Roman de science-fiction français paru en 2022, inspiré des travaux de Bernard Friot sur le salaire à vie. Dans un futur indéterminé, le capitalisme (et plus généralement le propriétarisme) a été abattu (au moins à l’échelle d’un pays). Les gens vivent selon les principes de la Déclaration d’Antonia, un texte énumérant un certain nombre de droits pour les humains mais aussi pour le reste de la biosphère. On va suivre dans ce monde la vie d’Umo, de son enfance dans un petit village jusqu’à sa vieillesse dans un autre village qu’il a contribué à fonder. Entre temps Umo aura vécu dans différentes ville du pays, dont Antonia, fait des études à différentes périodes de sa vie, été électricien pour une entreprises qui construit des lampes, technicien son pour une troupe de musiciens, électricien pour une commune, professeur, tiré au sort pour l’assemblée générale d’Antonia, préparateur de commandes pour la logistique d’une commune, balayeur dans un cinéma. Il aura aimé et vécu avec une petite dizaine de personnes, dans diverses configurations.
Globalement, c’est sans surprise un roman à thèse, comme Ecotopia ou Les Dépossédés. La vie d’Umo nous permet de voir les différents aspects du fonctionnement d’Antonia, en parcourant un peu le pays. C’était sympa à lire, le côté utopie est cool, et la vie sentimentale d’Umo fait un fil conducteur intéressant (l’auteur.e insiste pas mal sur ce point, avec la formule « l’amour c’est du travail, le travail c’est de l’amour » qui revient comme un leitmotiv).
Quelques points négatifs cependant : le premier, c’est de la faute de la maison d’édition, il reste des coquilles dans le bouquin, et franchement ça sort de la lecture. Pas cool. Le second, plus de fond, c’est que cette utopie… fonctionne trop bien. Dans Les Dépossédés, ce qui marche particulièrement bien c’est que Le Guin creuse quand même pas mal les cas limite et comment les bonnes intentions de la révolution initiale peuvent quand même se fossiliser et recréer des structures de pouvoir. Ici, même s’il y a la question de la proposition Amistad, ça reste quand même assez léger, tout fonctionne très bien. Peut-être aurait-il plus fallu creuser aussi la question des infrastructures : y’a des trains, des ordiphones personnels (et un réseau qui les sous-tend), même avec une population fortement réduite ça demande quand même des chaînes logistiques à grande échelle qui paraissent peu compatibles avec le reste de l’idée de la déclaration d’Antonia. Enfin beaucoup de conso d’alcool et de cannabis. Pas un souci en soi mais un petit focus sur la gestion des addictions aurait été bienvenu.
Overall ça reste quand même une lecture intéressante, toute la partie sur le salaire à vie, le logement et la nourriture conventionné fonctionnent bien.
Une réflexion sur « Eutopia, de Camille Leboulanger »