Archives de catégorie : Culture/Procrastination

The Boys, d’Eric Kripke

Adaptation en série du comics éponyme. J’avais un peu peur de ce qu’une adaptation donnerait, mais j’ai trouvé ça très réussi. Ils ont gardé l’univers tout en s’éloignant des lignes narratives exactes du comics, et ça rend plutôt bien.
Pour décrire succinctement l’univers, les super-héros existent, en Amérique. Ils sont tous gérés par une entreprise, Vought American, qui s’occupe de leur image, de les placer en tant que protecteurs de tel ou tel endroit, et de gérer tout le merchandising et les lucratifs produits dérivés autour d’elleux. Derrière l’image resplendissante, les super-héros sont très majoritairement immoraux, et Vought est prête à tout pour augmenter sa part de profit, notamment en persuadant le gouvernement d’intégrer des super-héros dans le dispositif militaire des États-Unis.

Le personnage d’Homelander (un équivalent amoral et surpatriotique de Superman) est particulièrement réussi notamment.

Saison 2 :

La série continue à être fort bonne. La relation entre Ryan et Homelander est intéressante, l’évolution du personnage de Kimiko aussi. L’humanisation de Butcher est réussie, et j’aime beaucoup la force tranquille du personnage de MM. L’arc de l’instrumentalisation du coming out de Maeve par Vought est très réussi je trouve.

Sentiment mitigé sur le personnage de Stormfront : j’ai beaucoup aimé son début, mais la révélation de sa backstory est finalement un peu décevante : il aurait mieux valu selon moi qu’elle soit une version intégralement moderne de l’idéologie qu’elle porte, plutôt que d’avoir la facilité de dire « oh bah regardez avec qui elle fricotait, voilà une raison bien pratique de la considérer comme méchante ». De la même façon, je trouve Homelander plus intéressant quand il est une version non explicite des idéaux fascistes que quand il commence à littéralement sortir avec une fasciste qui reprend les discours de Goebbels. Le personnage de Stan Edgar par contre est parfait, ainsi que les trips de Hugh sur Billy Joel.

Et je suis perplexe sur la révélation finale : ça ne fait aucun sens que ce soit ce personnage qui ait ce pouvoir, l’utilisation du pouvoir qu’on voit durant toute la saison va totalement à l’encontre de son agenda affiché (ou alors, agent double placé par Vought ? Mais c’est un peu tiré par les cheveux comme histoire).

Saison 3 :

Un début un peu lent et du gore un peu gratuit, mais je suis content de ce qu’ils ont fait de la saison globalement. L’arc de Butcher et Hugh sous Temp-V est intéressant en terme de « tout pouvoir corrompt ». Le retour au status quo interne de l’équipe à la fin est un forcé, les évolutions radicale du côté de Vought sont plus intéressantes. L’arc du personnage de Kimiko est intéressant, Frenchie de moins en moins par contre. La trumpisation d’Homelander est réussie, l’agenda parallèle de l’agent dormant de Vought au gouvernement donne des pistes intéressantes pour une saison 4.

Rien à foutre, d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre

Film franco-belge de 2021. Cassandre est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Elle enchaîne les vols depuis Tenerife où elle est basée. Elle partage sa vie entre son boulot, des soirées en boîte et des coups d’un soir. Elle rêve de devenir hôtesse chez Emirates mais ne fait rien pour y parvenir, et tente d’esquiver la promotion que son chef lui impose.

J’ai bien aimé. Il y a un côté film social qui montre l’envers du décor des compagnies low-cost, mais en même temps Cassandre est contente de ce qu’elle trouve dans son boulot. Même si le film sort un peu le pathos pour montrer qu’elle s’est réfugiée là pour ne pas avoir à affronter la mort de sa mère, elle fait quand même parti du système, le fait tourner, et même si elle est empathique sur certains points, elle ne remet pas du tout en question le système global. Le film bifurque quand elle rentre dans sa famille et passe du temps avec son père et sa sœur à Huy, mais elle finit par repartir à sa vie d’hôtesse, en tentant d’entrer dans une compagnie de jets privés plus prestigieuse.

Globalement c’était sympa à regarder, quelques longueurs (surtout dans la partie du retour à la maison), mais le film vaut le détour

Nomadland, de Chloé Zhao

Film états-unien sorti en 2020, adopté du livre éponyme. On suit Fern, une femme qui vit dans un van aux États-Unis, suite à la désertification de la ville où elle vivait, dépendante d’une entreprise unique qui a fermé. Fern enchaine les petits boulots, pour Amazon, pour des coopératives de fermiers, en tant que gardienne d’un camping, vendeuse… Elle rencontre d’autres néo-nomades qui vivent sur les routes, servant de force d’appoint au capitalisme états-unien lors des périodes de rush, d’âge varié, incluant beaucoup de retraités sans pension.

Le film est beau mais – sans surprise au vu du sujet – un peu déprimant. Fern et les autres nomades sont fiers de leur style de vie et arrivent à trouver du bonheur dans le contact qu’ils ont avec la nature, leur style de vie particulier, leur éthique du travail, mais la vérité, et que Zhao met bien en avant, c’est qu’ils sont les dindons de la farce du néolibéralisme. Le film met en avant à la fois les paysages immense des États-Unis, que ce soit un parc national ou des routes qui s’étendent sans fin, mais aussi les entrepôts d’Amazon, les trailer parks, les sorties d’autoroute mal aménagées.

Je recommande, dans le genre « l’envers du rêve américain ».

Summerland, d’Hannu Rajaniemi

Uchronie fantastique. A la fin du XIXe siècle, la rencontre entre le spiritisme et la science rend possible la communication avec l’au-delà. L’Angleterre découvre que la préservation des âmes après la mort est possible, en fournissant aux esprits un point d’ancrage et un apport régulier d’énergie psychique. La société se réorganise autour de cette nouvelle conception de la mort : la reine Victoria règne depuis l’au-delà, les progrès en terme de médecine sont abandonnés (à quoi bon ?), l’usage des médiums louant leur corps aux décédés pour qu’ils reviennent socialiser avec les vivant se répand.

Au sein du monde de l’espionnage, les capacités de déplacement instantané et de discrétion à toute épreuve des esprits sont des plus appréciés. Les services secrets britanniques se divisent en une section vivante, la Winter Court, et une section défunte, la Summer Court, avec bien évidemment de la rivalité interservices. On suit Rachel White, une agente de la Winter Court, désavantagée à la fois par son statut de vivante et son statut de femme dans un monde très masculin et très classiste. White tente de conserver sa place dans le monde de l’espionnage alors que la guerre d’Espagne devient un point d’affrontement de plus en plus important entre l’Empire Britannique et l’URSS, où l’au-delà prend la forme d’une unique conscience agrégée autour du noyau de la personnalité de Lénine…

J’ai beaucoup aimé. Le côté « le Grand Jeu, mais avec des médiums » fonctionne très bien, les personnages, leur passé et leurs motivations sont réussis. Le fonctionnement de l’Univers est expliqué au fur et à mesure, l’histoire est prenante, en terme d’uchronie avec des éléments fantastiques c’est une réussite.

Dominium Mundi, de François Baranger

Roman de SF français sorti en 2013. En 2200 et des poussières, la Terre est revenue à un fonctionnement féodal. Suite à une guerre nucléaire, une grande partie du globe est inhabitable, l’Europe est le centre du pouvoir mondial, et s’est organisée en royaumes qui reprennent grossièrement ceux du Moyen-Âge, avec une papauté toute puissante qui chapeaute les royaumes. Le Vatican a envoyé une mission de colonisation dans le système d’Alpha du Centaure, la mission de colonisation a découvert une planète habitée par une espèce intelligente, et surtout, un tombeau surmonté d’une croix portant une figure humaine. Le Vatican déclare qu’il s’agit là du tombeau du Christ, qu’il faut aller le libérer des infidèles, et proclame la IXe Croisade.

Ce pitch me faisait plutôt envie, mais la réalisation laisse fortement à désirer. On voit venir beaucoup de choses à l’avance, les gentils sont très gentils, les méchants très méchants, tout est très militariste sans beaucoup de recul.

Je ne recommande pas.

Per qualche dollaro in più, de Sergio Leone

Western italo-ibéro-allemand de 1965, le second de La Trilogie des Dollars. Clint Eastwood et Lee Van Cleef jouent Manco et le colonel Mortimer, deux chasseurs de primes que tout oppose. Pour abattre El Indio, bandit récemment évadé, ils font difficilement alliance. Le film va mettre en scène le braquage de la banque d’El Paso par la bande d’El Indio, l’infiltration de cette bande par les chasseurs de primes, de multiples retournements de situation et des fusillades dans tous les sens.

C’est un excellent western, Leone est très bon pour faire monter la tension à partir de n’importe quel élément. La bande son de Morricone est parfaite comme d’habitude. Bon par contre c’est un western au premier degré, donc c’est l’affrontement de deux surhommes nietzschéens, qui font comme bon leur semble, le reste du monde servant de toile de fond à leur existence et l’intérêt étant dans leur affrontement à eux trois. Le film met totalement en scène la puissance qui émane des trois personnages principaux, qui d’un regard obtiennent ce qu’ils veulent de tout les autres (jusqu’à rencontrer un autre surhomme et là y’a de la tension puis la reconnaissance d’une valeur mutuelle). Ça marche très bien en tant que film mais c’est pas forcément politiquement très enthousiasmant comme vision du monde.

Porco Rosso, d’Hayao Miyazaki

Film d’animation japonais des studios Ghibli, paru en 1992. Je l’ai déjà vu un certain nombre de fois mais je le revois avec plaisir et je constate que je ne l’ai toujours pas chroniqué ici.

L’action prend place sur les îles de la mer Adriatique et dans l’Italie de l’entre-deux guerres. Les fascistes sont arrivés au pouvoir mais leur influence ne se fait pas encore ressentir dans les îles. La vie y est globalement tranquille, baignée de soleil et éloignée de l’influence gouvernementale, permettant l’existence d’une piraterie en hydravion qui rançonne les paquebots de passagers, et de chasseurs de prime qui combattent les pirates. Marco est un de ces chasseurs de prime. Ancien héros de guerre transformé en cochon anthropomorphe dans des circonstances inexpliquées, il vit sur une île isolé, sortant pour combattre les pirates et rendre visite le soir à Gina de l’hôtel Adriano, la femme d’un de ses anciens camarades d’escadrille mort au combat. L’arrivée d’un pilote américain bravache et se mettant au service des pirates en tant que mercenaire va forcer les événements à s’accélérer, et Marco à commander un nouvel avion à une usine milanaise, lui faisant faire la rencontre de Fio, jeune ingénieure déterminée.

C’est un excellent film. L’ambiance « période de calme entre deux guerres » est très bien rendue, il y a plein de plans qui sont là juste pour montrer de jolis décors et ça marche très bien. Les personnages sont réussis, il y a un esprit « code de l’honneur chevaleresque » et « rien n’est jamais très grave, les méchants vindicatifs se calment si on leur parle un peu fermement » qui fait très hopepunk dans l’esprit.

Girlfriends, de Claudia Weill

Film étatsunien de 1978. On suit la vie de Susan Weinblatt, une photographe indépendante newyorkaise. Le film s’ouvre par le départ de sa colocataire, qui – alors qu’elles devaient aménager ensemble dans un nouvel appart – se marie et déménage en dehors de New York. Susan galère à trouver sa place dans la vie, entre un sentiment de solitude dans sa vie perso (elle flirte avec un mec un peu idiot à une soirée, elle a un début d’aventure avec un rabbin marié qu’elle fréquente pour son boulot), et des difficultés dans sa vie pro (elle tente de percer comme photographe en vendant des photos à des revues d’art, mais elle vit surtout de commandes alimentaires en photographiant des bar-mitzvah).

J’ai bien aimé. C’est un film « tranche de vie » assez réussi. On voit la vie de Susan, ses relations avec ses amies, la tension avec le style de vie plus installé de son ancienne coloc qui n’est pas très heureuse de ses choix non plus. Je recommande.

Into the Forest, de Jean Hegland

Roman étatsunien post-apocalyptique apaisé sorti à la fin des années 90. On suit deux sœurs, Eva et Nell, qui vivent dans une maison isolée dans la forêt, pas loin de la ville de Redwood en Californie du Nord. La civilisation industrielle s’est effondrée pour des raisons non-explicitées, les chaînes logistiques se sont défaites, l’essence est devenu introuvable dans la région, et peu à peu les gens se sont retrouvés isolés, l’électricité et tous les réseaux sont devenus de plus en plus erratiques puis se sont totalement éteints. Ça a visiblement été la merde dans les villes, mais vivant à l’écart, Nell et Eva ont été globalement épargnées. Le récit est posté par Nell, qui écrit ce qui se passe dans un journal. L’écriture est très réussie. Elle parle de leur vie avant et après l’effondrement, de la mort de leurs deux parents, de leur trauma, de leurs émotions d’ados dans les deux mondes, de leur quotidien, de leur déni de ce qui arrive.

J’ai bien aimé (avec un caveat, voir plus bas). C’est une take intéressante sur l’effondrement, la version « le merdier est (globalement) en arrière plan, et on voit surtout les choses à hauteur d’yeux d’ados qui était déjà éloignées de la société à la base, scolarisées à la maison et avec des parents assez autarciques. Elles sont quand même affectées par la disparition de l’électricité, de leur capacité à avoir une sociabilité avec les enfants de la ville, la mort de leurs parents. Elles ne sont pas non plus totalement isolées donc elles vont avoir quelques contacts avec des personnes extérieures et ne pas totalement vivre juste entre elles (même si j’ai trouvé les interactions extérieures post effondrement un peu trop clichés).

Comme je disais, on est sur du post-apo apaisé, mais c’est pas non plus du solarpunk : c’est la merde à grande échelle, y’a des événements dark qui se passent même localement, l’autonomie alimentaire des protagoniste n’est pas du tout assurée, elles ont du bois pour le feu mais c’est leur seule source d’énergie. Bon et quand même un point WTF de ce bouquin c’est qu’il y a une scène d’inceste entre les deux soeurs. Une scène qui n’apporte rien au bouquin, n’est pas précédé de signes annonciateurs, n’est plus mentionné après. C’est genre un paragraphe, ça aurait pu ne pas être là et le roman était le même en mieux (littéralement, je me demande si on ne peut pas clamer « auctorialité partagée », éditer le fichier et sortir une version du roman avec juste ce paragraphe en moins. I might do that.)

Parlement, de Noé Debré

Série humoristique sur le fonctionnement du Parlement Européen. C’est multilingue et plutôt bien filmé. La première partie est bien, elle réussit à être pédagogique sur l’UE sans être trop didactique et en restant drôle. La série n’hésite pas à taper sur les différents gouvernements et pays-membres de l’UE. Par contre la deuxième partie s’enlise dans les tentatives de séduction du héros sur une de ses collègues, ce qui ne fait une histoire ni très intéressante ni très originale, c’est dommage. Les épisodes 9 et 10 relèvent un peu le niveau, mais la série gâche trop de temps sur cette romance de façon globale.

Mentions spéciales au personnage d’Eamon, le fonctionnaire impassible fan de Sénèque, et à celui d’Ingeborg, l’opposante politique impitoyable.

Saison 2 :
J’ai trouvé cette seconde saison plus réussie que la première. Les intrigues amoureuses prennent moins de place, ce qui est bienvenu. Le personnage principal a plus d’expérience du fonctionnement des institutions donc on est moins dans le didactique, et j’ai l’impression que la série s’offre plus de fantaisie (mais il faudrait que je revoie la 1 pour comparer). Changer la député de référence du personnage principal pour une députée plus énergique que dans la saison 1 permet aussi d’avoir une histoire plus dynamique.