Tous les articles par Machin

Shin Godzilla, de Hideaki Anno et Shinji Higuchi

Film de kaiju sorti en 2016, qui reboote la franchise Godzilla. Une créature gigantesque est repérée dans la baie de Tokyo et commence à entre dans la ville et à la détruire. On suit les efforts du gouvernement japonais pour comprendre la situation puis lutter contre la créature, tout en étant paralysé par sa bureaucratie et son inféodation aux États-Unis.

J’ai beaucoup aimé. Le design de la créature qui utilise des effets spéciaux manuels est très cool, les plans sont originaux, le point de vue sur/depuis la machine bureaucratique qu’est le gouvernement aussi, comme le fait de centrer les enjeux sur la menace de la radioactivité et de l’ingérence des autres pays plutôt que sur la menace que fait peser le kaiju sur la ville. Très bonne surprise, grosse reco.

Terra Nil, du studio Free Lives

Jeu vidéo sorti en 2023. On joue une mission chargé de réhabiliter des écosystèmes dévastés. Le jeu fonctionne comme un city-builder, mais on ne construit que quelques bâtiments (des sources d’énergies renouvelables et des petites infrastructures), que l’on devra toutes démanteler à la fin de la mission, le but étant de réintroduire des plantes puis des animaux dans l’écosystème. C’était sympa sans être d’une énorme complexité (5-6h de jeu sans faire les cartes alternatives), ça crée de jolis paysages, avec une carte déserte et quasi statique à la base qui s’anime de plus en plus au fur et à mesure qu’on réintroduit des végétaux puis des animaux.

Je recommande pour un petit jeu zen.

Billy No-Mates, de Max Dickins

Essai paru en 2022. Alors qu’il envisage de demander en mariage sa partenaire, l’auteur réalise qu’il ne sait absolument pas qui prendre comme garçon d’honneur. Il réalise qu’il n’a pas vraiment parmi les personnes qu’il fréquente d’hommes dont il se sent vraiment proche. Il va alors partir dans une quête pour redécouvrir le vrai sens de l’amitié et réaliser que les vrais amis sont le trésor qu’on s’est fait le long du chemin. Wait. Non.

Globalement c’est un essai où l’auteur discute de ce qu’est l’amitié, notamment l’amitié entre hommes et la difficulté de se faire des ami.es à l’âge adulte et quand on a été éduqué pour être émotionnellement distant. C’est très scénarisé avec le fil rouge de la quête du garçon d’honneur et beaucoup de blagues (l’auteur a été stand-uppeur). C’est par moment un peu agaçant, et je pense que le livre aurait bénéficié de peut-être un peu plus d’apport de la théorie féministe (même si c’est loin d’être un livre masculiniste, j’ai quand même un peu tiqué sur la citation sans remise en contexte de Jordan Peterson, masculiniste connu) et plus généralement parle uniquement des mecs cis blancs des pays occidentaux sans trop le préciser (mais je suis dans cette démographie donc ça m’allait bien), mais ça parle de plein de sujets intéressants.

J’en retiens notamment les éléments sur la sociabilisation face à face (on se parle) vs côte à côte (on fait des trucs ensembles) qui se corrèle bien avec le genre (et je me reconnais fort dans la seconde). Y’a toujours un caveat dans ce genre d’affirmation qu’il ne faut à la fois pas les essentialiser (c’est de l’éducation, pas de la génétique) et pas les généraliser (pas toutes les personnes s’identifiant comme hommes ne correspondent à cette sociabilisation, pas toutes les personnes s’identifiant comme femmes dans la sociabilisation face à face), ce que l’auteur fait plutôt bien en rappelant notamment que les amitiés masculines peuvent prendre d’autres formes selon les pays et les époques. Mais un pattern répandu pour les hommes (cis, je suppose) des pays occidentaux est que la forme de leur sociabilisation passe par le partage d’activités, et le plus souvent en groupe plutôt qu’en bilatéral. C’est une configuration qui incite moins de base à parler de ses émotions, mais c’est la configuration qui fonctionne pour eux et qui peut mener à les partager à terme. Le passage sur le fait qu’une conversation téléphonique n’améliore pas la qualité d’une relation amicale entre hommes cis (alors que ça fonctionne chez les femmes cis) et qu’elle vont donc tendance à se focaliser sur le fonctionnel résonne aussi pas mal.

Partant de là, le hack des « men’s shed » me semble assez bien pensé : globalement, ce sont des espaces qui proposent des activités (réparation d’objets, jardinage, autre), ce qui va sembler une façon acceptable de sociabiliser aux hommes, et les pousser à sortir de leur isolement (là où proposer un pur espace de discussion, voire pire, dire « il semble que vous avez un problème d’isolation » ne fonctionne pas (vrai bonhomme n’a pas de problème et est autonome).

La partie sur la répartition des relations sociales (petit cercle de personnes très proches d’environ 5 personnes, puis un cercle de 15, de 45 et de 140) et le fait que les gens se retrouvent à un niveau ou un autre selon le temps que l’on consacre à notre relation avec elleux est aussi super intéressant : le temps étant une ressource finie, faire apparaître de nouvelles relations en fait disparaître d’autres (sauf si on arrive à compresser du temps solo passé à regarder des séries ou lire, mais ça peut rapidement être incompressible).

L’auteur discute aussi le manque de script sociaux pour la sociabilisation amicale : les relations romantiques et familiales bénéficient de cérémonials, de tonnes d’exemples dans la culture, l’amitié beaucoup moins. Du coup c’est souvent l’amitié qui est sacrifiée aux autres relations parce que considérée comme moins importante, et qui a plus de mal à se remettre sur pied parce qu’il n’y a pas de façon canonique de relancer les choses. Pour les hommes, c’est encore compliqué par le fait que dans nos sociétés, être occupé est valorisé, donc on a X trucs à faire en //, on n’a pas le temps de venir aux événements amicaux, encore moins de les organiser, et du coup les gens s’éloignent progressivement. En plus, le mode relationnel masculin majoritaire est la compétition et l’ironie : ça n’aide pas pour la partie discussion des sentiments (mais tbh je sais pas si c’est l’auteur ou l’Angleterre en général le problème, mais j’ai l’impression que le problème est quand même largement moins pire pour moi que la situation qu’il décrit).

Bref, qu’en retiens-je ? Les amitiés demandent du temps à y consacrer, et idéalement pour moi, du temps en présentiel et autour d’une activité. Pour kickstarter de nouvelles amitiés masculine, la recette magique est de commencer par une activité partagée (l’auteur parle des chorales parce que c’est une des rares activités masculines non-compétitives, mais je pense que de mon côté ça va être réinscription dans un club d’escalade). Loin des yeux loin du coeur s’applique bien, mais le fait de prendre du temps pour entretenir les amitiés en prenant le temps de prendre des nouvelles et d’organiser des activités fonctionne tout aussi bien pour les remettre sur pied.

Je recommande la lecture.

Dredge, du studio Black Salt Games

Jeu de pêche horrifique paru en 2023. On joue un pêcheur dans un petit archipel, dans un monde qui rappelle les années 1920/30, avec une vibe distinctement lovecraftienne. On navigue entre les différentes îles pour pêcher des poissons de différents écosystèmes ou leurs versions corrompues. En même temps, on récupères des reliques pour un mystérieux collectionneur dont il est clair très rapidement qu’il a les intention les plus shady du monde. Et chaque nuit, le brouillard se lève et des créatures mystérieuses rodent dans la brume et tentent de défoncer notre bateau.

C’était cool. Fini en deux-trois soirées dessus, j’ai bien aimé l’ambiance et c’était la bonne durée.

La norme gynécologique, d’Aurore Koechlin

Essai de sociologie paru en 2022. L’autrice montre comment en France, le rapport majoritaire des femmes à la gynécologie est une norme construite et renforcée par les échanges entre les femmes et les gynécologues avec lesquel.les elles interagissent : le fait de considérer les consultations de gynécologie comme devant être régulières, répétées, même en l’absence de pathologie, et de préférence avec un.e gynécologue fixe qui connaîtra à terme sa patiente.

Plus spécifiquement, la norme gynécologique repose sur deux autres normes : la norme contraceptive (à partir de l’entrée dans la sexualité hétérosexuelle et jusqu’à leur ménopause, les femmes sont supposées avoir un moyen de contraception, et de préférence la pilule (Aurore Koechlin parle de « pilulocentrisme ») ; et la norme préventive, où le suivi régulier est justifié par le fait de détecter en amont un certain nombre de pathologies (cancer du sein, cancer du col de l’utérus…)

Le livre montre que l’adhésion à cette norme gynécologique est variable et nécessite un travail important de la part des praticien.nes pour faire revenir les patientes (technique de la « carotte » avec la prescription des pilules notamment), et que les consultations gynécologiques sont le lieu d’échanges et de rapports de force entre patientes et praticien.nes, qui vient remettre en cause le modèle descendant de la médecine, et ce d’autant plus depuis « la crise des violences gynécologiques » qui a eu lieu en 2017.

The Killing Moon, de NK Jemisin

Roman de fantasy publié en 2012. Dans un pays de fantasy inspiré par l’Égypte antique, les prêtres de la Déesse des Rêves peuvent recueillir les rêves des gens pour alimenter une magie de guérison. Un tribut en rêves est donc requis de tous les habitants du pays, et une caste spéciale de prêtres va récupérer les rêves de ceux qui refusent de les transmettre ou qui sont incapables de le faire car trop malade ; dans ce cas, la collecte des rêves se solde par la mort du rêveur. Ces prêtres servent aussi d’exécuteurs de justice, éliminant les personnes « mauvaises ». Mais comme tout système, celui ci peut être détourné, et va être mis au profit des ambitions du prince du pays…

Pas très convaincu, y’a des faiblesses d’écriture et des longueurs. Au delà des prêtres, le pays n’est pas très incarné, et tous les personnages ressemblent à des archétypes plus qu’à des personnes particulières.

Superliminal, du studio Pillow Castle Games

Jeu vidéo d’énigmes paru en 2019. En testant une thérapie du sommeil expérimental, le personnage joué se retrouve coincé dans un rêve perpétuel. Pour s’en échapper il va falloir résoudre des énigmes qui fonctionnent pas mal avec de la « dream logic » : On peut changer la taille des objets en les attrapant et en les posant plus loin de notre point de vue, il est possible de pénétrer dans certaines ombres, certains objets sont des illusions d’optique…

La mécanique est intéressante mais ça manque un peu de longueur et d’histoire.

Night Sky, de Holden Miller

Série télé de 2022, annulée après une saison. Les York, septuagénaires vivant dans l’Illinois, ont dans leur jardin un secret : un téléporteur qui les amène dans un poste d’observation sur une autre planète. Ils n’ont jamais osé sortir du poste d’observation, n’ayant pas de garanties que l’air extérieur est respirable. Mais un jour, Irène trouve un homme blessé dans le poste d’observation…

J’aime beaucoup les deux acteurs principaux et je trouve que faire une série de science fiction avec des personnages principaux âgés est bienvenu, mais bon il se passe quand même pas grand chose, la série passe son temps à donner des indices sur de plus grands mystères qu’on ne verra finalement jamais puisqu’elle a été annulée. Sympa pour les performances d’acteurs et ce qu’on devine des mystères généraux, mais ignorable dans l’ensemble.