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Wicked, de Jon M. Chu

Part 1

Film étatsunien de 2024, adaptation de la comédie musicale éponyme, elle même adaptation du livre de Gregory Maguire. Je suis un grand fan de la comédie musicale, donc j’étais à la fois impatient et dans l’appréhension de ce qu’allait donner l’adaptation en film, mais franchement ça va. Je ne suis pas convaincu totalement par toutes les reprises des chansons, mais ça reste très fidèle aux versions de la comédie (avec parfois un peu plus de parlé-chanté), et des thèmes musicaux qui reprennent les motifs principaux entre les phases de chansons.

Visuellement, c’est saturé d’effets spéciaux la plupart du temps, mais c’est un kitsch qui fonctionne bien avec l’esthétique de la comédie musicale. Cynthia Erivo et Ariana Grande sont toutes les deux très bien castées et habitent bien les deux rôles principaux (et le reste du cast fonctionne bien aussi, Jeff Goldblum en tant que Wizard c’était le choix de la facilité mais c’est exactement ce qu’on voulait, Fiyero et Mme Morrible sont très bien aussi). Il est un petit peu trop mis l’accent sur le fait que Glinda est écervelée dans cette partie 1 (je pense que c’est la partie 2 qui donne plus d’épaisseur au perso anyway), mais c’est vraiment un reproche mineur. Le fait que les effets spéciaux s’arrêtent pendant la scène où le Wizard montre ses plans pour Oz aux deux héroïnes est bien trouvé (vu qu’il ne maîtrise pas la magie on le voit juste montrer des maquettes et faire des ombres chinoises), et l’apparition d’Idina Menzel et Kristin Chenoweth a été une vraie surprise et un très beau clin d’œil.

Recommandé avec tout mon petit cœur de fan.

Part 2

Film étatsunien de 2025, sortie de nouveau à Noël parce que c’est le cycle de vie des blockbusters. On retrouve les deux héroïnes quelques années plus tard. Elphaba est devenue ennemie publique n°1 et Glinda le visage du régime. Leurs chemins vont évidemment se recroiser, et converger vers les éléments décrits dans Le Magicien d’Oz. Les actrices principales et Jeff Goldblum sont toujours très bien. Par contre je trouve que le personnage de Glinda manque un peu de croissance émotionnelle (j’avais écrit l’année dernière « c’est plus la partie 2 qui lui donne de l’épaisseur », bah je reste sur ma fin) : si une forme d’évolution transparait dans les chansons, c’est désamorcé par les passages entre où elle fait toujours aussi écervelée. Même si c’est rigolo (notamment la scène avec la bulle), ça reste pas très satisfaisant.

La scène d’introduction d’Elphaba en mode super-héroïne Marvel est un peu useless et j’ai été assez agacé par la désexualisation totale de As long as you’re mine alors que c’est LE moment de smut de la bande-son (avec la guitare électrique qui donne tout). Le côté full blown-fascism mais avec des couleurs pastels est plutôt bien rendu, la propagande permanente, les foules qui réclament du sang à l’unison avec des torches à la main, et toujours Jeff Goldblum en dictateur débonnaire pendant qu’il fait des horreurs (avec une jolie référence au Dictateur). Le chateau de Kiamo Ko fait un décor très réussi pour No Good Deed (mais clairement taillé sur mesure parce que sinon l’architecture fait aucun sens et en en voit juste une salle). Si je continue sur les chansons, l’ajout de No place like home avec ses allusions au trumpisme transparentes ne sert franchement à rien narrativement, comme celui de The Girl in the bubble. On note un « I love you » entre Glinda et Elphaba à la fin du film, mais ça n’ira pas au delà, on reste dans le queerbaiting sans oser réaliser pleinement le triangle amoureux (et perso ça me va très bien que Wicked soit avant tout une histoire d’amitié impossible dans un contexte politique atroce, mais dans ce cas faut pas rajouter tout le queerbaiting). La fin avec le retour des animaux enlève aussi beaucoup d’ambiguïté au personnage de Glinda (dans la comédie musicale elle fait une meilleure figure tragique, elle a tout perdu pour gagner le pouvoir, mais en plus on n’est pas du tout au clair sur ce qu’elle va en faire).

Bref, j’étais content parce que je suis un fanboy, mais autant le 1 il y avait vraiment une bonne surprise par rapport à mes attentes initiales, autant là c’était plus mixed feelings.

La Subsistance au quotidien, de Geneviève Pruvost

Essai de sociologie paru en 2024. La chercheuse est allée en observation sur le terrain et les activités de Florian et Myriam, deux boulangers-paysans qui vivent avec leur fille Lola dans une yourte sur des terres qui leur appartiennent dans un département français non-spécifié (l’introduction de l’ouvrage explique que toutes les personnes et lieux ont été pseudonymisés pour éviter que la focale sur les communautés alternatives présentées ne risque d’attirer sur elles une répression sous une forme ou une autre (sans parler de contrôle policier, l’attribution des terres par la SAFER local aux exploitants agricoles non-conventionnels est déjà assez compliquée). Sur deux séjours de 3 jours, la chercheuse passe à la loupe toutes les activités des deux adultes, mène des entretiens avec eux et de nombreux membres de leur entourage, et mène une démarche d’ethnocomptabilité : elle mesure les temps, les valeurs pécuniaires ou non, les réseaux de relation, les trocs, dons et contre-dons… Le bouquin est composé du récit chronologique des deux séjours reconstitué depuis les notes de la chercheuse, de tableaux d’ethnocomptabilité et d’une partie qui tente de dégager des structures et des éléments généralisables depuis le terrain mené.

C’était très intéressant à lire, la première partie se lit vraiment comme un récit de vie, c’est très abordable pour des résultats de recherche. J’avoue avoir un peu survolé les tableaux (notamment parce qu’ils s’affichaient mal sur ma liseuse, une question de matérialité de l’exemplaire I guess), la troisième partie est aussi assez instructive sur la question de l’articulation luttes frontales/luttes feutrées (NDDL vs des collectifs qui rachètent des parcelles agricoles pour faire du bio pas de supermarché, vendre en circuit direct et vivre dans des yourtes, en gros), l’intrication des activités dans ce genre de mode de vie, la répartition genrée du travail (pas égalitaire, mais largement moins pire que dans d’autres configurations).

Recommandé.

Bend it like Beckham, de Gurinder Chadha

Film britannique de 2002. Jesminder est une adolescente anglaise dont la famille est d’origine indienne. Alors que sa sœur va se marier, Jess ne regarde pas les garçons, sauf peut-être un : son idole, David Beckham. Elle adore jouer au foot, le fait dans le parc avec les garçons de la communauté indienne, au grand désespoir de sa mère qui voudrait qu’elle soit plus féminine. Un jour Jess est repérée par Jules, une ado du même âge qui joue dans une équipe junior. Elle invite Jess a les rejoindre, et le talent de Jess est le complément parfait de celui de Jules pour faire rapidement progresser l’équipe. Suite à un quiproquo, les parents de Jess pensent qu’elle sort avec un garçon non-indien en secret, ce qui amène la honte sur la famille. Le malentendu est dissipé, mais ils lui interdisent de continuer à jouer au foot. Elle continue cependant en secret, et commence effectivement à développer des sentiments pour son coach. Le match de finale (où un sélectionneur américain doit venir voir les performances tombe le même jour que le mariage de sa sœur, et elle décide de ne pas y aller, mais devant son désespoir manifeste, c’est finalement son père qui lui dit de s’y rendre…

Recommandé, même si vous n’aimez pas le football ! Par certains côtés c’est une romcom anglaise très classique, mais la formule marche bien, une romcom bien réalisée c’est toujours chouette. Par d’autre c’est assez novateur (surtout pour 2002, avec le côté très libre et indépendant des deux héroïnes (même s’il y a une romance, c’est quand même centré sur deux persos féminins relativement indépendant). J’aurai bien voulu que la romance avec Joe soit totalement subvertie (et ça passe pas loin), mais ça reste cool. Le rapport au foot (plus généralement au sport et à la performance) des héroïnes est bien mis en scène, ainsi que le fait de refuser (ça va avec) les déterminismes familiaux (mis en parallèle dans les deux communautés avec les rapport des héroïnes à leurs mères respectives). Je pense que s’il était refait de nos jours il y aurait aussi un volet sur en quoi la sœur de Jess peut aussi s’épanouir en restant dans des activités très féminines (là même si c’est un personnage présenté plutôt positivement il y a quand même le côté « Jess et Jules sont pas comme les autres filles et c’est mieux ». Et peut-être une vision plus chorale de l’équipe de foot. Mais pour 2002, franchement très bien, et bien réalisé/mis en scène.

16 ways to kill a vampire at McDonalds, d’Abigail Corfman

Jeu vidéo textuel, disponible en ligne sur le site de sa créatrice. On joue une chasseuse de vampire qui voulait un jour de repos, mais tombe sur un vampire au McDo où elle va chercher de la comfort food. De toute évidence, c’est aussi ce que le vampire cherche, sous la forme de la caissière. Il va falloir battre le vampire, malheureusement dans le groupe on sert surtout à avoir l’air appétissante pour faire sortir les vampires du bois, il va donc falloir McGyverer un moyen – ou 16 de tuer le vampire.

C’était chouette, une utilisation très réussie de la fic textuelle, une histoire originale et bien menée. Recommandé.

Mundaun, du studio Hidden Fields

Jeu vidéo suisse paru en 2021. Prévenu par une lettre du curée de la mort de notre grand-père dans l’incendie de sa grange, nous remontons au village de Mundaun où il nous a élevé, perdu dans les alpages. Sur place, les événements prennent rapidement une tournure surnaturelle : des créatures de pailles hantent le village la nuit, la chapelle est profanée, et une vision de notre grand-père laisse entendre qu’il est entre les griffes du diable. Armé d’une fourche, de la Muvel grand-paternelle et d’un journal de bord, on va parcourir la montagne pour retrouver dans le passé familial ce qui a fait que notre grand-père a un jour passé un pacte avec le diable…

Il m’a fallu un peu de temps pour rentrer dedans, mais j’ai bien aimé ! L’ambiance est assez particulière, le jeu est en nuances de gris, tous les dialogues sont en romanche, y’a une touche folk horror avec les traditions locales. L’histoire fait légende de rencontre avec le diable très classique, mais ça fonctionne. Le diable en vieil homme mystérieux est très réussi, la scène où l’on voit son reflet dans le lac en contrebas du paysage est ma préférée je pense (de façon générale la mise en scène est très bien faite). Le côté montagne isolée est bien rendu. Quelques allers-retours un peu superflus peut-être mais le jeu n’est pas ultra long pour autant.

Recommandé si vous aimez le romanche et les pactes sataniques.

Everything for everyone, de M. E. O’Brien et Eman Abdelhadi

Utopie communiste parue en 2022. Dans les années 50, le capitalisme s’est effondré partout sur la planète. 20 ans plus tard, pour commémorer cet effondrement, des participant.es à la Commune de New York décident de compiler une histoire orale : une compilation de témoignages d’une dizaine de personne ayant vécu les événements qui ont conduit à l’instauration de cette Commune, sa place dans le monde, ce que ça fait de vivre dedans.

C’était très chouette à lire, la forme de l’Histoire orale marche bien pour présenter plusieurs points de vue et facettes. Le récit de l’effondrement est crédible (dans ses points heureux comme dans les points d’accélérationnisme fasciste avant, hélas). Le focus n’est pas uniquement sur NY, on a des éléments sur le reste du monde (l’effondrement du système chinois, l' »intifada finale » qui mène à la libération de la Palestine et à la réduction d’Israël à ses frontières de 48, un peu dur à lire dans son optimisme en 2025 même si le livre ne présente jamais des victoires contre le fascisme et le capitalisme qui se sont faites sans lutte).

C’était pas le point du livre mais j’aurai bien voulu néanmoins plus de références à la Commune de Paris. Ça m’a rappelé Eutopia et d’autres visions d’utopies post-capitalismes que j’ai pu lire, mais everything for everyone met plus l’accent sur le portage des luttes par les minorités, et l’impact sur la santé mentale aussi bien du capitalisme que des luttes contre.

« », de Camille Boitel et Sève Bernard

Spectacle vu au théâtre Garonne, qui oscille entre danse et cirque. Toute la technique est réalisée de façon apparente. Les acteurices font s’effondrer le décors, chutent, se déplace derrière des pans de tissus, s’envolent. Il se passe plein de trucs, le spectacle est dur à décrire, mais prenant. La technique derrière pour que les choses s’enchainent de façon fluide semble millimétrée.

Recommandé.

Lorelei and the Laser Eyes, du studio Simogo

Jeu vidéo d’énigme publié en 2024. Une femme est invitée dans un hôtel pour participer à un projet artistique. À son arrivée tout est fermé, mais un chien l’attend avec une lettre. Il va falloir déverrouiller progressivement les différentes pièces de l’hôtel, comprendre ce que l’on fait là et se balader entre plusieurs niveaux d’interprétation.

J’ai beaucoup aimé. C’est tout à fait mon style de jeu d’énigmes, ça demande pas de s’arracher les cheveux mais faut quand même réfléchir un peu sérieusement sur certaines. Et surtout, l’esthétique du jeu est incroyable. Tout est en noir blanc et rouge, avec une espèce de voile sur l’image comme si on suivait le jeu depuis des caméras de surveillance. On a aussi des séquences dans des jeux vidéos dans le jeu vidéo avec une esthétique de Playstation. On évoque des sociétés secrètes, des magiciens ambulants, le cinéma italien des années 60, un superordinateur, c’est vraiment ma came.

Grosse reco.

La Commune, de Peter Watkins

Film franco-étatsunien de 1999. J’ai vu la version courte (3h30 quand même) en salle dans le cadre du Fifigrot 2025.

On suit sous la forme d’un docufiction la commune de Paris, de quelques jours avant le soulèvement du 18 mars jusqu’à la fin de la Semaine Sanglante. Le film réunit 200 comédiens amateurs, filmés alors qu’ils jouent les personnages après un travail de documentation initial, mais aussi dans des débats où ils font le parallèle avec la situation politique et économique au moment du tournage. Le film interroge aussi le rôle des médias en 1871 et en 1999, en insérant dans le contexte de la Commune deux chaînes de télé, la Télévision Nationale Versaillaise et la Télévision Communale, qui informent sur les événements depuis deux points de vue situés.

Le film et son atypicité par rapport aux films plus classiques sont assez marquants. La scène du reportage sur les barricades et les interviews des soldats versaillais à la fin du film sont particulièrement intenses.

Grosse reco.

Sirāt, d’Oliver Laxe

Mad Max x Le Salaire de la Peur

Film franco-espagnol de 2025. Une rave dans le désert marocain. Un père et son fils distribuent des flyers : ils cherchent leur fille et sœur, qui fréquente les free-parties et dont ils sont sans nouvelle depuis 5 mois. L’armée vient rapidement interrompre la rave. Sans être correctement préparés, les 2 protagonistes décident de suivre un petit groupe de teufeureuses qui veut rejoindre une autre fête tout au sud du pays, à la frontière avec la Mauritanie, où leur adelphe pourrait être. Pour cela, il va falloir traverser le désert, alors qu’à la radio l’annonce des débuts d’une potentielle guerre mondiale laisse entendre que le monde entier bascule dans des temps incertains. Le convoi de trois véhicules va rouler dans un désert magnifique mais où toutes les erreurs sont potentiellement mortelles…

Sirāt commence avec un objectif clair pour les personnages, mais rapidement cet objectif disparaît : les personnages roulent, ne semble plus croire eux-même à leur objectif, une hypothétique fête qui sonne comme la promesse du paradis de l’autre côté du purgatoire qu’est le désert. Le film est beau mais assez violent, et d’une violence qui prend les spectateurs par surprise : il n’y a pas une montée de la tension qui permet de voir arriver la violence, elle surgit juste d’un seul coup. Des gens qui roulent en voiture dans le désert alors que le monde sombre dans le chaos, impossible de ne pas penser à Mad Max, mais version quête existentielle propre au cinéma européen, où l’adversaire n’est pas des gangs de bikers mais les éléments et les raisons qu’on peut se trouver de vivre.

Recommandé avec un TW mort gratuite.