Archives de catégorie : Longs métrages

Alice et le maire, de Nicolas Pariser

Film français de 2019. Une jeune femme lettreuse est engagée dans le cabinet du maire de Lyon pour faire de la prospective. Le maire est socialiste à l’ancienne, pris dans les jeux de courant du Parti, et surtout déprimé. Alice va rapidement le remotiver en lui parlant un peu de fond, mais elle se rend compte que son poste a été envisagé comme un poste un peu bouche trou, elle est supposée distraire le maire mais ne pas aller trop loin dans la réflexion, et remplir des missions random pour la directrice de cabinet en parallèle. Mais son influence sur le maire fait qu’elle est rapidement débarrassé des côtés annexes, et en même temps vue comme une éminence grise qui a le maire sous son emprise. Sauf que de son côté elle est déprimée par l’univers de la politique, le maire lui annonce des trucs en privé avant de prendre le contre-pied en public, et elle sait pas trop ce qu’elle fait.

Je sais pas trop ce que j’en ai pensé. Le début est bien, ça parle beaucoup mais c’est le concept du film, de grandes réflexions sur la politique. Mais la dépression d’Alice arrive d’un seul coup puis disparaît aussitôt, les volte-faces du maire n’ont aucun impact sur sa relation avec Alice… le scénario n’est pas très réaliste de ce point de vue là, on sent qu’après avoir installé des trucs ils ne savent pas trop comment finir. J’ai aussi été un peu dérangé par la façon dont le scénario élude totalement les enjeux de relation asymétrique. On a un maire qui est un homme politique blanc et âgé, qui sait se montrer cassant avec certains subordonnés, il convoque la jeune héroïne dans son bureau à 22h et elle elle est tranquille, tout se passe bien tout le monde est sympathique ? Pour un film sorti en 2019 c’est ne pas se poser beaucoup de questions.

Bref, début sympa puis pas de conclusion.

Stowaway, de Joe Penna

Où Anna Kendrick joue Tintin dans On a marché sur la Lune.

Film germano-américain sorti en 2021. Un équipage de trois astronautes part pour un trajet de deux ans vers Mars. Ils vont rapidement découvrir qu’une quatrième personne a embarqué avec eux, posant rapidement un problème crucial : leur vaisseau ne recycle pas assez d’oxygène pour leur permettre à tous les quatre d’arriver jusqu’à Mars, et il n’ont pas assez de carburant pour pouvoir modifier leur trajectoire et retourner vers la Terre.

J’ai bien aimé le début : le décollage, les images de l’installation progressive des astronautes dans le vaisseau. Globalement tout ce qui est dans le vaisseau est joliment filmé, la tension due à la découverte du quatrième passager est bien rendue (mais on sent que le film aurait pu plus développer cette partie : les questions de 1/comment est-il arrivé là 2/a-t-il embarqué volontairement 3/est-il une menace pour l’équipage sont évacuées très rapidement (et carrément jamais résolue pour la 1). Du coup la tension est mise en place puis dissipée rapidement. Alors qu’il y avait des choses intéressantes à dire sur comment – quand tu t’es préparé.e à vivre 2 ans avec deux autres personnes avec qui tu t’es entraîné.e, que tu connais – tu gères l’arrivée inattendue d’un quatrième lascar dont tu ne connais rien et comment tu fais une place dans l’espace du vaisseau et dans l’organisation des journées à cette personne. Là tout semble se faire automatiquement.)
Le huis clos est bien mis en place, l’idée des communications avec la Terre dont le spectateur n’entend que les répliques des astronautes est très bien trouvée notamment, on ne voit vraiment que les quatre acteurs tout du long (et on entend juste une autre voix au décollage, ie les 5 premières minutes).

La répartition des rôles est intéressante aussi :
On a une commandante plus âgée et expérimentée – jouée par une femme mais dans un rôle que j’ai trouvé codé assez masculin – mais largement empêchée d’agir par un bras cassé, ce qui la force à accepter davantage ce que propose le reste de l’équipage. Toni Collette joue d’ailleurs comme d’habitude très bien.
Le personnage de David Kim est je trouve assez réussi aussi, dans la retenue et la frustration de voir ses expériences flinguées par les circonstances.
Le personnage joué par Anna Kendrick m’a moins enthousiasmé : perso féminin jeune et conventionnellement jolie, c’est celle qui exprime fortement ses émotions, est dans le care, et fait les blagues : elle est l’élément exubérant du groupe, d’ailleurs on la voit pas trop faire les expériences qu’elle est censée mener, elle est vraiment là pour faire avancer l’histoire.
Enfin le personnage de Michael Adams joue l’élément perturbateur : il n’a pas l’entrainement des autres, il est en position d’apprentissage ou d’impuissance, et sa présence est de base la source du problème. Les deux personnages masculins sont ceux qui font référence à une famille sur Terre quand les deux féminins ont l’air davantage sans attaches. Je suis par contre un peu dubitatif sur le fait d’avoir le seul personnage noir présenté tout du long comme l’outsider, au début comme une menace potentielle puis ensuite comme objet de débat entre les trois autres pour savoir s’il faut l’exécuter pour sauver la mission : les deux approches sont finalement écartées, mais poser ces sujets sans les lier explicitement à la race me semble dommage.

Enfin, la résolution du film. Là où ça pêche fortement pour moi. Le film m’avait été vendu comme un The Martian-like, où les personnages résolvent un challenge technique en détournant la technologie à leur disposition. Ce n’est pas l’enjeu du tout ici. Il y a une discussion morale sur le sacrifice de certains pour la survie du plus grand nombre mais qui est rapidement écartée, puis la solution trouvée ne présente pas de vrais challenges techniques : les obstacles sont très artificiels, au point que ça a causé une certaine suspension d’incrédulité chez moi : globalement le point clef est de grimper sur une corde, et pour ça ils ont un matos et des techniques qui sont particulièrement mal adaptés, alors que dans la vie réel l’ascension sur corde c’est un truc de base de l’escalade et de la spéléo : avoir deux points d’ancrage et du matériel auto-bloquant, pour le coup it’s not rocket science, et ça résout l’essentiel des difficultés de la fin du film. Perso je m’attendais à ce qu’ils aient davantage des problèmes de franchissement des panneaux solaires, qu’ils cassent une partie de l’alim électrique et que ça cause de nouveaux problèmes, mais finalement non pas du tout. Bref cette fin fait assez bâclée et je pense qu’elle souffre de la comparaison avec ce qu’on a pu avoir dans The Martian ou certaines séquences de la saison 1 de For All Mankind.

Globalement, de belles images, une prémisse (et des prémices) intéressante, mais un film qui n’en développe pas suffisamment les enjeux et conséquences jusqu’au bout en préférant s’offrir des facilités de scénario. Un bon jeu d’acteur et un sentiment de huis-clos très bien rendu cependant.

Fargo, des frères Coen

Film étatsunien de 1996. Un vendeur de voiture de Minneapolis financièrement dans la merde engage deux petites frappes de Fargo pour kidnapper sa femme : son riche beau-père paiera la rançon et il en récupérera la moitié. Sauf que les deux gangsters sont des psychopathes qui n’hésitent pas à se lancer dans un massacre dès qu’il y a un vague témoin, et que tout va dégénérer. On suit à la fois les deux psychopathes, le vendeur de voiture, et Marge, chef de la police dans la petite ville de Brainerd, où un triple homicide va la mettre sur la piste de deux tueurs.

C’était très bien. Y’a une ambiance particulière liée à l’environnement « film noir dans les flyover states, dans un climat glacial » : tout le monde est surhabillé, les décors sont assez laids : c’est que du préfabriqué moche, de la banlieue à perte de vue, ou alors des scènes extérieurs dans la neige mais pas du tout enjolivés par la caméra, on est dans le réel de la classe moyenne américaine. Les policiers sont laconiques et unimpressed, ils font leurs petites vies et se racontent leur weekend tout en investigant un triple homicide. Tous les personnages qui viennent d’un environnement rural ont un petit accent chantant et ponctuent leurs phrases d’un « oh yeah? ».

Grosse recommandation.

Raya and the last dragon, des studios Disney

L’Assassin royal : the Legend of Korra

Film d’animation des studios Disney sorti en 2021. Dans un monde d’inspiration asiatique, un pays qui vivait autrefois en harmonie est désormais déchiré en 5 nations depuis la disparition des dragons. Raya, princesse du royaume du Cœur, va retrouver la dernière dragonne et tenter de lui rendre ses pouvoirs pour vaincre la puissance maléfique qui accable le monde – tout en étant poursuivi par la princesse du royaume des Crocs.

Gros travail d’animation, de très belles séquences, les visuels des différentes nations sont très beaux. Les deux princesses sont très réussies en tant que personnages, les personnages secondaires un peu moins j’ai trouvé, ils ont tous une fonction de sidekick comic relief. Mention spéciale quand même au personnage de bébé vénère, étonnamment réussi vu le concept de base. Par contre le design des dragons est assez moche, c’est volontaire pour leur filer un aspect goofy, mais bon ça jure un peu avec le reste.

Le scénario est très classique avec une quête pour réunir des artefacts magiques répartis entre les cinq royaumes. Pour tout caser en 1h45 certains royaumes sont un peu rushés alors que vu la beauté des décors ils auraient tous mérités plus de temps d’écran. Jolies séquences de combat/poursuite aussi, très réussies

Bad Lieutenant, d’Abel Ferrara

Film US de 1992. On suit un policier corrompu et bourré d’addiction, qui tente en parallèle de mener une enquête sur le viol d’une religieuse et de trouver un moyen de rembourser ses dettes de pari sportif à la mafia. La scène d’ouverture où on le voit déposer ses gamins à l’école en père aimant avant de se faire une petite prise de cocaïne dès qu’ils sont hors de la voiture est très réussie. On le voit ensuite sombrer de plus en plus, consommer des quantités invraisemblables d’alcool et de drogue, accumuler les paris foireux, agresser sexuellement des femmes en abusant de sa position (scène aussi très réussie dans le genre dérangeant, avec un mec à la fois en position de pouvoir, visqueux, clairement sous substance qui s’impose à deux femmes – trigger warning de rigueur). La caméra de plus en plus nerveuse, bancale, retranscrit très bien l’état mental du protagoniste.

J’ai vu pas mal de critiques qui parlent de rédemption dans la conclusion du film, mais je suis assez peu d’accord : si le thème de la rédemption traverse le film et si le personnage y aspire probablement, je ne pense pas que c’est ce qui se passe. Il tente un truc selon ses termes mais je ne mettrai pas du tout le terme de rédemption dessus. Disons qu’il change de façon de faire de la merde.

Slow West, de John Maclean

Western sorti en 2014. Un jeune aristocrate écossais, Jay, voyage à travers le far west pour retrouver la femme qu’il aime, Rose. Il s’adjoint les services de Silas, un chasseur de prime, en tant que garde du corps. Ils voyagent lentement à travers des paysages gigantesques, rencontrant occasionnellement d’autres personnages, et approfondissant progressivement leur relation.

J’ai bien aimé. Le film est assez lent et contemplatif, avec des moments où la tension monte soudainement, notamment le long showdown final autour de la maison de Rose. Ça m’a pas mal fait penser à O Brother where art thou pour le côté rencontre successive de plein de personnages dans l’Ouest américain. La relation entre Jay et Rose est intéressante : il l’aime et l’idéalise alors qu’elle a toujours été claire sur le fait que ce n’était pas réciproque. La quête de Jay est le moteur du film, mais quand il retrouve la Rose réelle, la réalité reprend ses droits et on n’est pas du tout dans un schéma « la fille comme récompense de la quête ».

Black Narcissus, de Michael Powell et Emeric Pressburger

Film anglais de 1947. Dans l’Inde coloniale, un dignitaire indien offre à une congrégation de nonnes un ancien harem perdu dans les montagnes, pour qu’elles en fassent un monastère. Le seul européen en contact avec elle est un anglais débraillé au service du dignitaire indien, qui leur sert d’agent de liaison malgré son incompatibilité de caractère avec les religieuses. Dans cet environnement trop « intense », les bonnes sœurs vont avoir de plus en plus de mal à se conformer à leurs vœux.

C’était assez cool. On suit principalement la jeune mère supérieure qui a des réminiscences de sa vie avant les ordres et qui doit interagir avec Mr. Dean, l’agent de liaison, qui est de plus en plus dévêtu à chaque fois (et qui est à la fois la figure tentatrice et totalement ridicule quand il arrive en short sur un tout petit poney). Toutes les nonnes ont du mal à se conformer à leur voeux mais elles y réagissent différemment : la mère supérieure tente quand même de garder tout en ordre, la sœur jardinière demande à être transférée au plus vite dans un autre monastère, et une autre va se laisser sombrer dans la psychose, persuadé que la mère supérieure agit contre elle. Les nonnes doivent en parallèle gérer leur rapport à la population locale qui fréquente leur école et leur dispensaire, notamment une jeune indienne qu’elles hébergent, l’héritier du dignitaire qui vient assister à leurs cours, la factotum du harem… Ce qui rajoute des couches d’interaction qui n’ont rien à voir avec la bonne marche d’un monastère. Le crescendo final est très réussi, la tension prend bien. Le symbolisme n’est pas subtil (la pureté en blanc, la tentation en rouge ! Des gouttes de sueur en gros plan pour bien faire passer la maladie !) mais ça s’explique bien par la date de sortie du film, et ça marche toujours très bien en le regardant aujourd’hui.

Les montagnes d’arrière-plan sont très manifestement peintes mais ça rajoute du charme au film.

Godzilla: King of the Monsters, de Michael Dougherty

Film d’action américain de 2019. C’était assez mauvais. J’étais attiré par le côté « il y a une organisation gouvernementale qui étudie les kaijū pour les comprendre », mais en fait ça prend cinq minutes du film. Pour le reste, le scénario n’a aucun sens (y’a la Terre Creuse ! y’a de la fausse science ! y’a des gens qui se téléportent pour les besoins du scénario !), les personnages sont très peu crédibles, et malgré les gros moyens dans les effets spéciaux, si les deux monstres principaux (Godzilla et Gidorah) sont cools, le design des autres est assez raté. Regardez plutôt Pacific Rim pour un film de kaijū sympa.

Le poster est joli cependant.

Josep, d’Aurel

Dessin animé sorti en 2020, qui raconte l’histoire de Josep Bartoli, républicain espagnol et dessinateur célèbre. Le film se focalise principalement sur sa vie dans les camps de concentration établis par le gouvernement français pour gérer les réfugiés espagnols.

J’ai bien aimé – de base j’aime bien le dessin d’Aurel, qu’on retrouve notamment dans Politis et Le Monde. Là plusieurs styles de dessins sont mélangés, pour intégrer celui de Bartoli avec celui d’Aurel, et certains passages sont montrés en images fixes (ie on est plus sur du une image/seconde que du 24 images/seconde).

La mise en scène du récit est intéressante : on a des strates enchâssées, avec le thème de la passation de mémoire : on suit un adolescent qui rend visite à son grand père mourant qui va lui raconter sa jeunesse : on a des similitudes avec la façon dont Land and Freedom était présenté. Mais là le grand-père n’était pas dans les Brigades Internationales, il était un des gendarmes en charge de la surveillance des camps. Il va sympathiser avec les espagnols et surtout avec Josep, qui va lui raconter son histoire, mais il va aussi rester passif devant beaucoup de choses avant de se racheter en partie. Il va être témoin de certains événements, Josep va lui en raconter d’autres. Le film met en scène aussi de façon intéressante les défaillances de sa mémoire, avec des passages incohérents ou mélangeant plusieurs temporalités.

Je recommande.

Le Chant du Loup, d’Antonin Baudry

Film de guerre français sorti en 2019. On suit un analyste en guerre acoustique, ie un soldat capable de reconnaître à l’oreille une multitude de navires, embarqué à bord d’un sous-marin français. Alors que les tensions entre la Russie et l’UE s’intensifient, les sous-marins français qui sont un élément clef de la dissuasion nucléaire deviennent un enjeu clef, et l’analyste découvre un mystérieux sous-marin inconnu croisant dans les mêmes eaux que le sien.

J’ai bien aimé. C’est un film de guerre qui ne glorifie clairement pas la guerre et qui pose des questions sur le super concept de dissuasion nucléaire avec ordres de lancement irrévocables, un thème qu’on retrouve aussi dans Docteur Folamour. Le fait d’avoir un personnage principal qui n’est clairement pas dans le moule de l’armée permet de mettre plus facilement en scène ces côtés là.

Il y a quelques facilités de scénario et sa hiérarchie militaire passe beaucoup de chose au héros, les militaires sont quand même présentés comme sacrément sympa dans le film, et c’est un film assez viril (il y a une seule femme nommée, et c’est l’intérêt amoureux du héros), mais il met bien en scène son sujet, il fait très bien monter la tension, et les scènes en espace confiné dans les sous-marins sont très bien filmées.