Archives de catégorie : Screens, thousands of them

Paradise Killer, du studio Kaizen Game Works.

Jeu d’enquête sorti en 2020. On joue une enquêtrice rappelée de son exil pour découvrir la vérité sur un multi-homicide sur une île dans un univers très perché.

Basiquement, c’est une murder (+ une dating simulation) : il y a plein de persos à interroger et de secrets à découvrir, certains liés à l’enquête principale, qui peuvent être des fausses pistes ou non, certains déconnecté de l’énigme mais qui rajoutent du lore et de l’épaisseur aux relations entre les persos. Un léger regret sur le fait que la meilleure strat est toujours d’épuiser toutes les options de conversation avec les persos : en soi, ne pas leur révéler ce qu’on a découvert sur eux pour éviter qu’ils construisent une défense avant le procès serait plus cohérent, mais probablement plus compliqué à implémenter. Par ailleurs, on se ballade dans l’univers façon monde ouvert : c’est réaliste pour une enquête mais perso je pense que j’aurai bénéficié d’un peu plus de contraintes pour aller inspecter la scène de meurtre et certains éléments clefs dès le début, par certains points j’ai l’impression d’avoir un peu pris les choses à l’envers (mais c’est un défaut assez mineur et assez lié à ma pratique du jeu plus qu’à sa construction).

L’univers est très original : basiquement, on travaille pour une secte qui œuvre au retour des Grands Anciens à la Lovecraft, sauf que l’esthétique est à l’opposé de Lovecraft : avec les pouvoirs conférés par un des Dieux, la secte s’est construit une retraite dans une dimension de poche, sous la forme d’une île paradisiaque pleine de bâtiments brutalistes, de néons et de couchers de soleils avec une esthétique 80’s (mais ils continuent à sacrifier des humains pour charger psychiquement les Dieux). Le lore est très dense, avec des persos très wtf, un univers qui a l’air de partir dans tous les sens mais a en fait une grosse cohérence interne : on peut le rapprocher de Disco Elysium, mais avec plus d’ecstasy et moins de politique.

Merci à MNL pour le cadeau !

The Batman, de Matt Reeves

Film policier de 2022. Batman, année 2. Le super-héros masqué a commencé à rentrer dans une routine dans sa lutte contre le crime à Gotham. Il collabore avec le commissaire Gordon, peut se rendre sur des scènes de crime, est toléré par la police même si sa relation avec eux reste compliquée. Une série de meurtres vient bouleverser la ville. Un meurtrier qui se fait appeler le Riddler tue plusieurs figures publiques de Gotham, en commençant par le maire. Simultanément aux meurtres, le Riddler publie des révélations sur la corruption de ses victimes et leur compromission avec des figures mafieuses…

Commençons par le gros point négatif : c’était trop long. 2h56, c’était 56 minutes de trop. Ou alors fallait faire une mini-série, mais là franchement ça faisait quelque chose de trop dense. Certaines scènes n’étaient pas très jolies ou pas très lisible, avec notamment une lumière pas très réussie (notamment les scènes à l’aube). Enfin, je n’ai pas été très convaincu par le personnage de Catwoman, qui sert de romance sans grand intérêt.

Ces éléments mis de côté, il y avait des choses qui valaient le détour : par rapport aux Batman précédents (ceux réalisés par Nolan), l’esthétique est plus intéressante, moins « gros buildings et militarisation » (moins Nolan, quoi). Le portrait de Bruce Wayne/Batman proposé est intéressant. Il est beaucoup plus humain qu’habituellement dans les films, il doute, il rate des trucs, il y a une vraie épaisseur du personnage plutôt que d’en faire un archétype (et même s’il est pas en train de prôner la justice sociale et le community building, il est aussi moins fasciste que dans les Nolan). Le fait d’être sur une enquête sur un serial killer plutôt que sur un gros film d’action (même s’il y a des courses poursuites et autres passages obligés du film d’action) est un changement d’angle bienvenu aussi, on a des adversaires avec une épaisseur, plus dans le côté « politique un peu poisseuse » et « liens avec la mafia » que « super-méchants qui empoisonnent les réserves d’eau » (même si on revient un peu là dessus lors du final, d’une façon qui jure un peu avec le reste du film). La mise en exergue du fait que la figure de Batman inspire d’autres personnes (le Riddler puis ses adeptes) à se masquer et à prétendre incarner leur propre forme de justice (et le fait que Batman lui-même le réalise et se dise que c’est pas top) était assez réussi et un point que l’on voit habituellement trop peu.

Globalement, un film intéressant pour le renouvellement de certains aspects de la figure de Batman, mais trop long (et mal éclairé).

Infiniti, de Thierry Poiraud

Série française de 2022. Cosmodrome de Baïkonour. Un accident lors de l’arrimage d’un vaisseau cargo endommage gravement l’ISS, coupant toute communication entre la station et la Terre et mettant en péril son intégrité. Au même moment, dans la banlieue de la ville, la police locale récupère un cadavre décapité qui porte la puce d’identification d’un des cosmonautes censé être en orbite. L’enquête policière sur Terre et les tentatives de sauvetage des astronautes dans la station vont se croiser, avec au centre la question de savoir où sont réellement les astronautes : dans l’ISS ou sur Terre ?

J’ai beaucoup aimé les décors (la série a été tournée au Kazakhstan et en Ukraine), avec les installations spatiales vieillissantes de Baïkonour au milieu de steppes immenses. Ça donne une ambiance particulière, avec l’entrecroisement du programme spatial, des vestiges de l’URSS (les fresques de Lénine aussi bien que les sites d’essai des premières bombes nucléaires), des traditions religieuses du coin et de la déliquescence d’une ancienne république socialiste soviétique, avec ses relations compliquées à la Russie.
La série est tournée en trois langues – français, anglais et russe – avec des personnages qui passent de l’une à l’autre selon leurs interlocuteurs, ça illustre bien la complexité de la coopération internationale et des rapports entre les différents protagonistes et institutions. Les enjeux géopolitiques, justement, sont intéressants aussi : le cosmodrome est exploité par la Russie et donc non soumis à la juridiction kazakhe, qui n’est pas très jouasse de cette présence envahissante, mais qui reste inféodé à la puissance russe et doit bien composer avec. A l’intérieur du cosmodrome, il y a des enjeux de pouvoir entre les programmes spatiaux russes et français d’un côté, et américain et chinois de l’autre, ces derniers voulant accélérer le passage aux lanceurs privés et missions robotiques vers l’ISS, et arrêter les vols depuis Baïkonour.
Les personnages sont plutôt attachants même si parfois un peu clichés, et ils sont plutôt bien joués. Le scénario comporte par contre de grosses incohérences : c’est plaisant à regarder sur le moment, et les incohérences ne m’ont pas gâché plus que ça le visionnage, mais faut pas chercher à creuser plein de points. J’ai bien aimé que le scénario prenne son temps : pour une série qui tourne autour du programme spatial international, on a un départ pour l’espace seulement dans les dernières minutes de l’épisode 5 sur 6, après avoir bien pris le temps de décortiquer les enjeux au sol.

Globalement j’ai passé un bon moment devant, mais c’est plus une série qu’on regarde pour l’ambiance que pour le scénario.

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The Night House, de David Bruckner

Film d’horreur sorti en 2020. Beth est récemment veuve, son mari s’étant suicidé sans signes avant-coureurs. Elle habite seule dans la maison qu’il avait construite au bord d’un lac. Elle gère son deuil à coup de bouteilles de brandy, de colère contre son mari qui se manifeste dans par de la dérision quand les gens autour d’elle exprime de la compassion, et par une tentative d’enquêter dans les possessions de son mari pour tenter de comprendre ce qui l’a amené à ce geste. Sauf que ce qu’elle découvre dans le passé de son mari c’est les plans d’une mystérieuse maison reflet de la sienne, dont elle rêve l’existence, et des photos de nombreuses femmes qui lui ressemblent…

J’avais été attiré par la bande annonce qui avait l’air de promettre un usage intensif de l’architecture dans la mise en place de l’ambiance horrifique. Si la maison (et son site) qui sert de lieu principal au tournage est très belle, à part la maison elle même et un joli livre présentant des plans de maisons et de labyrinthe, il n’y a finalement pas tant d’éléments architecturaux que ça. J’espérais plus de pièces secrètes, reproduction du même plan à différentes échelles, de maquettes, prototypes, labyrinthes à taille réelle… mais peut-être que le film avait pas exactement le budget pour ça. L’idée d’une créature qui se manifeste dans les espaces négatifs était intéressante, mais c’est assez difficile à rendre visuellement.

Si la révélation finale du film n’est pas très convaincante à mon sens, l’ensemble du film est quand même porté par la performance de Rebecca Hall, l’actrice qui joue Beth. Elle fait une veuve très convaincante, sa façon de gérer le deuil est crédible, et en même temps ses réactions laissent plusieurs interprétations ouvertes : pendant une partie du film je me suis demandé si ce n’était pas elle le monstre que son mari tentait de contenir.

Globalement, un petit film d’horreur honnête, qui gère bien la tension, avec une très bonne performance d’actrice au milieu. Recommandé si vous aimez bien le genre, sans que ce soit un must see.

Petite Maman, de Céline Sciamma

Retour vers le futur x Tomboy

Film français sorti en 2021. Le film commence juste après le décès de la grand-mère maternelle de Nelly, 8 ans. Cette dernière part avec ses parents dans la maison de sa grand-mère pour la vider. Le retour dans sa maison d’enfance est trop douloureux pour Marion (la mère) qui part et laisse Nelly et son père gérer la fin du déménagement. Alors qu’elle joue dans la forêt, Nelly tombe sur une fille de son âge, Marion, qui construit une cabane comme celle dont la mère de Nelly lui parlait. Marion ramène Nelly chez elle, et Nelly réalise que Marion est sa mère, qu’elle peuvent voyager entre les deux époques et que Nelly peut revoir sa grand-mère.

J’ai beaucoup aimé. Le film est rapide, il boucle son histoire en 1h12. On retrouve des thèmes de Tomboy avec les enfants qui jouent entre elleux dans la forêt et qui recréent leur monde. Le voyage dans le temps, ici permis par les différents chemins de la forêt, qui permet de se plonger dans l’histoire familiale évoque Retour vers le Futur : de la même façon que Marty va intervenir dans la rencontre entre ses parents, Nelly va rassurer sa mère qui a peur de son opération à venir. On est cependant sur un mode beaucoup plus apaisé et moins épique que Retour vers le Futur (plus sur un trip réalisme magique). Le film n’est d’ailleurs pas tout à fait clair sur la réalité des événements : la Marion adulte part juste avant que Nelly ne rencontre sa version enfant, et revient juste après le départ de la version enfant pour l’hôpital : est-ce que la version enfant n’est pas juste la métaphore d’une relation différente entre la mère et la fille ? (Marion enfant est très peu perturbée quand elle apprend que Nelly est sa fille, ou qu’elle lui parle de la mort de sa mère ; a contrario Nelly interagit dans le passé avec sa grand-mère. Je ne pense pas vraiment qu’il y ait un intérêt à trancher définitivement mais ça fait des pistes de réflexion).

Ça parle logiquement beaucoup de rapport mère-fille sur plusieurs générations, mais en arrière-plan. Au premier plan on voit deux filles tripper, construire une cabane, faire des crêpes, monter une pièce de théâtre, faire du bateau vers une mystérieuse pyramide immergée.

Comme toujours j’aime beaucoup la photographie de Sciamma, la façon qu’elle a de filmer une maison de retraite, un pavillon de banlieue, une forêt. L’usage de la musique est aussi très réussi, avec une bande son qui ne l’utilise qu’à un seul moment, laissant l’émotion être portée la plupart du temps par le jeu des actrices et de l’acteur.

En même temps, de Kervern et Delépine

Comédie française de 2022. Vincent Macaigne et Jonathan Cohen jouent deux maires de sensibilités opposées (écolo radical et droite décomplexée) qui se retrouvent collés l’un à l’autre avec de la colle industrielle. Pendant une nuit blanche ils vont parcourir leur communauté de communes, rencontrer différentes personnes de leurs cercles sociaux respectifs et confronter leurs points de vue, pendant que les militantes féministes qui les ont collés ensemble tentent de les retrouver.

C’était… pas très bien. Je l’ai vu en avant-première dans une salle comble à Albi où ça a été tourné, c’était rigolo de reconnaître les lieux mais sinon il n’y avait pas grand chose dans le film. Quelques gags réussis (notamment Jonathan Cohen qui fait du Jonathan Cohen, mais aussi tous les policiers du centre de vidéosurveillance qui s’avèrent être des écologistes en sous-marins), des plans intéressants (Jonathan Cohen filmé derrière un poteau) et de jolis décors, une séquence de fin sympa qui suit les militantes féministes qui collent des affiches à travers la ville. Mais durant la présentation du film les deux réalisateurs ont beaucoup dit que le féminisme et l’écologie étaient important pour eux, et c’est pas très visible dans le film en fait ? Alors qu’il y avait pourtant de quoi faire et quelques prémices de situations comiques qui vont dans une direction dénonçant le greenwashing et le patriarcat, ça retombe très vite dans le côté « lol ils sont collés par les parties génitales » et « hihihi des gens croient qu’ils sont gays » au lieu de creuser un humour plus politique.

Bref, pas fou, on sent une volonté de bien faire des réalisateurs mais qui échoue.

Spiderman: No Way Home, de Jon Watts

Blockbuster Marvel paru en 2021, la suite directe de Spiderman: Far From Home. Suite aux événements du précédent film, l’identité secrète de Spiderman a été révélée, ce qui lui rend la vie infernale. Sa tentative d’utiliser la magie pour le faire oublier à tout le monde échoue dans les grandes largeurs, et à la place attire dans son univers des personnages de réalités parallèles qui connaissent eux aussi son identité secrète. Et ici, par « réalités parallèles », on en entend « les autres films Spiderman qui ne sont pas dans la continuité de ceux-ci ». On retrouve (suite à un gros chèque du conglomérat Disney) les acteurs des autres franchises qui reprennent leurs rôles de héros et de vilains. En soi c’est assez intéressant d’intégrer les aléas de la propriété intellectuelle dans l’histoire comme ça : on poursuit sur la lancée de ce que faisait déjà le Marvel Cinematic Universe en croisant les histoires et personnages de ses différents films, en poussant la logique encore un cran plus loin. Ils sacralisent aussi le côté « un acteur = un personnage » ce que je trouve assez étrange en soi (et pas forcément à leur avantage vu que ça file plus de pouvoir de négociation aux acteurs, mais je suppose qu’ils y trouvent leur compte s’ils font ça).

Au delà de la stratégie de gestion de la propriété intellectuelle de Disney/Marvel, en terme de film, quid ? On est sur un bien meilleur niveau que le précédent, j’ai globalement passé un bon moment devant, ce qui n’était pas arrivé depuis un certain temps pour un Marvel. Mais bon, j’étais un peu le public idéal, j’aime beaucoup Spiderman et notamment l’interprétation de Molina de Docteur Octopus, donc le faire revenir marchait très bien sur moi. Après, ça reste un Marvel, avec le défaut de caler des scènes qui servent juste à faire intervenir d’autres personnages franchisés ou préparer les films suivants : ici, on a beaucoup de temps qui sert pas à grand chose dans l’histoire principale pour caser des trucs avec Docteur Strange qui serviront pour son prochain film (en soi le combat dans « la dimension miroir » était joli en terme de décors, mais ça rallonge un film déjà long). La multiplicité des personnages n’aide pas à s’attacher à eux : le side-kick rigolo en plus du love interest qu’est MJ ne sert pas à grand chose, la démultiplication des méchants oblige à consacrer peu de temps à chacun (et les jeux d’acteurs étant inégaux, c’est assez visible : le Lézard et l’Homme-Sable ne servent pas à grand chose, le Gobelin, Octopus et Electro volent la vedette. La réunion des Spiderman est touchante, mais là aussi ça cause beaucoup de temps morts. Les personnages d’Happy et de la tante May sont assez anecdotiques, l’impact émotionnel de la mort de May n’a pas vraiment marché sur moi, ça sent vraiment le passage obligé.
Du point de vue visuel il y a quelques jolis combats et plans (la rencontre avec Octopus, la dimension miroir, le moment ou Spiderman vole aux dessus des lignes haute-tension à contrejour, mais un peu trop de séquences qui délayent l’histoire autour).

En conclusion, si vous aimez les films Marvel et que vous avez un peu suivi leur continuité, c’est un film sympa à voir. Si vous n’y connaissez rien vous serez bien perdu dans les multiples couches de références.

Village of the Damned, de Wolf Rilla

Film anglais de 1960, adapté d’une nouvelle de John Wyndham. Durant plusieurs heures, le village de Midwich en Angleterre est sous l’influence d’une force mystérieuse qui endort tous les êtres vivants. Neuf mois plus tard, durant la même nuit, une dizaine de femmes du village donnent naissance à des enfants similaires les uns aux autres, qui se développent plus rapidement que des humains, partagent un lien télépathique et peuvent lire et influencer les pensées des gens autour d’eux. L’armée anglaise surveille la situation, mais le professeur Gordon Zellaby les persuade de le laisser éduquer les enfants, convaincu qu’ils pourront apporter des découvertes scientifiques au monde, avant de réaliser que les risques sont bien trop grands.

C’était sympathique sans être renversant. C’est un classique donc je suis content de l’avoir vu, mais je n’ai pas eu le même sentiment de « ah oui je comprends pourquoi c’est devenu culte » qu’avec The Wicker Man par exemple.

Turning Red, des studios Pixar

Film d’animation sorti en 2022. Meilin Lee, préadolescente canadienne d’origine chinoise, a une vie ordinaire de préado bien sage, avec une mère un peu surprotectrice. Alors qu’elle commence à être attirée par les garçons et qu’elle apprend que son boys’ band favori va venir jouer à Toronto, elle découvre que les femmes de sa famille, sous l’influence d’un sortilège ancestral, se transforment en pandas roux géants sous le coup des émotions. Une cérémonie chamanique permet de sceller l’esprit du panda dans un objet, mais pour qu’elle réussisse il faut minimiser au maximum les transformations en panda d’ici la conjonction astrale qui permettra d’effectuer la cérémonie. Or les émotions, dans la vie d’une préado qui trouve sa mère étouffante, et les garçons agaçants et attirants, il y en a beaucoup…

J’ai beaucoup aimé. Je trouve que le film réussit très bien à traiter de ce sujet un peu casse-gueule de la prise d’indépendance progressive qui s’effectue à l’adolescence, notamment en sa basant sur le rejet des modèles parentaux auxquels on adhérait sans réserve avant. Le film retranscrit bien aussi la façon dont on peut à l’adolescence être à fond sur un groupe musical, un.e acteurice ou whatever, comme des objets transitionnels du désir. Il tient la bonne distance pour qu’à la fois on voit le boy’s band comme ridicule en soi, mais qu’on comprenne en même temps le fangirlisme des héroïnes.

En comparaison à Encanto que j’ai vu juste avant, je trouve que les dynamiques familiales, et les conflits sont bien plus crédibles ici. L’héroïne a des amies, elle n’est pas isolée avec sa famille à tenter de tout résoudre toute seule. Le cast est plus resserré donc on a plus de temps à consacrer à la caractérisation de chaque personnage secondaire. Même si on arrive à la même conclusion de « on s’est parlé et donc tout va mieux », on a une révolte contre les traditions familiales et un clash des valeurs plus crédibles, la conclusion du film montre une réelle évolution plutôt qu’un retour à la situation initiale.

(Je vous calerais bien une petite comparaison à Dirty Dancing dans les thèmes de l’émancipation par la musique, le rejet de certaines valeurs familiale et de la figure parentale auparavant vue comme parfaite et la découverte du sexe opposé, mais honnêtement j’ai pas de quoi l’argumenter plus que ça)

Les Olympiades, de Jacques Audiard

Film français de 2021, tourné en noir et blanc. Les relations entre trois personnages principaux, Émilie, vingtenaire et Camille et Nora, trentenaires, pour lesquels les relations amoureuses et sexuelles ont une place prépondérante dans leur vie. On voit leurs trajectoires s’entrecroiser au milieu du quartier des Olympiades dans le XIIIe arrondissement.

L’histoire du film n’est en soi pas passionnante : on a un triangle amoureux avec quelques intrigues secondaires, entre trentenaires parisiens désabusés. Bref, c’est un Film Français. Mais c’est paradoxalement ce classicisme qui est intéressant : le choix du noir et blanc ancre le film dans la continuité de films du même styles plus anciens (plutôt qu’aux films de trentenaires désabusés actuels à la Guillaume Canet). La façon dont le réalisateur propose une réactualisation des tropes de ces films est intéressante : déjà on se retrouve avec des personnages non blancs, un désir pas seulement romantique mais aussi sexuel réparti chez les deux genres, on a du multilinguisme, des bullshit jobs, du déclassement social, de la communication numérique. En soi je n’ai pas l’impression que le film propose du neuf sur ces éléments, mais il les intègre tous relativement bien. Si la place vraiment centrale que prend le sexe dans la vie des persos m’a laissé un peu perplexe (surtout au début, puisque la balance se rééquilibre en faveur des sentiments au fur et à mesure que le film progresse), les scènes de sexe sont assez réussies dans la façon dont elles sont filmées. Les acteurs jouent très bien et réussissent à rendre leurs personnages crédibles et attachants malgré des dialogues parfois un peu guindés.

Bonne bande-son de Rone, aussi. Par contre, contrairement à ce qui laisse penser espérer le titre, le quartier lui-même est assez peu exploité : il y a quelques beaux plans dessus ou sur des vues plus larges de Paris, mais il y aurait largement eu de quoi faire mieux.

Film intéressant si vous voulez du classicisme réactualisé et du sexe filmé en noir et blanc de façon réussie.