Archives par mot-clé : film japonais

Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-eda

Film japonais paru en 2018. Un soir d’hiver, une famille trouve la fille de leurs voisins en t-shirt sur le balcon. Ils recueillent l’enfant et lui donnent à manger. Révoltés par les mauvais traitement subis par l’enfant, ils décident de la garder avec eux. Cet enlèvement vient s’ajouter à un mode de vie déjà marginal : ils vivent à 4 adultes et un premier enfant dans une toute petite maison, vivent de vols à l’étalage, d’une pension de retraite et de petits boulots ; et les liens familiaux entre eux sont plus compliqués qu’il n’y parait au premier abord.

J’ai bien aimé, c’était assez posé, l’effet de découverte progressive des relations familiales fonctionne bien, les personnages sont à la fois assez attentifs les uns aux autres et très wtf dans leur relation à la société en général dont ils ne suivent pas du tout les règles.

Recommandé.

Perfect Days, de Wim Wenders

Film germano-japonais de 2024. Hiramaya travaille en tant qu’agent d’entretien des toilettes publiques d’un quartier chic de Tokyo. Il a des semaines routinières, rythmées par son travail, la prise de photos sur la pause du midi, un repas dans une échoppe le soir, le développement de ses photos et un passage au bar le weekend. Il est solitaire mais heureux de sa vie, il lit des livres, écoute des cassettes sur l’autoradio de son van, et fait pousser des jeunes arbres. Le film le suit dans son quotidien où seuls quelques événements imprévus le fond dévier de sa routine : l’arrivée inattendue de sa nièce, une demande de son collègue…

J’ai bien aimé. C’est assez contemplatif, mais on se prend à accompagner Hirayama dans son quotidien et dans le bonheur qu’il prend dans les petites répétitions de la vie. C’est pas mal un film sur la maintenance et la répétition du même, des thèmes qui me parlent. Les séquences de rêve en noir et blanc sont assez réussies dans le fait de montrer des rêves à la fois non-figuratifs et qui reprennent des éléments de la journée ou de ce qu’on suppose être le reste de la vie d’Hirayama.

Comme un lundi, de Ryo Takebayashi

Film japonais paru en 2024. Akemi Yoshikawa travaille dans une petite agence de publicité, qui est dans le rush pour sortir une campagne sur une soupe miso en comprimé. Alors qu’elle tente désespérément de boucler son dossier, deux collègues juniors persistent à l’interrompre pour lui dire que l’agence est prise dans une boucle temporelle. Akemi va progressivement réaliser qu’ils ont raison, et que ses semaines font plus que toutes se ressembler un peu…

C’était fort chouette. Un film de boucle temporelle à petit budget, une satire du monde du travail (satire qui reste très en surface, y’a pas de grosse remise en question), des acteurs qui jouent bien, un film qui ne se prend pas au sérieux (la scène avec les lunettes et les marteaux), c’était un très bon moment.

Je recommande.

ゴジラ -1.0 (Godzilla Minus One), de Takashi Yamazaki

Film japonais de 2023. Dans les derniers jours de la seconde guerre mondiale, Koichi, pilote kamikaze, est témoin de l’apparition de Godzilla sur une île du Pacifique. Une fois démobilisé et revenu dans un Tokyo dévasté, il refait sa vie malgré les crises de stress post-traumatique et la culpabilité du survivant qui l’assaillent. Mais les essais nucléaires des USA vont de nouveau réveiller la créature, qui attaque des bateaux puis directement la ville de Tokyo. Devant l’inaction des gouvernements US et japonais qui ne veulent pas attiser les tensions avec l’URSS par des manœuvres militaires, une initiative privée rassemblant d’anciens soldats japonais va se dresser comme seule ligne de défense de l’archipel devant la créature.

J’ai été moins pris dans le film que pour Shin Godzilla (et je trouve que c’est un film d’action plus classique), mais c’était très bien quand même. Belles reconstitutions de l’époque, design de Godzilla très réussi, les personnages sont attachants, un happy ending sympa.

AJOUT 02/2025 : revu au cinéma en version noir et blanc. Le grand écran et le bon soundsystem font beaucoup pour l’immersion dans le film, et le noir et blanc marche bien

Le Garçon et le Héron, de Hayao Miyazaki

Film d’animation japonais de 2023. Mahito, jeune adolescent, débarque à la campagne avec son père. Sa mère est morte dans un bombardement américain, son père va se remarier avec la sœur de sa femme et superviser l’usine de production d’avion installée en pleine campagne. Laissé à lui-même dans l’immense domaine familial, Mahito va suivre un héron qui le provoque jusque dans une tour en ruine ou il va découvrir un univers parallèle onirique.

J’ai beaucoup aimé. C’est moins linéaire que les précédents Miyazaki, on retrouve des éléments de plein de ses autres films (ou de d’autres, d’ailleurs : le début fait penser au Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro et à Mon voisin Totoro, la météorite alien ça pourrait être du Lovecraft avec un autre traitement, l’interaction avec sa propre mère jeune ça pourrait être Petite Maman). Le dessin est très beau, moins classique que dans les autres Miyazaki que j’ai vu. L’histoire est dense dans les rebondissements qui se suivent selon une dream logic où l’on passe d’un événement à l’autre, et à la fois assez simple dans son cœur : Mahito fait le deuil de sa mère et de la possibilité d’un monde parfait où rien de mal n’arriverait. C’est doux-amer, avec une nostalgie qui infuse tout le film.

Je recommande.

Plan 75, de Chie Hayakawa

Film japonais paru en 2022. À 20 secondes dans le futur, le Japon a adopté une loi, le Plan 75, permettant aux personnes de plus de 75 ans de se faire euthanasier, pour lutter contre le vieillissement de la population. En échange de cet acte citoyen, les volontaires reçoivent 100 000 yens (~800€), leur permettant de financer leurs obsèques, de s’offrir un restau ou un hôtel pour leurs dernier jours. On suit plusieurs point de vue, un jeune cadre du Plan 75, deux travailleuses, une dans un centre d’euthanasie et une à la hotline du Plan, et quelques candidat.e.s au Plan.

J’ai beaucoup aimé. Le film montre très bien comment il s’agit d’une politique classiste, visant à littéralement tuer les plus pauvres (le Japon ayant un système de retraite merdique, on suit notamment un groupe de femmes de ménage qui travaillent encore à 75 ans révolus), avec des incitations à s’inscrire au plan dans les soupes populaires, les agences d’aide sociale… C’est aussi très bien filmé en terme de mise en scène des plans, jeux sur la profondeur de champ, scènes qui s’attardent sur des détails comme une branche d’arbre ou de la neige qui fond sur un pare-brise. Très bonne surprise.

Drive my car, de Ryusuke Hamaguchi

Film japonais de 2021. Yūsuke Kakufu, metteur en scène de théâtre reconnu, perd sa femme dans un accident cérébral quelques semaines après avoir découvert qu’elle le trompait avec un acteur de série télé. Deux ans après ces événements dont il ne s’est toujours pas remis, Yūsuke est invité à diriger une mise en scène d’Oncle Vania dans le cadre du festival de théâtre d’Hiroshima. L’organisation du festival lui assigne une chauffeure, avec qui il va peu à peu se mettre à parler au fil des trajets entre sa résidence et les répétitions de la pièce.

J’ai bien aimé sans être complétement bouleversé. Le film dure trois heures, il prend le temps d’installer les situations. Le prologue lorsqu’Oto, la femme de Yūsuke, est toujours vivante, dure 40 minutes, par exemple. Il y a de très beaux plans (la scène d’introduction avec Oto à contrejour sur la baie de Tokyo, la scène de répétition en extérieur, la scène où Yūsuke et Misaki fument une cigarette sur un quai en béton), il y a aussi beaucoup de scènes tournées dans la voiture (logiquement) ou qui montrent la voiture, rouler, et c’est toujours un dispositif qui me convainc assez peu au cinéma : en intérieur il n’y a qu’une quantité d’angles limités, et en extérieur ça donne surtout l’impression qu’Hiroshima est constituée à 80% d’échangeurs autoroutiers. Après le film prend le temps de laisser les personnages raconter des histoires – que ce soit dans la voiture ou ailleurs, et ça rend très bien (alors que pourtant filmer des gens qui racontent totalement autre chose, c’était pas forcément gagné d’avance comme mise en scène).

En plus de la relation entre Yūsuke et Misaki (et du poids de la relation qu’avait Yūsuke avec Oto), il y a tout un axe sur les répétitions d’Oncle Vania. Yūsuke travaille avec des pièces multilingues, où chaque acteur dit le texte dans sa propre langue, ce qui est un concept assez intéressant dans la vie réelle, et bien mis en scène dans le film. Yūsuke refuse de jouer Oncle Vania lui-même (c’était la pièce qu’il jouait à la mort d’Oto et il trouve que le texte force trop les acteurs à se confronter à eux-mêmes), mais il fait travailler ses acteurs dessus, et notamment Kōji qui interprète le personnage d’Oncle Vania lui-même, un jeune acteur impulsif qui saborde sa propre vie et était , l’amant d’Oto. On ne comprend pas trop le choix de Yūsuke, mais ce n’est pas dit qu’il le comprenne lui-même : il réprime énormément ses sentiments tout au long du film et il adopte une posture mi-paternelle mi-agacée vis-à-vis de Kōji. Pour autant ce n’est pas un film où une femme (Misika) va aider un homme (Yūsuke) à reprendre contact avec ses sentiments : Misika aussi est laconique et peu sentimentale, les deux vont s’épauler mutuellement dans cette tâche.

Comme je le disais, j’ai bien aimé, on se laisse emporter par l’histoire et les relations entre les personnages. Pour autant je trouve que la façon de filmer est souvent assez factuelle : « voici une voiture qui roule » ; « voici une répétition de théâtre dans une salle éclairée au néon », alors que certains plan et certains éclairages montrent qu’il était possible de faire autrement.