Archives de catégorie : Longs métrages

Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-eda

Film japonais paru en 2018. Un soir d’hiver, une famille trouve la fille de leurs voisins en t-shirt sur le balcon. Ils recueillent l’enfant et lui donnent à manger. Révoltés par les mauvais traitement subis par l’enfant, ils décident de la garder avec eux. Cet enlèvement vient s’ajouter à un mode de vie déjà marginal : ils vivent à 4 adultes et un premier enfant dans une toute petite maison, vivent de vols à l’étalage, d’une pension de retraite et de petits boulots ; et les liens familiaux entre eux sont plus compliqués qu’il n’y parait au premier abord.

J’ai bien aimé, c’était assez posé, l’effet de découverte progressive des relations familiales fonctionne bien, les personnages sont à la fois assez attentifs les uns aux autres et très wtf dans leur relation à la société en général dont ils ne suivent pas du tout les règles.

Recommandé.

Challengers, de Luca Guadagnino

Film états-unien paru en 2023. Art et Patrick sont deux tennismen junior. Élèves dans un internat pour sportifs prometteurs, ils sont extrêmement complices. Ils font la rencontre de Tashi Duncan, une tenniswoman de leur âge extrêmement talentueuse et très belle. Les deux vont tenter de la séduire, initialement de façon non compétitive (une jolie scène de baiser à trois). Mais Tashi est obsédée par le tennis et déclare aux deux amis qu’elle sortira avec celui des deux qui gagnera le match qu’ils ont le lendemain : ce sera Patrick. Mais Tashi se retrouve à Stanford avec Art, pendant que Patrick continue le tennis professionnel. Suite à une blessure grave de Tashi qui la force à arrêter le tennis, c’est Art qui est à ses côtés, et c’est avec lui qu’elle va construire sa vie, devenant sa femme et sa coach. Mais Art n’est pas aussi talentueux que ce que Tashi voudrait qu’il soit pour deux, et elle a encore des sentiments pour Patrick, …

Comme les précédents films de Guadagnico que j’ai vu, je ne suis pas très convaincu : il y a de bons passages, des idées de mise en scène intéressante, une partie de la psychologie des personnages développée est intéressante, mais c’est toujours partiel : finalement on est sur un triangle amoureux très classique, où si les persos masculins sont bien caractérisés, les motivations de Tashi elle-même reste une boîte noire (et l’obsession des deux amis pour elle est assez basique aussi). Le montage qui coupe l’histoire avec des A/R passé/présent la rend artificiellement mystérieuse, alors que c’est finalement assez classique. Certains effets (le cour filmé par en dessous du terrain transparent, le POV de la balle ou des joueurs par moment sont intéressant, mais deviennent rapidement gadget. La musique est beaucoup trop présente et insistante à mon goût.

Bref, du potentiel mal exploité.

Perfect Days, de Wim Wenders

Film germano-japonais de 2024. Hiramaya travaille en tant qu’agent d’entretien des toilettes publiques d’un quartier chic de Tokyo. Il a des semaines routinières, rythmées par son travail, la prise de photos sur la pause du midi, un repas dans une échoppe le soir, le développement de ses photos et un passage au bar le weekend. Il est solitaire mais heureux de sa vie, il lit des livres, écoute des cassettes sur l’autoradio de son van, et fait pousser des jeunes arbres. Le film le suit dans son quotidien où seuls quelques événements imprévus le fond dévier de sa routine : l’arrivée inattendue de sa nièce, une demande de son collègue…

J’ai bien aimé. C’est assez contemplatif, mais on se prend à accompagner Hirayama dans son quotidien et dans le bonheur qu’il prend dans les petites répétitions de la vie. C’est pas mal un film sur la maintenance et la répétition du même, des thèmes qui me parlent. Les séquences de rêve en noir et blanc sont assez réussies dans le fait de montrer des rêves à la fois non-figuratifs et qui reprennent des éléments de la journée ou de ce qu’on suppose être le reste de la vie d’Hirayama.

Coco, de Lee Unkrich (studios Pixar)

Film d’animation états-unien de 2017. Miguel vient d’une famille de coordonièr·es mexicain·es qui rejettent tout ce qui est musical : l’ancêtre de la famille a été abandonné par son mari musicien qui voulait vivre de son art. Mais Miguel adore la musique. Pour participer à un tremplin, il va le jour de la fête des morts voler la guitare de son idole, Ernesto De La Cruz. Mais ce vol de la propriété d’un défunt va maudire Miguel : transporté dans le monde des morts, il va devoir demander la bénédiction de la partie défunte de sa famille pour revenir parmi les vivants. Sauf que sa famille morte déteste aussi la musique et ne veut lui donner sa bénédiction que contre un renoncement. Toute sa famille, sauf le mystérieux musicien qui a abandonné sa femme…

C’était visuellement très beau. L’histoire est réussie, avec de bons rebondissements et des personnages secondaires (le chien notamment) réussis. Petit bémol sur le fait que la critique de la famille que le film esquisse au début est finalement totalement effacée : il y avait juste un manque de communication, mais finalement tout le monde peut se retrouver autour de la musique, et tout le monde dans la famille était très gentil, les méchants sont à l’extérieur.

Une langue universelle, de Matthew Rankin

Film québécois sorti en 2024. Après avoir vécu des années à Montréal, Matthew rentre dans sa ville natale, Winnipeg. Sauf que dans cet univers, la langue parlée à Winnipeg (et dans le reste du Canada non-francophone, on suppose), c’est le farsi (gros travail du film pour remplacer toutes les inscriptions visibles à l’écran par du farsi). Bon déjà c’est un point de départ trippant (tout le film est tourné en farsi et français, le générique est bilingue), mais par ailleurs le film est assez surréaliste/théâtre de l’absurde. Winnipeg est décrit (probablement à raison) comme une ville moche, perpétuellement prise dans la neige et où il ne se passe rien. C’est beaucoup filmé avec des gros plans, des éclairages faibles, des plans où un mur gris homogène ferme l’horizon. Au milieu de tout ça, Matthew cherche à retrouver sa mère, qui n’habite plus dans la maison de son enfance, et se retrouve à errer dans Winnipeg dans l’attente d’un rendez-vous avec un certain Massoud qui lui dit qu’il sait où elle est. Il oscille entre les grands points d’intérêt de Winnipeg : le quartier Gris, le quartier Beige, le Tim Horton, le centre commercial portage, le congélateur municipal, le parking… En parallèle, plusieurs autres histoires convergent : la disparition d’une dinde, la perte des lunettes d’un enfant de l’école d’immersion française, une visite touristique…

C’est une ambiance très particulière, mais c’était assez chouette. Recommandé si vous aimez le cinéma expérimental, les parkings et les questionnements sur ce qui fait l’identité d’une personne, et si vous trouvez que Dupieux c’est mainstream.

Shortbus, de John Cameron Mitchell

Film états-unien paru en 2006. Dans le New York des années 2000, Sofia est une thérapiste de couple, qui reçoit James et Jamie, un couple gay qui envisage de passer en relation non-exclusive. Au mépris de toute déontologie, Sofia finit par parler de ses propres problèmes au couple et du fait qu’elle n’a jamais eu d’orgasme. Les deux vont l’inviter à venir avec elle au Shortbus, un club où les gens explorent leur sexualité. On va suivre les vies de Sofia, de James et Jamie et de Severin, une dominatrice avec qui Sofia va se lier d’amitié au Shortbus. Il y a beaucoup de scènes de sexe qui sont non simulées, le film voulant avoir une approche décomplexée de la sexualité.

L’esthétique fait très années 2000, notamment les coupes et vêtements des personnages (et l’espèce de maquette en 3D signalant les changements de lieu). C’était sympa à regarder, mais la grande quête de l’orgasme ça fait un peu daté comme plotline je trouve.

Here, de Robert Zemeckis

Film états-unien paru en 2024, adaptation de la bande dessinée éponyme. On suit en plan fixe la vie d’une famille sur deux générations dans une maison, avec des passages sur les occupant.es précédents et suivants de la maison, et les événements qui se sont passés sur place : la disparition des dinosaures, la vie de natifs-américains, des événements liés à l’indépendance des États-Unis, la construction de la maison… Rien d’inouï, mais des vies ordinaires vues via la répétition des fêtes et temps collectifs, des naissances, des morts, des moments du quotidien. Pour reprendre la bande dessinée, certains cadre à l’écran permettent de superposer des époques et de montrer plusieurs événements de façon simultanée.

Sans être révolutionnaire, c’était bien fait et sympa à voir. Un point négatif quand même : pour un film de 2024 qui parle de l’espace domestique ça se focalise quand même beaucoup sur les mecs.

My Old Ass, de Megan Park

Film canadien paru en 2024. Elliott, tout juste 18 ans, prend des champis avec ses amies. Alors que les deux autres ont un trip classique, Elliott voit apparaitre à ses côtés son moi du futur, âgée de 39 ans, qui lui donne quelques conseils : profiter du temps avec sa famille, être gentille avec sa mère, et ne pas s’approcher d’un dénommé Chad.

Évidemment, Chad ne va pas tarder à apparaitre dans la vie d’Elliott, sous la forme d’un saisonnier sur la ferme de cranberries de ses parents. Elliott va donc naviguer son dernier été chez elle entre inquiétude du départ (elle part à l’université à Toronto à la rentrée), carpe diem des moments avec ses amies et sa famille, romance avec son crush d’enfance, et début de relation avec Chad que malgré les avertissements du futur elle trouve assez attirant.

Les paysages sont beaux et c’est plutôt bien joué, mais je n’ai pas été emporté. C’est une histoire de coming of age mais que j’ai trouvé assez peu originale : le voyage dans le temps ne sert finalement pas à grand chose, et Audrey Plaza est scandaleusement sous-exploitée. Le fait d’avoir une protagoniste queer est quand même sacrément miné par le fait que la romance au cœur du film est straight : si le côté « ah peut-être que je ne suis pas lesbienne mais bi ou pan ou autre » est intéressant, finalement c’est évacué en 5 secondes.

Le fait d’avoir dans le rôle principal une actrice qui avait vraiment ~18 ans au moment du tournage fonctionne bien : selon les plans on se dit « ah oui c’est vraiment une enfant » puis « ah non c’est une adulte » avec quelques microchangements d’expression, de comportement. Ca retranscrit bien le côté âge-charnière.

Wicked, part 1, de Jon M. Chu

Film étatsunien de 2024, adaptation de la comédie musicale éponyme, elle même adaptation du livre de Gregory Maguire. Je suis un grand fan de la comédie musicale, donc j’étais à la fois impatient et dans l’appréhension de ce qu’allait donner l’adaptation en film, mais franchement ça va. Je ne suis pas convaincu totalement par toutes les reprises des chansons, mais ça reste très fidèle aux versions de la comédie (avec parfois un peu plus de parlé-chanté), et des thèmes musicaux qui reprennent les motifs principaux entre les phases de chansons.

Visuellement, c’est saturé d’effets spéciaux la plupart du temps, mais c’est un kitsch qui fonctionne bien avec l’esthétique de la comédie musicale. Cynthia Erivo et Ariana Grande sont toutes les deux très bien castées et habitent bien les deux rôles principaux (et le reste du cast fonctionne bien aussi, Jeff Goldblum en tant que Wizard c’était le choix de la facilité mais c’est exactement ce qu’on voulait, Fiyero et Mme Morrible sont très bien aussi). Il est un petit peu trop mis l’accent sur le fait que Glinda est écervelée dans cette partie 1 (je pense que c’est la partie 2 qui donne plus d’épaisseur au perso anyway), mais c’est vraiment un reproche mineur. Le fait que les effets spéciaux s’arrêtent pendant la scène où le Wizard montre ses plans pour Oz aux deux héroïnes est bien trouvé (vu qu’il ne maitrise pas la magie on le voit juste montrer des maquettes et faire des ombres chinoises), et l’apparition d’Idina menzel et Kristin Chenoweth a été une vraie surprise et un très beau clin d’œil.

Recommandé avec tout mon petit cœur de fan.

Vingt Dieux, de Louise Courvoisier

Film français paru en 2024. À la mort de son père, Totone, 18 ans, doit trouver comment gagner de l’argent, lui qui passait son temps dans les bals de village. Après un petit boulot dans une fruitière, lui vient l’idée de faire son propre comté pour gagner un prix agricole et la somme qui va avec. Il va donc se débrouiller pour voler du lait et mettre en place une installation qui lui permette de produire à l’ancienne un comté au chaudron.

J’ai bien aimé. Il y a quelques longueurs (les scènes de bar/fête au début notamment), mais le film montre sans misérabilisme ni romantisme la vie de personnages à la fois un peu idiots et attachants. Les acteurs non-professionnels jouent très bien (surtout la plus jeune, qui joue Claire), de belles scènes notamment quand Totone et Claire retentent une dernière fois de récolter le caillé ensemble. La relation de Totone et Marie-Lise est bien mise en scène aussi.