Tous les articles par Machin

Spencer, de Pablo Larraín

Film sorti en 2021. L’action se passe à Noël 1991, sur les trois jours que la famille royale anglaise passe dans un château à la campagne, suivant scrupuleusement un certain nombre de traditions. Nous suivons le point de vue de Diana née Spencer (jouée par Kristen Stewart), épouse du Prince Charles et particulièrement mal à l’aise dans le cérémonial exigé d’elle par les traditions. Elle se retrouve perpétuellement en retard, à contre courant, incapable d’avaler quoi que ce soit durant les repas cérémoniels, voulant se promener alors que la Couronne veut contrôler chaque image que les paparazzi pourrait prendre, s’opposant à la chasse aux faisans traditionnelle… Elle lutte comme elle peut, consciemment ou non, contre l’impression (et la réalité dans certains cas) de ne plus avoir de contrôle sur sa vie, et plus elle se débat, plus des mécanismes se mettent en place pour contrôler plus finement son comportement : ça fait un film en tension perpétuelle, ou chaque acte est négocié.

En plus de Diana elle-même, on voit occasionnellement le point de vue de différents membres du personnel, qui sympathise plus ou moins avec la princesse de Galles, mais doivent aussi faire en sorte que le séjour se déroule comme il est supposé se dérouler. On voit le chef cuisinier, les différentes habilleuses de Diana, le chef du protocole. Diana a aussi des visions d’Ann Boleyn, épouse d’Henry VIII, qui a été exécuté pour que le roi puisse librement vivre sa liaison avec sa maîtresse : Diana se sent coincée dans le même rôle. Pour survivre à la tension, le film ménage quand même quelques échappées : les échanges de Diana avec ses fils, avec une de ses habilleuses – et le court séjour sur la côte qui s’ensuit – et l’échappée finale, quand Diana retourne à Londres et peut revenir à ce qui lui semble une vie normale.

J’ai bien aimé. La façon dont c’est filmé confine au film d’horreur par moment, ce qui est raccord avec le thème de l’héroïne coincée dans un environnement hostile et observée de toutes parts. Les décors sont très beaux dans le style château anglais pompeux et figé dans un paysage gris. Le film dure 2h, je pense qu’il aurait pu être raccourci un peu (mais tbh je pense ça de quasi tous les films de 2h).

Foundation, de David S. Goyer et Josh Friedman

Série sortie en 2021, adapté très librement des romans d’Asimov. Au sein d’un empire galactique, Hari Seldon, mathématicien, pose les principes de la psychohistoire : une science qui peut statistiquement prédire l’avenir. Et au vu des tendances, l’Empire va prochainement s’effondrer, laissant place à 30 millénaires de barbaries. Mais il serait possible de réduire cette période en suivant méticuleusement un Plan sur un millénaire, permettant à une petite colonie missionnée pour conserver la connaissance scientifique de fédérer à nouveau un Empire à l’échelle galactique après seulement 1000 ans.

Globalement c’était joli. On sent que y’a de l’argent pour les décors et c’est sympa de voir de la SF avec des décors variés et qui semblent à la fois réalistes, grandioses et aliens. Concernant l’histoire par contre, j’ai été assez peu enthousiasmé : trop de lignes narratives, trop de détails qui se concentrent sur la vie de quelques personnages clefs alors que le point clef du concept c’est quand même que les choses ne reposent pas sur les actions individuelles mais sur les mouvements de masse. J’ai été notamment très saoulé par le dernier épisode de la saison dont j’ai eu l’impression qu’il était constitué très majoritairement de gens qui font des discours plutôt que d’une mise en scène de l’action. Après pour autant j’ai regardé toute la saison : ça reste suffisamment plaisant à regarder pour compenser le manque de fond, si on veut une série reposante et esthétique (et je dis ça non ironiquement : parfois c’est ce qui fait plaisir, et ça avec une esthétique SF ça me bien). Je serai pas forcément convaincu sur la durée et je la classerais pas dans les séries à voir absolument, mais c’était pas désagréable.

La Place, d’Annie Ernaux

Court texte de 1982 qui revient sur la vie du père d’Annie Ernaux. L’autrice raconte la jeunesse de son père dans la campagne normande, sa vie sous l’Occupation, les magasins successifs qu’il tiendra avec sa femme. Elle raconte le rapport de ses parents à la réussite sociale, à son éducation à elle, la distance qui se creuse avec son père quand elle devient enseignante.

C’était court, j’ai l’impression que le livre gagne à être lu une fois qu’on a lu d’autres textes autobiographiques d’Ernaux (je recommande toujours Les Années) qui donnent du contexte à celui-ci, sinon c’est un peu trop fragmentaire. Mais il est intéressant à lire, je le rapproche de Qui a tué mon père ? d’Édouard Louis pour le côté biographie du père + réflexion transclasse

Last Night in Soho, d’Edward Wright

Film anglais de 2021. Ellie, jeune étudiante en design fraichement débarquée à Londres depuis sa campagne anglaise, loue une chambre dans une pension et commence à avoir des visions de l’occupante de la chambre dans les années 60, Sadie. D’abord émerveillée par le côté glamour de la période, elle réalise rapidement que le monde du spectacle de l’époque est entremêlé avec celui du crime et de la prostitution et que la misogynie y est omniprésente.

Plein de très bons éléments, un excellent début notamment : toutes les séquences de vision/rêve d’Ellie sont très réussies, le côté onirique est très bien rendu par l’alternance spectatrice/participante au rêve et par le côté non linéaire. Le jeu sur les reflets dans les miroirs était très bien trouvé aussi, dommage qu’il disparaisse au bout d’un moment.
Par contraste avec le début très réussi, j’ai trouvé que la seconde partie avait beaucoup plus de longueurs et un peu trop de changements de genre/retournements de situation, ce qui perd un peu le spectateur. Visuellement ça reste très réussi tout du long, mais je pense que l’histoire aurait pu être simplifiée un peu et le film gagner une vingtaine de minutes.

Randonnée au Sidobre

Randonnée sur la journée dans le massif du Sidobre. Belles couleurs d’automne, jolis rochers. Paysages principalement forestier avec pas beaucoup de vues différentes par contre, j’aurais bien voulu un peu plus de variabilité.

Lac du Merle
Gros caillou vu de dessous
Ombre chinoise
Chariot
Rocher de l’oie
Forêt
Route forestière
Lac du merle
Les Trois Fromages
Arbres à l’automne

Julie & Julia, de Nora Ephron

Film états-unien de 2009. On suit en parallèle la vie de Julia Child, la femme d’un attaché diplomatique américain qui décide alors qu’elle vit à Paris dans les années 50 de prendre des cours de cuisine française et va rédiger un livre de cuisine qui va populariser la cuisine française aux USA, et en 2002 celle de Julie Powell, une new-yorkaise qui va réaliser en un an l’ensemble des 500 et quelques recettes du livre de Julia Child tout en tenant un blog sur le sujet.

Julia Child est jouée par Meryl Streep et c’est toujours sympa de voir Meryl Streep qui trippe dans un rôle d’américaine exubérante, et le parallèle entre les deux femmes et les époques étaient intéressantes. Après j’ai un peu de mal avec le côté « un récit de vie qui montre qu’avec de la volonté et de la motivation on peut réaliser ses rêves : Julia est clairement dans un milieu bourgeois, le film ne s’en cache pas, mais pour Julie elle est coincé dans un job administratif relou et la solution c’est de rédiger un blog parce que y’a pas de barrière d’entrée, et de se tenir à son projet : désolé mais les blogs ça n’existe pas dans le vide, même si le film ne le montre pas il y a dû y avoir tout un process de publicité du blog en question, elle n’a pas juste réussi à s’imposer à la force du poignet sur « the marketplace of ideas » ou whatever.

À part ce point qui m’a quand même fait pas mal râler, c’était sympa de voir le film, de voir la mise en scène de la nourriture (même si c’est un peu présenté comme un truc magique et enchanteur libéré des contingences matérielles, on a juste à un moment Julie qui remarque que la cuisine de son appart est pas du tout adapté pour faire les recettes du livre, j’aurais bien voulu voir cet aspect davantage creusé).

Explorations urbaines, de Julien Martin Varnat

Essai qui parle de la pratique de l’exploration urbaine. L’auteur revient sur la généalogie du terme, comment une pratique assez large à la base s’est contractée dans son acceptation grand public pour signifier spécifiquement l’exploration de bâtiments abandonnés, qu’ils soient en contexte urbain ou non d’ailleurs. Mais à la base et dans certaines des pratiques que l’auteur relate (et met en application) c’est une exploration plus large de tous les espaces d’une ville, en refusant l’aspect « un espace = une fonction » et en empruntant des parcours non majoritaires.

L’auteur pointe aussi comment l’exploration de bâtiments abandonnés (qu’on va nommer urbex pour simplifier) peut adopter des codes virilistes, avec une performance de la capacité à s’introduire, à atteindre des espaces le premier, et à documenter cette performance, documentation qui rentre en contradiction avec un certain culte du secret dans la collectivité. Les autres formes d’exploration urbaines incluent le place hacking : s’introduire dans des immeubles, des cérémonies, des toits, des caves… sans ques les espaces soient forcéments abandonnés, juste se trouver là où l’on est pas supposé. Il parle aussi des promenades situationnistes, des marches exploratoires à travers la ville : l’exploration urbaine peut-être une déambulation sans introduction ou dépassage de barrière, juste pour appréhender des espaces que l’on ne traverse ou on ne regarde pas habituellement. L’auteur revient aussi sur sa propre pratique à Clermont, avec le groupe du Grand Lustucru, collectif informel qui pratique cette exploration urbaine déambulatoire. Il parle aussi de la pratique des sentiers de randonnée urbain et de comment ces pratiques peuvent être réintégrées dans des approches plus acceptées comme la randonnée.

J’ai bien aimé, c’était particulièrement intéressant pour la réflexion que ça me permet sur mes propres pratiques ; je ne fais plus énormément d’urbex ni de déambulation urbaines ces derniers temps mais ça m’attire toujours et je trouve ça intéressant d’avoir une réflexion dessus, qui soit justement un peu détachée de ce culte de la performance et de la mise en scène que l’on peut trouver chez Lazar Kuntzman ou Psychoze.

Warhol invaders, de Nicolas Labarre

Uchronie française publiée en 2021. En 1968, deux ingénieurs informatiques présentent un prototype de console de jeux à Andy Warhol. Celui-ci va saisir le potentiel de l’objet et le commercialiser. Avec des décennies d’avances, l’informatique personnelle va s’imposer au monde, bousculant la géopolitique internationale, le mouvement hippie/libertaire, les élections américaines…

J’ai beaucoup aimé. C’est une uchronie pour un public de niche, mais je suis pile dedans je pense. Ça parle de philosophie du libre vs systèmes fermés, bulles de filtre et analyse statistique massive, détournement des idéaux initiaux et stratégies commerciales. L’essentiel de l’histoire se déroule en Amérique, mais l’auteur inclut toute une partie en Touraine, ce qui marche assez bien comme décalage du regard.

Grande recommandation, univers original et uchronie technique très bien menée.

The French Dispatch, de Wes Anderson

Film états-unien de 2021. Le film présente cinq histoires, reprenant les cinq articles publiés dans le dernier numéro du magazine fictif The French Dispatch, le supplément sur la France et rédigé en France d’un journal du Kansas. Wes Anderson déploie dans les différentes histoires des visions d’une France correspondant à ses grands clichés, entre cuisine, film noir, révolte étudiante et artistes fous.

Le côté film à vignettes avec des variations de cadrage, de médium, de colorisation m’a un peu fait penser à Kill Bill, dont l’histoire ne part bien sûr pas du tout dans les mêmes directions, mais qui a un peu ce même côté « grosse variabilité du medium ». Il se passe beaucoup de chose dans le film, ça parle beaucoup, les tableaux sont denses avec beaucoup de détails, il demande un effort de concentration à voir. C’était sympa mais le côté vignettes m’a un peu laissé sur ma fin, j’aurai préféré une histoire qui se déploie sur l’ensemble du film, et le côté France fantasmée m’a fait sourire mais sans m’emporter totalement : c’est rigolo d’avoir une espèce de territoire onirique qui est à la fois un charmant petit village et une version over the top du Paris des années 60/70 renommée Ennui-sur-Blasé, mais ça fait pas une histoire pour autant, à mon sens. Dans les influences, je trouve aussi que le descriptif de la ville et toute l’enquête policière à base de nourriture ont un côté très Orphelins Baudelaire, aussi.

J’ai passé un bon moment devant, mais ce n’est pas mon Wes Anderson préféré pour autant.