Archives de catégorie : Culture/Procrastination

Fresh, de Mimi Cave

When Hanni met Sally

Film d’horreur étatsunien sorti en 2022. Noa est une vingtenaire qui est saoulé par les applis de rencontre. Après un premier rendez-vous particulièrement désastreux avec un mec insupportable, elle rencontre IRL Steven, qui semble parfaitement charmant. Elle accepte de partir en weekend avec lui, et … le générique de début se lance.

Divulgâchage ci-après

MadS, de David Moreau

Film d’horreur français paru en 2024. Romain, gamin de bourge, passe chez son dealer récupérer de quoi se charger pour la soirée à venir. Sur le chemin du retour, il tombe sur une femme muette et terrorisée, qui après avoir embarqué dans sa voiture, finit par se donner la mort. Rentré chez lui et camé jusqu’aux yeux, Romain n’arrive absolument pas à gérer la situation : le corps de la femme disparaît de la voiture, ses amis débarquent pour l’emmener à la soirée, son père l’appelle pour lui dire que l’alarme de la maison s’est déclenchée… Tout s’empile, avec des phénomènes de plus en plus étranges qu’il ne sait pas s’il doit mettre sur le compte de la drogue ou sur la réalité d’une situation qui dégénère.

C’était fort réussi. Le film est tourné en un plan séquence qui embarque le spectateur au plus près des trois protagonistes (on quitte Romain à un moment pour suivre deux de ses amies). La bande-son est très réussie aussi, et les jeux sur la lumière. L’histoire est assez basique, on suit le début d’une épidémie, mais le traitement fonctionne bien. Si je n’ai pas été embarqué par le personnage de Romain (mais qui est construit pour être antipathique), celui d’Anaïs est très réussi, avec un côté Gremlins à sa transformation.

Je recommande, si vous aimez l’horreur à petit budget et les plans-séquences.

Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand

Film français paru en 2023. Dans un village de l’Hérault, Dog et Mirales sont potes et trainent dans les rues. Dog doit partir pour l’armée dans un futur indéterminé, Mirales a un CAP de cuisine mais veut faire mieux que cuisiner dans un restaurant du village, sans pour autant partir à la ville. Mirales est cultivé et grande gueule, et il chambre Dog, mutique, en permanence. Une romance entre Dog et Elsa – nouvellement arrivée dans le village – va modifier l’équilibre des rôles dans le duo.

Il ne se passe pas énormément de trucs dans le film, mais il est totalement porté par la performance des deux acteurs principaux, dont les personnages sont chacun très agaçant dans leur rôle, l’un en mec mutique qui porte tout le malheur du monde sur ses épaules, l’autre comme hâbleur qui s’écoute parler et enfonce son pote dès qu’il a l’occasion pour se différencier. C’était intéressant à voir mais je n’ai pas été totalement été transporté par le film comme certain.es de mes ami.es. Les portraits des deux hommes et leurs relations aux autres sont réalistes, mais ça ne fait pas un film passionnant pour autant je trouve, même si c’est bien filmé.

Ralentir ou périr, de Timothée Parrique

Essai économique sur la décroissance, paru en 2022. Fiche de lecture un peu brute de décoffrage, j’ai pas trop pris le temps de réécrire des transitions.

L’auteur commence par rappeler que la croissance était initialement un indicateur d’atteinte d’objectifs dans les États-Unis post-Grande Dépression : elle mesurait la production d’équipements et de nourriture, sortie de la pauvreté. Mais l’indicateur est devenu un objectif en soi, quelques soient ses conséquences et son lien à la production réelle. Or, croître indéfiniment dans un monde fini ne peut pas bien tourner sur le long terme. Il faut transitionner vers un monde post-croissance – après une phase de décroissance pour redonner à l’économie mondiale une taille supportable par la planète tout en assurant les droits humains (se retrouver dans le donut de Raworth). Le but est d’arriver à une économie stationnaire, en harmonie avec la Nature, où les décisions sont prises collectivement et où les richesses sont équitablement partagées.

Historiquement, l’économie est l’organisation de l’utilisation des ressources pour satisfaire des besoins (en prenant en compte à la fois les besoins immédiats – court-terme, la résilience du système – moyen-terme, et sa soutenabilité – long-terme)). Mais l’économie telle qu’on l’entend de nos jours est celle mesurée par le PIB : l’addition des valeurs marchandes des différents biens et services.
C’est assez différent : on regarde seulement ce qui est mesurable, et donc échangé dans un secteur marchand, en excluant beaucoup de pans de l’activité humaine et naturelle (travail domestique, bénévolat, services écosystémiques par exemple), et on additionne indifféremment toutes les activités, qu’elles soient bénéfiques ou néfastes à la réalisation des besoins humains. Le PIB peut ainsi augmenter par intensification des échanges (changer de téléphone tous les 2 ans au lieu de tous les 5 ans, échanger des billets entre deux personnes en boucle), ou par accroissement de la sphère marchande (des nuits passées en couchsurfing sont passées en Airb’n’b), sans que plus de besoins ne soient satisfaits : le PIB et sa croissance sont donc en grande partie décorrélés des besoins humains.

Parrique s’attarde sur les arguments sur la possibilité de découpler consommation de ressources (et donc le risque sur la soutenabilité) et croissance : historiquement, on n’a constaté que des découplages temporaires (suivi d’un rebond), petits, lorsque la croissance était de toute façon faible, et poussés par des délocalisations/une tertiarisation locale de l’économie. Pour qu’un découplage soit utile à la soutenabilité, il devrait au contraire être mondial, massif, permanent… et arriver immédiatement. Ce découplage absolu pourrait de plus être obéré par :

  • des effets rebonds,
  • l’empreinte non-nulle du secteur tertiaire (qui repose sur des infrastructures physiques)
  • la diminution des retours sur investissement énergétiques et miniers (extraire la même quantité d’énergie demande de plus en plus d’énergie au fur et à mesure qu’on épuise les ressources faciles d’accès), et
  • l’impossibilité d’un recyclage à 100%.

Le découplage comme solution pour rester dans un monde en croissance est donc une chimère.

L’économie comprise comme les activités de production est encastrée dans les activités de reproduction (sommeil, lien social, repas, entretien/maintenance – faire que les humains, les infrastructure et le système se perpétuent) et dans les services écosystémiques (l’entretien des grands cycles biologiques et physico-chimiques par les écosystèmes).
La croissance est toujours limitée par un budget-temps allouable aux activités humaines : il n’y a que 24h dans une journée, et on ne peut pas toutes les consacrer aux activités productives : ce serait creuser dans les processus de reproduction, et donc délétère pour la croissance elle-même, puisque sur le plus long terme, ces processus la soutiennent.

Pour qu’un objet devienne une marchandise, il faut qu’il soit quantifiable, standardisable (considérer tous les lapins d’une même espèce comme équivalents par ex), monétisable (donner une valeur monétaire à un lapin), et privatisable (établir un droit de propriété sur les lapins, qui sera transférable). Ces processus engendrent des pertes entre les objets et les marchandises : les légumes non-calibrés ne sont pas vendables (pas standardisés), et on perd une diversité de qualités intéressantes si on ne s’intéresse qu’à certains aspects d’un objet.
De plus, l’inscription d’un échange dans la sphère marchande change sa nature : la relation d’achat/vente n’est plus la même que celle de don/contre-don, et les attentes entre les acteurs ne sont plus les mêmes : un trajet en Blablacar ne se vit pas comme un trajet en stop, les parents participant à une garderie communautaire n’ont pas les mêmes attentes que ceux inscrivant leurs enfants dans une crèche privée.
Le périmètre de ce qui est marchandisable est fixé socialement (on peut vendre des carottes, pas des organes humains), ainsi que les modalités de la marchandisation (normes d’hygiènes associées, possibilités de vendre tel bien dans tel ou tel lieu). L’activité économique ne se fait pas dans le vide, mais selon ce que la société définit comme acceptable (les marchés ne se créent pas ex nihilo) : il est donc tout à fait possible de réguler différemment cette activité et de l’orienter vers une décroissance généralisée.

Une économie en décroissance produirait moins de bien et services (quantité, diversité, fréquence). Cela se traduirait par une baisse du PIB, mais spécifiquement aux dépens des activités socialement et écologiquement néfastes. Pour fonctionner, la décroissance doit viser :

  • L’allégement de l’empreinte écologique : le but est, à l’échelle de chaque territoire, de faire repasser la consommation de ressources en dessous des seuils de renouvelabilité. Pour ça, on vise une réduction ciblée des activités extractives et émettrices de CO2, avec des politiques d’interdiction et de désincitation : fermeture de lignes aériennes, taxes sur le kérosène, taxe progressive sur les vols en avion, taxes sur les SUV, interdiction planifiée des moteurs thermiques neufs, interdiction de la publicité pour les voitures, interdiction de la publicité pour les produits carnés …
  • De manière démocratique : l’objectif est de sortir du fonctionnement visant à la maximisation des profits pour les grands groupes : (re)nationalisation des monopoles naturels, organisation collective du démantèlement de certaines activités jugées nocives, transformation de d’autres activités en coopératives.
  • Dans un esprit de justice sociale : tout le monde n’émet pas les mêmes quantités de CO2. La décroissance doit viser une convergence entre pays et classes : les plus riches devront supprimer une part bien plus importante de leur empreinte écologique que les plus pauvres, qui pourront dans certains cas continuer de croître pour passer au dessus des seuils garantissant les droits humains.
  • Et dans le souci du bien-être des gens : le but de la décroissance est de préserver les activités à impact positif et le temps libre. Cela passe par une mise en commun des équipements, une primauté accordée aux activités associatives, la préservation de la Nature et des possibilités d’accès à icelle, et la garantie de l’accès à un travail socialement utile.

La décroissance est une phase, qui doit permettre d’atteindre une organisation de la société post-croissance, qui sera stationnaire et respectera toujours les 4 points mis en avant pour une décroissance fonctionnelle. Il peut y avoir des variations de production selon les moments, mais qui restent légères : le but est de rester dans le donut de Raworth, les gains de productivité sont toujours recherchés mais pour permettre de dégager davantage de temps libre.

  • L’économie est circularisée au maximum (réduction de la pression sur les ressources), l’éco-innovation permet d’améliorer là où possible l’efficacité des procédés, libérant des ressources (soit pour une autre activité, soit pour de la non-consommation : restitution de zones à la Nature).
  • L’expression des besoins pour savoir quoi produire passe par des comités/conventions plus ou moins locales, qui remontent et arbitrent les besoins des citoyen.nes. Les entreprises sont dirigées par leurs parties prenantes, et doivent justifier en quoi la production qu’elle proposent est socialement bénéfique (produits, process, à quels besoins ils répondent) avant d’avoir un accès au crédit (qui deviendrait un commun bancaire) et aux autres ressources
  • Pour garantir la redistribution, mise en place d’un héritage minimum garanti, touché à 18 ans, et d’une taxation progressive du patrimoine (ex, de 0,1% à 90%, en sept tranches). Revenu minimum garanti + taxation progressive sur les revenus, échelle des salaires dans les entreprises ou fixation des salaires par les employés et distribution des profits de chaque entreprise votée par les parties prenantes.

American elsewhere, de Robert Jackson Bennett

Roman fantastique US paru en 2013, par le même auteur que la trilogie de fantasy The Founders. Mona Bright découvre à la mort de ses parents que sa mère possédait une maison à Wink, petite ville du Nouveau Mexique qui n’apparait sur aucune carte. Wink se révèle une ville construite pour héberger les travailleurs du laboratoire Coburn, un laboratoire de physique expérimentale qui est désaffecté depuis de longues années. Mais les expériences du laboratoire ont été un succès : Wink n’est pas le foyer uniquement d’humain.es, mais aussi d’entités plus mystérieuses, qui ont passé un marché avec les humain.es : leur présence et leurs maniérismes sont acceptés, et en échange ils peuvent faire de Wink l’incarnation du rêve américain, où chacun a un pavillon et une pelouse parfaitement tondue.

Des éléments intéressants, mais le livre est trop long. Il y a tout un ventre mou de l’installation de Mona à Wink, qui aurait dû être réécrit et condensé. Le côté horreur cosmique est finalement seulement approché, les créatures d’outre-espace étant finalement pour la plupart bien disposées envers les humain.es. L’idée de rapprocher les idées d’American Dream et d’entités eldritch était un bon point de départ, mais n’est pas assez creusée. L’auteur s’approche un peu du sujet avec le fait que la compréhension des créatures fait qu’il est interdit de déroger à des règles qui incluent l’hétérosexualité et le sexe uniquement dans le cadre du mariage, mais s’en tire avec une pirouette sur les questions de race . Dommage, parce que ç’aurait été les thèmes les plus intéressants à creuser.

Pas désagréable, mais oubliable.

Blink twice, de Zoé Kravitz

Get Out x Les Chasses du comte Zaroff

Film étatsunien sorti en 2024. Dans un cocktail, deux serveuses sont invitées par un PDG milliardaire à les accompagner sur son île privée. Là bas, c’est fête non-stop dans un cadre paradisiaque, mais au bout d’un moment elles n’arrivent plus à savoir depuis combien de temps elles sont là, et sans arriver à mettre le doigt sur quoi, elles ont le sentiment que quelque chose ne va pas bien du tout.

C’était pas un désastre, surtout pour un premier film, mais il manquait quelque chose (spoilers ci-dessous).

Divulgâchage

Photo de groupe au bord du fleuve, d’Emmanuel Dongala

Roman paru en 2010. On suit un groupe de femmes qui produisent des graviers : la demande en gravier a augmenté suite au lancement de la construction d’un aéroport dans le pays. Le sac de gravier est revendu 3 fois plus cher qu’avant par les entreprises de construction, mais il est toujours acheté au même prix auprès des productrices. Elles décident alors de doubler le prix (de 10 000 à 20 000 francs, dans l’espoir qu’après négociation elles aient 15 000 francs/sac), mais les entreprises commencent par ne plus leur acheter de gravier, avant de revenir avec la police pour les menacer, en leur disant qu’elles sont antipatriotiques, ce qui finit par une travailleuse gravement blessée par la police. Ses camarade ne se démontent pas, et l’enjeu de la négociation va progressivement monter, alors qu’une réunion des premières dames d’Afrique est supposée parler de « la condition de la femme africaine ». Le collectif de travailleuses va donc être reçu par la ministre des droits des femmes, puis la première dame, qui vont tenter de les acheter pour faire cesser le mouvement et qu’elles affichent à la place un soutien à leurs politiques.

C’était sympa, ça change de mes lectures habituelles, c’est bien écrit sans que le style soit renversant non plus.

Dog day afternoon, de Sidney Lumet

Film étatsunien de 1975. Trois braqueurs tentent de dévaliser une petite banque de Brooklyn. Ça devait être un braquage rapide à l’heure de la fermeture, mais les choses déraillent rapidement : un des trois braqueurs n’assume pas les risques et s’enfuie, le coffre de la banque a été vidé l’après-midi même, et surtout le braquage est remarqué par des voisins, et la police arrive avant que les voleurs n’aient pu s’enfuir. S’ensuit une nuit de négociations où Sonny (Al Pacino) va discuter avec les forces de police, tenter de mettre la foule qui entoure la banque de son côté, échanger avec le personnel de la banque qu’il retient en otage.

Le film est inspiré d’une histoire vraie, et Al Pacino est très bon dans le rôle central (tout tourne autour de lui, son cobraqueur est présenté comme juste dans son orbite, pas très charismatique ni malin. C’est un Lumet donc on voit des gens (surtout des hommes) dans des clairs obscurs avoir des conversations en marcel et bras de chemise et transpirer, et Pacino excelle à ça. La scène où il met la foule de son côté en insultant les flics qui le pointe de leur arme par dizaine alors qu’il est seul et désarmé est très réussie.

The Bear, de Christopher Storer

Série télévisée dont la première saison est parue en 2022, 3 saisons so far, les deux premières très très bonnes, la troisième simplement bonne. Sans trop en révéler, on suit les vies des personnes travaillant dans le restaurant The Original Beef of Chicagoland. C’est de la restauration rapide, mais le propriétaire-gérant a changé récemment, et vient du monde de la gastronomie, ce qui ne va pas aller sans un certain clash des cultures.

J’ai pendant longtemps fait l’impasse sur cette série, parce que je pensais que c’était une série qui parlait de bouffe, que ça m’évoquait essentiellement de la téléréalité comme Top Chef, et que c’est vraiment pas qq chose qui m’intéresse (j’aime beaucoup la nourriture, mais ma relation à la nourriture implique de la manger, pas de la regarder à travers un écran). Laissez-moi donc dissiper ce malentendu si vous êtes dans le même cas de figure : ce n’est pas une série qui parle de bouffe. C’est une série qui parle de relations familiales, professionnelles et familialo-professionnelles. C’est une série qui parle de trauma, de vouloir exceller à quelque chose et des sacrifices que ça peut amener à faire. Ca parle de travailler dans un restaurant (duh), avec tout ce que ça implique de tâches qui ne sont pas juste de préparer de la nourriture, de la difficulté d’avoir un restaurant qui tient la route financièrement. Voilà pour les thèmes.

Pour la forme, c’est une série qui prend le temps de caractériser ses personnages et leurs relations. C’est aussi une série qui filme les personnages de très près (passion grain de la peau) et qui montre des personnages épuisés. C’est aussi une lettre d’amour à Chicago, avec une quantité de plans de coupe sur la ville incroyable (et comme tout se passe à Chicago, c’est pas pour situer l’action, c’est juste pour crier « Chicago »). C’est aussi une série avec une super bande-son (à forte composante rock des années 90), très très bien employée pour souligner la tension.

Si certain points de l’intrigue m’ont semblé un peu forcés/trop rapide (le plot-twist de la fin de la saison 1, le changement de posture de Richie après l’épisode Forks), globalement c’est quand même très bien écrit, avec des saisons 1 et 2 qui savent totalement où elles vont en termes d’arcs narratifs. Les épisodes Review et The Bear notamment sont très très réussis et la façon dont ils se répondent, ce qui a évolué ou non entre les deux est très bien exposé. En épisodes davantage one-shot, Fishes (qui sort du cadre du restaurant pour faire un flash-back sur un repas de Noël) et Forks (sur le passage de Richie dans un restaurant gastronomique) sont très réussis aussi. Le fait d’avoir toute une saison où le restaurant est en travaux est aussi assez magistral. La saison 3 perd la compacité d’écriture des deux premières, mais elle prend le temps de creuser les personnages

Les persos sont tous très bien écrits, avec évidemment le trio de tête Carmy/Sidney/Richie et l’ambiguïté qu’ils ont tous les trois en tant que perso qu’on peut à la fois adorer ou détester – un peu moins Sidney qui est moins flawed que les deux autres, mais aussi les persos secondaires : Marcus, Tina, Ibrahim sont des personnages crédibles, même avec peu de temps d’écran, et dans la famille étendue Berzatto, tous les personnages sont très réussis, que ce soit les tragiques comme Donna ou Mikey ou les comiques comme la famille Fak ou l’oncle Jimmy.

Bref, grosse reco.

Megalopolis, de Francis Ford Coppola

Film paru en 2024. Nous sommes à New Rome, capitale économique des États-Unis. La ville connait une crise économique et démocratique. Deux visions de l’avenir de la ville (ou de la Ville, comme allégorie de la Civilisation, c’est un film avec beaucoup de Majuscules) s’affrontent : celle du maire, Frank Cicero, partisan du status quo et de réformes progressives, et celle de Cesar Catilina, dirigeant de la commission d’urbanisme (qui dépend visiblement du niveau fédéral ou étatique, en tous cas il est totalement indépendant de la Mairie, au grand dam de Cicero), architecte visionnaire qui veut totalement changer l’architecture de la ville (mais plutôt genre Haussmann que révolution prolétarienne). Les deux visions sont franchement assez creuses : le maire reproche à Catilina son idéalisme mais ne propose rien en face – et le reproche d’idéalisme est fondé, Catilina dispose de pouvoirs et matériaux magiques (because why not), mais il fait surtout des Discours avec des Majuscules et détruit des quartiers d’habitation pour mettre toute la ville en chantier pour faire advenir son Utopie d’un seul coup.

S’ajoutant au débat d’idées, on a des relations familiales : Catalina est soutenu par son oncle Crassus, le banquier le plus riche du monde – et envié par son cousin Claudio, qui voudrait bien être l’enfant prodige de la famille à la place du calife. Catalina est hanté par la mort de sa femme dont il a été accusé (mais il n’est qu’indirectement responsable à cause de son workaholism), et adulé par deux femmes : la reporter Wow Platinum, aux dents très longues, et Julia, la fille du maire, ce qui va donner une coloration Capulet/Montaigu. On va parler dès maintenant des rôles féminins : ils sont nuls. C’est vraiment un quadrat muse/maman/putain/vierge. Les rôles des deux mères de familles sont rigolos mais ont droit à 30 secondes chacune environ. Audrey Plaza donne tout ce qu’elle a en Wow Platinum, mais elle doit se coltiner un scénario où elle est passionée par Catilina sans que ce soit justifié une seule seconde. En 2024, c’est quand même très dommage.

Ah, et les effets spéciaux numériques sont très laids, et y’a plein de bouts d’intrigues qui disparaissent en plein milieu ! Mais du coup, qu’y a-t-il à sauver dans ce film ?

Eh bien quand même pas mal de choses. C’est clairement pas le film de l’année ni le joyau de la carrière de Coppola, mais c’est un film qui ose plein de trucs. Y’a le côté collage de genre et d’époques : c’est Rome, c’est New York, c’est le trumpisme et les catilinaires (avec des citations in extenso du vrai Cicéron, notamment « jusqu’à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience »), c’est des décors Art Déco, avec des voitures qui font film noir/Métropolis, une vision du créateur démiurgique qui rappelle dans un style très différent Le Garçon et le Héron (mais on est sur des films testaments dans les deux cas), des costumes magnifiques (je pense que les costumes sont la partie la plus réussie du film), des splitscreens, une rupture du 4e mur, des passages où y’a juste des dessins projetés sur l’écran. C’est 15 000 trucs cités, autant testés, et y’en a qui resteront. Il y a quelques passages un peu long, mais c’est un film durant lequel il est difficile de s’ennuyer.

Aucune idée de si je le recommande.