Archives de catégorie : Screens, thousands of them.

Emma, de Autumn de Wilde

Adaptation du roman éponyme de Jane Austen. Emma, une jeune bourgeoise anglaise, n’aime rien temps qu’apparier ses amis pour les faire convoler en mariage. Elle espère le retour de Mr. Churchill, beau-fils de son ancienne gouvernante, qu’elle considère comme la seule personne qu’elle pourrait épouser, si jamais elle devait en passer par là. Elle est belle et intelligente, et se considère incroyablement douée pour apparier les gens, mais le déroulement du film va montrer qu’au contraire elle méjuge largement les situations, notamment la sienne.

C’était super bien. Plein de costumes d’époque très beau, une très belle lumière, une excellente photographie de façon générale, avec des plans et des cadrages posés de façon très stricte. Il y a une sorte de classicisme modernisé dans la façon dont c’est filmé. Les personnages sont tous un peu idiots (voire beaucoup pour certain.e.s) mais aimables. Knightley, Jane Fairfax et le père d’Emma sont particulièrement réussis (et Elton aussi, dans le genre gros creep).

Il y a exactement ce qu’il faut d’incertitudes amoureuses et de gens qui se languissent d’un signe, de conventions sociales strictes et de traditions guindées.

10/10, would Austen again.

Krampus, de Michael Dougherty

Film US de 2015, avec Adam Scott et Toni Colette. Les disputes perpétuelles d’une famille durant la période de Noël conduisent le plus jeune membre à souhaiter que sa famille disparaisse. Cet anti souhait de Noël invoque le Krampus, l’équivalent du Père Fouettard dans la mythologie austrobavaroise. Le Krampus va s’emparer des membres de la famille l’un après l’autre, les poussant à s’unir par delà leurs désaccords.

J’ai bien aimé perso. C’est de l’horreur grandguignolesque, le Krampus utilisant des tropes de Noël détournés : il descend par la cheminée, il a des petits lutins maléfiques et des jouets psychopathes qui l’aident. Les acteurs jouent tous bien et y’a des moyens sur les effets spéciaux. Les rôles sont très traditionnels avec les pères qui protègent la famille et se sacrifient ; les femmes se défendent aussi mais sont beaucoup plus dans la réaction. Après bon les films d’horreur sont souvent conservateurs. De la même façon quand la famille parle de s’unir, c’est la famille libérale qui fait un pas vers leurs cousins républicains pour accepter de manier des armes à feu et déclamer « Qu’un berger protège son troupeau ». Meh.

J’ai bien aimé que la fin reste ambiguë, et la séquence de flashback en animation était cool. Par contre dissensus parmi les personnes avec qui je l’ai regardé, certain.e.s ont trouvé que l’humour et l’horreur se neutralisaient l’un l’autre et que ça marchait pas du tout.

Patria, d’Aitor Gabilondo

Série espagnole de 2020. La série suit deux époques en parallèle : les semaines qui suivent l’annonce de 2011 de l’ETA de leur renoncement à la lutte armée, et les événements menant à et suivant le meurtre d’un petit patron et père de famille basque, Txato, 20 (checker) ans plus tôt.

J’ai été assez déçu. J’avais été alléché par le pitch, et le premier épisode posait plein de pistes intéressantes, avec la focalisation sur Bittori, la veuve obstinée de Txato qui décide d’obtenir la vérité sur le meurtre de son mari 20 ans plus tard. Avoir une femme de 70 ans comme personnage principal c’était intéressant, la faire enquêter sur un sujet politique sensible c’était super.

Mais en fait, Bittori n’enquête sur rien. La série montre les événements selon une narration non linéaire, mais l’histoire est très manichéenne. Bittori finira par avoir l’info qu’elle veut, mais après avoir écrit deux lettres. Quant à l’exposition d’une situation politique complexe, comment dire.

Je ne demandais pas à la série d’être une grande fresque pédagogique sur l’indépendantisme basque, mais là on n’a aucune idée de pourquoi l’ETA a pris les armes ni des enjeux du mouvement indépendantiste. Le mouvement est présenté surtout via des cellules d’actions composées de jeunes adultes un peu idiots. Il a du soutien dans la population, mais on sait pas trop pourquoi : visiblement les gens trouvent que la lutte armée c’est un peu abusée, mais quand même iels soutiennent. La violence de l’État espagnol n’est pas totalement occultée, mais elle est complètement disjointe de la question de l’indépendance : on a une scène où le GAL arrête la voiture de trois jeunes filles et où ils profitent de la fouille pour les agresser sexuellement, une autre scène de violence policières interminables quand un des ettara est arrêté. En fait on a l’impression que la situation politique est prise comme un état de fait et une toile de fond pour dérouler l’histoire. La série est clairement contre l’indépendantisme, mais je trouve que même dans cette optique elle dessert son propos : ne pas montrer pourquoi certaines personnes se retrouvent à considérer la lutte armée comme acceptable tout en les montrant comme insérées dans leur communauté, ça crée juste une dissonance, le terrorisme devient juste une tradition comme une autre.

Autre problème, les personnages sont pour la plupart totalement unidimensionnels. La famille de Txato ne se définit que par rapport à son meurtre, et Txato lui-même est un saint : après la présentation par les yeux de sa famille je m’attendais à un twist où on montrait que sur d’autres aspects il était moins parfait et que ça expliquait pourquoi il y avait du ressentiment contre lui, mais non, il est désigné comme cible de l’ETA juste parce que les gens sont jaloux et l’imaginent ultra-riche.

Bon qu’est-ce qu’il reste de positif, quand même ? Une série avec des moyens, qui montre des gens avec des têtes qui ne sont pas celles d’acteurs hollywoodiens. De beaux paysages du Pays Basque, on reconnaît les Pyrénées, on voit la côte. Un bon premier épisode, deux actrices principales âgées intéressantes qui jouent bien leurs rôles de mères de famille inflexibles (Bittori et Miren). Une caméra qui fait des plans intéressants (le recul progressif dans le train quand Nerea part pour l’Allemagne), le cadre qui se resserre progressivement sur Miren en excluant Joxian quand ils rendent visite à Joxe Mari en prison pour la première fois). Mais c’est assez frustrant de voir le potentiel qu’avait cette série et qui a été gâché.

The Rider, de Chloe Zhao

Film étatsunien de 2017. Brady est un jeune cowboy qui vit au Dakota. Toute son identité et sa sociabilité sont ancrées dans le milieu du rodéo. Au début du film, il se remet d’un accident de rodéo qui lui a causé une fracture du crâne. Il est supposé se reposer et prendre le temps de se rétablir, mais il n’arrive pas du tout à rester éloigné du rodéo : il prend un petit boulot en supermarché, il s’occupe de sa sœur, mais son père qui a quitté le milieu du rodéo est un contre-exemple pour lui, et tous ses amis lui demandent quand est-ce qu’il va se remettre en selle. Il temporise, s’occupe de dresser des chevaux, rachète un cheval pour lui-même, mais même ces activités sont trop intenses physiquement et lui font avoir une nouvelle attaque. Coupé du monde du rodéo, il devient profondément déprimé, et se réinscrit à un rodéo, malgré les risques. Il décide au dernier moment de ne pas concourir en voyant son père et sa sœur dans le public.

C’était assez peu joyeux, mais c’était assez beau. Les personnages sont complexes, ils viennent d’une culture très particulière, sont globalement tous pauvres et pratiquent une activité à risque (le meilleur ami de Brady, Lane, était un des espoirs du rodéo de taureau et est paralysé depuis un accident), qu’ils savent qu’ils devront laisser derrière eux tôt ou tard, mais qui est centrale dans leur vie. La tension que représente pour Brady le fait de devoir l’abandonner est bien retranscrite : on voit que son accident l’a secoué, mais en même temps, il y a jusqu’à des gamins qui viennent lui dire qu’ils sont fans de lui au supermarché, en plus de tous ses amis qui l’encouragent à revenir au rodéo, lui-même aime faire ça, aime les chevaux, s’est construit là dessus. Laisser ça derrière lui est très dur.

Globalement bon film, un côté Ken Loach dans les situations dures montrées, à regarder quand on est plutôt en forme psychique.

Une Partie de Campagne, de Raymond Depardon

Documentaire tourné pendant le mois qu’a duré la campagne présidentielle de 1974. Raymond Depardon suit VGE, filme les coulisses de la campagne, les moments où le candidat est en transit entre deux points. Le documentaire n’a pas du tout plu à VGE, qui l’avait financé et a interdit la sortie jusqu’en 2002.

Le documentaire présente une France et une façon de faire de la politique d’un autre temps : Giscard se retrouve dans la foule à la fin de ses meetings et conduit sa voiture pendant que Depardon le filme. Les salles où ont lieu les meetings ont l’air faites et décorées de bric et de broc. Tous les gens ont une tête, des habits, des coiffures qui sont totalement spécifique de leur époque. La diction de Giscard est aussi ultra particulière.

Un autre point frappant c’est l’isolement de Giscard, qui fait les trucs dans son coin : Il se balade seul en voiture, donc, il attend les résultats du 2d tour seul dans son appart de fonction, avec juste Depardon qui le filme, et passe des coups de fils à Michel Poniatowski pour avoir les derniers chiffres et bitcher sur les politiques qui passent à la télé pour commenter les résultats. Y’a aussi une super scène où entre les deux tours il réunit ses conseillers de campagne, mais essentiellement pour leur dire ce qu’il veut faire lui plutôt que d’écouter leurs suggestions (et où il sort cette super réplique « Il y a une première option, qui est au fond de ne rien faire, et l’élection est pratiquement gagnée ».

Bref, c’était un bon documentaire, je le recommande.

Petite Fille, de Sébastien Lifshitz

Documentaire sur une enfant trans, et sur le combat de sa famille pour qu’elle puisse vivre son enfance de façon épanouie sans se prendre de la transphobie dans la figure (avec plus ou moins de succès), de la part des adultes en position d’autorité notamment (profs de danse, prof et directeur en milieu scolaire, autres parents…)

C’est un documentaire style Strip-tease, sans commentaire en voix off, qui se met au niveau des personnages. Bien sûr ça reste orienté par le montage, par ce qui est montré ou non, par la musique rajoutée, mais la caméra tend à se faire oublier un peu. Perso j’ai trouvé ça intéressant dans le côté tranche de vie, la façon dont ça montre comment Sasha et surtout sa famille (même en étant le sujet principal du documentaire, en tant qu’enfant assez jeune Sasha est quand même assez effacée et silencieuse par rapport à ses parents) gère le quotidien et pousse pour obliger les gens autour d’elleux à être moins transphobes. Le documentaire montre surtout des scènes tout à fait banal, pour une bonne part c’est une famille qui vit sa vie tranquillement (+ Vadim, le dernier de la fratrie, qui est ultra intense par moment et très drôle comme un gamin de ~6 ans peut l’être). Je trouve ça intéressant de montrer comment les parents, qui sont clairement non-militants, non renseignés sur ces sujets, probablement vaguement de droite, gèrent les interactions avec le reste du monde au quotidien.

J’ai vu qu’il a été reproché au documentaire par des personnes trans d’utiliser de mauvais termes, et d’avoir une approche qui même si elle se veut bienveillante, peut être néanmoins transphobe par moment. Je comprends le problème,, et je suis tout à fait d’accord que c’est problématique de ne pas avoir plus de ressources par et pour les personnes trans (et d’avoir à la place yet another documentaire par une personne cis qui filme une personne trans – et de plus c’est vrai que dans le choix de montage y’a une grosse focalisation sur Sasha qui choisit ses vêtements, beaucoup de plans sur ses chaussures à talon et paillettes dorées, très féminines, c’est un focus qu’on peut clairement reprocher au doc), mais ça m’a beaucoup moins dérangé pour ce style de documentaire que ça ne l’aurait fait pour un doc avec voix off : je pense pas que ce documentaire prétende faire de la pédagogie.

Le Goût des Autres, d’Agnès Jaoui

Film français de 2000. On suit les trajectoires croisées de Castella (Jean-Pierre Bacri), un chef de petite entreprise totalement imperméable à la culture, qui lors d’une représentation de Bérénice est soudain bouleversé par le texte et l’actrice principale ; de sa femme, sa soeur, son garde du corps, son chauffeur ; de Clara l’actrice de Bérénice et de diverses personnes qui travaillent en lien avec elle dans le monde de la culture.

C’était très bien. Le sujet est complexe, qui parle de goût culturel et de dominations plus ou moins symboliques, mais très bien traité. Y’a des moments où on cringe pour les personnages (quand Castella passe à raison pour un idiot fini au restaurant), mais c’est très réaliste comme présentation des choses. Le film réussit aussi très bien à retourner le personnage de Castella, qui très antipathique au départ, devient le héros du film, la perception qu’on a de lui évoluant graduellement. Les lignes narratives de tous les personnages sont réussies, la relation Manie/Vincent est très bien notamment. Chabat a un rôle un peu en arrière plan mais il est excellent dedans. Idem pour le personnage d’Angélique, qui n’est franchement qu’esquissé dans le film, mais est super réussie aussi.

Globalement, très bon film choral, avec un excellent traitement du sujet.

Queen’s Gambit, de Scott Frank et Allan Scott

Série Netflix en 7 épisodes adaptée d’un bouquin de Walter Tevis. On suit la vie (imaginaire) d’Elizabeth Harmon, prodige des échecs, de son placement en orphelinat à son affrontement en 1968 à Moscou contre le champion du monde en titre.

C’était fort bien. L’actrice principale est très bonne dans son rôle, et plus largement tous le cast est réussi, avec des personnages secondaires très bien réalisés. Le côté série historique avec décors reconstitués fonctionne bien (petit bémol là-dessus sur le Moscou du dernier épisode, sur lequel les images de synthèse sonnent quand même un peu fausses sur certains plans d’ensemble). Il y a quelques rebondissements où l’on se dit quand même que tout le monde est très bienveillant dans ce monde (les gens perdent avec grâce, les anciens adversaires deviennent des mentors ou des amis – on croirait un shonen. Y’a zéro sexisme, l’alcoolisme et les addictions c’est possible d’en sortir juste avec de la volonté), mais bon ça fait du bien parfois aussi. On voit par contre très peu d’échecs dans la série, qui se concentre sur la psychologie des personnages et non pas les parties. Y’a aussi un petit côté didactique artificiel dans les premiers épisodes, ou Elizabeth se voit expliquer les règles d’une partie puis d’un tournoi une par une par différents personnages, mais c’est un défaut franchement mineur.

Drop Dead Gorgeous, de Michael Patrick Jann

Comédie américaine de 1999. Dans un village du Minnessota, un concours de beauté pour les filles de 17 ans donne lieu à une compétition acharnée, les favorites perdant la vie l’une après l’autre alors que l’organisatrice du concours est prête à tout pour que sa propre fille gagne.

Le film est tourné comme un faux documentaire, l’équipe du film étant visible dans le tournage et les personnages interagissant avec eux. Le film est assez peu subtil, tous les personnages sont des caricatures d’eux-mêmes mais ça marche assez bien. Ça tape dans tous les sens, c’est pas toujours très politiquement correct, mais je trouve que dans le contexte du film ça fonctionne, il ne cherche pas à être spécifiquement politiquement incorrect.

Le procédé du faux documentaire est assez réussi, ça donne un petit relief au film, des effets de mise en scène plutôt intéressants (il y a quelques plans impossibles pour un faux documentaire, mais c’est léger).

Starship Troopers, de Paul Verhoeven

Film américain de 1997 basé sur un bouquin de Robert Heinlein de 1959. La Terre a été unifiée sous un gouvernement mondial militariste. Seule les personnes ayant servi dans l’Armée de la Fédération ont le droit de vote, et bénéficient de nombreux autres avantages. Dans ce contexte, l’exploration spatiale Terrane rencontre une race d’extraterrestres insectoïdes. La guerre est déclenchée entre les deux peuples, et le film va suivre la formation puis l’engagement au combat de trois adolescents de Buenos Aires qui viennent de finir le lycée.

En première lecture le film montre la guerre victorieuse des Humain.e.s contre les Aliens, mais derrière, il est clairement montré que la société humaine ne va pas bien du tout ; le film est entrecoupé de clips de propagande, les profs de lycée font l’apologie de la violence comme la source de tout pouvoir, le gouvernement militaire a une esthétique fasciste assumée (la tribune de la Fédération à Genève, la coupe des uniformes des officiers du Renseignement), la première offensive est une boucherie sans nom, on voit des soldats mourir dans tous les sens pendant que les officiers les entraînent au combat en criant « who wants to live forever? ». Le film a un rendu qui fait plus ancien que 97, mais je pense que c’est volontaire pour coller au livre de 59 (qui lui était militariste pas du tout au second degré – j’aime bien lire la SF de Heinlein mais il est bien craignos en terme d’idéologie).

Bref, un classique de la SF parfois un peu long mais qui vaut clairement le visionnage.