restaurant est en travaux est aussi assez magistral. La saison 3 perd la compacité d’écriture des deux premières, mais elle prend le temps de creuser les personnages.

Les persos sont tous très bien écrits, avec évidemment le trio de tête Carmy/Sidney/Richie et l’ambiguïté qu’ils ont tous les trois en tant que persos qu’on peut à la fois adorer ou détester – un peu moins Sidney qui est moins flawed que les deux autres, mais aussi les persos secondaires : Marcus, Tina, Ibraheim sont des personnages crédibles, même avec peu de temps d’écran, et dans la famille étendue Berzatto, tous les personnages sont très réussis, que ce soit les tragiques comme Donna ou Mikey ou les comiques comme la famille Fak ou l’oncle Jimmy.

Bref, grosse reco.

EDIT 2025 : 4e saison

C’est chouette de retrouver ces personnages, mais la série n’a plus trop l’air de savoir où elle va. On a du lore en plus sur le passé de certains perso, c’est cool de voir Carmy évoluer un peu émotionnellement, mais globalement il ne se passe pas grand chose. Le subplot avec Ibraheim est je pense le plus intéressant en termes de développement de l’histoire, mais il est à peine esquissé dans cette saison. Pas très convaincu par le côté huis close de l’épisode final, je trouve que ça ne marche pas comme façon d’exposer et résoudre le problème. Bref, un peu déçu, je pense qu’il faut une conclusion propre à cette série.

The Florida Project, de Sean Baker

Film états-unien de 2017. On suit la vie de Moonee, gamine de 7-8 ans, qui vit dans un motel en bordure de Disney World, en Floride. Elle passe ses journées à faire les 400 coups avec ses amis, à explorer les hôtels abandonnés, à réclamer de l’argent aux touristes pour s’acheter des glaces, et à faire tourner les adultes en bourrique. Elle vit seule avec sa mère, Halley, qui galère à rassembler l’argent pour payer leur loyer, et vit de combines.

J’ai beaucoup aimé. C’est une chronique de la précarité à hauteur de regard d’enfant. C’est aussi une description de la vie dans les marges de l’Amérique, juste à côté d’une usine à rêve mais dans des conditions merdiques. Les acteurs jouent très bien notamment les enfants mais pas que. Il y a un petit côté Une affaire de famille ou les 400 Coups, mais avec les couleurs pastel de Disney World en toile de fond pour cacher la misère.

GLOW, de Liz Flahive et Carly Mensch

Série télé étatsunienne dont les 3 saisons ont été publiées de 2017 à 2019. On suit la création puis les premières années de diffusion du show (réel) Gorgeous Ladies of Wrestling, un programme mettant en scène des matchs de catch féminin. On va donc suivre les actrices du programme, au premier rang desquelles Ruth Wilder (Alison Brie), qui aspire à être une actrice reconnue, et ses relations compliquées avec Debbie Eagan, sa meilleure amie qui va aussi participer au show et avec Sam Sylvia, le directeur.

J’ai beaucoup aimé. La première saison met un peu de temps à démarrer, mais une fois qu’on est pris dedans c’est du binge-watching de qualité. Plein de perso féminins qui sont relativement développés (beaucoup pour les rôles principaux, un peu moins pour les secondaires, mais on a quand même des éléments de background et des storylines et personnalités définies pour une grosse partie des catcheuses. Le ton général est comique mais ça parle d’avortement, de racisme et d’homophobie, de pauvreté (c’est vite mis sous le manteau, mais pour la plupart des participantes c’était un peu le casting de la dernière chance), d’accident du travail, de culpabilité du survivant… Le rythme des trois saisons est très différents, la première prenant le temps d’installer les choses, la 2e étant sur un rythme « classique » et la 3e faisant de brusques saut dans le temps et introduisant rapidement des éléments avant de passer à autre chose (peut-être qu’il fallait boucler plein de lignes narratives), mais ça passe dans les 3 cas.

Même si c’est très fictionnalisé, c’est intéressant d’avoir une série sur l’envers du décor de la production d’un show, avec le côté rêve hollywoodien qui se craquelle – surtout pour un show dans la marge (le catch n’est pas un genre reconnu, les actrices échouent aux castings classiques – ce sont des cascadeuses, des petites mains du cinéma, des actrices de soap, pas des grands noms – le directeur n’a fait que des films de genre, le seul caméraman nommé vient du porno…), et l’aspect années 80 (très bien rendu de façon générale, mais notamment par le sexisme ordinaire de tous les personnages masculins même quand ils sont présentés comme des personnages positifs, notamment le personnage de Sam Sylvia, très très réussi).

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